N°122 - La paix intérieure

N°122 - Hiver 2016 - Somasekha, Dominique Schmidt, Marianne Dubois, Isabelle Padovani, Thich Nhat Hanh, Soeur Catherine, Edouard Salim Michael, Frère John Martin Sahajananda, Suyin Lamour, Martine Régis, Jean-Marc Mantel, Kaveen, Pascal Hastir, Welleda Muller, Nicolas de Cues, Miguel Molinos, Shrî Aurobindo, Ramana Maharshi, Huib Limberg, Anna Guégan, N. Céliolisa

NUM122
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N° 122   -   Hiver 2016

Thème :  La paix intérieure

Sommaire

 
3e millénaire : Le fil d’Ariane
Somasekha : La Paix que nous sommes
Dominique Schmidt : La Paix, Mythe ou Réalité ?
Marianne Dubois : Confiance dans la Vie
Isabelle Padovani : Une voie vers la paix, la Communication Non Violente
Thich Nhat Hanh : Travailler pour la Paix
Soeur Catherine : La paix intérieure, refuge fermé ou foyer rayonnant ?
Edouard Salim Michael : Une Paix qui n’est pas de ce monde
Frère John Martin Sahajananda : La Paix est notre véritable nature
Suyin Lamour : Nous sommes la Paix que nous cherchons
Martine Régis : Confrontation en soi pour une paix durable…
Jean-Marc Mantel : Cela qui voit
Rubriques :
Approche de la Méditation :        
Perception. Qui perçoit ? de Kaveen
Témoin d’Éveil :
Pascal Hastir : Au-delà de la souffrance, éveil à la douceur de la présence
Psychologie transpersonnelle dans l’Art, par Welleda Muller : A la recherche de la Paix intérieure
Documents :
Nicolas de Cues :  La Paix de la Foi - “De pace fidei”
Miguel Molinos : Le Quiétisme - voie de la paix intérieure
Shrî Aurobindo : La paix immuable selon la Bhagavad-Gîtâ
Ramana Maharshi    : Le Soi est la Paix
Portfolio :
Photographies de Huib Limberg
BD :        
Anna Guégan : Techniques électriques
N. Céliolisa : La guerre en Moi

Un fil d'Ariane vers la paix intérieure

La paix
La “Paix” dont on ne veut surtout pas...

Les informations médiatiques, qui affluent de toutes parts, ressassent que nous sommes toujours en guerre, que le monde n'est que conflits... La paix est une vague espérance peu crédible... Les avancées technologiques en matière de défense montrent d'ailleurs, avec une grande constance, leur côté offensif. « L'homme déshumanisé, nous dit Sœur Catherine, instrumentalise tout » – et la paix dans le monde en est un exemple significatif !... Il faut s'armer nous affirme-t-on, quand on veut la paix ! Il faut s'armer et surtout... vendre des armes, beaucoup d'armes – on ne sait jamais à quelle paix se vouer !
« Je me demande parfois, s'interroge Marianne Dubois, si c'est le but de beaucoup de vies de trouver la paix parce qu'il y a tellement de personnes qui aiment le conflit et éventuellement le provoquent par pur instinct ou plaisir... Cela me semble très étrange, mais il y a beaucoup de personnes comme ça. Pour certains, la paix est nuisible ». Dans un monde gouverné par une civilisation masculine, des femmes nous questionnent :
« Qui nous apprend ce qu'est la paix ? demande Martine Régis... Qui nous enseigne le chemin de Paix ? Et qui nous montre l'exemple ? Rarement les enseignants, pas plus que les parents, ni les médias, certainement pas les modèles des aînés qui montrent ce qu'ils ont appris : loi du plus fort et autre esprit de compétition se font la part belle des transmissions de tous bords. »
Bien sûr, paradoxalement, personne ne veut être en paix, mais chacun l'espère, l'attend, la réclame, l'exige... Car comme le fait remarquer le Frère John Martin : « Les conflits et la violence extérieurs sont le reflet de nos conflits et violence intérieurs ».

La paix dans le monde !

Ainsi, la paix du monde, la paix extérieure, n'est qu'un leurre ; « c'est une paix fantasmée » comme la qualifie Suyin Lamour. Elle est irréalisable, envisagée en termes de contraintes, résultant au mieux, lorsqu'on peut l'imposer, d'un ensemble de compromis établis à contrecœur. Cette paix, ajoute Dominique Schmidt : « est une notion fabriquée par l'ego dont l'insatisfaction et le conflit sont l'essence ».
« En cherchant extérieurement une paix », nous dit Édouard Salim Michaël « les êtres humains laissent continuellement échapper ce qui est réel et durable en eux, et qui seul peut leur apporter le bonheur ultime et la tranquillité de l'âme auxquels ils aspirent ».
Toutes les sagesses du monde nous apprennent que la recherche du bonheur dans les choses extérieures (voir le document avec Srî Aurobindo) conduit à d'immanquables contradictions. Cette recherche exclusive d'un bonheur dans le monde amène guerres et conflits. A ce niveau d'existence, le bonheur des uns repose sur le “malheur” ou la misère des autres. La fabrication de « beaucoup d'armements conventionnels, nous rappelle Thich Nhat Hanh, pour les vendre aux pays du Tiers-Monde où les peuples se massacrent entre eux », est un bien triste exemple d'enrichissement extérieur de nantis en quête de bien-être égotique.
Oui, mais comment vivre autrement ?
Ici, la pratique de la méditation est évidemment nécessaire et indispensable, car elle « bouleverse de fond en comble toutes nos certitudes sur ce que nous croyons que nous sommes » (voir la rubrique de Kaveen, Approches de la méditation et notre ouvrage Méditer qui vient de paraître).
En suivant Isabelle Padovani, nous comprenons bien que « si l'on veut remonter à l'origine du cycle de la violence pour le transformer, il nous appartient de redécouvrir ce fond océanique que nous sommes, qui est la substance même de chaque vague unique. »
Pour « transformer notre situation », il faut « transformer notre esprit », nous dit Thich Nhat Hanh, « parce que toute situation est esprit et tout esprit est situation. C'est pourquoi il est important de nous éveiller ». Car, comme l'assure Marianne Dubois et l'ensemble de nos auteurs, « sans paix intérieure, il n'y a pas de paix extérieure ».

La paix intérieure mise en question

Au XVe siècle, par son ouvrage La Paix de la Foi, le cardinal Nicolas de Cues (voir notre document) avait déjà souligné la dramatique confusion qui demeure entre le spirituel et le temporel. Dans certains pays – voire sur certains continents –, le “spirituel” se réduit à une religion dominatrice, alors qu'ailleurs – au nom de la laïcité – il est laissé à la rêverie et à la subjectivité de chacun. De fait, l'humanité dans son ensemble se refuse d'évoluer, par la connaissance de ses limites psychologiques, vers ses potentialités d'être...
La paix est envisagée comme un “état”, soit un état entre les nations, soit un état psychologique intérieur. Dans les deux cas, la paix n'est pas une réalité, elle est soumise à des conditions qu'il s'agit de remplir, de garantir et d'imposer. La paix intérieure est infiniment plus subtile ; ce n'est pas un état de la psyché qui pourrait se trouver ou se réaliser par une pratique dite spirituelle. Aucun effort – aucune “violence” intérieure – ne peut conduire à la paix véritable.
Pour Sœur Catherine : « elle implique ainsi des remises en question dérangeantes qui peuvent être de véritables métamorphoses. De fait, même si des exercices ciblés sont parfois nécessaires, travailler sur soi ne consiste pas à accumuler les techniques et les recettes. Le meilleur moyen de construire sa paix intérieure est de ne pas se centrer sur elle, de savoir y renoncer pour la mettre à l'épreuve de la pratique, de la vie, du réel. »
De fait, Marianne Dubois nous fait part qu'« il n'est pas évident de la découvrir en soi-même parce que cela demande une attention de chaque instant, une sorte de “se lâcher” dans la confiance... » ...Ce dont témoigne Pascal Hastir (voir la rubrique Témoin d'Éveil).
Cette paix véritable, nous dit Suyin Lamour : « c'est une atmosphère intérieure d'acceptation inconditionnelle des émotions, des désirs, des réactions qui nous traversent. C'est être en paix avec l'expérience humaine, telle qu'elle se présente, d'instant en instant... »
Ainsi, constate le Frère John Martin : « La meilleure façon de contribuer à la paix dans le monde est de découvrir notre moi infini et d'élargir notre regard sur la vie. »
La paix intérieure est une réalité, que certains artistes, au cours des temps, ont su percevoir (voir la rubrique de Welleda Muller). Mais comment comprendre cette réalité spirituelle qui échappe totalement à la très grande majorité de nos concitoyens planétaires ?

La paix véritable

Pouvons-nous voir avec Jean-Marc Mantel que « la paix n'est pas l'absence de conflit. Les conflits concernent des points de vue qui s'opposent. La paix n'a pas d'opposé. Elle est la nature de l'être, avant que le conflit ne naisse, avant que la pensée ne naisse. » ?
La paix intérieure n'est pas un état qui s'impose à soi-même. Tout état que l'on s'impose (sois sage !...) est imposé aux autres. La paix intérieure, c'est le Soi, nous dit Ramana Maharshi (voir notre document). Ce dont témoignent nos auteurs. Somasekha la décrit ainsi :
« La paix est Ce que nous sommes.
Elle est notre nature profonde.
Elle n'est pas un état nouveau à obtenir.
Elle est l'état naturel de l'Être.
Immuable, elle est l'éternel présent. »
« La paix se révèle ainsi, indique Jean-Marc Mantel, dans l'élimination de tout ce que nous ne sommes pas. Elle est le résidu qui ne peut être enlevé, soubassement de l'architecture du monde. Elle est la conscience, libre et autonome, sans limite et sans naissance. »
La paix véritable résulte donc d'une compréhension profonde, directe, sincère.
« Si nous voulons la vraie paix, la paix ultime, par-delà la paix palliative tissée de compromis et d'hypocrisie, relève Dominique Schmidt, il nous faut mourir, individuellement et collectivement, à notre moi psychologique, notre moi de désir, créateur du mien et du tien ».
Ce numéro de 3e millénaire, contribue à cette compréhension nouvelle de la Paix.

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