Dominique Casterman
Lucidité intellectuelle et lucidité vécue

La lucidité intellectuelle sur le plan spirituel est une forme incomplète de l’éveil intérieur. Elle est indiquée par la suspension de toute recherche puisque les questions se sont consumées au cœur même des évidences voilées qu’elles impliquent. Les notions de commencement et de fin, de vie et de mort, de moi et de non-moi, de […]

La lucidité intellectuelle sur le plan spirituel est une forme incomplète de l’éveil intérieur. Elle est indiquée par la suspension de toute recherche puisque les questions se sont consumées au cœur même des évidences voilées qu’elles impliquent. Les notions de commencement et de fin, de vie et de mort, de moi et de non-moi, de bien et de mal… se sont dissoutes dans l’unité d’une Totalité dont le fonctionnement spontané engendre toute chose. En bref, tout découle du fonctionnement de la Totalité, de sa simple Présence. En d’autres termes, il n’y a pas de moi séparé. La Totalité cosmique Une, la Conscience universelle, le Un, sont une seule et même Réalité. Vouloir expliquer Cela rationnellement est impossible, le Mystère est entier et intellectuellement évident, sans faille, sans déception, sans sentiment d’incomplétude. L’éveil intellectuel est apaisant puisque le mental du ‘‘chercheur’’ (qui est encore là) est au repos ; toutes les questions s’intègrent dans une vision globale, et l’absence de réponse est aussi une réponse satisfaisante (le silence de la pensée discriminante). Le modèle du monde proposé est cohérent, non duel, dynamique, transparent et lumineux.

Mais du point de vue de la réalisation intérieure de l’être humain, cet éveil intellectuel reste incomplet aussi longtemps que l’inexistence du moi séparé n’est pas totalement vécue. C’est-à-dire vivre pratiquement, dans le présent, les effets de l’historicité d’un parcours de vie, les programmations propres au corps-mental et les axes de perception qu’il implique (les pensées, les sensations, les intuitions, les sentiments) ; mais sans jamais se laisser absorber par le sentiment que derrière ce processus il y aurait une personne distincte. Nous parlons ici de notre appartenance (en tant que corps-mental) au fonctionnement spontané de la Totalité en lequel le moi est spirituellement mort, et avec lui l’ignorance qui consiste à croire que quelqu’un fait une expérience. Cette réalisation de soi n’a rien à voir avec une quelconque perfection morale, ou perfection tout court, conditionnée par une image de soi idéale dans un contexte donné. Il s’agit plutôt d’une absence du moi imaginaire séparé. Nous ne parlons pas d’être conscient de l’absence, mais seulement l’absence par la Présence vécue du Tout, de l’Un.