(Extrait de L’Univers de la Parapsychologie et de l’Ésotérisme, Tome 3, éditions Martinsart, 1976)
La magie est une sapience mystique. Voilà une proposition dont les termes sont taxés, inconsidérément et inlassablement, d’obscurantisme et d’erreur, de vanité, de primitivisme, de sorcellerie par les tenants du scientisme matérialiste et de la bigoterie sécurisante. D’abord, que veut dire magie? La racine sanscrite est mag, maj ou maha, indiquant l’idée de grandeur et d’élévation. Sapience signifie, à la fois, science et sagesse. Quant au mot mystique, s’il a des rapports avec un certain type d’expérience religieuse ou d’extase, que nous ne dénigrons d’ailleurs absolument pas, il veut, avant tout, dire initié; le myste, à Éleusis ou à Delphes, était celui qui connaissait les mystères, les lois secrètes de la nature. Notre titre peut donc s’expliciter ainsi : il existe une grande science à laquelle on ne peut accéder que si l’on recherche conjointement la sagesse; c’est celle de la nature tout entière, au niveau même de ses principes les plus élevés.
Il est donc hors de question d’assimiler la magie à de basses pratiques de sorcellerie, lesquelles, tournées résolument vers l’assouvissement d’un désir quelconque, sont évidemment à exclure de la voie spirituelle. Comme toute science, la magie, recouverte de tout un fatras d’incompréhension et d’absurdité, comporte une partie théorique et une partie pratique.
La théorie comprend la connaissance poussée des sept matières suivantes :
1) métaphysique,
2) occultisme,
3) symbolique et numérologie,
4) alchimie,
5) astrologie,
6) magnétisme et radiesthésie,
7) onomastique et musique.
Les sept formes pratiques sont :
1) invocation et évocation (cette dernière est strictement réservée aux adeptes),
2) divination,
3) exorcisme,
4) thérapeutique,
5) pantaculaire,
6) alchimie,
7) maîtrise des éléments.
Reprenons en plus détaillé :
Les sept sciences théoriques
La métaphysique, tant exotérique qu’ésotérique, doit être la base la mieux assise. Il est en effet absolument nécessaire d’être extrêmement familiarisé avec la philosophie, afin de n’être point étranger aux notions fondamentales. Il va de soi que les textes écrits par des philosophes ayant touché, peu ou prou, aux mystères seront préférés aux autres. Les problèmes concernant la divinité, le monde, l’homme, la réalité etc. ainsi que leurs relations et rapports seront examinés avec soin.
L’occultisme entendu comme étude des états de la matière, des mondes, des êtres y habitant et des lois régissant l’évolution, sera également très approfondi.
La symbolique n’est pas le symbolisme [1]. Ce dernier est la systématisation des concepts sous forme d’images; celle-là est l’étude des symboles antiques légués par la tradition initiatique, en vue d’en extraire le maximum de connaissances et d’applications pratiques. L’un est donc une mise en forme conventionnelle, un codage destiné à occulter des secrets; l’autre est une herméneutique difficile, permettant de connaître les familles de symboles et d’en extraire le contenu philosophique, scientifique et technique. Ils sont donc opposés quant à leur démarche. La symbolique, donc, si elle n’est pas nécessaire à l’évolution de l’étudiant, est cependant la seule science qui donne les clefs permettant de décrypter certains enseignements essentiels. En outre, elle livre des techniques fort utiles pour opérer. C’est donc une béquille dont l’apprenti-mage ne peut pas, tout au moins avant un certain niveau, se passer.
La numérologie, mathématiques ésotériques, est le complément direct de la symbolique.
Comment être un bon mage sans comprendre les ressorts de la matière?
Les principes de l’alchimie sont les seuls qui donnent une double ouverture physique et métaphysique, dans une optique unitaire de la manifestation. La spéculation pure est en effet dangereuse car, en développant inconsidérément l’intellect, et en le coupant de ses racines naturelles, elle devient un jeu pour le jeu et un monstre vide de tout contenu. Il est bon de sentir la matière et d’opérer sur elle, en union avec elle à son niveau tangible, afin de vivifier ce qui ne serait que mort et stérilité.
L’astrologie ne se contente pas de livrer les arcanes d’une destinée humaine par le truchement de l’horoscope natal ou progressé; elle permet encore une forme de divination, l’astromancie. En outre, l’ésotérisme de cette discipline permet le calcul précis des saisons, des jours, des heures propices ou néfastes à telles ou telles opérations thérapeutiques ou alchimiques. Sentir le moment précis, le bon début d’une entreprise, est parfois absolument capital pour sa bonne marche et son succès. N’oublions cependant pas que l’esprit régit la matière et que les « astres inclinent mais ne nécessitent pas ».
L’étude du magnétisme est très importante. L’apprenti-mage est souvent amené à diriger le fluide vital, en conséquence il faut connaître les principes de l’électromagnétisme, ses modes d’utilisation, afin de le contrôler dans notre propre corps pour pouvoir le diriger efficacement. La radiesthésie est le système d’investigation et de mesure du magnétisme.
L’onomastique et la musique sont indissolublement liées en magie; c’est l’utilisation de l’écriture, du nom et du son, support du verbe.
Comprenons-nous bien. Ces sept sciences, isolément ou ensemble, ne sont pas à proprement parler la magie. Elles ne sont, toutes en bloc, qu’un prolégomène à l’opération car la magie réside surtout dans un certain état d’esprit qui les relie dans une même quête de la sagesse, par la maîtrise de soi, principalement.
Les sept branches pratiques
L’invocation est une prière adressée à un esprit sur un plan supérieur (logos, régent, maître, ange, guide, esprit de la nature, etc.)
L’évocation n’est plus une prière mais un ordre : elle est de trois sortes. Deux relèvent de la voie noire : l’évocation d’un esprit, bon ou mauvais, dans un but égoïste. La troisième est blanche mais très dangereuse, donc réservée aux adeptes libérés : évocation d’un esprit mauvais en vue de le faire œuvrer pour le bien d’une cause juste ou le bien d’autrui. Nous ne l’envisagerons donc plus au cours de cette étude. La divination est une forme de magie qui met en jeu une perception extrasensorielle, qui peut fournir d’excellents enseignements. Elle n’est toutefois à inclure dans la magie opérative que si elle utilise un rituel et l’appui de forces extérieures à celle du devin.
L’exorcisme est l’art de débarrasser un lieu, un objet ou un être vivant des mauvaises influences qui pourraient y avoir été mises par l’effet de mauvais courants ou d’êtres malfaisants, et de ces êtres eux-mêmes. La thérapeutique magique consiste en l’utilisation et la direction des forces vitales de la nature, d’esprits bienfaisants et de l’opérateur en vue de guérir. Elle peut s’appuyer sur les propriétés occultes de certains objets.
La pantaculaire, ou talismanie, dérive de l’application directe des sciences théoriques suivantes : symbolique, astrologie, magnétisme et onomastique, dans le but de forger un support bénéfique pour toutes sortes de desseins sous forme de pantacle.
L’alchimie est de deux sortes : l’une, spéculative, se préoccupe de transmuter la personne humaine en individualité divine, la matière première est alors le moi incarné lui-même; l’autre, opérative, poursuit le même but, mais appuie la corporification de l’esprit et la spiritualisation du corps sur un travail en union avec une matière extérieure au corps, ce qui constitue le Grand Œuvre au pourpre. Toutes deux suivent rigoureusement les mêmes principes, les mêmes lois, les mêmes applications.
La maîtrise des éléments ne doit pas être confondue avec le pouvoir de contraindre les esprits de ces éléments en vue d’obtenir profit; cela serait acte de sorcellerie. Il s’agit d’être uni par la compréhension avec les forces qui régissent la matière et, ce faisant, être à même de les diriger pour le bien; par exemple éteindre un incendie, chasser la pluie ou faire pleuvoir… Les mobiles doivent être purs, c’est-à-dire désintéressés. « On demande aux esprits mais on commande aux forces. » (N. Flamel).
La magie véritable est, avant tout, simplicité. Si les très nombreux ouvrages qui en traitent sont truffés d’obscurités et de complications, de trois choses l’une :
1) c’est parce que l’auteur connaît les bases indispensables mais, confondant magie et symbolisme, se perd dans le labyrinthe de sa science imparfaite,
2) ou bien l’auteur ne connaît pas la magie et construit des châteaux de sables mouvants,
3) ou bien c’est l’œuvre d’un initié qui n’est lisible qu’à l’aide d’un fil d’Ariane, écartant ainsi les profanes de la route sacrée, non pour le plaisir du mystère mais parce que les tentations sont fortes et les dangers grands.
Fou dangereux est celui qui prétend pratiquer la magie sans s’être résolument engagé dans la voie du bien. Vain est celui qui s’y lance orgueilleusement sans avoir fait les études indispensables. Malheureux est celui qui s’attaque aux forces noires et qui essaye de les plier sous son joug, s’il n’est pas maître lui-même. Imbécile est celui qui s’attend aux miracles.
Car la magie est tout à la fois une science, un art, une mystique. Il n’est pas de science sans intelligence, d’art sans intuition, de mystique sans spiritualité. Ce n’est ni un passe-temps de prestidigitation, ni un snobisme, ni l’amusement d’un touche-à-tout ; c’est une voie sur laquelle on s’engage avec amour, patience, persévérance et foi.
FRANÇOIS DE FOURNIER DE BRESCIA
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1 Dans l’étude de F. -X. Chaboche sur la magie (pages suivantes) le mot symbolisme est utilisé dans le sens très général du « langage universel que constituent les symboles ». On peut dire, dans un certain sens, que la symbolique est le fond, et le symbolisme, la forme d’une seule et même science des symboles. (N.D.L.R.).