Salomon Katz
Un sage parmi nous

C’est dans cet hôpital d’Ismaïlia que je devais faire la connaissance du Docteur Godel dont je ne savais à cette époque que ce que savait tout le monde autour de moi, qu’il s’agissait d’un cardiologue réputé, d’un professeur vénéré par ses élèves, et de plus d’un humaniste estimé par ce que le pays comptait de véritables hellénisants. J’ignorais que, nonobstant ses nombreux voyages en Grèce d’abord, et ailleurs, sa curiosité en éveil l’avait incité à aller étudier, en Inde même, auprès de maîtres spirituels vivants, cette fameuse pensée millénaire, ou plutôt cette sagesse millénaire au-delà de toute pensée dont, quelques années auparavant j’avais eu le privilège d’approcher un des plus nobles représentants, je veux parler du Swami Siddheswaranda, grâce auquel, pour la première fois, la spiritualité indienne pour moi prenait chair. Sa rencontre préludait à une autre rencontre, celle de Roger Godel. Celui-ci, en effet, ayant appris l’intérêt que je portais à cette recherche, m’avait spontanément invité à venir le voir, et c’est de cette époque que date une amitié qui ne s’est jamais démentie depuis, et une connaissance que j’ai toujours aimé approfondir de l’homme et de son œuvre.

(Extrait de l’ouvrage collectif d’hommage : Roger Godel – De l’humanisme à l’humain, Éd. Les Belles Lettres, 1963)

Si j’ai choisi de parler aujourd’hui de Roger Godel [1], c’est que je considère sa rencontre comme un des plus grands privilèges de ma vie. Si j’ai choisi de l’appeler un Sage, c’est que je considère m’être en effet trouvé en présence d’un maître en sagesse, un maître dans l’art de vivre comme l’a appelé M.-M. Davy, en titre d’une des études qu’elle lui a consacrées. Et que cet homme, ce sage, ait vécu parmi nous, comme nous, s’étant toute sa vie occupé des besoins spirituels, moraux et physiques de chacun de nous, qu’il se soit mis toute sa vie à la portée de quiconque faisait appel à lui, voilà le fait si rare, la conjoncture providentielle qui m’a incité à vous faire part de cette rencontre.

Mais comment parler de Roger Godel sans dire ce que sa compagne a été pour lui, elle qui a su découvrir cet être d’élite, l’entourer d’une sollicitude de tous les instants, veiller à écarter dans toute la mesure de ses forces tout ce qui n’était pas pour lui l’essentiel, et jusqu’à son dernier souffle, être pour lui non seulement l’amie mais aussi la disciple et le stimulant spirituel de chaque jour. On pense à la parole indienne :

« Que ton époux ô femme                   soit pour toi l’aspect

« Que ton épouse ô homme                 même du Seigneur.

Une première difficulté nous confronte quand il s’agit d’évoquer Roger Godel ; c’est que ses activités, sa pensée, son œuvre, ont couvert un champ si vaste qu’on se demande comment aborder une telle étude. Peut-être le mieux serait-il de situer l’homme et l’œuvre dans ce qu’on pourrait appeler leur contexte historico-géographique, c’est-à-dire de donner de lui d’abord quelques détails biographiques, et par la suite d’essayer de le suivre dans son itinéraire singulier. Cet itinéraire devait l’amener de l’hellénisme proprement dit à la science de l’esprit tout en ne lui faisant jamais perdre de vue la confrontation avec les données de ce qu’il est convenu d’appeler la réalité objective, les découvertes les plus récentes de la biologie et de la médecine — et particulièrement cette médecine de la « personne » à laquelle il devait consacrer sa vie. M.-M. Davy, dans son étude précitée sur le Docteur Godel, nous dit :

« Le Docteur Godel est né à Londres (en 1898), de parents français. Il y passe son enfance avant d’entrer au lycée de Grenoble pour faire ses études secondaires. Cette première initiation est précieuse, elle lui permettra de profiter avec aisance d’un double tradition, française et anglo-saxonne. La guerre de 1914 l’arrache à ses études. Il s’engage à 16 ans. Cette guerre crée pour lui la possibilité de maintes expériences, car elle le jette dans le concret, face à face avec la souffrance et la mort, dans une promiscuité d’hommes issus de toutes conditions sociales. Le Docteur Godel devra à ces dures années d’adolescence d’avoir pu échapper à une vie trop uniquement intellectuelle, et par conséquent située en marge du réel. Tandis que la majorité des jeunes gens préparent leur philosophie au lycée, le jeune Roger Godel, qui a emporté ses livres au front, travaille dans les tranchées sans autre maître que sa propre réflexion. Les études classiques avaient fait naître en lui un amour véhément pour la pensée grecque. Les dialogues de Platon devinrent le sujet préféré de ses méditations. Il comprenait les raisons qui avaient poussée Socrate à combattre à Delion, à Potidée, à Amphipolis. Lui aussi acceptait la guerre sans aucune haine, soucieux seulement de répondre à son devoir.

« La guerre terminée, le choix d’une profession s’impose. Après avoir hésité entre l’École Normale Supérieure qui lui permettrait de poursuivre ses études grecques et la Faculté de Médecine, Roger Godel opta pour les sciences médicales. Les raisons de son choix furent claires : le contact humain, l’aide constante apportée à autrui. Il écrira : « L’homme malade est un livre généreux dans lequel il nous est donné d’apprendre ». Tout en poursuivant sa carrière et ses recherches biologiques, le Docteur Godel continue ses études helléniques ; plus encore, il les élargit toujours davantage dans le sens de la philosophie et de l’histoire des religions. Chef de Clinique à la Faculté de Paris, Professeur à la Faculté Française de Médecine à Beyrouth (Liban), il est nommé médecin-chef de l’hôpital de la Compagnie du Canal de Suez en Égypte. Ce poste offre un double intérêt : l’hôpital comprend un équipement très moderne, en outre il reçoit des individus les plus divers sur le plan des races, des religions, des milieux sociaux. L’expérience que le Docteur Godel doit à cet hôpital et à son rôle dans celui-ci va lui permettre de dépasser la seule observation clinique. Ainsi l’expérience du Docteur Godel grandit, elle s’accomplit grâce à son propre engagement dans l’existence quotidienne ; elle provient surtout de ses rapports avec ses malades et les médecins qui l’entourent » [2].

C’est dans cet hôpital d’Ismaïlia que je devais faire la connaissance du Docteur Godel dont je ne savais à cette époque que ce que savait tout le monde autour de moi, qu’il s’agissait d’un cardiologue réputé, d’un professeur vénéré par ses élèves, et de plus d’un humaniste estimé par ce que le pays comptait de véritables hellénisants. J’ignorais que, nonobstant ses nombreux voyages en Grèce d’abord, et ailleurs, sa curiosité en éveil l’avait incité à aller étudier, en Inde même, auprès de maîtres spirituels vivants, cette fameuse pensée millénaire, ou plutôt cette sagesse millénaire au-delà de toute pensée dont, quelques années auparavant j’avais eu le privilège d’approcher un des plus nobles représentants, je veux parler du Swami Siddheswaranda, grâce auquel, pour la première fois, la spiritualité indienne pour moi prenait chair. Sa rencontre préludait à une autre rencontre, celle de Roger Godel. Celui-ci, en effet, ayant appris l’intérêt que je portais à cette recherche, m’avait spontanément invité à venir le voir, et c’est de cette époque que date une amitié qui ne s’est jamais démentie depuis, et une connaissance que j’ai toujours aimé approfondir de l’homme et de son œuvre.

Ce premier contact avec le Docteur et Mme Godel dans leur accueillante maison d’Ismaïlia, tout au bord du Canal de Suez, comment ne pas m’en souvenir tout particulièrement, quoique depuis il ait été suivi de nombreuses rencontres. Voici comment Mme Godel, dans ses « Feuillets d’Album autour du Sage » [3] décrit avec une nostalgique poésie cette demeure : « Le Canal de Suez s’allongeait au pied de la colline sur le dôme de laquelle s’élevait le pavillon étiré entre ses auvents et sa large terrasse de pierres blanches. La verdure née de nos efforts, sur cette terre de désert, s’étageait en son jardin, tout autour jusqu’au chemin d’eau, en bas. C’était là notre demeure, face aux navires liant les mers du Levant à celles de l’Occident et glissant entre les deux berges : celle du désert d’Asie, la nôtre ».

Quel était donc cet homme dont je venais de faire la rencontre ? Comment situer cette figure sans la déformer et comment exprimer son apport à notre civilisation ?

C’était, certes, avant tout un médecin. C’était là la voie qu’il avait choisie, celle dans laquelle il allait tenter d’étancher sa soif de connaissance, cette soif de vérité qui n’avait jamais cessé d’être sienne depuis son adolescence. C’est en nous penchant précisément sur cette adolescence que nous aurons une chance de comprendre Roger Godel, de mieux suivre de sa vie la lumineuse trajectoire.

Le Professeur André Mirambel, son camarade au lycée de Grenoble, nous initie à l’épanouissement de cet enfant de 13 ans, vif, enjoué et porté par une soif inextinguible vers les paysages d’un monde secret, révélateur de merveilles. Ensemble, les deux élèves vivent les épopées homériques, pénètrent audacieusement dans le miracle grec, s’y meuvent librement avant qu’une interprétation savante ne leur soit appliquée. Ils fréquentent Hésiode, Thucydide, Platon, Socrate, se questionnent, se répondent, s’absorbent devant l’image d’Athéna. Plus tard, fidèle à cette image de son premier amour, Roger Gode! la décrira dans Une Grèce Secrète [4] : « Prompte et étincelante comme l’éclair, crevant les nuées, Athéna est née en armes du cerveau de Zeus. Au sortir de la tête divine elle jette un cri retentissant et secoue ses armes ; sous le choc de cette irruption la terre et le ciel tremblèrent.

On serait tenté de croire que cette vierge à la compétence universelle doit peser bien lourd sous le poids de sa science. Ce serait méconnaître l’immatérialité de la Sagesse et l’allégresse qu’elle communique. Athéna fut la première à danser au soleil de la victoire. »

Les professeurs de ces deux jeunes lycéens resteront pour ceux-ci toujours associés à l’enchantement des révélations qui devaient encore leur être apportées. La Grèce les modèlera pour les années à venir.

L’Égypte, plus lointaine encore, dévoilera, par l’œuvre de Maspero déjà, à ce Roger Godel de 13 ans, un monde d’ombre ensoleillé par la lumière d’Amon. C’est avec enthousiasme qu’il acceptera, plus tard, le poste de médecin-chef à l’hôpital d’Ismaïlia érigé sur les sables d’un désert millénaire, franchi par des pas dont il cherchera, ici encore, à percevoir l’écho.

Habité par la question posée par Socrate : « Qu’est-ce que l’homme ? », par l’injonction delphique gnôthi seauton (connais-toi), il en cherchera la réponse avec une persévérante ténacité. Dès ses premières écritures, déjà dans « L’Humanité veut des Hommes » il martèle ses avances par cette double apostrophe : « Qu’est-ce que l’Homme ? », et « gnôthi seauton ».

C’est encore pour y répondre qu’il approfondit, dit-il, « cette instruction épistémologique applicable à cette science de la nature humaine qu’est la médecine ». Le mot grec épistémè, nous rappelle Roger Godel, selon l’acception platonicienne, désignait la science au sens vrai du terme. Grâce au pouvoir éclairant du Nous, la raison ordinaire reçoit la clarté discriminante qui assure un sens critique supérieur. Et plus loin, il dit : « L’étude de l’épistémologie nous incite à la recherche persévérante de ce principe d’intelligibilité, le Nous » (Vie et Rénovation) [5].

Il poursuivra cette recherche — dont la réponse est déjà profondément pressentie et discrètement dévoilée dans ses premiers ouvrages — jusqu’aux confins de l’Inde du Sud. A la pointe du continent, sur l’infini de l’Océan Indien, réside le Sage.

Roger Godel écrit : « Ce fut d’abord pour demander au Sage d’éclairer le problème posé si dramatiquement par Socrate — qu’est-ce que l’homme ? que je me rendis aux Indes avec ma femme, au début de l’année 1949. Je ne souhaitais rien d’autre qu’une instruction épistémologique applicable à cette science de la nature humaine qu’est la médecine ».

Cités et Univers de Platon et Recherche d’une Foi [6], voilà le titre, à la vérité le programme, de toute une vie, du premier en date des écrits philosophiques du Docteur Godel, s’attachant à dépeindre l’enseignement de Platon à Dion de Syracuse. Voici ce que Roger Godel lui fait dire : « L’homme épris de vérité ne cesse de poursuivre une fin qui le conduit à la mort. Bien plus, chaque heure de sa vie est consacrée à mourir.

« Ne nous récrions pas.

« Le vulgaire ne meurt-il pas à tout instant ? Et cela à son insu ?

« Son sang, sa chair, ses cheveux, ses os, ses sensations, toute la matière dont il est fait s’évanouit pour se renouveler sans trêve selon un rythme étourdissant. Que reste-t-il de l’homme au sein de ce tourbillon ? Et sur quoi donc se fonde la continuité d’existence qui confère à un individu son individualité ? Ne serait-ce pas sur une certaine substance incorporelle et invisible, sur une réalité inaccessible au contact et qui ne trouvera sa véritable et pleine expression que par delà l’existence mortelle ?

« Ne craignons pas de renoncer à ce qui périt d’heure en heure pour nous replier sur une position inexpugnable de notre être ».

Quoi d’étonnant à ce que celui qui a écrit ces lignes, scrutant toute sa vie durant, en savant et en médecin, l’homme et les manifestations multiples sous lesquelles — en santé comme dans la maladie, cet homme se présente — ait cherché avec une indomptable persévérance, à travers l’apparence, cette réalité. Tant de noms, depuis qu’il y a des hommes, ont été donnés à cette « réalité pressentie », vérité sans relâche poursuivie de l’unité, amour inassouvi.

Mais le philosophe vrai ne sera jamais pour un Godel « un habitant des nuées ; il n’aura jamais le droit de se dissocier du commun des mortels, bien que son jugement demeuré lucide ne sût lui permettre de fermer les yeux sur leurs imperfections, leurs bassesses, leurs vices ». Comme il aime situer et citer Platon, d’abord « sur le sommet de la colline au pied du rempart de Kléon, à quelque distance de la Pnyx, dont les rumeurs parviennent jusqu’à lui » puis descendent vers la ville. « A l’approche du crépuscule, tandis qu’après de longues délibérations l’Assemblée du peuple se disperse et descend de la colline, Platon quitte son poste de méditation. Les moutons et les chèvres reviennent des faubourgs au milieu d’un cortège d’aboiements. Au delà du ravin, une lueur violette couronne le rocher de l’Acropole, l’isole, l’exalte au-dessus de la ville plongée dans la pénombre ».

Le philosophe descend vers le quartier de Kollytos : « Celui qui là-haut, se dit-il, a été initié au mystère n’a pas le droit de se dérober à l’action et de se croire déjà établi avant l’heure de sa mort dans les Iles Fortunées. Qu’il descende de la clarté vers la demeure commune à tous et convertisse à la lumière ceux qui ne sont point encore sortis de la nuit ».

Et ceci qui, évoquant Platon prêt à fonder l’Académie, nous fait penser avec émotion à Godel lui-même aimant à susciter autour de lui combien de jeunes vocations, combien d’aspirations enthousiastes :

« La frémissante jeunesse du philosophe ne s’accommode guère de la platitude du document écrit, traités, répertoires filandreux, discours consignés en volumes. Il ne s’émeut qu’en présence des inflexions de la voix humaine, vibrante émanation de l’âme. Son regard s’arrête sur les jeunes gens pressés en cercle coude-à-coude autour du maître.

« Pendant qu’on argumente ferme, et que la trame dialectique — piège de paroles — se resserre comme un filet autour de la proie, il observe les gestes et la figure de ses compagnons de chasse. Une clarté d’aube éclaire leurs faces où l’intelligence dans sa pureté commence à poindre. La mobilité de la vie court sur leurs traits ».

Mais comme il le dit lui-même en parlant de Platon : « Ce n’est point tout à fait un enseignement qu’il leur dispense, mais plutôt une culture, un idéal de vie, une discipline de l’esprit. Avec douceur comme il convient à des hommes libres, il tempère la trop grande ardeur de leur jeunesse. Il s’efforce d’éveiller en eux le goût de la vie belle et heureuse, de la vie tempérée » (« Recherche d’une Foi »).

Et voici ce qu’il dit pour ceux qui, à l’instar du second Denys de Syracuse, s’imaginent que l’on peut accéder aux plus hautes vérités aussi aisément qu’un quelconque tyran peut atteindre l’objet immédiat de ses désirs :

« Depuis l’heure où j’ai connu Socrate je n’ai pas cessé de courir aventure et de peiner sur les routes âpres, à la recherche de la vraie clarté. Ce que j’ai entrevu ici et là sur mon chemin, exiges-tu que je le réduise en formules ? Il n’existe et il n’y aura jamais aucun ouvrage sur de pareils sujets, du moins écrits de ma main. C’est quand on a longtemps fréquenté ces problèmes, quand on a vécu avec eux, que la vérité jaillit soudain dans l’âme comme la flamme jaillit de l’étincelle, et ensuite croit d’elle-même ».

Comment devant ces lignes ne pas évoquer la parole du Sage de l’Inde que devait approcher plus tard Roger Godel et qui enseignait :

« For eternal peace persistent striving is necessary ».

Retrouvons avec Godel le philosophe parmi ses disciples : « Qu’est-ce que l’homme ? par quoi une telle nature se doit distinguer des autres en son activité ou passivité propres ? Voilà quelle est la recherche et l’investigation à laquelle le Sage consacre ses peines (Platon, Théétète) » et Roger Godel ajoute : « Platon n’a assemblé autour de lui tant d’âmes d’élite que pour accomplir la recherche en commun du souverain bien, le Réel. Afin que l’humaine condition soit réintégrée dans sa destinée qui la veut conforme au Vrai, conforme au divin. Mais la vérité n’éclate pas à la manière d’une notion d’évidence, on l’acquiert au prix d’un dur travail. Au surplus, elle ne se livre qu’aux purs, aux hommes à l’âme vraiment libre. L’âme de Platon n’est plus que force visionnaire et pénétration, élan ascensionnel par la vertu de l’amour. »

Voilà ce que Roger Godel a cherché à travers l’hellénisme, ce que la Grèce et les Grecs ont signifié pour lui et voilà pourquoi il est aussi bien resté toute sa vie indéfectiblement fidèle à la grande figure du Sage Athénien. Il le montre « interrogeant dans la rue les hommes de toutes conditions, sondant les profondeurs de sa propre conscience par des discours que son âme se tient à elle-même. »

Ce que son enfance et l’âge mûr lui ont appris, il s’exerce à l’oublier. Rien ne le satisfait que ce qu’il acquiert à nouveau, méthodiquement, et le parfait.

« Il veut saisir l’humain par delà sa nature variable ou, au contraire, conformiste. Connaître et bien définir en termes de science les conditions spirituelles hors desquelles l’homme cesse d’appartenir à l’essence exclusive de l’homme, mais participe de la brute. Ces conditions assemblées pour composer une harmonie, une structure vivante en soi et par soi, ce sont les traits du genre humain qui apparaissent dans leur physionomie éternelle.

« D’étape dialectique en étape, Socrate tente de s’élever jusqu’à la contemplation de ces Formes immuables. Elles se dégagent de l’ombre à mesure que progresse l’ascension discursive, comme des édifices dont la membrure se dessinerait à travers la brume.

« Puis le regard, soudain éclairé par l’intuition, peut les embrasser dans leur ensemble.

« Fixés sur leurs contours, les yeux ne vacillent pas mais, captés, ils demeurent en face de la vision. Car le semblable absorbe le semblable et les formes se situent hors du devenir. »

Chercherons-nous dans l’œuvre de Roger Godel d’autres témoignages de son amour de la sagesse ionienne ? « Socrate et le Sage Indien », « Socrate et Diotime », « Féminités des Déesses Grecques », « La Sagesse selon les Traditions Indienne et Socratique », « Platon à Héliopolis », « Terre de Socrate », « Hippocrate de Cos et l’Éveil de l’Esprit Scientifique en Médecine », « Un Compagnon de Socrate », ces témoignages ne manquent guère. Le dernier en date, peut-être l’hommage le plus beau rendu à la Grèce par Roger Godel est cette « Grèce Secrète » dont la notice liminaire porte cette phrase saisissante d’André Malraux : « Une Grèce secrète repose au cœur de tous les hommes d’Occident ». Comment ne pas relever avec émotion ces lignes :

« Volontiers nous acceptons de parcourir la voie ascendante mais non point l’autre, la katabase tant redoutée. Un absurde préjugé nous fait confondre sa venue avec la décrépitude et l’anéantissement. Pourtant il ne tient qu’à nous de décliner comme le soleil sur un horizon clair au couchant. Aussi bien que le soleil nous survivons à l’embrasement pourvu que la trajectoire sous la ligne soit anticipée.

L’amour de la vie accueillie dans son entière vérité, un amour incluant le déplaisir comme la joie ouvre la voie droit à la connaissance. Voie royale où procèdent, conjoints dans un appui mutuel, l’amour de la science et la science d’aimer le vrai. »

S’agit-il de retrouver à Delphes le chemin de la connaissance ? Il nous dira plus loin :

« Reconnaître le mal conduit à la recherche d’un remède. Le dieu de Delphes s’il dénonce la pollution et s’il frappe, possède aussi le pouvoir de guérir. Mais il intervient seulement au profit de ceux qui vont au-devant de la guérison et souhaitent d’être purifiés.

En accueillant ses visiteurs au temple par un appel à la connaissance de soi — gnôthi seauton — le dieu leur ouvre déjà un accès vers la plus haute purification. C’est son souhait de bienvenue. Il les engage à pratiquer un examen de leur nature et des vérités qu’elle recèle. Qui sait contre quels maux cette exploration les prémunira ? »

Et ceci sur les mystères grecs :

« Les mystères grecs expriment dans leurs psychodrames un savoir implicite que l’âme détient à son insu dans l’intimité de sa structure. Une connaissance cachée à l’intellect se dévoile aux mystes dans le déroulement de l’action — connaissance issue des profondeurs où elle demeurait à l’état potentiel ; en s’actualisant à l’appel de l’initiateur — hiérophante, keryx — elle communique à tous les niveaux de l’expérience une forme particulière de savoir en termes d’émotion, d’images, de thèmes mythiques.

L’oiseau lorsqu’il bâtit son nid, le castor édifiant sa cabane font passer dans l’action un savoir inclus dans la nature même de l’espèce. La science mathématique dont une araignée développe les formules dans sa toile n’est certes pas empruntée à une intelligence réfléchie que la bête ne possède sans doute point en l’absence de langage. Une aptitude innée inscrite dans sa structure l’inspire spontanément.

Non moins que les animaux, l’homme contient, par delà les niveaux de l’intellect, un savoir inexploré propre à sa nature. Dans les instants privilégiés où l’inspiration l’éclaire, il émet quelques rudimentaires balbutiements de cette science. Mais il ne peut l’atteindre dans son abîme par les coups de sonde de la raison commune. C’est à une fonction particulière de la conscience — à une fonction délestée de toutes attaches mentales — qu’il doit s’en remettre s’il souhaite accéder à ce foyer où le temps, l’espace et les relations causales perdent toute signification. Rares sont les investigateurs de l’intériorité qui ont poursuivi leur recherche par les moyens appropriés jusqu’à ce niveau profond. »

Avant d’arriver à Hippocrate de Cos, qui nous introduira en droite ligne à l’étude de Roger Godel médecin, tournons-nous une dernière fois vers Godel humaniste jusqu’à ses derniers jours. (Une Grèce Secrète ne date que de l’année 1960 et sera encore suivie de « Prisons d’Athènes »). Nous comprendrons alors cet helléniste, qui voyant avec inquiétude Roger Godel partir pour l’Inde pour y chercher des témoignages vivants, dit en le retrouvant au retour : « Roger Godel emporte son Parthénon avec lui, partout ».

Écoutons cette injonction du Maître de Cos :

« A toute partie et à l’ensemble de son art, le médecin doit appliquer une raison supérieure… il lui faut comprendre et porter longuement dans sa pensée profonde le sens véritable de ce qu’il voit, de ce qu’il entend, de ce qu’il touche, de ce qu’il sent… »

Non que le médecin soit un thaumaturge, tant s’en faut. Mais pour la première fois quelqu’un a posé les bases d’une médecine scientifique et dans un monde où thérapeutique véritable, magie et simples recettes de bonnes femmes, comme l’a si bien montré le Chanoine Drioton, étaient inextricablement mêlées, quelqu’un a porté le langage de la vérité, de la raison. Comment ne pas saluer cette apparition et ne pas y voir une manifestation de l’éternelle sagesse — ce principe d’intelligibilité qui illumine la raison ordinaire et l’amène à la connaissance du vrai.

« Pleinement conscient de la fragilité de son savoir, dit le Docteur Godel, le médecin assume pourtant la fonction d’assister les malades. D’où lui vient tant d’audace ? Compte-t-il sur un secours divin pour le tirer d’embarras dans les situations difficiles ? Peut-être croit-il que la nature — mère admirable et sage — répare d’elle-même ses blessures, telle l’araignée affairée sur les déchirures de sa toile.

« Plutôt il sait qu’un ordre — reflet de la sagesse divine — gouverne, en loi suprême, et dirige le pilotage de toutes choses. Les ruptures d’équilibre à travers le cosmos et dans les corps vivants sollicitent, par un jeu nécessaire, leur correction compensatrice. Ainsi le mal contient implicitement sa cure. C’est en fondant une science sur cette découverte d’une harmonie bénéfique que le médecin ose entreprendre sa tâche. Serviteur de l’art, il tourne son intelligence vers l’enseignement de la vie et en médite les leçons.

« Sans doute une telle entreprise dépasse les dimensions de l’homme. Mais la Sagesse et l’Amour éclairent l’esprit du chercheur ; l’attrait de la vérité aimée pour elle-même, l’amour de l’homme à secourir et de la science à acquérir communiquent au pionnier de la médecine les vertus du sacré.

« Par l’effet d’un étrange paradoxe, l’humilité scientifique l’incite à être hardi ; l’aveu de son ignorance l’oriente vers la sagesse — tel Socrate. « Rien n’oppose la médecine à la Sagesse ; de fait, la médecine contient implicitement tout ce qui peut conduire à la Sagesse… ainsi donc amenez la médecine à la Sagesse et infusez la Sagesse dans la médecine. »

Le Docteur Godel, savant et médecin

Le Docteur Godel, avons-nous dit, était avant tout un médecin. Dans ses études théoriques ou hospitalières, dans son expérimentation clinique, dans la pratique journalière de sa profession, nous retrouvons la même ardeur que celle qui l’avait porté à s’imprégner d’hellénisme, à découvrir, par le truchement de la Grèce, la réponse à la question primordiale — celle qui, avant d’accéder pour les privilégiés d’entre nous au rang de mystère, reste notre problème à tous.

Oui, c’est bien en tant que médecin que Roger Godel a cherché à agir. Pour lui, en effet, il n’y a jamais eu d’antinomie entre les diverses manières d’aborder le Réel, mais il pense que la profession qu’il a choisie le met à même d’approfondir sa quête sous un aspect particulièrement enrichissant.

Voici ce que nous lisons dans ses Essais sur l’Expérience Libératrice où il rassemble des exposés pénétrants sur sa recherche fondamentale, celle qui devait colorer sa vie :

« Un médecin exerçant sa profession au milieu du XXe siècle, un homme convaincu de la valeur réalisatrice inhérente aux sciences biologiques et médicales, poursuit néanmoins à travers diverses disciplines scientifiques une plus haute synthèse. Depuis plus de trente ans se pose à lui une question fondamentale, une question qui lui semble dépasser en importance toutes les autres et les inclure toutes : les fonctions psycho-mentales, dont fait usage l’homo sapiens de notre culture dans sa recherche de la connaissance, représentent-elles réellement le terme ultime des possibilités humaines ? L’homme atteindra-t-il jamais, par l’assouplissement et l’approfondissement des mécanismes mentaux dont il dispose virtuellement, les promesses impliquées dans sa nature ? Certes, on serait en droit de l’espérer en voyant s’élargir au delà de toutes prévisions les cadres entre lesquels la logique classique était enclose. Des principes épistémologiques nouveaux inspirent la philosophie, les sciences contemporaines. Ils conduisent à une réalisation du rationnel, d’un rationnel sans cesse renouvelé, dans l’expérience technique. On assiste à l’absorption de la pensée géométrique dans une pangéométrie débordant les limites euclidiennes, à un dépassement de la physique maxwellienne et de la mécanique de Newton.

Des méthodes intensives de pénétration dans le substrat des choses s’ouvrent à l’homme. »

Ces méthodes intensives de pénétration sont celles qui doivent dans l’esprit de Roger Godel apporter enfin une réponse à la question cruciale :

« Sous le flux incessant de transformation et d’échanges dont le cosmos nous donne le spectacle, de quelle nature est la réalité dernière établie à l’arrière-plan de toutes choses ? Pouvons-nous connaître ce principe primordial, unique et permanent d’où procèdent les phénomènes différenciés ? » (Vie et Rénovation).

Nous avons dit la difficulté qu’il y aurait à vouloir artificiellement départager en Roger Godel les démarches du penseur et celles du médecin. Cette difficulté persistera tout au long de cet exposé. C’est que, en un Roger Godel, tous les aspects ne peuvent que s’entremêler, toutes les démarches ne peuvent que concourir au même but. Ainsi dans ce même livre où Godel s’adresse aux biologistes et aux médecins, il note :

« L’homme porte dans l’intime structure de son être la loi biologique dont il est l’expression vivante ; elle est contenue tout entière en lui ; on la peut dire immanente et sans cesse en action. L’observateur saisit une fraction infime de ses effets constructifs, plastiques, fonctionnels ; mais dans l’essence de sa nature elle demeure inaccessible ». (Vie et Rénovation).

C’est pourtant à la connaissance, si l’on peut dire, ou plutôt à la re-connaissance de cette essence que nous sommes conviés, et toute l’œuvre de Roger Godel ne tente à rien de moins qu’à chercher à nous faire saisir que cette pensée discursive, qui a de temps immémorial été en Occident la seule en faveur parmi les hommes de science, ne peut — de l’aveu même des sages d’Occident, et parmi eux d’un Socrate — à elle seule, disions-nous, donner la clef de ce qui reste dès lors un problème.

« Au cours du cheminement ascensionnel que l’itinéraire comporte, la réalité ne revêtira jamais, nous dit Godel, un caractère objectif. Sa nature est d’un ordre irréductible à aucune expérience d’un type formulable en termes objectifs ou subjectifs. »

Revenons à l’observation du savant et du médecin. Dans Vie et Rénovation qui porte ce sous-titre significatif : « De la Biologie à la Médecine vers la connaissance de Soi », Godel nous expose à titre d’exemple :

« … l’enquête qu’un homme pourrait mener sur lui-même devant la vision de sa propre image dans un miroir. Un dialogue s’établit qui ne doit rien à l’auto-analyse, rien à l’introspection, mais relève de la simple épistémologie.

Il découvre que ce contour visible d’un corps — de « son » corps — offert en premier lieu au regard n’est qu’une façade. Derrière la surface de ce front, des pensées se déroulent, des inclinations germent, une certaine connaissance réside. Non moins que l’image corporelle, se dit-il, elles sont une partie de mon être, je les reconnais pour une expression de moi-même ; leur fonction se déploie dans un champ de conscience où l’œil n’a pas accès. S’il m’était donné d’apercevoir les œuvres que la vie — ma propre vie — élabore et résorbe en moi d’instant en instant, je serais le témoin d’un extraordinaire spectacle. L’écoulement de chaque seconde fait naître et déverse dans le sang deux millions et demi de globules rouges, cent vingt mille leucocytes, cinq millions de plaquettes. De cette semence de vie je me sais le progéniteur invisible et la matrice, mais aussi le fossoyeur et le cimetière d’où surgit à nouveau le cycle des formes.

… mais l’aspect visible d’un phénomène n’en n’épuise pas la réalité ; il n’en pose devant le regard qu’une infime parcelle.

A mesure que, par des artifices toujours plus savants, la fonction visuelle tente de me faire saisir la structure complexe de mon être, comme si elle poussait devant mon regard un objet, la réalité se retire en moi et voile son inviolable simplicité derrière un rideau mouvant de formes. Non, je ne suis pas cela, semble-t-elle dire, pas cela seulement. »

Ici, je ne puis mieux faire que de vous lire ces pages de Vie et Rénovation où nous trouvons exposé, non pas la croyance, mais bien le jugement d’un Godel retrouvant — on imagine avec quelle allégresse — dans la vie biologique comme dans l’aspect psychologique sous lequel se présente le problème, cette donnée de fait si difficilement récusable pour l’observateur. On imagine aussi la satisfaction du chercheur de vérité devant les travaux d’un des plus éminents neurophysiologistes du siècle, Sir Charles Sherrington, dans l’analyse qui « l’entraîne fort loin, sur les confins d’un territoire objectivement explorable » et qui nous fait ces déclarations bouleversantes sous la plume d’un homme de science, et qui ne dépareraient pas un exposé de pure métaphysique :

« Le moi — « the I » — répète Sherrington avec insistance, n’est pas un objet qui se laisse examiner par les sens… jamais le moi ne passera sur le niveau de la perception sensorielle. Il est lucidité… Le moi se trouve comme enveloppé par un espace sensible ; mais jamais cet espace ne s’attache à lui ou ne lui confère d’étendue. L’espace sensible n’a aucune prise sur le moi et ne l’atteint pas. »

Il parle en termes clairs, dit Godel, de ce lieu de l’esprit toujours central, et transcendant néanmoins toute localisation.

« Le moi, écrit encore Ch. Sherrington, se trouve central dans un monde de « choses », lui-même existant sans contours ni forme, ni dimension ; invisible, intangible, dépourvu d’attributs sensibles, durable, d’une durabilité sans longueur de durée quand on le compare aux choses. Position sans magnitude. De ce moi « this I » nous sommes bien plus immédiatement conscients que du monde spatial autour de nous, car il est notre expérience directe. Il est le soi, « the self ». Et pourtant il n’a jamais été vu, ni senti, et bien qu’il possède le langage, jamais il n’a été lui-même entendu… invisible, intangible, non perceptible, il demeure inaccessible aux sens bien qu’il soit lui-même connu de lui-même directement — donnée de première main et inexpugnable. »

Comment maintenant le Docteur Godel entend-il appliquer ce qu’il pense, ce qu’il sent, ce qu’il vit si fort, à la médecine de tous les jours, celle qui met en contact constant le malade et le praticien ? Durant vingt-six années d’hôpital, en effet, c’est ce contact incessant qui a fait, si j’ose dire, la trame des journées, et si souvent des nuits, du labeur d’un Roger Godel. Il est donc particulièrement intéressant de suivre dans le détail l’application des méthodes que tant le souci de l’humain que la recherche expérimentale la plus poussée l’ont amené à pratiquer :

« Selon cette perspective nouvelle, les malades sont d’abord examinés, explorés avec soin, et traités conformément aux règles les plus classiques de la médecine contemporaine. Mais c’est là seulement une démarche préliminaire. Aussitôt après l’achèvement de ce travail, une autre voie d’approche doit être ouverte dont il sera longuement question dans ce livre. Le médecin établit un contact — non pas objectif ni mécanique, cette fois, mais subjectif, humain — avec le monde intérieur du patient. Par ce passage dans l’intériorité du malade et en compagnie de sa directe expérience, il l’aide à résoudre ses problèmes majeurs : attitude devant la vie et à l’égard de soi-même. Il l’aide à dénouer les situations tendues, à corriger des inclinations perturbatrices, à surmonter l’angoisse. Au surplus il le délivre de la solitude en lui accordant une attention compréhensive.

Malades et médecins, unis dans une collaboration confiante par le service commun à l’hôpital, ont pris une part active aux enquêtes en profondeur. » (Vie et Rénovation).

Et plus loin :

« Puisqu’en toutes circonstances le cours de notre vie offre à considérer toujours une double face — objective d’un côté, subjective de l’autre — le médecin devra scruter avec une attention égale chacune d’elles. Il se peut qu’une situation morbide se laisse appréhender d’abord et principalement par la voie d’approche subjective ; elle signifie sa présence au sujet qui la subit par des symptômes sensibles : une étreinte vague ou une douleur au thorax, derrière le sternum. Pendant des mois, et parfois des années, la maladie ne se manifeste guère autrement qu’à travers le langage de la subjectivité. Elle imprime sa souffrance, éveille l’angoisse ; ses modes d’expression gagnent de l’ampleur et des nuances nouvelles. L’édifice prend donc forme dans la conscience ; sans doute le cerveau emporte-t-il quelque part en lui — du thalamus à l’écorce — la réplique neurologique. » (Vie et Rénovation).

Il faut lire dans le texte relevé de ses observations des malades, paysans de la vallée du Nil, ouvriers, ingénieurs ou encore celle de tel artiste en quête d’absolu. Avec chacun d’eux le Dr Godel se mettait à l’unisson, pour chacun il trouvait le mot juste, parlait métier, faisait découvrir à son interlocuteur la comparaison propre à éveiller en lui cet espoir dans la guérison en vue de laquelle sa coopération est acquise, coopération si nécessaire, si urgente.

Il faut l’avoir vu comme il m’a été donné de le voir, interrogeant avec une infinie patience chaque malade des heures durant — et qu’on ne voie pas là un superlatif de circonstance — le mettant en confiance par un examen clinique approfondi, complété par tous les autres moyens d’exploration : radiologique, électrocardiographique, électroencéphalographique le cas échéant et toutes recherches de laboratoire que la science moderne met à la disposition du clinicien, et tentant — en suscitant le dialogue, en le maintenant et le renouvelant tout le temps voulu — de faire en sorte que le malade et le praticien ne fassent plus qu’une entité, un couple fondu dans la même unité, à la recherche commune d’un bien commun : le retour à la santé.

Sans cesse à l’affût des techniques nouvelles, Roger Godel ne négligeait rien pour se tenir au courant de toute nouveauté s’avérant utile à ses malades, envoyant, par exemple, dès l’apport de l’électroencéphalographie, son premier assistant en Europe pour en apprendre les modalités, s’initiant lui-même à cette technique et aussi à la passionnante méthode du rêve éveillé et la pratiquant avec un rare bonheur dans son hôpital.

J’ai connu personnellement deux de ses patients auxquels, par ce dernier procédé (modifié par lui quelque peu comme il le raconte dans un de ses lumineux essais sur l’Expérience Libératrice), la joie de vivre a été rendue en une unique séance. Un autre cas est celui qui est décrit en détail dans l’ouvrage que nous venons de citer, c’est le rêve de Persée.

Le Docteur Godel ne portait jamais un pronostic fatal, quelque sombre que fût le tableau clinique. Il disait avoir trop le respect de la vie et du destin — si grands et déconcertants dans leurs manifestations pour se permettre une si péremptoire affirmation. Cette probité alliée à une humilité essentielle, celle du savant connaissant ses limites, elle est celle de l’homme conscient des grandes lois qui nous gouvernent. Un jeune médecin venait un matin tout défait lui rapporter qu’un malade, atteint de poliomyélite foudroyante, venait de mourir dans la nuit. Il s’accusait de n’avoir pu le sauver. Le Docteur Godel le reprit avec une douce fermeté : « Vous croyez-vous maître du destin d’un homme ? Tirons maintenant la leçon de l’expérience, examinons vos manques ou malencontreuses interférences, s’il y en eut. »

Il enseignait aussi que tout malade cherche dans le médecin la sollicitude d’un père, et cette paternité lucide, éclairée mais aussi, au besoin, strictement ferme vis-à-vis du patient confié à ses soins — le Docteur Godel l’assumait pleinement.

Comment ses assistants, ses internes, ses élèves, cette cohorte d’étudiants d’une élite libanaise et égyptienne — presque tous aujourd’hui à la tête d’importants services hospitaliers — comment ne l’eussent-ils pas vénéré ? Levé avant l’aube, très souvent à sa table de travail avant quatre heures du matin, dépouillant pour lui et pour les jeunes médecins articles et revues, écrivant ses livres, préparant des notes, méditant sur les malades en traitement dans le service, sur les recherches à inspirer, toujours le premier arrivé à son hôpital, ne négligeant aucun cas, ne précipitant indûment aucun diagnostic, reprenant les erreurs relevées dans les observations ou les remarques de ses élèves, toujours avec une cordiale bonhomie et si souvent avec humour, le Docteur Godel était dans le plein sens du terme le Patron qui était à la fois et l’exemple et l’ami.

Deux histoires poignantes, qui méritent de figurer dans une légende dorée, viennent en ce moment sous ma plume. Je ne suis pas seul à en garantir l’authenticité. Souvent, dans le service des malades gravement atteints, le Docteur Godel, dès l’aube, présidait à leur toilette. Il les soulevait de ses bras, soucieux de leur fragilité, de leur confort. Il était, sans que l’apparence le révélât, d’une force physique peu ordinaire. Tel de ses élèves presque entièrement disparu dans une crevasse sur le glacier du Mont Rose pourrait en témoigner. Et cette force il la voulait à la disposition de ses malades comme ses dons intellectuels eux-mêmes. Comment ne pas penser à cette histoire hassidique d’un rabbin miraculeux, soupçonné de se lever la nuit pour des courses mystérieuses, et épié par ses disciples qui découvrent qu’il se déguise en bûcheron pour aller dans la forêt voisine ramasser des fagots et pénétrer dans la masure d’une vieille paysanne alitée pour lui refaire son feu toutes les nuits.

Et cette autre histoire de l’hôpital d’Ismaïlia, celle de cette pauvre paysanne qui se refusant à vivre, à aider ses médecins à la guérir : « Tu ne vois pas, dit-elle au Dr Godel, qu’il n’y a plus d’huile dans ma lampe ? ». Celui-ci lui raconta comment une vieille femme, pauvre et malade comme elle, recevait la visite de son fils venu de loin pour la secourir, et qui tous les jours remplissait sa lampe d’huile — cette lampe symbole, en Orient, de vie. « Mais moi je n’ai pas de fils, lui dit-elle, qui me remplira ma lampe ? ».

— « Moi, lui dit le Dr Godel, je n’ai rien d’autre à te demander que de vivre. »

Il fit porter une lampe au chevet de la malade et la remplit lui-même, tous les jours. Elle l’appela « Mon fils », et plus tard guérit.

A des malades plus intellectuels, le Dr Godel tenait évidemment un autre langage. Voici le fragment d’un entretien avec un malade atteint d’angor :

« Le Médecin. — Le cœur a su réparer ou compenser en temps voulu les ravages causés en lui par la détérioration de ses artères.

Le Malade. — Un organe, un simple mécanisme de pompage posséderait ce pouvoir ? Serait-il doué de prévision ? Vous lui attribuez donc une intelligence semblable à la nôtre ?

Le Médecin. — La prévision, l’intelligence, telles que vous les concevez sont des notions humaines. Il appartient à notre cerveau, et non à notre cœur, d’en pratiquer l’exercice. L’aptitude propre d’un organe à réparer ses dégâts et à entretenir en soi le cours de la vie relève d’un autre mode de savoir. Ce savoir réside dans l’intime structure de l’être vivant. Transmis de cellule en cellule, intégralement, avec le plan héréditaire d’organisation, il règle et contrôle le devenir des formes. Son origine, vous le voyez, remonte loin. Dès avant la naissance nous l’avons en héritage. Il fonde ses assises sur le passé. Des milliards de cœurs ont précédé le vôtre et lui servent en ce moment de modèles. Tous ont subi victorieusement l’assaut du corps et de l’adversité. Au cours des siècles ils ont pu s’exercer à réparer leurs maux. Dans chacun de vos ancêtres le cœur a prouvé son endurance en entretenant la vie jusqu’au jour où une postérité lui vint.

Pendant que nous nous entretenons de ces choses, un savoir en action surgi du fond des millénaires, accomplit ses tactiques en vous à votre insu. Il semble prévoir selon sa manière — qui est biologique — le devenir à long terme. Son œuvre, si vous l’aidez, vous tissera une trame pour bien des années à venir. »

Et plus loin :

« Après ces deux rencontres, le malade adopta une attitude de confiance et de sollicitude envers son cœur. Au lieu de l’incriminer, il examina en lui-même d’un regard critique le jeu des fonctions mentales. En transférant ainsi l’inculpation du cœur sur le cerveau, il éprouva une intense allégresse. Une masse pesante tombait de sa poitrine. De son poste d’observateur il apprit à saisir l’état naissant d’une crise, sa génération dans le champ de conscience. Le faciès de la maladie lui apparut composé de matière psychique. Désormais il se méfia de sa méfiance plutôt que de ses coronaires.

De brefs dialogues quotidiens l’entretinrent dans ces dispositions favorables. Le médecin et le malade s’entendirent pour diviser entre eux la tâche thérapeutique. Au médecin revint l’entière responsabilité et l’initiative de traiter le cœur selon les règles classiques, tandis que le malade achevait de délivrer son champ de conscience des séquelles mentales.

Un vestige à peine perceptible des douleurs subsista pendant deux jours. Puis la dernière trace d’angor disparut. Le patient, marchant depuis lors à une cadence normale, reprit ses occupations professionnelles. Il monte actuellement trois étages d’un immeuble sans ressentir aucun malaise. Les électrocardiogrammes évoluèrent plus lentement vers des figures normales. »

Jusqu’au moment de la mort une assistance bénéfique peut être apportée :

« Un malade aux approches de la mort peut encore recevoir une aide considérable, écrit le Docteur Godel. Jamais à aucun moment de sa vie il n’a eu autant besoin de secours éclairés. S’il n’a point découvert auparavant la stabilité certaine d’une position inébranlable, son esprit tournoie, en proie au déséquilibre ; aucun support ne lui reste sur quoi il pourrait prendre appui.

Servir un mourant, c’est aussi le protéger contre les maux qui le menacent de l’extérieur : excès de zèle, intrusion affective, lamentations indiscrètes, vaines brutalités thérapeutiques. Bien entendu le corps agonisant sera l’objet d’une attentive sollicitude. Ce témoignage d’amour — un verre d’eau, un coussin doux sous la nuque, le nettoyage des sueurs — sera transféré, par inclination naturelle, au cœur pour son plus grand bénéfice. Autant que des propos il ouvrira la voie. » (Vie et Rénovation).

Roger Godel nous raconte qu’un jour il posa au jivan-mukta, un Sage authentique de l’Inde, la question suivante : « Quand toutes les ressources de la science ont été épuisées, que faire alors pour aider le malade au maximum ?

— « Die for him to live » fut la réponse jaillie des lèvres du Sage.

Mourez à vous-même, à votre ego, à tout ce qu’il pourrait demeurer en vous de personnel afin de pouvoir communiquer à l’autre ce qui en vous n’est plus le fait de l’ego, cela que vous avez en commun avec lui.

Le Sage dont nous parlait Roger Godel avait à ce point répondu à son attente, si parfaitement satisfait à son exigence (les hindous ne disent-ils pas « c’est quand tu seras prêt que l’instructeur viendra »), qu’il ne put garder pour lui sa découverte, sans convier autrui à participer à sa joie. Trait combien caractéristique de Roger Godel ! toute sa vie il conviera, partagera, demandera à autrui de communier avec lui.

C’est de cette rencontre avec un jivan-mukta, un homme libéré, un Sage de la lignée des grands rishis, que devait jaillir pour Godel cette certitude qu’il existe entre la philosophie de l’Orient et la science occidentale une communauté fondamentale et que, loin de s’opposer, ces deux voies s’harmonisent, se complètent, se parachèvent l’une l’autre.

Entre autres études devait résulter de ce contact, ce pénétrant « Entretien avec un psychologue Indien, sur les trois états de veille, de rêve et de sommeil profond » qui figure en bonne place dans ses Essais sur l’Expérience Libératrice dont nous avons déjà, à maintes reprises, eu l’occasion de parler et qui est une des œuvres maîtresses du Docteur Godel.

« Je viens d’avoir un dialogue avec Socrate », déclara-t-il à Mme Godel à l’issue de la première entrevue avec Sri Atmananda. Confirmation que, plusieurs années plus tard, devait apporter un Olivier Lacombe disant : « Le portrait de Socrate dessiné par Platon comporte des traits qui évoquent pour l’indianiste la physionomie typique du Sage Indien ». Le maitre Indien eût dit : « The Sage is Socrates ».

Il y aurait encore tant et tant à dire sur Roger Godel et son œuvre, sur Godel éducateur (voir sa conférence au Colloque Orient-Occident de Bruxelles, 1958), sur Godel amoureux de la montagne. Ses pages saisissantes sur « le Numineux et le Profane sur la Montagne », ne seraient désavouées par aucun grand alpiniste, ni par un Georges Sonnier, ni par un Frison Roche, ni encore par un Paul Guitton. Est-ce par hasard que Godel trouve sous la plume de l’un d’eux ces lignes : « Il y a dans tout être une vérité qu’il importe de délivrer. Là est la vertu singulière de la montagne : elle délivre la vérité des êtres ». (Sonnier, Où règne la Lumière), et une autre belle déclaration : « La plus grande découverte que fait tout alpiniste est celle de son âme » (Claire-Eliane Engel).

Sur Godel sociologue

Les cinq colloques de la Rencontre Orient-Occident de Beyrouth, en 1959, montrent abondamment comment Roger Godel se penchait sur les maladies de notre humanité, plus particulièrement sur celles de la civilisation contemporaine, cherchant à apporter son concours aux améliorations auxquelles tout homme de foi devrait avoir à cœur de contribuer. Voici, en particulier, les pages émouvantes consacrées à ce que Godel appelle les zones de stagnation d’un pays, « les secteurs déshérités », entendant par là tous ces éléments épars laissés en retrait du corps de la nation et envers lesquels celle-ci ne ressent pas assez le nécessaire sentiment de solidarité qui pourrait seul les faire s’intégrer au reste de la communauté et par là lui apporter une contribution efficace.

Roger Godel, fervent de l’archéologie, de la découverte

Son inlassable curiosité, sa ferveur dans la remontée aux sources devaient l’amener ces dernières années à s’intéresser de plus près aux recherches entreprises un peu partout en France sur la Gaule primitive. Sur les confins de l’Île-de-France, dans le Vexin, il découvrait un jour l’adorable petit village de Guiry. Une magnifique équipe de jeunes archéologues amateurs, encouragée par le jeune et enthousiaste maire de cette localité, avait mis à jour de véritables trésors : fondements, vases, bijoux, poteries, silex, etc. Roger Godel, émerveillé par l’esprit des jeunes chercheurs, tint à voir et à revoir ce village, malgré les atteintes de plus en plus cruelles du mal qui devait l’emporter. Le musée de Guiry, l’esprit qui anime ces découvertes l’enthousiasmèrent. C’est ainsi que, lorsqu’il dut s’agir de trouver pour le corps du Dr Godel une digne sépulture, Mme Godel pensa tout naturellement à Guiry.

Ici encore, son œuvre subsiste. Roger Godel n’avait-il pas aussitôt pensé à entreprendre là une fructueuse rencontre entre jeunesse d’Occident et jeunesse d’Orient. Il envisageait tout de suite d’inviter des jeunes étudiants du Liban, pour leurs vacances, à venir s’initier aux fouilles archéologiques dans le cadre d’une recherche désintéressée. De même qu’il projetait d’inviter au Liban des jeunes de Guiry pour comprendre et aimer cette vieille et héroïque terre libanaise.

Cette œuvre, fructueuse pour les uns comme pour les autres, a été mise sur pied par la fervente piété de Mme Godel et des amis de Guiry, et déjà cet été le premier voyage d’études, à Guiry comme en Lozère, a été effectué dans le sens Orient-Occident, inspiré par le Docteur Godel.

Conclusion

Pèlerinage aux sources, recherche de l’unité.

Pour un Roger Godel il s’est sans cesse agi de retrouver, à travers toutes les expressions artistiques, scientifiques, spirituelles, ce qui en est le commun dénominateur, qui se retrouve sous mille formes, identique, et que le Dr Godel nous décrit en langage scientifique comme étant l’axe d’intégration, l’axe de référence. Ce qui est recherché par tous et exprimé de multiples manières, « cela, par la connaissance de quoi tout est connu » disent les sages de l’Inde.

Comment s’étonner que Roger Godel ainsi orienté depuis toujours, se soit, sa vie durant, tourné vers cette source pérenne de toute science, de toute beauté, de tout amour ?

Par une grise matinée de janvier dernier nous devions revoir le Dr Godel. Il était atteint, depuis des années, de cette même maladie qu’il avait si profondément étudiée. Son cœur, qui depuis longtemps avait subi tant d’assauts, « cet ami », disait-il, qui avait accompagné cette vie dense, se préparait au repos. Le visage traduisait une sourde souffrance, évidente sous l’accueillant sourire.

Durant les quelques jours que devaient durer ces derniers avertissements, les douleurs étaient telles qu’il nous en communiqua la profondeur en nous relatant le démembrement d’Osiris. Et ceci nous rappelle les autres paroles qu’il mit dans la bouche d’Euripide :

« La dure loi de Nécessité, Ananké, ignore les mouvements de notre cœur. Qu’importe. Dionysos, s’il subit le supplice du déchirement, reste éternellement le même. Rien ne l’altère. Du corps déchiré la vie renaît toujours victorieuse. »

Et cette phrase poignante encore où Godel décrit la fin de l’aventure du grand mystère : « Son corps garde juste assez de vie pour s’initier au rêve de mourir. »

N’est-ce point le même Godel qui nous disait un jour : « Si l’outil est affiné en sorte qu’il ne serve que de transmission à la conscience, la conscience qui est à l’arrière surgit et s’exprime à travers l’outil. »

Entre deux crises, entre deux syncopes, sa voix conservait le même timbre pour dire à ceux qui l’entouraient : « Je suis au bord de deux issues, elles sont également bonnes. »

N’avait-il pas répété toute sa vie : « La vie, la mort, deux faces — lumineuses et simples autant l’une que l’autre d’une même réalité. »

Sans vacillement, il nous assembla tous dans cette dernière sollicitude : « Je vous aime tous tellement, vous êtes mon âme. »

Ainsi jusqu’au bout et malgré d’indicibles douleurs, Roger Godel refusant tout calmant qui eût pu atteindre « l’outil » transmetteur de la source émettrice, demeurait le témoin de ce qu’il ressentait. Parlant posément des troubles vaso-moteurs qui commandaient les phénomènes dont il ressentait l’aspect subjectif, cherchant à expliquer, à enseigner, comment ne pouvait-il pas évoquer pour nous l’attitude d’un Ramana Maharshi, que lui-même nous avait dépeint, regardant sereinement son sarcome et endurant sans broncher des souffrances atroces, sans aucune plainte, soucieux comme Socrate, comme devait l’être Roger Godel, de boire calmement sa ciguë.

Roger Godel repose aujourd’hui sous une stèle basse, blanche, simple et unie dans un grand jardin à Guiry, une de ses dernières ferveurs, tout contre un bouquet d’arbres et d’un petit ruisseau qu’eût tant aimé l’amoureux de l’Ilissos.

Sur cette stèle on peut lire, de l’écriture même de Roger Godel, ce poème d’ancienne Égypte, cette Égypte qu’il a aussi tant aimée, qu’il a tant servie :

« Le vrai silencieux se met à l’abri

« Il est comme l’arbre qui pousse dans un verger

« Il verdit et double ses fruits

« Il est dans le parvis de son Seigneur !

« Ses fruits sont doux et son ombre agréable

« Et il finit dans le jardin. »

Salomon KATZ


[1] Ce travail a fait l’objet d’une Conférence donnée par le Dr S. Katz au Cercle « L’homme et la Connaissance », à Paris, le 24 octobre 1961.

[2] M.-M. Davy, Un Maître dans l’Art de Vivre, art. paru dans la Revue « Synthèses », Bruxelles, 1956.

[3] A. Godel, « Synthèses », Bruxelles, 1957.

[4] R. Godel, Une Grèce Secrète, édit. Les Belles-Lettres, Paris, l 960.

[5] R. Godel, Vie et Rénovation, édit. Gallimard, Paris, 1957.

[6] R. Godel, Cités et Univers de Platon (Recherche d’une Foi), édit. Les Belles-Lettres, Paris.