(Revue Panharmonie, Nouvelle série N0 3. Janvier 1988)
Monseigneur GERMAIN ouvre le débat en citant le point de vue chrétien qui est le sien et qui est en accord avec la tradition hébraïque qui dit : Les hommes naissent à cette vie là avec un héritage au sein d’un espace et d’un temps déterminés. Et cet héritage a une signification particulière qui est qu’il arrive avec une lignée spirituelle. Il n’a pas seulement des ancêtres physiques, père, mère, toute une lignée, mais aussi des ancêtres spirituels qui ne sont pas les mêmes que ceux de ses parents physiques. Nous n’avons pas seulement des lignées spirituelles, mais aussi des lignées psychiques. L’homme est un être extrêmement complexe et pour citer un cas (les cas extrêmes peuvent servir d’images) : Jean-Baptiste, le Précurseur. La cité juive se posait la question, qui était le Baptiste ? Cette question fut posée au Christ : « Qui est celui-là ? » Il répond : « Si vous voulez m’en croire, c’est lui Elie qui doit venir. » Réponse étrange, presque incompréhensible, mais qui marque un fait concret qui est dans la tradition hébraïque : Jean Baptiste marchait dans la lignée et la puissance du Prophète Elie, il était inscrit dans cette lignée.
Un autre doit venir qui est inscrit dans cette lignée : Jean l’Evangéliste. Ainsi sont liés Elie, Saint Jean-Baptiste et Jean l’Evangéliste. En quoi consiste l’expérimentation par Jean Baptiste de cette lignée ? Jean Baptiste pouvait reproduire la vie du Prophète Elie comme si c’était lui qui l’avait vécu. Peut-être pas entièrement, mais en tout cas ce qu’il reproduisait était comme si c’était lui qui l’avait vécu. C’est ainsi que le Christ a dit : « C’est lui, Elie qui doit venir » parce que, en plus, dans la tradition, le Prophète Elie doit revenir à la fin des temps.
Cela demanderait beaucoup de temps de développer davantage le point de vue de l’arrivée des hommes dans une lignée spirituelle et leur possibilité de reproduire les pensées et les actes de ceux qui les y ont précédé, comme si c’était leurs propres actes. Le Christ, Lui-même, s’est comparé au Prophète Jonas et dans cette même lignée on trouve l’Apôtre Pierre. C’est un sujet qui ne parle pas de réincarnation, mais de transmission et qui peut donner à croire que, au fond, c’est le même être qui revient, ce qui n’est pas le cas dans le concept de la lignée, ce n’est pas le même être qui revient, c’est un esprit qui parcourt une lignée historique.
On peut se poser la question : Est-ce que l’Esprit s’arrêtera un jour ayant accompli son destin ? C’est une question intéressante. On voit qu’une lignée s’arrête à un moment donné, peut-être pour réapparaître dans cent ans ou mille ans, on ne sait combien d’années après. L’esprit d’Elie continue à travers les siècles, toute la lignée johannique par exemple s’accomplira, l’Apocalypse en parle au moment de ce que l’on appelle « La fin des Temps.
Ce premier point explique la transmission des pensées et des expériences de l’humanité de génération en génération. Les générations se succèdent Ce ne sont pas les mêmes personnages.
On peut se poser deux questions: si on regarde la constitution du monde, que ce soit le monde visible ou invisible, disons le monde au sens large, le monde est formé de l’esprit et de la matière. L’esprit est spirituel et la matière est, en langage hébraïque, charnelle, pas dans le sens péjoratif, mais biblique. Ils forment la synthèse de l’homme, l’un ne découlant pas de l’autre, l’esprit restant ce qu’il est et la chair étant ce qu’elle est. Les deux entrent en relation et la synthèse c’est l’homme, ou l’humanité. Une question : Qu’elle est l’action essentielle du monde charnel, du corps de l’homme ? Quelle est sa fonction primordiale ? Une réponse pourrait être qu’il est chargé de faire naître. Le monde physique fait naître aussi bien chez les êtres humains que chez les animaux et on peut l’étendre à tous les ordres de la nature
Deuxième question ? Quelle est la fonction essentielle du monde spirituel, de ce qu’on appelle « l’esprit » sans le définir, en face du monde charnel ? Une réponse, mais elle est plus difficile à percevoir, c’est que l’esprit est fait pour donner, le spirituel se donne au matériel, l’esprit se donne à la chair; je vous propose un exemple qui n’est pas vraiment spirituel, mais tout de même intelligent : les hommes ont étudié les lois du monde. On en a connu quelques unes et on les a imprimées dans la matière. Cela donne des automobiles et des pensées. Qu’est-ce qu’une automobile ? C’est une loi conceptuelle installée dans des éléments matériels. La loi qui est invisible, impalpable, a été mise dans un élément matériel et, tout à coup, cela donne un engin qui peut fonctionner. Lorsqu’en regarde l’homme on peut penser que le côté spirituel est donné à son côté matériel ou corporel et que l’alliance des deux font de lui un être vivant, capable de se mouvoir.
Je reviens à la question essentielle qu’elle est la fonction essentielle au sein de la création ? Se donner. A qui, à quoi ? A la matière. S’il se donne, la matière se met en route, se vivifie et se transforme. Un esprit qui reste en lui-même devient égoïste, orgueilleux et altier. Au lieu de se donner il s’abstient du monde matériel et parasitera le monde matériel et le monde matériel alors commencera à dépérir, parce que parasité par le monde spirituel et, de ce fait, le dépérissement crée la mort.
La mort vient de ce que le spirituel parasite le monde matériel, charnel. C‘est une manière de voir les choses. La mort, pour l’esprit qui se donne, c’est l’abnégation, c’est mourir à soi-même pour naître à l’autre. Sans cela le monde matériel va mourir n’étant plus informe, par le monde spirituel.
Nous avons ici, dans la destinée de l’homme, une chose extrêmement paradoxale, l’introduction d’un élément dans le monde charnel de la mort qui n’est pas originelle, ni fondamentale. La chair n’est pas faite pour mourir, mais pour durer. Jean Rostand, athée, le disait : « toute une vie j’ai étudié la cellule. Pour la regarder j’ai dû commencer à la tuer, (C’est assez paradoxal, pour étudier les grenouilles il commençait par les tuer !). J’ai cherché ce qu’était la mort, je ne l’ai pas trouvé. Tout est fait pour vivre, et pourtant, c’est la mort. «
Dans cette perspective de l’alliance ou du mariage de l’esprit et de la matière, la réincarnation est un point d’interrogation. Elle n’est inscrite ni dans la pensée, ni dans le destin. L’humanité s’écoule de génération en génération, mais ce ne sont pas les mêmes êtres. L’humanité produit des êtres successifs, jusqu’au jour où l’esprit retrouvera la plénitude de sa fonction qui est l’abnégation, une sorte de mort. La vraie mort c’est l’abnégation, la fausse mort c’est la mort de la chair et, ce jour là, la chair ne meurt plus, elle est au contraire sur le chemin de la transfiguration.
SWAMI SHRADDHANANDA GIRI succède à Monseigneur GERMAIN : La question de la réincarnation est une question fondamentale, liée à un fait de cause à effet. Pour bien comprendre cela il est préférable que l’Hindou cesse d’être hindou, le Chrétien d’être chrétien, le Musulman d’être musulman, etc., parce que c’est un problème qui concerne l’être humain et non pas les différentes croyances. Quand un être humain vient au monde, il n’est ni chrétien, ni musulman. Puis il reçoit une éducation selon son entourage, selon certaines formes de croyances qui existent partout. Pourquoi est-il là, quelle est son essence? Toutes sortes de questions se présentent à lui. L’être humain a un double aspect, un aspect matériel, son corps change, on est heureux, on est malheureux. Puis il y a encore un autre aspect : au delà des ces changements il y a quelque chose qui subsiste, telle la notion de Dieu qui, elle aussi, est matière à réflexion. Et là aussi il y a des changements, est-ce que cette forme actuelle est aussi essentielle ?
Mais alors, à partir de quelque chose il y a quelque chose, qu’elle est la raison d’être de la forme actuelle d’où découlent certaines conséquences ? L’être humain peut s’exprimer d’une certaine façon en tant que corps, en tant que mental, faire des expériences, mais fondamentalement, sans trop le savoir, il y a en lui un élément stable, une cause qui ne dépend de rien et qui est la cause de toutes choses.
On peut alors, en toute sincérité en conclure que la vie est liée à une loi de cause à effet. Un exemple : quand nous sommes grippés et que nous prenons un cachet, la grippe disparaît. Mais nous savons qu’elle peut revenir, parce qu’elle est due à une cause, notre organisme est fait de telle façon qu’il est sensible au froid. Si la cause existe, l’effet se produira.
Si on conclut que derrière le corps physique, derrière le mental, il y a un élément qui est constant, qui n’a ni commencement, ni fin, parce qu’il n’est pas matériel, on peut se demander si, avant d’être conditionné par un corps qui procure les moyens, les outils, les possibilités de faire des expériences, cette âme, cette Conscience immuable, continuera à exister après la mort du corps ?
Donc la cause existe, ce sont nos désirs. Il faut dans cette vie, vivre l’expérience sensorielle, les souffrances, la sexualité. Quelle est alors la raison pour laquelle l’être désire reprendre cette existence ? Si on propose à un vieillard de ne pas mourir et de retrouver un corps jeune, il acceptera. Pourquoi ? Parce que le désir est toujours là. Le désir est une certaine façon particulière de vivre et c’est la raison pour laquelle on peut penser que si la cause de venir dans cette vie-là, de vivre d’une certaine façon, de s’exprimer avec un corps, avec un système sensoriel, est là, il est tout à fait logique que l’être humain trouvera une occasion de reprendre un corps qui lui donnera la possibilité de refaire cette expérience. C’est une cause qui peut être établie, celle que l’homme est attaché à une forme d’existence. Si on est très content de manger une glace, on retournera auprès du marchand de glaces pour retrouver la même glace. C’est un peu le raisonnement concernant la réincarnation, c’est-à-dire le désir de reprendre les mêmes outils, de se retrouver dans les mêmes conditions que l’on a déjà vécues, pour faire la même chose, parce que la raison qui nous a donné cette vie existe toujours.
Lorsqu’on a quitté son corps on passe par une période. On ne renait pas tout de suite, on ne reprend pas tout de suite un autre corps. On continue à vivre parce qu’on a emporté avec soi les éléments pour continuer d’exister. C’est le mental que nous appelons corps subtil qui constitue tous les éléments pour réaliser l’état de percevant et de perceptible. D’ailleurs si vous avez peut-être lu comme moi dans des livres et des journaux, les expériences qui ont été faites en Amérique. On a des récits de gens qui sont entrés dans le coma. Ils ont vu un tunnel, ils ont vu la Lumière blanche, ils ont vu ceci, cela, c’est cela l’état de percevant/perceptible. Nous l’avons aussi.
Actuellement dans l’état de veille et dans l’état de rêve aussi, nous possédons l’état de percevant et de perceptible. Ce n’est pas tout à fait ce corps physique qui y participe, il y a d’autres éléments qui réalisent cela. Après la mort l’être annule ce qui est du domaine des sens de sa personnalité pour continuer à vivre. Nous ne pouvons entrer dans des détails, cela prendrait trop de temps. Quelles sont les conditions de vie après la mort ? L’enfer, le paradis ? Ce que je voudrais dire c’est qu’ensuite il y a aussi la mort dans l’au-delà. Il faut mourir pour naître.
Au moment de mourir, le mourant a tous les souvenirs de ce qu’il a fait, non seulement de cette vie, mais aussi de ses vies passées ; l’esprit à ce moment là est plus dégagé. Actuellement on a des souvenirs, mais par étapes, de temps en temps, parce que l’esprit n’est pas dégagé, on est trop engagé dans la vie. Quand l’esprit est dégagé, on voit tout, tout. Les rapports scientifiques parlent de cela, on procède à une sorte de choix. L’homme a certains désirs qui décident de sa vie future et il a tous les moyens pour sa réalisation. Après la mort il tombe dans un sommeil profond, puis il recherche à prendre contact avec les Indriya. Ce sont des éléments qui lui permettront de reconstruire un corps qui serait utile pour lui. Les Indriya sont les éléments sensoriels internes.
Alors cette analyse à quoi sert-elle ? Uniquement à savoir qu’on a existé, qu’on existera, que l’on va renaître. En soi ce n’est pas tellement fondamental. Il s’agit de reprendre une vie et de résoudre ses problèmes, de ne pas souffrir dans la vie, d’être heureux sans que cela dépende de quelque chose, et d’être conscient de quelque chose de permanent. Si on n’arrive pas à résoudre ses problèmes, leur causalité, on risque de continuer la même vie qu’avant. On a intérêt à faire le travail dès maintenant, afin d’en être libéré. La réincarnation n’est pas grave puisque, à partir de cette nécessité, on aura la possibilité de supprimer ses souffrances. Évidemment quand on connaît la vérité des choses, on est conscient que l’on était existant avant, qu’on existera après, et que si nous le voulons cela s’arrêtera un jour.
C’est alors au tour de DAGPO RIMPOCHE de prendre la parole : Je suis heureux de participer à cette table ronde avec Monseigneur Germain et Swamiji. L’essentiel a été dit, il ne reste pas grand’chose à ajouter. Rimpoché ne voit pas de grandes différences, ni d’incompatibilité entre les deux traditions qui ont été exposées et celle qu’il représente. Pour un Bouddhiste la réincarnation est une notion fondamentale. C’est une notion importante non seulement au niveau de la tradition religieuse et de la pratique spirituelle, mais aussi sur un plan très mondain. En effet, l’idée de réincarnation peut donner de l’espoir.
Si quelqu’un subit dans cette vie des conditions très difficiles, s’il n’a pas pu réaliser ce qu’il voulait, il peut quand même espérer le réaliser dans une autre vie. Cela veut dire que pour un Bouddhiste la vie est à long terme et tant qu’il n’aura pas réalisé dans cette vie ce qu’il avait à réaliser, il aura la possibilité de le réaliser dans la prochaine vie et, s’il ne l’a pas encore réalisé, il continuera à se réincarner et ainsi de suite.
La réincarnation suppose évidemment que l’on admette qu’après avoir eu une vie, il y aura intégration des sens et on aura une autre vie, et ainsi de suite. En partant de cette théorie il faudrait définir ce qui vient de la précédente et ce qui va s’intégrer dans la vie nouvelle et vers les autres vies qui suivront.
Pour les Bouddhistes également l’individu est composé d’un corps et d’un esprit. Examinons d’abord ce qui va advenir du corps. Dire que le corps vient d’une autre vie, qu’il perdure de vie en vie ? Non ! Quel est alors ce principe qui passe d’une vie à l’autre ? Quelle est la continuité de l’individu ? La réponse a été proposée par un des enseignants du Bouddha. Il y a deux interprétations : d’une part on peut supposer que ce qui vient d’une vie à l’autre, ce serait une continuité du mental, de l’esprit de la conscience; d’autre part une autre interprétation dit que ce qui passe d’une vie à une autre, c’est la notion du Moi, le « Je » que l’on conçoit comme ayant pour base des agrégats, des éléments qui constituent la vie
Retenons la première des deux propositions, c’est à dire le continuum mental, de la conscience. S’agit-il de notre esprit tel que nous l’utilisons actuellement ? Non ! Car notre esprit, tel que nous pouvons l’appréhender pour le moment, c’est notre esprit grossier et cette perception grossière que nous connaissons mieux, au moment de la mort va être neutralisée. C’est une forme beaucoup plus subtile, mais de nature mentale qui passerait dans une autre vie.
Pour un Bouddhiste qu’est-ce que la mort ? C’est la séparation entre l’esprit et le corps avec lequel il a cohabité pendant un certain temps. Une fois que l’esprit a quitté le corps grossier dont nous connaissons bien la physiologie, il va continuer à vivre et, par la suite, si certaines conditions sont réunies, il va retrouver les éléments nécessaires à reconstituer un à un notre corps grossier et, dans la vie nouvelle on va connaître des joies, on éprouvera le bonheur, mais aussi on rencontrera la souffrance. Or ce mélange de joies et de souffrances ne représente jamais qu’un résultat. Ne pourrait-on alors préparer et modifier les causes qui sont à leur origine ? Nous avons actuellement, à présent, tous les instruments à notre portée pour réaliser un certain nombre de causes dont les résultats seraient plus favorables.
La pensée bouddhiste est que dans l’existence, telle que nous la vivons actuellement, nous pouvons préparer la vie suivante, c’est-à-dire accumuler des conditions, des causes, qui permettraient d’obtenir des résultats favorables, c’est-à-dire d’être heureux : et de n’avoir pas trop à souffrir. De cette manière, graduellement, on pourrait aller en progressant et arriver à un point où on se libérerait complètement de toutes les formes de souffrance, où on ne serait plus soumis aux facteurs perturbateurs, aux passions qui nous agitent actuellement, ni aux empreintes karmiques négatives. On arriverait à un stade idéal où on aurait éliminé tous ses défauts, surmonté toutes ses passions, où on aurait développé toutes les qualités. Cet état que n’importe qui peut obtenir, est appelé dans le vocabulaire bouddhiste « l’État de Bouddha ».
Après ces trois exposés, des questions sont posées :
Question : Rimpoché a dit que ce qui ne peut être fait dans cette vie pourra être réalisé dans la suivante. N’est-ce pas une incitation à la paresse et n’est-ce pas un risque d’accumuler un nouveau karma dont le poids sera plus lourd ?
Rimpoché : Il faut préciser. Rimpoché n’a pas dit « si je ne peux pas faire quelque chose maintenant, cela pourra être réalisé dans la vie suivante. Ce serait très dommage ; mais j’ai l’espoir de pouvoir le faire une autre fois.
Question : Les religions bouddhiste et hindoue acceptent la réincarnation. Seul semble-t-il, la religion chrétienne la rejette. Origène, Tertullien semblent l’accepter. Qu’est-ce qui prouve que cela n’en fut pas le cas au début du Christianisme et que cela n’ait pas été caché par la suite de peur d’une mauvaise interprétation du public ?
Monseigneur Germain : Origène, l’homme le plus extraordinaire de son siècle, le quatrième contemporain de Plotin et de l’Eglise d’Alexandrie, était formé à la culture grecque et en particulier, platonicienne. Il connaissait le mythe d’air chez Platon, celui qui met en scène la réincarnation. La question ne s’est jamais posée historiquement. Origène expose ce que la culture grecque a transmis. Il ne le prend pas en compte dans le Christianisme, des lois de l’arcane, du monde caché. St Clément d’Alexandrie a soulevé la question en répondant par la négative. En vertu des épousailles de la matière et de l’esprit, la réincarnation n’intervient pas, c’est une hypothèse invraisemblable.
Question : Origène l’affirme, le Concile ne l’a pas contredit.
Monseigneur Germain : Cela n’a pas été interdit parce que la question n’a pas été posée. Il y a eu un Concile au début du IVe siècle à Nicée, en 325. On a discuté violemment, notamment un certain Nicolas à giflé un adversaire qui s’appelait Arius, un prêtre d’Alexandrie. La discussion a été si violente que l’Empereur Constantin a fait brûler les ministres du Concile. Par contre on a toute la littérature d’Origène qu’il dictait à cinq secrétaires à la fois. Jamais Origène n’a promis la réincarnation, il l’a présentée en fonction de la culture classique platonicienne. La mentalité était la suivante : Origène regardait s’avancer le cortège des acquisitions et de la philosophie grecques. Il a montré les passages relatifs à la réincarnation et ensuite il l’a amenée au sein du christianisme et sa conclusion a été (excusez le terme un peu vulgaire), « ça ne colle pas ! » avec la révélation qui a été apportée par l’Incarnation du Verbe.
Question sur la phrase de Nicomède : « Si tu ne nais à nouveau… »
Monseigneur Germain : A la suite d’une intervention Nicomède n’a pas dit : « Si tu rentres dans le sein de ta mère… » Il a dit « Si tu ne nais pas à nouveau.. » On y voit une nette relation avec une autre phrase de l’Évangile de Jean où il dit : « Venez et naissez à nouveau de l’Esprit ». C’est la naissance non pas corporelle, qui vient du sein de la femme, mais c’est la naissance qui vient de la fusion de l’Esprit. Il s’agit de l’Esprit de Dieu qui fait naître à la vie divine. C’est celle-là à laquelle il fait allusion.
Vous introduisez cette deuxième naissance au sein des événements de la première, d’où difficulté, parce que nous avons fait la confusion des genres.
La tradition biblique que les Juifs retiennent, c’est, Elie reviendra à, ce qu’on appelle, « La fin des Temps ». Il sera mis à mort à ce moment là avec l’autre témoin qui s’appelle Enoch: qui est un des Patriarches. Ce sont les deux qui ne sont pas morts historiquement.
Ceci est une autre question, mais ce qui est intéressant dans le Nouveau Testament, c’est que le Christ regarde passer St Jean-Baptiste et quand il le voit passer, il dit : « C’est lui, Elie, qui doit revenir », C’est Elie qui doit revenir, qui est inscrit dans la tradition biblique, chez le Prophète Malachie et c’est celui qui reprend l’esprit d’Elie sur lui et qui lui fait parcourir l’espace. Ce n’est pas une réincarnation, c’est l’Esprit qui continue sa carrière.
La réincarnation, me semble t-il, serait autre chose qui consisterait à reprendre la conscience, non de l’Esprit, mais du « Je », du « Je », « Moi » mon moi illusoire, un moi-égo, comme « Je suis ». Peut-être faut-il introduire une autre notion : Dans l’Evangile, à un moment donné, le Christ a envoyé les Apôtres deux par deux et il leur a dit « Allez et préoccupez vous des hommes ». Et puis ils reviennent vers lui et il leur dit : « Qu’avez-vous fait ? » Ils répondent : « Nous avons chassé les démons ! » Ah oui, remarque le Christ, je voyais Satan tomber comme une colonne, descendre sur la tête ! » et il continue : « Réjouissez-vous bien davantage de ce que vos noms sont inscrits dans les Cieux ». Les noms, c’est ce « Je » personnel, je ne dis pas individuel, totalement personnel et unique que chaque homme a en lui, ce en quoi nous n’avons pas de relation avec le voisin. Prenons Elie, c’est un personnage historique, Elie est « Je ». Vient Jean-Baptiste plus tard. Jean-Baptiste est un autre « Je », c’est un autre nom, mais ils sont porteurs du même Esprit. Le nom, c’est ce qui est unique et quand l’homme disparaît, il meurt, il laisse son corps physique, mais sa personne continue.
Question : C’est la réincarnation !
Monseigneur Germain : Non. Les légendes sont souvent curieuses. Il y a une légende de Merlin l’Enchanteur qui trône en Bretagne. Il était dans la forêt de Brocéliande. Il avait été invité chez des paysans. Tout d’un coup, pendant le dîner le pot qui était sur le feu dans l’âtre, commence à se secouer. Le paysan dit « Ne vous inquiétez pas, c’est la grand’mère ! » – « Comment la Grand’mère ? – « Oui, oui, mais elle est morte ! Seulement elle aimait les haricots et chaque fois qu’on fait cuire des haricots, elle vient, parce qu’elle en a envie ! » Transposez un tout petit peu. L’homme qui meurt laisse le corps physique, mais il emmène avec lui les habitudes du corps physique qui, je crois, restent un temps. Il y a une résonnance des expériences de la vie du monde physique. Le corps, lui, reste. Cela dure un temps. Cette rémanence vraisemblablement va en diminuant. Ce n’est pas un problème réincarnationniste, simplement l’homme transporte avec lui ses expériences. Qu’est-ce qui reste au delà de la mort ? C’est une autre question. Sa personne est intacte, il fait des expériences de son corps ou des expériences de son esprit ou des expériences de son âme. Je reprends la question de la réincarnation d’une autre manière. Actuellement nous sommes des individus. Qu’est-ce qu’un individu ? C’est quelqu’un qui a un corps, une âme et un esprit. C’est un ensemble d’éléments communs, communs, mais mélangés d’une manière particulière. Tout le monde a un nez, des yeux et tout le monde a une âme et un esprit et le fait que ce sont des éléments communs permet que nous nous comprenions. On n’est pas forcément d’accord, mais on se comprend. Mais derrière cela il y a quelque chose que nous n’avons pas en commun qui est absolument unique. C’est la personne. Ce n’est pas la conscience, car la conscience vient du physique, du psychique, et du spirituel, du composé humain naturel. Comment la conscience vient-elle aux enfants ? Ils touchent. Spirituellement nous sommes des enfants, on touche spirituellement. La personne, ces Noms dont parle le Christ, n’ont rien de commun les uns avec les autres. La personne, quelque soit le destin psychique et physique de l’être humain, continue sa carrière. Les noms se succèdent, mais ce ne sont pas les mêmes personnes. A travers les propos d’Elie, de la tradition, ce sont d’autres personnes, l’humanité suit son destin et nous communions les uns avec les autres. L’acquisition de l’un profite à tous les autres.
Il y avait un moine du IVe siècle qui avait fait vœux de ne jamais parler. Seulement on venait le trouver de partout, parce que c’était un saint et on venait lui demander des conseils. Comment donner des conseils quand on ne parle pas ? Un jour quelqu’un est venu lui demander qu’est-ce que c’est que la Communion des Saint ? La Communion des Saints, c’est la communion des hommes. Ce que l’un fait, tous le ressentent. Alors il a pris un morceau de toile et il a mis sa main en-dessous de l’étoffe en pointant le doigt vers le haut. Ensuite il a fait le même geste en sens inverse, mais pointant par-dessus le chiffon vers le bas. Cela voulait dire, l’un monte, tous montent ; l’un descend, tous descendent. Le destin du monde est amené par nos petits bouts d’existence de 10 ou 80 ans, mais derrière il y a le sceau personnel de l’être, impalpable, mais qui ne se renouvelle pas dans l’histoire. Il passe une fois.
Question : La résurrection des corps n’est-elle pas la réincarnation ?
Monseigneur Germain : Je suis d’accord en ajoutant, la réincarnation de quoi ? De l’Esprit. La résurrection, c’est la réincarnation de l’Esprit, mais une fois pour toutes. Je ne sais pas si vous êtes d’accord dans cette perspective, il n’y a plus jamais de séparation de l’esprit avec le corps.
Swami Shraddhananda Giri : Il faut des éclaircissements. Tout d’abord le monde tourne selon la loi de la causalité, on ne peut pas nier cela. Il n’est pas très difficile de voir que la réincarnation est liée à cela. Quand nous naissons, nous avons un certain acquis dû aux expériences des vies passées, dont nous avons les « Samskara », c’est à dire des empreintes. Nous vivons avec ce corps grossier, nos facultés sensorielles, avec les samskara, les empreintes, et nous avons aussi des empreintes acquises dans d’autres conditions, celle du rêve. Car, quand en rêve vous allez à Marseille, ce n’est pas avec votre corps matériel et pourtant, vous y allez ! Donc il y a un autre monde, d’autres conditions, dont nous avons aussi les empreintes. Nous avons les empreintes de toutes sortes d’expériences qui peuvent se reproduire si la cause est là.
L’incarnation, c’est entrer à nouveau en contact avec les mêmes outils pour réaliser les mêmes sortes d’expériences. Pour faire un tableau il faut que vous peigniez à la main et utilisiez les couleurs, des pinceaux, etc. Vous pouvez bien sûr le réaliser pendant votre rêve, mais ce n’est pas la même chose.
Nous avons donc des empreintes de toutes sortes d’expériences et si la cause est là, si nous avons le désir de nous réaliser, nous pouvons tout reprendre.
On a parlé de conscience tout à l’heure. Je pense que tout le monde ne lui donne pas la même signification. Nous sommes habitués à cette conscience qui dit : Je suis conscient, il est conscient. Je suis d’accord avec Monseigneur, il s’agit là de la conscience réalisée par la chair, c’est à dire la conscience qui perçoit, qui connaît certaines choses par certains moyens, qui connaît quelque chose par l’ouïe le mental la vie intérieure s’il a des souvenances. Donc, ces états de percevant et de perceptible, c’est ce que nous appelons la conscience, c’est révélateur qui n’est pas forcément du domaine du percevant et perceptible. Pour qu’un être humain soit conscient, pour qu’il vive, pour qu’il existe, il est obligé d’avoir la faculté de percevoir, de l’expérimentale. Nous sommes obligés d’avoir des choses à percevoir. Dans le rêve aussi le percevant -perceptible est présent. S’il n’y a rien de perceptible, la conscience n’existe pas. Comme dans le sommeil profond où il n’y a aucune expérience. Et pourtant au réveil on se rappelle qu’on a bien dormi. Et pourtant on n’a pas fait réellement une expérience. Alors quelqu’un qui a quand même perçu quelque chose, l’a fait en l’absence de toute perception sur le plan ordinaire, sur le plan empirique, sur celui de la science empirique.
Nous avons dans notre tradition deux niveaux de conscience, un niveau qui comporte tous les aspects percevant-perceptible, donc tout ce qui est perceptible dans la vie. On peut pleurer, être angoissé, réfléchir, on peut faire tous les actes possibles. Dans une pâte à modeler il y a potentiellement toutes les formes possibles. Il y a donc en nous certains éléments qui ont un double rôle, à la fois percevant, révélateur et révélé. La vue par exemple révèle une fleur et ensuite cette vibration sensorielle est transmise au mental. Le mental est alors nécessaire, même la notion du « Je ». Et puis il y a aussi la révélation de Dieu dans laquelle le mental ne joue pas, S’il n’y a pas d’ego pour constater les faits la vue seule n’agit pas. La révélation est révélée par le mental. L’ego est révélateur des sens, les sens sont révélateurs par rapport à l’objet. Il y a des éléments qui sont à la fois révélateurs et révélés. Mais il y a un moment ou cela changer.
Il y a quelqu’un qui se révèle et qui n’a pas besoin de support. La table a besoin de moi pour révéler son existence. Alors que se passe-t-il au sein de notre conscience ordinaire? C’est comme si le matériel avait besoin de quelqu’un qui le révèle, qui a pu constater son existence. Il en est ainsi pour tout ce que nous vivons à l’état de veille, même à l’état de sommeil profond où il ne se passe rien du tout. C’est aussi un état de notre ego, c’est un état d’inertie. Donc il y a quelqu’un qui est révélateur mais qui n’a pas besoin de se révéler, c’est ce qu’on appelle « Multiréalité » ou la Conscience avec un grand C. qui est indépendante, qui révèle seulement, qui n’a pas besoin d’un autre élément pour exister, parce que notre conscience actuelle est obligée d’utiliser autre chose, le révélable, la fleur ou d’autres choses.
Mais il y a une conscience qui n’a pas besoin de cela, qui révèle sans objet révélable. Ceci n’est pas le cas avec notre conscience empirique que nous appelons habituellement conscience humaine, qui est encore une chose matérielle, qui est très individualisée, très particulière. Elle a la notion de racisme, d’homme et de femme, la notion du temps, de l’individualité, on est doué ou on ne l’est pas. C’est cela qu’on appelle couramment la conscience et cette conscience est en perpétuelle transformation. On est calme à un moment donné, puis agité, souffrant ou joyeux, tout cela est en formation dans la matière. La cellule change, changement évidemment au niveau subtil.
Cette conscience a besoin d’une autre Conscience qui révèle et qu’on appelle la Conscience cosmique. La conscience humaine que nous avons est très individualisée tout en faisant partie de quelque chose, d’une communauté par exemple. Notre problème est de savoir quel est l’aspect de la conscience qui est nous-même. Tant que cela n’a pas été analysé, il n’y a pas de raison de vivre comme le font la plupart des gens. Cela justifie toutes sortes de choses, d’être injuste envers les autres, de faire du mal, parce que cela concerne notre conscience humaine.
Monseigneur Germain : Quand parait l’ultime Réalité ?
Swami Shraddhananda Giri : Pour concevoir l’Ultime Réalité on a besoin d’enlever les obstacles superposés, parce que notre salut, notre révélation, n’est pas considérée comme imminente. Voici pourquoi : L’union suppose quelque chose qui n’est pas cosmique, ainsi par exemple notre main n’est pas quelque chose de cosmique, et ma petite conscience n’est pas fondamentalement matérielle. Pour savoir ce que, essentiellement, nous sommes, il faudrait pouvoir éliminer tout ce qui se superpose. Vous pouvez voir la table, le plan grossier, mais un autre de ses aspects est aussi constitué par des atomes… Percevoir l’ultime Réalité, cela ne vient pas tout de suite, il faut une autre condition pour voir qu’il y a un autre aspect des choses matérielles. Si vous utilisez un microscope vous voyez autre chose, vous voyez le mouvement des atomes qui ne vous est pas perceptible ordinairement. Pour nous c’est la même chose, il y a un aspect grossier et un aspect un peu plus subtil.
Cela existe en même temps. Le mouvement atomique existe en même temps que ce que vous voyez ou entendez sur le plan grossier. On découvre quelque chose qui existe et quelque chose qui est caché. C’est pourquoi on n’utilise pas le mot « union », parce que l’union présuppose quelque chose qui est limité par l’espace, qui est matériel. Le matériel fait partie de l’espace-temps. La Conscience est exactement le contraire, il ne s’agit pas d’union au sens habituel, c’est la découverte de soi-même.
Question : L’illusion ! Quand il y a réunion, il y a illusion ?
Swami : L’illusion, c’est un autre chapitre, parce que notre vie est une illusion. L’illusion a aussi ses lois, elle n’existe pas toute seule. Il y a toujours quelque chose de vrai, le substratum qui est dissimulé par autre chose que l’on perçoit à sa place et qu’on appelle « illusion ».
Question : Comment rapprocher l’état de Bouddha et les cellules qui se sont transformées, par rapport à l’illusion ?
Swami : La composition de nos cellules se fait en fonction de nos vibrations. Le mental est encore sur le plan grossier. Nous ressentons cela d’une certaine façon dans notre corps. Dès qu’on réalise la concentration, qu’on se découvre soi-même, à ce haut niveau mental n’est plus engagé dans le corps, c’est pratique et cela modifie la constitution de nos cellules.
Question : Est-ce comme si notre conscience individuelle se transformait pour pénétrer dans la Conscience universelle ?
Swami : Exactement ! Evidemment on peut exprimer cela par des mots. Le problème n’est pas là. « L’union avec Dieu », « au sein de Dieu », « je suis Dieu », « je suis en Lui », etc..
Question : Dans l’Ancien Testament il était défendu de donner un nom à Dieu, une loi.
Swami : On ne peut pas expliquer Dieu.
Question : Le Christ a permis de le faire. Il disait. « Mon Père », mais il parlait toujours en paraboles, en symboles. Les phrases du Christ qui sont belles sont celles des paraboles.
Swami : Il n’est pas préjudiciable de donner un nom à Dieu du moment qu’on sait ce dont il s’agit.
Monseigneur Germain : Il me semble, mais je n’ai pas de réponse définitive à ce sujet la, que dans le temps et selon les lieux la réincarnation est apparue quand les hommes d’une époque ou d’un lieu, commençaient à douter de la valeur de la matière, pour employer un terme biologique, à accompagner leur destin. Est-ce que je me trompe ?
Swami : La question de la réincarnation vient essentiellement du souci de comprendre la vie, la personnalité humaine. Ce souci peut arriver à n’importe quel moment, à n’importe quelle époque, chez n’importe qui… A l’époque quand on a développé ce concept, ce n’était pas pour savoir si l’homme allait ou non se réincarner. C’était en quelque sorte un sous-produit, un complément personnel. Le souci était de savoir ce qui était la Vérité Absolue des êtres vivants et du monde sensible et pourquoi on se trouve dans les conditions actuelles de notre vie, quel est le moyen, quelle est la connaissance nécessaire pour éviter la souffrance. A la suite de cela on a découvert qu’il y a une conscience qui est différente du corps et du mental qui constituent le monde matériel, quelque chose qui subsiste.
Je pose la question : admettons que cela soit vrai, qu’il y ait une conscience différente du corps et des sens, est-ce que cette conscience naît en même temps que le corps ? On n’a pas encore résolu le problème, il y a différents avis contradictoires. Mais on peut envisager qu’elle est née en même temps, différente, mais née en même temps. C’est là qu’on a découvert que ce n’était pas possible et que cette entité existait avant la naissance du corps. Si elle n’existait pas avant, si elle n’existait pas après, on se trouverait devant une énorme injustice, parce que, dans cette vie, on voit des gens qui font les pires choses et qui ne sont pas punis. Ils vivent parfois jusqu’à 95 ans, tout en ayant rendu d’autres vies vraiment impossibles. Rien ne leur est arrivé à eu: Qu’est-ce que cela veut dire ?
De même quelqu’un ayant vécu très bien, sans problèmes, très honnêtement, admirablement, plein de bonté et de charité et qui a les pires ennuis, ne peut s’expliquer cela que par la réincarnation. Mais s’il n’était qu’avec un corps et qu’il ait eu la vocation de faire le bien, mais qu’il n’ait eu que des obstacles, cela ne pourrait s’expliquer. Ceci nous a amenés à conclure que ces personnes ont fait des actions avant cette vie-ci et qu’il y aura aussi quelque chose après cette vie-ci.
Leur existence n’est pas finie. Une loi qu’on a conclu qu’il y a une Âme en dehors du corps et du mental, des sens on est obligé de croire à ses existences avant et après l’actuelle.
Ce ne serait pas le même genre d’expérience s’il était libéré, S’il a tous ses désirs dans le milieu mental avec lequel il s’identifiait et si sa conscience actuelle a aboli tous ses désirs; à ce moment-là il n’existera pas de la même façon que maintenant.
La Présentatrice, Nadia Proisy : Pour répondre à Monseigneur, je crois que l’inde a toujours été très attentive et que l’Occident, maintenant, commence à faire des études, même scientifiques, dans ce domaine. Je crois que l’Inde a commencé bien avant nous, qu’ils ont observé sur le terrain et qu’ils se sont aperçu que la réincarnation existait. A la télévision la semaine dernière on a eu l’occasion de voir des cas qui étaient très précis en Occident : un enfant trouve un Monsieur devant lui et lui disant : « Vous, vous êtes mon père ». Surprise du Monsieur en question et de ses propres parents qui ont raconté à la télévision que l’enfant avait dit : « Vous aviez un fusil, vous l’avez enterré à tel endroit ». Et on a effectivement retrouvé le fusil à l’endroit indiqué. Le père ne s’en souvenait plus. On a creusé et on a retrouvé le fusil.
L’Inde a été très attentive bien avant nous à noter et à développer ce concept de réincarnation. Je ne crois pas que ce soit une crise de civilisation, parce que l’Inde a eu son apogée à des moments très spiritualistes, je dirais même que l’Inde bouddhiste avec Açoka a eu une apogée de sa civilisation et je ne crois pas que ce soit des creux de vagues, au contraire.
Question : Est-ce que la plupart des peuples primitifs croyaient à la réincarnation ?
Nadia Proisy : Non, je ne le crois pas. Même ici en France, au moment des Cathares notamment, ils ont dit : « Nous voulons retourner à un Christianisme primitif ». Il y a eu une crise de civilisation à ce moment là. Amon avis le Sud de la France n’était pas du tout au creux de la vague. C’était la France du Nord qui était barbare et ce sont les barbares qui sont allés chez les Français du Sud.
Je ne pense pas qu’on puisse dire que les Indiens sont des barbares, car il y a très longtemps qu’ils croient à la réincarnation et c’est une civilisation qui a atteint son apogée à la même époque, même au point de vue médecine.
Question : Y a t-il eu des peuples primitifs qui ont cru à la réincarnation ?
Nadia Proisy : Le problème de l’homme a toujours été d’assurer une certaine pérennité. Une personne a été très choquée par le fait qu’on puisse éventuellement reprendre une incarnation animale. Ce problème a été soulevé sans qu’on y ait répondu. Est-ce que vous pouvez tous les trois répondre à cette question : y a-t-il plusieurs mondes ? On connait le monde animal qui est le plus près du nôtre, y en a-t-il d’autres ? On a parlé tout à l’heure de l’enfer, mais sans l’approfondir. Lorsqu’on a obtenu une incarnation humaine, est-ce qu’on revient toujours soit homme ou femme ou peut-on revenir animal ou éventuellement dans d’autres règnes ?
Un auditeur : J’accroche ma question à la vôtre. Cela a rapport aux chimères, c’est à dire aux constitutions anormales, artificielles. Etant donné les progrès scientifiques et l’éventuelle création d’êtres humains artificiels, où sera la loi de causes à effets ? Quel sera l’Esprit qui donne, comme dit Monseigneur et ou arrivera le but ultime des Bouddhistes ?
Rimpoché : Les Bouddhistes n’y voient pas de difficultés parce que scientifiquement il est vrai que l’on peut combiner des cellules et faire une expérience sur le matériel, sur le corps de l’individu. Cela ne change rien à la provenance de l’esprit ou du continuum mental. Le problème ne change pas jusque là, mais pour affiner la question, dans les expériences auxquelles vous faites allusion, est-ce que les scientifiques arriveraient à reproduire expérimentalement l’esprit avec des produits matériels ? C’est la pierre d’achoppement, à partir du moment où scientifiquement on arriverait à créer l’esprit, toute la théorie bouddhiste disparaitrait immédiatement.
Un auditeur : A l’heure actuelle, un grand savant, Jean CHARON, s’est penché sur la question de la composition de l’atome et en particulier de l’électron, disant que l’esprit de la matière résidait dans l’électron qui est immortel et pensant. C’est lui qui a toute la mémoire de l’être. N’y aurait-il pas à faire un rapprochement ?
Nadia Proisy : On ne dit pas qu’il y a une intelligence, il y a une chaîne au point de vue organisation. Nos cellules se recyclent tous les sept ans à l’exception de celles du cerveau qui ne se renouvellent pas. Il y a des chaînes qu’on appelle maintenant l’ADN, des chaines qui disent aux cellules « grandissez, stoppez, vous êtes maintenant adultes » et que cette chaine de vie et d’orchestration est donnée, mais ce n’est pas l’esprit, c’est une organisation cellulaire. On ne peut pas dire que l’esprit se trouve là. Il y a une organisation extraordinaire dans nos cellules et on n’est d’ailleurs pas au bout de nos découvertes, puisque chaque jour amène sa pierre à la construction. Les scientifiques et notamment les ingénieurs hindous que j’ai rencontrés, disent que chaque fois que l’on croit avoir trouvé la source d’énergie, on s’aperçoit qu’il y a quelque chose derrière, mais cela ne veut pas dire que les cellules soient animées d’esprit. On dit bien que lorsque l’on meurt, le corps reste. Il y a quand même décroissance et puis la mort !
Auditeur : L’incinération empêche-t-elle la réincarnation ? Le feu détruit.
Nadia Proisy : Les Hindous et les Bouddhistes brûlent les corps.
Auditeur : Pas la religion chrétienne.
Monseigneur Germain : Si, on ne le fait guère, mais on peut le faire. Certainement chez les Orthodoxes, rien ne s’y oppose. Chez les Catholiques romains c’est aussi admis maintenant.
Auditeur : La réincarnation n’est-elle pas basée sur une notion historique ?
Nadia Proisy : Pourquoi une notion historique ? Le Bouddha a existé, certains Grands Sages hindous aussi, le Christ a existé. Les Bouddhistes ont une révélation qui est historique, mais c’est de l’ordre de la révélation.
La grande question est de savoir, lorsqu’on a quitté son corps humain et qu’on meurt, qu’est-ce qui se passe dans la vie suivante ? Est-on obligatoirement un être humain ?
(A suivre)