(Extrait de La Science de l’Âme, 2e édition. Dervy-Livres 1980)
La Pensée et la Volonté sont des forces plasticisantes et organisatrices.
Ernest BOZZANO.
L’extériorisation hors le corps de certaines personnes, et en certaines conditions, d’une forme d’énergie-substance subordonnée à l’activité mentale, permet de comprendre un certain nombre de phénomènes, les uns spontanés, les autres obtenus expérimentalement, qui apparaissent comme le prolongement des influences psychiques s’exerçant, nous l’avons vu, sur l’organisme, et qui agissent aussi en dehors de celui-ci. Cette forme extrême de l’idéoplastie donne sa véritable, signification à l’influence psychique sur l’organisme, et on est en droit de penser que c’est par l’intermédiaire de la même énergie-substance, mais non extériorisée, que se réalisent les stigmates ou les embryo-stigmates, les guérisons psychothérapeutiques ou les colorations mimétiques de l’œuf du coucou.
Idéographies spontanées
Dans certains cas, l’énergie mise en jeu a été assez « matérialisée » pour qu’une « forme-pensée » puisse influencer une plaque photographique. Le cas de Miss Scatcherd est caractéristique : le 5 juillet 1910, elle s’était rendue d’urgence chez l’archidiacre Colley, à son appel, à Stokton Rugby, se proposant de rentrer le soir même. Comme un orage menaçait, elle avait rapidement mis un imperméable sur la robe blanche qu’elle portait à la maison. Le soir, elle ne put rentrer, faute de trains et elle passa la nuit au presbytère. Le lendemain matin, au moment du départ, l’archidiacre voulut la photographier dans le jardin. Pendant la pose, très courte, Miss Scatcherd songea soudain à son départ précipité : « Si j’avais mis mon corsage brodé, je paraîtrais moins ridicule sur la photographie. »
Quelques jours après, l’archidiacre Colley lui fit parvenir un exemplaire de cette photo ; bien que s’intéressant activement, comme Miss Scatcherd, aux recherches psychiques, il n’avait pas eu d’autre intention que celle de se procurer un portrait de sa visiteuse ; mais, en examinant celui-ci, il avait été surpris d’y constater la présence d’une autre silhouette. Mais Miss Scarcherd fut elle-même bien étonnée de constater sur son buste une ébauche du corsage brodé qu’elle avait tellement désiré au moment de la pose et qui, à ce moment, se trouvait dans sa garde-robe, Le dessin de la broderie n’était pas visible, mais on voyait un corsage diaphane aux bords arrondis, tandis que tous les autres avaient les bords plats (137, pp. 40-42).
Bozzano, dans son ouvrage Pensée et Volonté, a réuni plusieurs faits de cet ordre ; le docteur Léon Périn (138) a cité le cas que lui a relaté le docteur P. Delangle, de Gentilly, d’un de ses clients qui, ayant photographie une personne assise sur une chaise, l’avait engagée, pour mieux garder la pose, à penser fortement a quelque chose. La plaque développée montra, au-dessus du portrait, le corps étendu d’un enfant dont on pouvait distinguer le gril des côtes. Sur la demande de l’opérateur, la personne photographiée répondit qu’elle avait pensé, au moment du déclic, à son petit neveu mort quelques jours auparavant.
Idéographies volontaires
Cette action idéographique a été obtenue volontairement. Les premières expériences en ce sens sont dues au commandant Darget en 1896. En concentrant sa pensée sur l’image mentale d’une bouteille qu’il venait de regarder longuement, il est parvenu à projeter cette image sur une plaque sensible placée dans le bain révélateur ; pendant l’opération, il plaçait ses doigts sur la plaque, du côté verre, et dès que ceux-ci étaient marqués, la plaque était retirée. On peut donc penser que, dans ce cas, les effluves digitaux ont fourni l’énergie nécessaire à la « matérialisation » de la forme-pensée.
L’expérimentateur recommença plusieurs fois cette expérience pour écarter l’objection du hasard et de la coïncidence fortuite, et le succès fut complet : par exemple, il regarda sa canne en lumière rouge dans son laboratoire, puis fixa ensuite son regard sur une plaque photographique plongée dans un bain révélateur, en dirigeant en même temps la pointe de ses doigts vers la plaque, présentée du côté verre. Il obtint ainsi la forme très nette de sa canne (108, 139). Peu après, la faculté du commandant Darget s’affaiblit rapidement puis disparut complètement.
À la même époque, l’Américain Ingles Rogers a réalisé des expériences semblables, avec une pièce de monnaie, puis, en présence d’une commission de médecins, avec un timbre-poste (137, p. 36).
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Le docteur T. Fukurai, professeur à l’Université de Kohyassan et président de l’institut psychique japonais, a effectué des travaux expérimentaux, de 1910 à 1919, sur l’idéographie (140). Ses expériences, réalisées avec plusieurs « médiums », ont consisté en la reproduction de signes géométriques, caractères alphabétiques et portraits, quelquefois sur des plaques ou des films non décachetés ; les images à reproduire étaient souvent tirées au sort. Dans certains cas, une plaque placée entre deux autres, a été, sur demande, impressionnée par action idéographique, sans que les plaques latérales aient été influencées, ce qui rappelle, dans les expériences avec Rudi Schneider, l’action de la « substance » occultant un faisceau infra-rouge sans influencer les faisceaux de garde qui l’entouraient. Ce fait a été constaté aussi par le docteur Imamura, professeur à l’Université impériale de Kyato. D’autre part, le docteur Fukurai a souvent observé, au cours de ses expériences, l’influence des idées et des souvenirs subconscients du « médium » sur les résultats obtenus ; cette particularité souligne l’unité qui relie tous les faits parapsychologiques, mentaux et physiques.
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Des expériences, inspirées de celles de Darget, ont été entreprises par la section photographique du Cercle Métapsychique de Bruxelles, sous la direction d’un chercheur averti et consciencieux, M. Dardenne, en 1920-1921. Les résultats réalisés par M. et Mme Noels furent remarquables : on a obtenu, sur demande, la reproduction, par la pensée projetée sur la plaque photographique, de formes diverses telles que carrés, ronds, étoiles, bouteilles, champignons, poissons, verres, têtes de femmes, mains, etc.
Aimé Rutot, membre de l’Académie Royale de Belgique, qui participait à ces recherches, ayant soulevé certaines objections au sujet de l’action possible des substances chimiques entrant en jeu dans les manipulations photographiques, on tenta d’obtenir à sec, sur papier au citrate, des images de la pensée et les essais donnèrent des résultats probants.
Aimé Rutot considérait ces expériences à sec, excluant toute explication physico-chimique, comme absolument concluante quant à la démonstration de l’influence psychique. Mme Noels a produit ainsi une quarantaine d’épreuves ce de trois mois, puis sa faculté s’est affaiblie progressivement, elle n’a obtenu que des images aux contours vagues et imprécis, puis plus rien (141) .
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Au cours de ses expériences avec Mlle Tomczyk, le professeur Ochorowicz a observé certains faits d’idéographie. Sur un certain nombre de plaques portant l’image de la main gauche du médium, ou, plus exactement, de son prolongement dynamique (son « double », par hypothèse), Ochorowicz remarqua l’image de la bague que le médium portait constamment à l’un de ses doigts.
Il fit; une expérience « insensée », sur la proposition de la « personnalité seconde » du médium. Ochorowicz mit un dé d’argent au médius de la main gauche ; de sa main droite, il maintint en l’air la main gauche du médium au-dessus de la Plaque, à environ 40 centimètres.
Sur le cliché apparut une main gauche, un peu plus petite que celle du médium, et le troisième doigt était prolongé par 1’image très nette du dé qui, bien entendu, n’avait pas quitté le médius d’Ochorowicz. Il y a là un intéressant phénomène d’idéoplastie, dont l’investigateur polonais a quelque peu obscurci le compte rendu par les dialogues qu’il eut avec le médium en trance à propos des phénomènes, arbitrairement attribués par celui-ci à un « dédoublement fluidique du dé » (142).
Dans une autre circonstance, où Ochorowicz et Mlle Tomczyk désiraient tous deux qu’apparaisse sur la plaque l’image d’une petite main, c’est une pleine lune qui apparut, sur un fond de nuage blanc. La veille, le médium avait été vivement impressionné par la contemplation du ciel étoilé et surtout de la pleine lune qu’elle avait beaucoup admiré. On trouve la la même loi que dans la Télépathie : les images subconscientes ont généralement priorité sur les images volontaires.
Ochorowicz refit plusieurs expériences, où il demanda au médium de se représenter la pleine lune et d’en obtenir de nouvelles reproductions ; chaque fois on trouva sur la plaque trois, quatre ou cinq cercles concentriques ; l’explication, donnée par la personnalité seconde du médium, est très vraisemblable : « le médium ne savait pas concentrer sa pensée ; il se représentait par moments une lune plus petite ou plus grande, plus claire ou plus sombre, ce qui détermina des ronds concentriques ».
Formes-pensées
Peut-être ces « formes-pensées » jouent-elles un certain rôle dans les phénomènes de suggestion mentale et de télépathie, et faut-il leur rapporter 1‘inversion des dessins à la réception, observée quelquefois par Oliver Lodge et par Warcollier dans leurs expériences de transmission mentale, inversion par rapport à un axe vertical qui suggère l’hypothèse d’une forme objective, substantielle, perçue de l’autre côté par le percipient ?
On est amené aussi à penser que les traces psychiques qui semblent subsister dans les objets et que perçoivent les sujets « psychromètres », sont en quelque sorte des « formes-pensées » : les phénomènes qu’en parapsychologie on appelle subjectifs sont peut-être en fait objectifs, mais échappent à l’enregistrement de nos sens et de nos appareils, comme la « substance-énergie » télékinésique, 1’« ectoplasme » sous sas forme invisible et non photographiable échappait à l’observation et à l’enregistrement avant l’introduction, par le docteur Osty, des rayons infra-rouges dans la technique expérimentale.
Les matérialisations idéoplastiques
Les matérialisations idéoplastiques constituent une classe particulière des phénomènes de matérialisation ou d’ectoplasmie. Ces matérialisations idéoplastiques ont cette caractéristique commune avec les matérialisations en général d’être formées par des condensations de la substance ectoplasmique issue de l’organisme du médium, mais présentent cette particularité que leurs formes sont en rapport évident avec des images existant dans la subconscience du médium. À vrai dire, bon nombre de métapsychistes estiment que toutes les matérialisations sont idéoplastiques, et que, quelle que soit leur apparence, elles sont toujours des concrétisations, des objectivations d’images mentales du médium ou des assistants. Cette thèse sera discutée en son temps. Examinons pour le moment les faits dont l’origine idéoplastique ne peut faire de doute.
Les faits de cet ordre les plus connus sont ceux qui ont été observés en 1912 et 1913 avec le médium Eva par Mme Juliette Bisson et le docteur von Schrenck-Notzing ; ils ont d’ailleurs donné lieu, de la part de critiques incompétents et superficiels, à des accusations triomphantes de fraude, alors que les conditions mêmes des expériences rendaient la fraude impossible. Il s’agissait de matérialisations plates, consistant en portraits dont la ressemblance avec des personnages politiques et artistiques était évidente. Il fut établi, par exemple, que ces images télépathiques étaient des reproductions plus ou moins approchantes des portraits qui avaient été publiés quelque temps auparavant dans la revue illustrée Le Miroir : ceux du président Wilson, du président Poincaré, du roi de Bulgarie ; une autre image évoquait le célèbre tableau de Léonard de Vinci, volé peu de temps auparavant au Musée du Louvre, et reproduit par un grand nombre de journaux ; il y eut même la production d’une masse blanchâtre, contre la tête d’Eva, sur laquelle il est facile de distinguer, en examinant le cliché, les lettres majuscules : MIRO.
Le docteur Schrenck-Notzing a minutieusement analysé les particularités de ces productions qui, indépendamment des méthodes de contrôle employées, présentaient un grand nombre de caractères inexplicables par la fraude, entre autres le développement graduel des figures à partir de la matière élémentaire, se présentant d’abord sous la forme de conglomérats, de bandes et de lambeaux leur caractère essentiellement variable, mis en évidence par le stéréoscope ; dans l’intervalle entre deux poses photographiques, par exemple, un visage présentait des différences notables de conformation, de netteté des traits ou d’expression ; il avait à un moment les yeux mi-clos, et un peu plus tard grands ouverts.
Ces faits sont des exemples frappants de modelage ectoplasmique d’images mentales latentes dans la subconscience du médium (123, pp. 262-291 143, pp. 157-210, Pl. XV-XXVII).
On connaît quelques autres cas du même genre, comme la tête matérialisée formée au-dessus de la tête du médium Linda Gazzera, photographiée par M. de Fontenay dans une séance du 21 avril 1909, chez le professeur Charles Richet. Cette tête qui n’était pas plate, mais en relief, présentait une ressemblance évidente avec une étude de Rubens, se trouvant au Louvre et représentant la tête de saint Jean.
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L’idéoplastie se manifeste sous des formes diverses. L’ingénieur Grunewald a présenté au Congrès de Varsovie, en 1923, un rapport (144) sur des expériences qu’il a réalisées et ayant trait a l’influence exercée sur des morceaux de sucre placés dans la main d’un nommé Peter Johannsen, par l’énergie médiumnique de celui-ci orientée par la volonté consciente. Cette influence s’est traduite par une augmentation de poids ; ensuite, ces morceaux de sucre, après leur dissolution dans l’eau, laissèrent déposer une substance semblable à une sorte de cellulose, dans laquelle Grunewald voit le produit d’un processus de matérialisation médiumnique. Le poids de la substance déposée était égal au poids supplémentaire précédemment enregistré après l’exercice de l’influence médiumnique.
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Tels sont les faits qui servent de base à la théorie idéoplastique. L’ingénieur Pierre Lebiedzinski, de Varsovie, a développé (145, p. 286) une thèse tendant à interpréter tous les faits parapsychiques par l’idéoplastie, dans laquelle il distingue l’idéoplastie de la personnalité (ce qui correspond a « 1‘objectivation des types » de Richet et à la « prosopopèse » ou personnification de Sudre) qui serait la source des « personnalités secondes » ou « multiples », ainsi que des « esprits », « guides », « opérateurs invisibles », « contrôles », etc. ; l‘idéoplastie de la matière, dans laquelle, outre les faits précédents, il faudrait ranger toutes les matérialisations de visages, de mains, de « fantômes » complets, et encore les « rayons rigides » du professeur Ochorowicz, réalisation matérielle de ses théories préconçues, les « leviers » du professeur Crawford, concrétisation de ses conceptions mécaniques, etc: ; enfin l’idéoplastie de l’énergie, dans lesquelles Lebiedzinski classe toutes les imitations de luminescence, de rayonnements, de phénomènes électriques, décharge de l’électroscope, etc., ainsi que toutes les images, sur plaques, de « doubles » de mains, avec ou sans dé ; tout cela ne correspondrait pas à des propriétés physiques réelles, car « dans les cas où les expérimentateurs ou le médium n’ont aucune idée préconçue sur l’action attendue, le phénomène devient confus et même contradictoire », et « les expérimentateurs qui suggèrent aux médiums leurs hypothèses explicatives, ou leurs idées sur la marche des phénomènes, obtiennent presque toujours, pendant leurs expériences, ce qu’ils désirent obtenir, mais non des preuves véritables ».
Ces observations ont une valeur indubitable, mais leur prétention à une interprétation générale se heurte à un certain nombre de faits non moins indubitables :
1) Quelle que soit la dominante mentale de l’expérience, la « substance » qui en est le moyen, a une parenté très proche avec les états dissociés de la matière.
2) A un siècle de distance, les caractéristiques des phénomènes, subjectifs ou objectifs, sont toujours semblables à elles-mêmes, que les protagonistes et observateurs soient russes, américains, européens ou asiatiques, et quelles que soient leurs opinions.
3) Les effets du contact avec la substance d’un fantôme (voir chapitre XIV, Substance ectoplastique et électricité) sont absolument indépendants de toute idée théorique sur ces phénomènes, qu’ils se déroulent au XIXe siècle ou au XXe.
4) Enfin, la thèse selon laquelle toute la phénoménologie métapsychologique n’est qu’objectivation des fantaisies de l’imagination, ne résiste pas à sa confrontation avec certains faits médiumniques, d’ordre intellectuel et d’autres, d’ordre matériel et physiologique : L’« idéoplastie-prosopopèse » de la personnalité, ni l’idéoplastie métabiologique ne suffisent à interpréter les faits que nous allons examiner.