P. Krishna
Krishnamurti était-il un théosophe ?

Nous n’avons pas besoin de croire en une chose lorsque nous ne savons pas si elle est vraie. Nous ne « croyons » aux murs qui entourent notre chambre : nous voyons qu’ils existent ! Mais nous n’avons pas vu Dieu, ainsi certains croient en l’existence de Dieu, et d’autres ne le font pas. Pour une personne qui est en quête de la vérité, les croyances sont comme des théories au sujet de l’inconnu. Être en accord ou en désaccord avec une croyance a très peu de valeur pour l’homme qui cherche la vérité. Le fait même qu’on cherche la vérité implique le fait qu’elle n’est pas connue. Un esprit vraiment religieux pose en principe que Dieu, la Vérité et la Réalité sont l’inconnu, et cherche à le découvrir

(Revue Le Lotus Bleu. No 10. Décembre 1995)

(The Theosophist, mai 1995)

La réponse à cette question dépend de qui nous considérons comme un vrai théosophe. La définition ordinaire d’un théosophe est celui qui paie sa cotisation à la Société Théosophique! Si nous ne sommes pas satisfaits par cette définition administrative, nous devons nous plonger profondément dans la question : « Qui est un vrai théosophe ? » Un théosophe doit-il tenir pour croyances ce que les anciens leaders ou fondateurs de la S.T. ont dit ? Ou bien la Théosophie est-elle une quête de la Vérité, une investigation dans la perception profonde et holistique de la réalité ? La devise de la Société Théosophique dit : « Il n’y a pas de religion supérieure à la Vérité. » Alors comment la Théosophie peut-elle être réduite à une série de croyances ?

Nous n’avons pas besoin de croire en une chose lorsque nous ne savons pas si elle est vraie. Nous ne « croyons » aux murs qui entourent notre chambre : nous voyons qu’ils existent ! Mais nous n’avons pas vu Dieu, ainsi certains croient en l’existence de Dieu, et d’autres ne le font pas. Pour une personne qui est en quête de la vérité, les croyances sont comme des théories au sujet de l’inconnu. Être en accord ou en désaccord avec une croyance a très peu de valeur pour l’homme qui cherche la vérité. Le fait même qu’on cherche la vérité implique le fait qu’elle n’est pas connue. Un esprit vraiment religieux pose en principe que Dieu, la Vérité et la Réalité sont l’inconnu, et cherche à le découvrir.

La page intérieure de la couverture du Theosophist dit : La Société Théosophique est composée d’étudiants, appartenant à une religion du monde ou à aucune, qui sont unis par leur approbation des Buts de la Société, par leur souhait de faire disparaître les antagonismes religieux et de rassembler les gens de bonne volonté, quelle que soit leur opinion religieuse, et par leur désir d’étudier les vérités religieuses et de partager les résultats de leurs études avec d’autres.

J’aurais préféré dire « chercheurs » plutôt qu’étudiants », et « découvrir » les vérités religieuses plutôt que les « étudier », mais si l’on étudie intelligemment, les deux veulent dire la même chose. Plus loin : La Théosophie est le corps de vérités qui forment la base de toutes les religions et qui ne peuvent être revendiquées par personne comme sa propriété exclusive.

Il est clair, d’après ces assertions, que la Théosophie est essentiellement la quête de cette Vérité qui réside au-delà de toutes les religions. Elle se révèle lorsqu’une conscience perçoit directement « ce qui est » sans distorsion. Il est par conséquent impératif pour un vrai théosophe d’éliminer tous les éléments de distorsion de sa conscience. Ceci exige l’élimination de toute illusion, ce qui est aussi l’émancipation vis-à-vis de l’ego.

Un corollaire de cette exigence est la fraternité universelle et le respect de toute vie, qui est un autre des buts déclarés de la Société. La fin de l’ego est aussi la fin de toute division et quand il n’y a pas de division, la fraternité et l’universalité de toute la vie cessent d’être des idéaux car elles sont vues comme un fait. Les idéaux sont des choses imaginaires que le mental crée quand il n’est pas en contact direct avec le fait. Nous devons nous demander si la division est un fait et si la fraternité de l’humanité est un idéal imaginaire à atteindre, ou si la fraternité est le fait, et la division, imaginaire ? Être un vrai théosophe, alors, implique la fin de toute division, car on ne peut pas pratiquer la fraternité dans un sens profond à moins qu’on ne perçoive l’unité de toute la vie comme un fait.

Ainsi, si tel est ce qu’implique le fait d’être un vrai théosophe, alors, nous pouvons nous poser la question de savoir si Krishnamurti était un théosophe. Parmi toutes les personnes qui ont été associées à la Société Théosophique dans ce siècle, Krishnamurti n’était-il pas celui qui a cherché la Vérité au-delà de toutes les religions, avec passion et une dévotion déterminée afin de la trouver, pour lui-même ? En effet, il a découvert qu’il n’y a qu’un esprit vraiment religieux, qui ne peut pas être divisé en un esprit bouddhiste, un esprit chrétien, un esprit hindou ou un esprit islamique. C’est un esprit sans étiquette. Inversement, on peut dire que le réel esprit bouddhiste, le réel esprit chrétien, le réel esprit hindou et le réel esprit islamique sont tous un seul et même esprit Ils paraissent différents simplement lorsqu’on n’est pas encore arrivé au véritable esprit religieux, qui est aussi le véritable esprit théosophique. En bref, ce qui compte n’est pas ce que nous pensons, ou croyons, ou étudions, mais ce que notre conscience est en réalité. Il nous a montré que la conscience transforme, non seulement par l’étude et la connaissance, mais par l’observation, l’exploration et la cessation de l’illusion. Et toute sa vie a été consacrée à essayer de partager cette compréhension avec tous les êtres humains qui voulaient bien le faire.

Krishnamurti a découvert que l’autre homme est vous-même – pas seulement votre frère, mais vous-même. En faisant cela, il a porté la fraternité universelle jusqu’à son point extrême, car il ne peut y avoir de fraternité au-delà de cela. Il a perçu l’unité de toute vie pour lui-même en cessant toute division. Il refusait de s’identifier à aucune nation, aucune religion ou aucune organisation, y compris les Fondations créées par lui-même. Intérieurement, il est resté complètement seul et par conséquent un avec toute la vie. Il a dévoué toute sa vie à explorer la conscience humaine et à comprendre sa vraie relation avec tout, choses, idées, gens, et Nature. Il s’est vu confier le rôle d’Instructeur du Monde et il a rempli ce rôle en dépit de tous les obstacles et insécurités du chemin. Il a découvert pour lui-même ce qu’est la vraie intelligence et depuis, a essayé de son mieux de l’éveiller chez tous les êtres humains de par le monde.

Par conséquent, dans le sens le plus profond, Krishnamurti était un vrai théosophe, bien qu’il ait pu avoir à quitter la Société Théosophique à un certain point de sa vie ! J’ai lu quelque part une parabole qui illustre Joliment ce point Je vous la raconte ci-après pour que vous y réfléchissiez.

Le Christ n’avait jamais été à un match de football, et aussi un ami l’amena un jour en voir un. C’était un match entre une équipe de Catholiques et une de Protestants. Les Catholiques marquèrent le premier but et le Christ les acclama avec grande joie. Puis les Protestants marquèrent un but, et le Christ applaudit à nouveau avec grande joie. Voyant cela, l’homme qui était assis à côté de lui était perplexe et demanda au Christ de quel camp il était le supporter. Le Christ dit qu’il n’était le supporter de personne, qu’il ne faisait que prendre plaisir au jeu. « Ah ! Un athée », conclut l’homme ! Ne faisons pas la même erreur.

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Nourris du sens de l’Unité, vous serez aptes à digérer les différences.

N. Sri Ram