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(Revue Panharmonie. No 166. Mars 1977)
Le titre est de 3e Millénaire
Compte rendu de la réunion du 13.1.1977
Ce dont nous parle Annik de Souzenelle a des prolongements dans toutes les traditions et évidemment dans la tradition occidentale. Elle nous permet, grâce à une juste traduction des textes hébreux et grâce à une compréhension tout à fait exceptionnelle de leur symbolisme, de découvrir une concordance extraordinaire entre les trois plans de notre existence, physique, mental„ spirituel, que palier par palier nous avons à franchir pour remplir le rôle qui nous est assigné sur terre. Nous découvrons dans son analyse une métaphysique insoupçonnée de la plupart, et des analogies frappantes entre les différentes traditions qui sont issues les unes des autres et qui enrichissent le champ de notre connaissance.
C’est donc l’étude du corps qu’aborde notre animatrice, de ce corps qui, pendant des siècles, a été nié et qui, à présent s’impose et donne lieu à de nombreuses études qui le réhabilitent.
Ce sujet, nous dit-elle, s’est en quelque sorte imposé à elle. Après avoir été anesthésiste et s’étant « recyclée », elle étudiait la théologie et la psychologie, lorsqu’elle fut mise en contact avec un professeur d’hébreu qui lui proposa de lui donner un enseignement sur la Qabbale, ce qu’elle accepta avec joie, parce que cela lui permettait de remonter aux sources de notre civilisation. Et, au cours de ses recherches, elle s’aperçut qu’entre les trois disciplines qu’elle étudiait, il y avait un lien, une unité.
Elle se mit donc à l’étude de l’Arbre des Séphiroth, l’Arbre traditionnel, mythique des Hébreux, qui trace le rythme très rigoureux de la manifestation des énergies divines. Et un jour, en méditant sur cet Arbre, elle a vu se superposer à lui en filigrane, le corps du Christ en Gloire, tel qu’on le voit dans nos basiliques romanes. Il s’est produit en elle une sorte d’identification de cet Arbre des Séphiroth avec la fresque romane. Cela se confirma par la lecture dans le Sepher Yezira que l’Arbre des Séphiroth était le dessin du « Corps Divin » à l’image duquel est dessiné l’homme. A partir de ce moment, toutes les fois que les organes ou les membres du corps étaient mentionnés dans un mythe, de quelqu’origine qu’il soit, tout prenait un sens, parce qu’elle voyait à quel niveau se situaient ces organes, ces membres et à quoi ils correspondaient par rapport aux énergies divines.
Plus tard elle s’aperçut également combien en psychothérapie ce schéma des énergies divines de l’Arbre des Séphiroth avait une résonance étonnante avec les êtres.
Avant d’aborder l’étude de cet Arbre, il était nécessaire de mettre bien en évidence ce que Annik de Souzenelle entend par « symbole ». Symbole vient du grec et signifie « lancer ensemble, lancer avec… ». Or, rassembler deux éléments implique qu’ils étaient séparés et c’est cette conception qui a été la clef de toute la base de l’étude des symboles de la Genèse. Dans la Genèse, le deuxième jour il y a séparation : les Elohim que les Chrétiens appellent le « Grand Conseil », séparent les eaux primordiales dont le nom hébreu est Maim. Ces eaux semblent être une énorme matrice contenant en potentialité toute la Création. Et cette Création à partir du premier jour va s’effectuer à travers une série de séparations.
Dans le mot « Maim » est contenu « Mi », représentant les eaux d’en-haut, et « Ma », représentant les eaux d’en-bas. Nous trouvons la racine mi dans bon nombre de mots, tels mirage, mystère, etc., et la racine ma dans matière, manifestation, etc.
Nous n’entrerons pas dans les précisions que nous donne A. de Souzenelle, qu’il nous suffise de dire que le monde d’en-bas, Ma, est le reflet du monte d’en-haut, Mi. Chaque élément du monde de Ma est l’image d’un archétype du monde de Mi, il est le symbole de son archétype dont il a été séparé lors de la séparation des eaux. Et cela est si bien exprimé dans la Bible, que nous voyons Dieu, après avoir séparé, relier aussitôt les deux mondes par ce qu’Il appelle « l’étendue », en hébreu : « Shamaïm ».
Séparer n’est peut-être pas le mot exact, mieux vaudrait dire « distinguer ». Le monde du Mi qui contient en potentialité toute la Création, va s’exprimer dans un grand expire divin à travers les sept jours de la Création pour former le monde du Ma. Si donc nous touchons un élément de la Création en-bas, nous touchons en-haut à son archétype qui nous répond. Les Hébreux n’hésitent pas à parler du monde divin, des Elohim, nom dans lequel nous retrouvons la racine him c’est-à-dire mi, et qu’ils appellent « l’homme d’en-haut ». Et Adam, dans lequel nous retrouvons la racine ma, est « l’homme d’en-bas », appelé à sa ressemblance avec les Elohim c’est-à-dire à les « rejoindre ». De même qu’Adam est le fond de l’expire divin, étant l’image de Dieu ; de même tous les éléments de la Création ont pour vocation, comme dans un inspire de revenir à leur origine en remontant tous les échelons allant de la base du Ma à la jonction avec le Mi. Et ces échelons ne sont autres que les sept jours de la Création.
Avant d’aller plus loin, posons-nous quelques questions. Qu’est-ce que le mythe ? Le mythe est un petit récit à notre niveau de signification plus ou moins satisfaisante, qui, en aucun cas, n’exprime en soi quelque chose, mais qui nous invite dans sa profondeur pour y trouver ce qu’il signifie. Et ce qu’il signifie se passe dans le monde du Mi, qui ne nous est pas immédiatement transmissible. Car si nous étions directement en face de la réalité du monde du Mi, nous ne pourrions pas le supporter, nos catégories mentales n’étant pas faites pour l’appréhender.
L’histoire des hommes que nous vivons tous les jours a elle aussi sa profondeur, sa couche mythique, sa signification que nous pouvons déceler si nous pénétrons dans notre être profond, dans le Mi que nous portons en nous. Les exégèses sont d’accord pour dire que les récifs bibliques sont mythiques jusqu’au Déluge et, qu’à partir de ce moment-là ils contiennent une couche historique. Mais celle-ci aussi a sa couche mythique.
Annik de Souzenelle nous présente à présent le schéma de l’Arbre des Séphiroth, composé d’un axe central surmonté d’un triangle. Plus bas sur l’axe deux autres triangles renversés. Par des points elle marque l’emplacement de dix Séphiroth (au singulier Séphira). Qu’est-ce qu’une Séphira ? C’est un contenant dans lequel se déversent les énergies divines, semblables à l’eau s’écoulant dans des vasques successives. Il n’est pas exact de dire énergies divines, car le Divin est énergie. Il se manifeste à travers dix énergies, dix étant le symbole de l’Unité. Il y en a d’ailleurs plus de dix, les Hébreux nous apprenant qu’au-delà de la première Séphira en-haut, il y a en trois qui sont nommées, mais qui ne sont pas connues, qui ne se manifestent pas. Elles correspondent à des noyaux supérieurs de l’homme. La première est nommée l’Ayin, qui signifie « rien ». Tout vient de rien. Après l’Ayin, la seconde s’appelle l’Ayin Soph, soph voulant dire « limite » Ce « rien-limite », c’est l’infini. La troisième, juste au-dessus est l’Ayin Soph Aor, l’infinie Lumière. Aor : lumière. Ces trois Séphiroth restent dans l’inconnaissable.
Et c’est ainsi qu’Annik de Souzenelle nous analyse et nous nomme toutes les Séphiroth partant de celle du sommet du triangle supérieur qui s’appelle Kather, la couronne de la triade supérieure avec Hochmah, la sagesse et Binah, l’intelligence. Cette triade se reflète une première fois dans le premier triangle renversé et une seconde fois dans le dernier et toutes les Séphiroth qui ont ici leur siège, sont appelées les Séphiroth de la Création, aux sept jours de laquelle elles correspondent. Et, finalement nous arrivons au bas de l’Arbre où la dernière Séphira, Malkuth, représente le Royaume. Si, au sommet le Roi est couronné, le Royaume, lui, est à l’opposé. Les Hébreux nomment aussi la Séphira du haut: le Roi, et la dernière en-bas, la Reine, ou la Vierge d’Israël. Pourquoi ? Parce que toutes les énergies se déversent d’en-haut vers le bas. Et toute la Création qui va être contenue dans Malkuth, devra pour épouser le Roi, remonter les degrés énergétiques de l’Arbre, en-haut duquel la Vierge sera couronnée, ainsi que le disent les Mystères Chrétiens.
Mais cet Arbre symbolise aussi le corps de l’homme. Les Hébreux ont un dessin traditionnel sur lequel on voit l’homme d’en-haut et l’homme d’en-bas qui sont inversés et dont la tête de l’un est à la place des pieds de l’autre. En effet, si nous prenons cet arbre dont les racines sont en-haut, il va entièrement fleurir en-bas, et cette floraison, c’est toute la Création. L’homme, tel qu’il est, prend ses racines à partir de cette floraison et il va remonter pour s’épanouir en-haut. Nous avons donc bien ces deux hommes renversés.
L’Arbre est structuré sur des éléments horizontaux et verticaux, les premiers sont le triangle supérieur qui se reflète par deux fois et fournit à ce niveau un quadrilatère qui tient ensemble la base de l’Arbre. Les structures verticales sont essentiellement dans l’axe central, le « sentier » du milieu et les deux sentiers latéraux que nous pouvons, en pensée, prolonger vers le haut et le bas.
Dans le récit biblique l’Arbre a été planté au milieu de l’Eden, qui est un jardin. Or toute terre, jardin ou non, est symbole d’état intérieur. Il nous est dit qu’il est deux arbres, celui de la vie et celui que nous appelons couramment de la dualité ou de la connaissance du bien et du mal. Ce dernier terme est mal traduit car il signifierait que le mal fasse partie de la Création, ce qui serait absurde. La traduction juste est celle de « Connaissance du bien (ce qui est bon) et de son contraire ». Le mot « bon », vient d’ailleurs ponctuer chaque jour de la Création.
La perfection est un état qui implique un arrêt, une mort. On ne peut aller plus loin. Or, si nous disons que Dieu est parfait, nous l’arrêtons totalement, nous le limitons même. Ainsi Dieu va-t-il se faire connaître à travers son parfait et son contraire. Il ne peut être ni perfection absolue, ni mouvement absolu, car dans ce dernier cas il serait dans une continuation qui impliquerait une non-perfection. Il est donc à la fois l’immobilité absolue et le mouvement absolu, l’être et le non-être, etc. C’est cela l’Arbre de la dualité, que nous avons appelée le « mal » ce qui est un contresens. L’Arbre de vie, c’est la colonne vertébrale, c’est la kundalini, les énergies qui passent et les deux pôles du corps, sont les deux pôles de l’unique Réalité qui va se manifester à travers ; une chose et son contraire.
Cette alternance des opposés, nous la trouvons de manière précise dans les deux premiers mots de la Genèse : Berechit et Bara. Berechit : dans le Principe, Bara : qui est créé. En fait Berechit, c’est Barachit : Bara : créé, Schit : s’arrête. Il y a déjà l’annonce de ce mouvement de création et d’arrêt, que nous trouvons aussi dans l’histoire de Loth.
Celui-ci quitte Sodome et Gomorrhe et il est dit que sa femme, regardant en arrière est transformée en statue de sel. En hébreu c’est tout à fait différent. Loth a pour but d’aller sur la montagne, mais il n’a pas la force d’y aller d’un seul trait. Et cet arrêt est traduit par sa femme, le féminin en lui qui, dit la Bible, « ne regarde pas en avant ». Le sel, c’est la sagesse. Elle est un bloc parce qu’elle s’arrête, car il y a une nécessité de s’arrêter pour reprendre des forces, son souffle, pour toute une gestation nouvelle, la gestation est liée au féminin, tandis que la force est liée au masculin.
Notre corps aussi, par ses deux côtés, va nous exprimer sa dualité et tout le programme qu’il va nous proposer, consistera de faire de cette dualité une unité. Et pour ce faire, l’être de sa naissance à son apogée, aura à franchir trois étages allant de Malkuth jusqu’au sentier de la Gloire et de la Victoire. La vieillesse alors devient une apothéose.
Avec Annik de Souzenelle, nous suivons ce sentier. Elle nous donne les symboles et significations de ces trois étages séparés par des « portes » que nous avons à franchir et qui sont autant de morts et de renaissances. Nous ne pouvons pas ici donner toutes les précisions si intéressantes et si instructives. Nous dirons cependant qu’Annick de Souzenelle nomme le premier étage celui de l’ « Avoir » et le deuxième celui de l’ « Etre », celui par lequel on entre dans la véritable incarnation qui est la véritable naissance. A cet étage l’être cherchera à faire de la dualité une unité. Et puis, ensuite, pour arriver au troisième étage, il faut franchir ce que toutes les traditions nomment : la Porte des Dieux. L’être va mettre au monde l’enfant divin qu’il est en germe. Il va vivre sa vraie fête que, à ce niveau-là, symbolise la Jérusalem Céleste, la Terre Promise. Il n’y a plus de dualité, l’Unité est totalement recouvrée.
L’homme ainsi s’élève d’abord, construisant au premier étage les dix premières vertèbres, les cinq lombaires et les cinq sacrées qui nous font retrouver les dix plaies d’Égypte, les dix années des Mystères grecs, etc., puis au deuxième étage il lui faudra structurer les douze vertèbres dorsales (voir les douze travaux d’Hercule, les douze mois de l’année, les douze Apôtres, les douze signes du zodiaque), et enfin, au dernier étage, les sept vertèbres cervicales qui vont correspondre au septénaire apocalyptique. Et à chaque passage d’une vertèbre à l’autre, l’être vivra une petite mort et une petite renaissance, car comme le disait l’Apôtre Saint Paul : « On meurt et on ressuscite je ne sais combien de fois par jour ! »
Et pour terminer, Annik de Souzenelle nous parle du pied, du rein et de l’oreille qui ont tous les trois la forme d’un germe et qui sont reliés les uns aux autres par une ligne droite. Il y a entre eux une correspondance étroite, tout est inclus dans chacun de ces organes. Les pieds vont être le point de départ de toutes les énergies.
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