Reynold Welvaert
Le dialogue

Dans une réunion, lorsque l’on essaie de transmettre un message, souvent on reste bloqué. On utilise des mots qui jaillissent d’un passé chargé de souvenirs. Notre mental analyse pour découvrir dans les stocks de sa mémoire les mots qui conviennent pour décrire une expérience délimitée par notre savoir.

(Revue Etre Libre. Numéro 320, Décembre 1990)

Dans une réunion, lorsque l’on essaie de transmettre un message, souvent on reste bloqué. On utilise des mots qui jaillissent d’un passé chargé de souvenirs. Notre mental analyse pour découvrir dans les stocks de sa mémoire les mots qui conviennent pour décrire une expérience délimitée par notre savoir.

Ce passé déterminé par notre conditionnement et nos habitudes culturelles, familiales ou sociales fixe notre approche dans la communication. C’est ainsi que cette approche conditionnée n’apporte rien de neuf.

Dans sa recherche de communication, le penseur étale toute son habileté pour faire triompher son point de vue particulier. Mais, en fait, il n’y a pas de découverte en profondeur, il n’y a pas de communication, uniquement une lutte pour affirmer son savoir, un conflit où chacun se bat pour faire triompher son opinion.

En fait, nous sommes conditionnés par les innombrable-perceptions de nos sens et des milliers de définitions. A travers ces définitions qui deviennent des conclusions, nous regardons. Et ainsi chaque nouvelle perception sensorielle se trouve chargée des souvenirs accumulés du passé. C’est cela le processus que nous suivons tout le long de notre existence.

Ainsi, la construction des images et des conclusions appartient au passé. La perception est immédiate mais le souvenir, la conclusion viennent du passé. Donc, je regarde au travers du passé. Voilà ce que tous nous faisons, c’est un fait. Il n’y a rien de condamnable. Ce qui était une perception, ne l’est plus. C’est là notre activité de tous les jours dans laquelle nous trouvons une sécurité à la fois physique et psychologique.

Notre cerveau a besoin d’ordre et trouve cet ordre dans le connu.

Le savoir donne le sens de la permanence et nous vivons toujours dans le passé et ainsi notre esprit est toujours prisonnier du temps. Le savoir s’oppose à l’inconnu. Entre hier et aujourd’hui la vision d’aujourd’hui est modifiée par celle d’hier et demain est également modifié. Ainsi, le savoir crée la division et, par conséquent, un danger.

A moins que nous ne comprenions le danger du passé et de la recherche de sécurité dans le savoir, il ne sera pas possible de voir du neuf car, dès que le cerveau enregistre du neuf, il le traduit tout de suite en fonction du connu. Donc c’est notre cerveau qui doit s’en rendre compte.

C’est donc un changement complet.

En fait cela revient à reconnaître que l’on ne sait rien, que tout mouvement de la pensée se référant au passé ou se projetant dans le futur est une continuité répétitive, mécanique, qui engendre des conflits.

Du moment où l’on perçoit toute la confusion qu’il y a dans cette perception sensorielle, l’énergie ne se gaspille plus dans l’analyse ou l’explication du passé mais elle plonge, alors, dans l’attention qui porte à comprendre ce fait. Alors on peut établir une relation avec l’autre pour autant que l’on découvre ce qui se passe dans le présent et qu’il n’y ait pas de conclusion. Alors nous pouvons ensemble avancer, nous vivons ensemble la même expérience. Voilà la beauté et la signification du dialogue.

Le 8 janvier 1990. Reynold WELVAERT.