(Revue Etre Libre. Numéros 184-186, Avril – Juin 1961)
Je crois qu’il serait intéressant de considérer où notre connaissance actuelle de la cosmologie et de la physique a placé nos croyances religieuses de l’ouest, et si, dans le sens où elle a toujours été utilisée, l’idée religieuse peut encore jouer un rôle dans notre vie.
Il est important que nous comprenions ce que nous voulons dire lorsque nous utilisons le mot « religion ». S’il veut dire croyance dans un Etre transcendant qui a créé et qui gouverne nos vies, et dans tous les dogmes qui ont été érigés autour de cette idée dans des formes variées de dieux, dont le culte est nécessaire à notre bien-être, une telle religion est probablement inacceptable à quiconque a fait une étude approfondie des événements naturels dans quelque forme que ce soit. Nous apercevons que le monde qui nous reste encore à connaître est beaucoup plus vaste que celui qui a été conçu par n’importe quelle foi. Peut-être qu’en nous libérant de toutes les conclusions du passé, nous pourrons atteindre une nouvelle compréhension de ces choses. Toutefois, en regardant la question d’un autre angle, nous devons nous souvenir que le mot « religion » ne veut pas dire croyance dans une doctrine quelconque, mais est dérivé du mot latin « religare », qui veut dire : lier ou rattacher. Pris dans ce sens, notre religion, aujourd’hui, devrait entrer dans une phase de plus grande réalité que jamais, et qui n’est nullement réfuté par la science. C’est exactement ce qu’Einstein a passé sa vie à poursuivre : le Champ Unifié. Pour ceux qui ont étudié le Bouddhisme Mahayana, cette idée n’a rien de nouveau, puisque le concept de « Pas-deux » lui est fondamental, un « religare » complet.
Avec ces idées en tête, j’aimerais considérer de quelle façon la connaissance scientifique pourrait présenter des faits qui confirmeront l’approche métaphysique du Bouddhisme Mahayana.
Personnellement, je crois qu’ils pourront se rencontrer à mi-chemin, et ainsi la religion, au lieu d’être une barrière sur notre chemin vers la compréhension complète (prajna), pourrait devenir une aide à l’homme de science dans sa recherche de la vérité.
Dans notre tentative pour comprendre la véritable nature de ce que nous appelons « religion », et le rôle qu’elle joue dans nos vies, nous devrions commencer par obtenir d’elle une vue aussi objective que celle que nous pouvons avoir des événements biologiques ou physiques, en détachant nos esprits de toutes croyance; héritées, qu’elles soient occidentales ou orientales. Après avoir fait ceci, le prochain pas consisterait à découvrir la signification de l’homme lui-même dans l’image de l’univers, que la cosmologie et la physique nous exposent aujourd’hui. Quoiqu’il soit en « réalité », l’homme est une partie du schéma de l’univers; mais pour pouvoir apprécier sa nature réelle, il nous faudrait commencer à effacer de notre mental les habitudes que nous avons entretenues depuis les temps immémoriaux, de regarder du côté de la religion pour nos consolations, explications, pacifications de nos peurs, désirs de continuité… toutes ces fantaisies sur lesquelles toute religion a érigé ses Dieux, ou cieux, sous n’importe quelle forme. Toutes les réponses à nos prières que nous avons trouvées dans les sphères transcendantales, sont purement des réponses à nos désirs, « tanha », comme l’appellent les Bouddhistes, le désir de combler l’inconnu — dont nous nous trouvons entourés et qui a toujours rempli l’homme de terreur — par un personnage à qui l’on pouvait s’adresser pour être aidé.
Je ne désire pas impliquer que mon propre mental n’est pas conditionné de la même façon — il est très difficile de changer des croyances séculaires — et, jusqu’à présent, qui peut prétendre expliquer un univers qui est dans un processus constant de création hors du rien ? Mais, d’un autre côté, lorsqu’on se sent incliné à accepter la vieille idée d’une création à un moment particulier du temps (beaucoup s’y accrochent encore, et non seulement les pieux), il y a quelque chose au fond de quelques-uns de nous qui nous dit que ceci ne peut être conforme avec les faits. Cependant, afin de recevoir une nouvelle conception, nous devrons essayer de nous imaginer ce que nous ressentirions si nous étions en dehors du temps et de l’espace, de cause et effet, une partie de quelque chose qui n’a pas de commencement et n’aura pas de fin, en dehors de quoi rien ne peut parvenir, un état dans lequel distance ou proximité n’ont pas de signification. En suggérant une telle condition, je me rappelle une idée qui est fondamentale du Lankâvatara Sutra : « En plus, Mahamati, selon l’enseignement des Tathagatas du passé, du présent et du future, toutes choses sont non-nées.
Pourquoi? Parce qu’elles n’ont aucune réalité, étant des manifestations du Mental lui-même, et Mahamati, puisqu’elles ne sont pas nées de l’être ou du non-être, elles sont non-nées » [1].
Si tout — nous-mêmes inclus — n’est que le Mental, comment pouvons-nous le connaître ? Il a généralement été accepté comme le privilège de l’homme, mais ni les grecs lorsqu’ils le nommèrent « nous »; ni les chrétiens qui l’attribuait à Dieu; ni le biologiste lorsqu’il étudie le cerveau; ni le psychologue lorsqu’il parle de « Mental inconscient », n’ont été capable d’expliquer ce dont il s’agit, ni où il se trouve. Si nous acceptons l’idée de la Lankâvatara Sutra, en supposant que nous la regardions radicalement d’un autre angle, et qu’au lieu de considérer le mental comme la faculté créatrice par laquelle l’homme façonne le monde autour de lui, nous le tournions dans le sens opposé et regardions l’univers, le monde et tout ce que nous connaissons n’importe où et par n’importe quel moyen — la vie elle-même — comme quelque chose de non-né, parce qu’elle a toujours été — ou plutôt pas « été » — dans le sens où nous utilisons ce mot. Supposons que nous ne soyons ni des atomes, ni de l’énergie, ni des dispositifs de l’espace- temps, ni la vie, ni la conscience, mais le Mental-unique, qui a toujours été, est et sera, comme l’affirme le Lankâvatara Sutra ? Il déclare que ce n’est que notre ignorance qui nous fait établir une distinction entre ce que sont seulement des fantaisies. En supposant que tout ce que nous savons est une création de nos sens, des images « comme la citée des Gandharvas où des enfants voient des personnes créées magiquement, des marchands et bien d’autres, qui entrent et qui sortent, en s’imaginant que ce sont des personnes réelles qui entrent et sortent », comme nous l’assure le Lankâvatara ? Et puis il ajoute des mots auxquels je vais me référer par la suite : « C’est à cause de cette distinction, qui est caractérisée par une perturbation, que de telles choses se passent [2].
En essayant de comprendre quelque chose de ce que nous pourrions être en « réalité », j’aimerais commencer par un examen de cette « Citée des Gandharvas » à travers les yeux de l’homme de science moderne. Afin de pouvoir le faire, il sera nécessaire de faire une excursion dans le plus lointain et le plus proche, le plus grand et le plus petit connu à présent par l’homme. Aucun aspect ne peut être omis, si nous voulons nous éveiller de nos illusions et voir ce qui est.
En commençant par Einstein, l’un des plus grands hommes de la science moderne, jusqu’à la fin de ses jours, il n’a jamais cessé de chercher après un concept qui devait unifier tout le domaine de la physique, et son plus grand accomplissement est sans doute la théorie du Champ-Unifié. C’était là le point culminant de siècles de recherches dans les secrets de la nature, dont les premiers pas étaient les découvertes de Copernic, Galilée et Newton. Deux cents ans après la découverte de la gravitation, vint la découverte des nonante-deux éléments fondamentaux au cours du 19e siècle (suivi plus tard par plusieurs autres), et culminant dans notre siècle par la découverte que l’hydrogène n’est pas une particule simple mais double, composé de forces positives et négatives : le proton et l’électron — qui sont la base de tous les autres éléments. Après cela vint la théorie quantique, et dans les quelques dernières années les trente particules élémentaires au dedans du noyau atomique — et ceci n’est pas nécessairement la dernière parole. Au dedans de toutes ces forces matérielles, et les contrôlant, on a trouvé diverses manifestations électromagnétiques, des forces et radiations nucléaires de toutes sortes, mêlées avec ce que j’appellerai des réalités « mathématiques » : l’espace-temps et l’énergie.
Dans cette théorie spéciale de la gravitation, Einstein a démontré l’équivalence de la matière et de l’énergie, qui a été depuis les grecs l’aspect double de la nature. Et finalement sa théorie du Champ unifié a culminé dans l’idée que l’univers entier est un champ élémentaire, dans lequel chaque étoile, chaque atome, chaque comète errante, galaxie tourbillonnante ou chaque électron tournoyant ne sont que des ondulations ou des rides dans le continuum fondamental de l’espace-temps ! [3] Est-ce là la fin ? Je ne le crois pas, car il y a ici encore dualité; l’unité n’a pas encore été réalisée de cette manière. Et en fin de compte, nous devons admettre que quoique nous partions de « champs », ou forces, ou de galaxies, ou neutrons, ils sont tous des constructions du mental humain, hors du continuum espace-temps, dans lequel nous nous trouvons. Ils ne sont pas une expression d’unité, il n’y a non plus aucune certitude que quelqu’un sur une autre planète verrait les choses dans la même lumière.
Il semble ne pas avoir de limites aux faits que la science est en train de découvrir de plus en plus chaque année. Par exemple, partant d’ondes avec 10.000 fréquences par seconde, que nous connaissions au début de ce siècle, nous sommes montés à travers les ondes radiophoniques, infrarouge, les rayons X et tout le reste, jusqu’aux rayons cosmiques comprenant des ondes électromagnétiques avec un nombre de vibrations de 10 suivi de 24 zéros par seconde. Et qui sera assez téméraire pour affirmer qu’il n’y a rien de plus au delà? Naturellement, ceci n’est que la limite atteinte par les instruments construits par l’homme, et en nous référant au Lankâvatara, nous sommes obligés de reconnaître que ce que nous en savons n’est dû tout bonnement qu’à notre « discrimination caractérisée par des perturbations dans l’air ».
Tout ce que l’homme sait est le résultat de l’impact sur ses genres particuliers de sens (ce que le Mahayana nomme « Skandhas ») par ce que, faute d’un meilleur nom, nous nommerons des « rayons ». Les noms que nous donnons sont purement pour notre propre direction; une supernova ou un neutrino ont autant de droit d’être ce que nous croyons qu’ils sont, que les signes du zodiaque avaient pour les peuples anciens : ils ont projeté des configurations sur les groupes d’étoiles et cela les a aidé de naviguer leurs bateaux ou lire leur avenir. Nous appelons une émission soudaine et violente de lumière dans quelque étoile lointaine une « supernova », mais nous ne pouvons que présumer les raisons de ceci, par nos études de l’évolution de l’hydrogène. Et si c’était partie d’une loi universelle pour la production des éléments plus lourds nécessaires dans le schéma des choses, peut-être même des molécules de vie ? Ceci nous ne pouvons pas le savoir, et si nous examinons tous les concepts fondamentaux sur lesquels l’homme de science base ses idées de l’univers, nous découvrirons qu’ils sont tous fondés sur les lois de cause et effet faits par les hommes. Le continuum d’espace-temps d’Einstein n’est après tout que la charpente sur laquelle le mental de l’homme a construit le monde dans lequel il vit, mais de nouveaux aspects de la chose en question émergent continuellement. Par exemple : Il y a quatre ans, deux Chinois-Américains ont découverts dans les plus faibles réactions, les pi-mésons, des signes démontrant qu’il n’y a en eux aucune symétrie droite-gauche, comme elle a été trouvée dans toutes les autres particules, un fait qui renverse l’idée de la parité, une des croyances les plus sacrées dans la science physique, et ouvre tout un vaste domaine de possibilités. Mais derrière tout cela se trouve peut-être caché quelque chose qui peut être regardée comme « réel », et c’est pour cela qu’il est nécessaire que j’approfondisse un peu plus le point de vue scientifique des choses. (Traduit de l’anglais.) (A suivre.)
Le Lankâvatara Sutra et l’Espace-Temps par L.-C. BECKETT.
(Revue Etre Libre. Numéros 187-189, Juillet-Septembre 1961)
Tout d’abord j’aimerais considérer la question de temps dans l’univers. A mon point de vue, il existe apparemment deux aspects de dimension de temps : celui qui est compté par la vitesse à laquelle voyagent les rayons de lumière et que nous appliquons à toutes nos mesures du temps, qu’elles soient grandes ou petites, et qui à un ordre à sens unique; et un temps en profondeur. Mais même ce que j’appellerai temps normal, examiné avec soin, ne représente rien de réel à nos esprits; ce n’est qu’un concept. En prenant, par exemple, le temps cosmologique : la galaxie la plus éloignée, que nous pouvons apercevoir avec le télescope le plus grand, avait pris 3.000 millions d’années lumière pour nous atteindre. Cela veut dire : que la lumière, voyageant à 300.000 kilomètres par seconde, avait quitté sa source il y a 3.000 millions d’années. Récemment, à l’aide du télescope de 200 pouces du Mont Palomar, Rodolph Minkovski a photographié un point de lumière qui parait avoir pris origine il y a six milliards d’années lumière ! [4] Le Professeur Lyttleton, un de nos astronomes les plus renommés, va plus loin encore, il déclare : « il y a lieu de croire que cette distance (3.000 millions miles) ne soit qu’un tiers de l’ultime distance à laquelle nos observations puissent jamais pénétrer, quelques soient les moyens qui puissent encore être inventés » [5]. Mais ceci sont nos limitations terrestres, et nous serons empêchés de voir plus loin à cause de la rapidité toujours croissante des corps se trouvant à la limite de l’espace, en raison de l’expansion de l’Univers. Nous devons nous rappeler que nous voyons peut-être la lumière d’étoiles éteintes depuis très longue date.
Est-ce que ces vastes chiffres disent quelque chose pour ce que nous appelons l’homme de la rue ?
Le mathématicien les crée je suppose donc qu’ils ont un sens pour lui, et il pourrait même être d’accord avec Jeans, que le monde a dû être la création de l’esprit d’un mathématicien ! Mais pour moi ce ne sont que de vastes chiffres ayant autant de réalité que la création du monde en sept jours du premier chapitre de la Genèse. Je peux tout autant m’imaginer l’éternité comme étant six milliards d’année: lumière, et c’est pour cette raison que j’en ai parlé. Aussi, en parlant du temps que ces rayons prennent pour nous parvenir. On dirait que la terre est leur objectif — ce qui n’est naturellement pas le cas. Nous sommes tout simplement un point sur le chemin des radiations de lumière en toutes directions, pas même un obstacle. Supposons que la lumière elle même est tout simplement et que toutes ces mesures ne veulent absolument rien dire?
En nous tournant vers l’autre bout de l’échelle : un neutron qui avec le proton constitue le noyau atomique, s’altère en un milliardième de milliardième de secondes [6] et l’hyperion (une des trente nouvelles particules fondamentales) se transforme en un proton et un pion dans un millième de millionième de seconde [7]. De telles durées sont aussi inconcevables que l’étaient les vastes dimensions du temps cosmologique.
Nous avons considéré le temps; mais que se passe-t-il pour l’espace ? Ici aussi nous sommes confrontés par quelque chose qui dépasse nos rêves les plus insensés. Pour observer l’infiniment grand, les astronomes mesurent l’espace par ce qu’ils appellent des « parsecs ». Un parsec égale 19.200 miles suivis par neuf zéros. Mais ceci n’est pas tout; il y a des mégaparsecs qui valent un million de parsecs. L’étoile la plus proche de nous ne mesure qu’un parsec [8]. Le reste défie toute description.
Au côté inférieur de l’échelle : l’unité de mesure du biologiste est le micron, généralement appelé un « mu ». La chose vivante la plus grande dont nous avons connaissance est 1.000 millions fois plus grande que la plus petite et le « mu » est au bout inférieur de cette immense étendue; il vaut un millième de millimètre. La chose la plus petite qu’un microscope peut découvrir vaut à peu près 1 /3 d’un « mu » [9].
Le monde du physicien est plus petit que celui du biologiste. L’unité de mesure est un angström, qui est 1 / 1 0.000o d’un « mu ». Un atome d’hydrogène est un angström. Pour citer J.-Robert Oppenheimer, le noyau d’hydrogène est de l’ordre de 1 / 10.0000 d’un angström, et ceci n’est pas la plus petite parcelle connue. Il a été possible d’étudier des structures qu’on mesure en unités d’un cent millième d’un angström, appelées « fermi » [10].
Je crois que ces faits sont suffisants pour démontrer la vérité de ce vieux adage chinois : « Le très petit est comme le très grand lorsque les frontières sont oubliées; le très grand est comme le très petit lorsqu’on ne voit pas ses contours » [11].
Qui peut dire que, soit le méga parsec, soit le fermi, soient les « réactions » ultimes du plus grand ou du plus petit que nous connaîtrons jamais ? Il y a trente ans, Eddington estimait que l’homme était en grandeur un peu plus proche de l’atome que de l’étoile [12]. A peu près 1027 atomes (10 suivi de 27 zéros, pour le non-mathématicien) constituent son corps, à peu près 1028 corps humains constituent assez de matériel pour construire une étoile. Mais depuis lors nous avons peuplé le proton avec trente particules inimaginablement plus petites, donc nous sommes peut-être à présent plus proches des étoiles ? Mais nous ne sommes cependant rien que des atomes en ce qui concerne notre univers galactique — à peine un angström comparé à la totalité de l’univers.
Comme je sens qu’il est aussi difficile pour nos esprits de comprendre un univers avec un million de millions de galaxies, que d’avoir une conception de l’infini, je crois qu’il serait plus facile d’imaginer ce que sont notre véritable place et notre proportion lorsque nous étudions quelque chose d’un peu plus proche de nous et pas tout aussi vaste, c’est-à-dire notre univers galactique (la voie lactée, comme nous le nommons), et plus particulièrement notre système solaire, qui, parlant du point de vue cosmologique, ne couvre effectivement qu’une très petite quantité de l’espace. En fait notre terre a été décrite comme « menue ». Mais même ici, sur notre continent cosmique, la terre est éloignée de 93 millions de miles du soleil, et Pluton, appartenant à ce même système solaire, est éloigner de nous de quatre mille millions de miles. Dans la voie lactée, notre voisin le plus proche, Alpha Centauri, est éloigné de plus de vingt milliards de miles, et sa lumière prend quatre années et demie pour nous atteindre. Mais notre soleil et Alpha Centauri sont des membres très médiocres de cette vaste galaxie de configuration spirale, qui contient cent mille millions d’étoiles; séparées pour la plupart par des distances aussi énormes que celles qui nous séparent de notre voisin. Néanmoins le système entier de notre galaxie avec ses milliers de millions d’étoiles, séparés d’une distance de milliers d’années lumière, est tenu ensemble par son propre champ de gravitation et se déplace à travers l’espace interstellaire avec une vitesse de 45.000 miles par heure, tout en tournant sur lui-même (mais cette dernière question est un problème qui déconcerte encore les radioastronomes).
Je crois que ces faits, qui sont de notre propre domaine, rendent plus clair que n’importe quelle autre chose, que le temps et l’espace, en tant que mesurés par nous, ne veulent en réalité rien dire; nous les avons simplement décrits par des définitions que le Lankâvatara condamne. S’il m’a été possible de transmettre quelque chose qui en réalité ne peut tomber que sous la conception de TATHATA (Suchness = ainsité) telle était mon intention. Hoyle le résume merveilleusement lorsqu’il dit : « Pour l’instant l’investigation par l’homme de l’ultra-petit se termine en un mystère, l’infiniment grand se différenciant de l’infiniment petit par un nombre énorme que nous ne pouvons guère concevoir : 1 suivi de 40 zéros ! » [13]. Il exprime « l’espoir que les deux bouts de cette énorme étendue deviendront étroitement reliés ». Peut-être que les paroles de la Katha Upanishad se révéleront littéralement vraies, et le plus grand que le grand et le plus petit que le petit seront découverts dans le cœur de l’homme ?
Et ceci m’amène à la question de ce que nous sommes entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Au début de ce siècle, la vie était considérée comme la propriété particulière de cette terre. Lorsque j’étais jeune, la terre était envisagée comme la création spéciale du Créateur. A présent, l’on nous dit que les biologistes et biochimistes considèrent la question des origines de la vie sans importance. Ils considèrent la matière vivante et non-vivante comme formant un continuum. Le Professeur Bernard Lovell [14] dit que: « The basic problem in the origin of life concerns the formation and duplication of complex molecules and that the current evidence is overwhelming that the earth and planets were not formed in a molten state but by an accretion of solid bodies. In the final stages of accretion, the outer layers remained cool and if any complex molecules or organisms already existed in the dust cloud they retained their identity ».
Etant donné que toute espèce d’atome peut être trouvée n’importe où dans l’univers (Hoyle dit que les atomes de fer dans nos couteaux sont les mêmes que ceux existant dans une supernova), il est fort probable que ces organismes complexes à partir desquels la vie est formée pourraient aussi exister n’importe où. Le Professeur Lovell dit : « La cosmogonie moderne peut accepter une situation dans laquelle la plupart des étoiles de la voie lactée ont des systèmes planétaires similaires à la notre. Si nous faisions valoir des inégalités immenses d’un rapport de un à un million contre une évolution planétaire subséquente, le nombre reste important. Nous aurions encore toujours 100 mille systèmes similaires dans la voie lactée, et plus qu’un billion dans les régions de l’univers que nous pouvons à présent atteindre avec nos télescopes ». Il ne peut plus y avoir de doute que la vie, loin d’être un privilège de notre planète, est une réalité d’ordre général dans l’univers. Seulement, bien entendu, nous ne devons pas nous imaginer que la vie est partout la même; par exemple l’oxygène dans notre atmosphère est essentiel à la vie terrestre — mais sur d’autres planètes l’anhydride carbonique, qui pour nous est la mort — pourrait être favorable à la vie. Certaines formes de vie pourraient se dispenser d’eau, tandis que d’autres pourraient éventuellement vivre dans des températures au-dessus de 250 degrés. Croire que la vie est pareille partout est aussi absurde que de croire que des habitants d’autres planètes parlent notre langage ! Par exemple : Quoique l’hydrogène est probablement la base de toute matière, nous devons à présent tenir compte des trente mystérieuses particules et antiparticules existant dans le noyau atomique. S’il y a des antiparticules, pourquoi n’y aurait-il pas quelques galaxies, parmi les millions, composées d’antimatière. Les pythagoriciens déjà croyaient qu’il devait exister quelque part une mystérieuse et invisible « contre-terre » en antimatière. Et comme nous le voyons à présent, cette antimatière existe effectivement dans les réactions les plus faibles de l’infiniment petit. Pourquoi n’existeraient-elles pas aussi dans l’infiniment grand ? Toute possibilité concevable doit être prise en considération si nous désirons obtenir une image approximativement réelle de l’univers. Rien ne peut être laissé en dehors de la totalité de l’Univers — il y aurait alors non seulement dualité mais multiplicité — que tout étudiant du bouddhisme Zen considère comme impossible.
Ici même, sur notre planète, il semble exister un accroissement continuel dans le développement des formes vivantes. On pourrait se demander : pourquoi un tel développement devrait-il s’arrêter avec nous ? Ne pourrait- il pas y avoir d’autres formes de « vie » qui sont autant en dehors de notre compréhension comme nous sommes en dehors de la compréhension de la fourmi que nous détournons de son chemin avec un bâton.
En outre si, comme le dit le Professeur Lovell, les formes vivantes dépendent de la formation de molécules complexes, ne pourrions-nous pas être nous-mêmes quelque forme de molécule ? Wöhler, en 1828, a premièrement synthétisé des composés organiques dans des organismes vivants à partir de molécules inorganiques, et plus tard l’on a découvert que les organismes vivants sont composés des mêmes éléments que ceux du monde inorganique [15]. Un de nos biochimistes a dit qu’il serait arbitraire d’établir une démarcation entre la matière vivante et non-vivante, puisqu’elles forment un continuum [16]. Il décrit la vie comme une association chimique complexe d’enzymes cellulaires, membranes et cycles métaboliques, et ajoute que personne ne peut dire où la vie commence. De fait la théorie quantique a révélé l’étincelle de vie même dans les atomes et molécules. Le Professeur Frisch dit que « les caractéristiques de ce que nous appelons « composition inutile » (dead matter) est qu’elle est composée d’une quantité d’atomes — un organisme vivant en est aussi composé — de produits chimiques ». Si nous prenons la question des nucléoprotéines qui, aujourd’hui, sont considérées comme le principe du corps vivant, elles contiennent des atomes de cinq éléments vitaux : oxygène, hydrogène, carbone, azote et phosphore, unis en une ossature élastique, que quelques-uns considèrent comme fournissant la « clef » d’un des plus profonds secrets de la vie [17].
Il y a en outre la question de l’eau dont nous savons que toute forme vivante, inclus le corps humain, est largement composé. Les solides étaient reconnus comme des structures moléculaires, mais l’eau était demeurée un mystère, et en effet il semblait impossible d’appliquer le mot « structure » à un liquide. Mais l’année passée (1960) le Professeur Bernal décrivait son œuvre concernant l’eau. Il a démontré qu’un liquide n’a pas une structure mais un grand nombre de structures qui sont dans un flux continuel, échangeant des molécules l’une avec l’autre [18]. Ceci est donc le dernier chaînon concernant les explications des forces qui sont à la base de la vie. Partout nous découvrons que l’homme ou la montagne, la galaxie ou l’atome, font tous également partie de quelque vaste système dont les parties constituantes sont toutes identiques. (A suivre.)
Le Lankâvatara Sutra et l’Espace-Temps par L.-C. BECKETT.
(Revue Etre Libre. Numéros 193-194-195, Jan.-Fév.-Mars – Juin 1962)
Pour un étudiant du bouddhisme Mahayana, il est intéressant de remarquer que les hommes de science aboutissent aussi à la découverte du « Vide ». Einstein a découvert que « tout fragment de matière possède une sphère d’influence que l’on appelle son champ; on peut penser au champ de gravitation de la terre ou bien au champ électrique d’un proton. Dans la mesure où un champ équivaut à une région d’influence, il n’y a rien là qui contredit l’idée « d’espace vide » [19]. L’atome est tout aussi vide que le système solaire » [20]. Entre le proton et l’électron dans chaque atome, comme entre les bras de la galaxie et son disque central, et tout autant dans l’espace entre les particules de poussière et entre les galaxies, il y a des champs de vide. Je crois par conséquent qu’il est permis d’adopter les citations du « Sutra du Cœur » : « Le vide est espace-temps, l’espace-temps est le vide ». Sans le vide, nous ne serions que de minuscules blocs solides. Dans leur effort de compréhension du « Vide », les hommes de science et les bouddhistes mahayana pourraient s’aider mutuellement. Dans cet esprit j’ai recherché ce que le Lankâvatara Sutra dit à ce sujet, et j’ai découvert des expressions extrêmement révélatrices. « En analysant la matière jusqu’à l’atome, il n’y a en réalité aucune forme à discriminer comme telle. »… « J’enseigne le vide qui est au delà de la permanence et du nihilisme… les sages se tiennent au delà de l’être et du non-être » [21]. Nous ne pouvons donc pas appliquer le terme « être », tel qu’il est généralement compris, ni à nous-mêmes ni au monde atomique. Citons encore le Lankâvatara : « Attachés à des pensées erronées, ils se contredisent eux-mêmes et d’autres en ne voyant pas toutes choses comme elles sont réellement et en vérité. Mahamati, voir les choses comme elles sont réellement et en vérité, veut dire réaliser qu’il n’y a rien à voir que l’esprit même » [22].
En résumant tous ces énoncés et réalisant que nous ne sommes nous-mêmes que des parties de ces « sphères d’influence », sans « être ou non-être », la conclusion qu’il ne peut y avoir ni commencement ni fin, naissance ou mort, est évidente. Dans ce monde à la fois mental et atomique, les choses se forment et transforment seulement. Partout dans l’univers il y a flux continuel. Il n’y a pas d’immobilité, comme le dit Takuan. L’arrêt, c’est-à-dire la mort, serait une stagnation finale à l’encontre de toutes les lois de l’univers.
J’ai dit au début que le temps comporte deux aspects : celui selon lequel j’étais en train de mesurer l’univers, et un autre. J’appellerai le premier « temps horizontal », c’est-à-dire -mesuré dans des dimensions de l’espace-temps. Je considère le second comme temps « perpendiculaire » ne s’étendant pas dans l’espace. Dans l’éternité intemporelle il ne peut y avoir que la totalité-Une Il n’y a ni « avant » ni « après », parce qu’il n’y a pas de changement. Ceci a été merveilleusement exprimé par Maître Eckhart : « Le maintenant dans lequel Dieu créa le monde est aussi proche de nous que l’est ce maintenant dans lequel je parle et le dernier jour est aussi proche de ce maintenant que l’était le jour qui était hier » [23]. R. Linssen l’appelle : « L’éternité secrète de l’instant ». Jusqu’à présent ceci a été considéré comme un privilège spécial des poètes. Cette éternité de l’instant est cependant la seule vraie. C.-G. Jung a fait une étude profonde de ce qu’il appelle « synchronicité », l’ajoutant à la causalité et détermination comme un troisième ordre possible d’événements [24]. Einstein l’appelle « la relativité de la simultanéité » qui est considérée comme l’un de ses « concepts les plus difficiles ».
Personnellement je suis convaincue que n’importe qui pourrait faire l’expérience du présent universel. En y réfléchissant, beaucoup de personnes pourraient se rappeler de certaines expériences où des choses en apparence totalement sans rapport entre elles, ont eu lieu au même moment à des endroits fort éloignés les uns des autres — néanmoins, plus tard il semblait y avoir eu une sorte de lien sous-jacent entre elles.
Tout ceci n’est-il qu’une construction de l’esprit humain en vue d’expliquer le monde autour de lui, depuis qu’il ne croit plus en des Dieux. Et même les Dieux — n’étaient-ils pas le premier essai d’explication « scientifique » pour ce que l’esprit ne pouvait pas comprendre ? Cependant le fait que nos esprits minuscules se rendent compte qu’ils ne connaissent pas réellement, démontre l’existence d’une conscience cachée de quelque chose d’inconnu. Le Lankâvatara Sutra dit : « Il y a un état qui est loin de toutes les conceptions philosophiques, libre de l’imaginé et de l’imagination, libre de toute acquisition et de toute naissance — ceci je l’appelle nature de l’esprit » [25].
Nous nous sommes toujours imaginés jusqu’à présent que l’esprit est un privilège humain. Cette idée est aussi présomptueuse que celle de croire que la vie sur la terre est un phénomène unique dans l’univers. Comment pouvons-nous dire quelles pourraient être les autres manifestations de « l’esprit-même » (Mind-only : Lankâvatara). Dans ceci comme dans le cas de la matière organique, il y a probablement une hiérarchie, au terme duquel il y aurait vraisemblablement l’esprit éclairé que le Mahayana appelle un « Bodhisattva ». Quelqu’un observait l’autre jour : « les Bodhisattva sont supposés ne pas entrer au Nirvana jusqu’au moment où ils pourront emmener le dernier brin d’herbe avec eux; dans ce cas ils devraient être ici, mais où sont-ils ? » Peut-être sont-ce des personnes tout à fait ordinaires parmi nous, accomplissant leur tâche inaperçue, exerçant simplement une influence.
Si l’on est perceptif, il est parfois possible de découvrir leurs traces çà et là. Un de mes amis en a rencontré il y a quelque temps dans le métro.
A l’autre bout de l’échelle se trouve peut-être le quantum d’Action qui semble régler toute manifestation dans l’espace-temps. Si c’est ce que je pense, nous entrons ici dans le domaine important du mouvement. Un conseil du Sutra du Diamant nous dit : « d’éveiller l’esprit sans le fixer nulle part ». J’ai poursuivi cette non-fixation à travers toutes les formes qui nous sont connues dans cette « Ainsité » (tathata), appelée l’univers, et je n’ai jamais découvert ce que Takuan appelle « s’arrêter ». Depuis les mouvements par lesquels les particules fondamentales sont reconnaissables dans les plus faibles réactions, jusqu’aux gaz tourbillonnant dans l’espace; depuis la circulation de notre sang jusqu’au disque mouvant de notre voie lactée, il n’y a rien d’immobile. Parlant du minuscule monde du « mu », le Professeur Abercrombie dit : « Il ne sera pas long avant que nous nous rendions compte qu’il manifeste un phénomène que notre monde normal ne possède pas : des petites particules de moins de quelques « mu » en diamètre, flottant librement dans un liquide, ne sont jamais immobiles. Elles tremblotent et se tortillent et les plus petites dansent constamment. »
Peut-être trouve-t-on ici la signification du symbole de la danse créatrice de Shiva aux sources mêmes de la Vie ?
Dans une étude sur la régression des nébuleuses, lue à la Société Royale d’Astronomie en 1956, le Dr. Holmberg a suggéré que la vitesse dans l’univers est une dimension propre. Elle serait indépendante de l’espace-temps. Je dirais de préférence : elle embrasse l’espace-temps, car ils dépendent d’elle et sans elle il n’y aurait rien à voir. M. Linssen a dit : « Le mouvement pur n’est pas un mouvement de quelque chose. Car dans le mouvement pur toutes les distinctions et dualités sont dissoutes », — notre égo de même,
Dans cette découverte du mouvement universel (qui n’est pas une chose qui puisse appartenir au monde créé par notre imagination), nous pourrions peut-être trouver le chaînon universel que nous recherchons. Le Lankâvatara n’a-t-il pas dit : « C’est grâce à cette discrimination caractérisée par la perturbation que ceci (la création magique) a lieu ». Perturbation voulant dire le mouvement qui rend possible la discrimination et par conséquent la création. Le mouvement pourrait être ce qui est l’activité du « Mind-only » (Esprit-seul) ou « Vide » [26]. Il participerait forcément de la nature de Ce qui nous fait n voir » ou « imaginer » la « Cité des Gandharvas », mais serait aussi l’essence de notre propre esprit continuellement en mouvement.
Il existe une interprétation indienne de ce problème, que le Lama Govinda a défini clairement. Ceci a un rapport indiscutable avec le problème de l’espace-temps, tel que je le conçois : Il s’agit de « âkâsa » et « prâna ». Comme ceci constitue, à mon avis, un élément très important, je ferai quelques citations. Le lama Govinda dit : « Selon d’anciennes traditions indiennes l’univers possède deux propriétés fondamentales : le mouvement et la réalité dans laquelle le mouvement a lieu. L’espace est appelé âkâsa. Il est la chose par laquelle les objets prennent une apparence visible ». En outre il correspond apparemment à l’espace poly-dimensionnel, mais il ne s’épuise pas dans les trois dimensions. Il comprend toutes les possibilités du mouvement, non seulement physique mais aussi spirituel: il renferme des dimensions infinies… La cause première du mouvement est toutefois « prâna », le souffle vital, le rythme tout-puissant de l’univers, dans lequel les créations et destructions du monde se suivent comme l’inspire et l’expire ». Si nous appliquons nos idées sur l’espace-temps à ces conceptions indiennes, nous découvrirons que tous parlent des mêmes choses en différents termes, et expriment une même Réalité. Si, comme le Dr. Holmberg le suggère, la vélocité possède une dimension propre, son universalité n’est pas seulement la découverte exclusive de l’homme moderne. Elle a été connue par les sages de l’Inde antique, comme le dit le Lama Govinda : « Toutes les forces de l’Univers, comme celles de l’esprit humain, depuis la conscience la plus élevée jusqu’aux profondeurs du subconscient, sont des modifications de « prâna »… La respiration physique… est une des nombreuses fonctions dans lesquelles cette force universelle et primordiale se manifeste… Tout ce qui est formé et qui a revêtu une apparence spatiale, révèle la nature de l’âkasha… Toutes les qualités dynamiques, tout ce qui cause le mouvement, le changement ou la transformation, révèle la nature de prâna. » [27].
Le Lankâvatara Sutra et espace-temps par L. BECKETT (Suite et fin.)
(Revue Etre Libre. Numéros 196-197-198, Avril-Mai-Juin 1962)
Je dois à présent terminer là où j’ai commencé : Dr. Einstein « Il ne faudrait pas croire que la théorie de la gravitation d’Einstein n’est qu’un schéma mathématique formel. Car elle se base sur des hypothèses de profonde signification cosmique. Et la plus remarquable de ces hypothèses est que l’univers n’est pas un édifice rigide et immuable où de la matière indépendante est emmagasinée dans l’espace et le temps indépendants; il est au contraire un continuum amorphe, sans aucune architecture fixe, plastique et variable, constamment sujet au changement et à la destruction… Il n’y a rien de tel qu’un intervalle d’espace indépendant de l’état de mouvement du système de référence. » [28].
Nous avons commencé notre exposé en citant l’idée fondamentale du Lankâvatara. En vertu du Lankâvatara aucune chose n’a la réalité que nous lui connaissons. Cette apparence n’est qu’une manifestation de l’esprit même, et nos perceptions ne sont que des cités imaginaires causées par la perturbation, qui est mouvement, comment donc pouvons-nous procéder pour découvrir cet esprit même au-dessous des illusions ? Comme réponse, les sages ne peuvent seulement qu’indiquer la voie à suivre. Où aboutira-t-elle ? Personne ne le sait. Mais cette voie est sans arrêt.
Nul ne pourrait mieux exprimer cette vérité que Takuan dans sa célèbre lettre à Yagyu Tajima no Kami Munenori « L’essentiel est de ne jamais laisser l’esprit « s’arrêter » à quoi que ce soit; à aucune chose… L’esprit originel est un esprit inconscient de lui-même… Un esprit inconscient de lui-même est un esprit qui n’est aucunement dérangé par n’importe quel phénomène affectif de n’importe quelle nature… Il est toujours fluide, il ne s’arrête jamais, ni se transforme-t-il en un solide… lorsque « mu-nien » (« sans-pensée » – « no-thought ») est atteint, l’esprit se meut d’un objet à un autre, coulant comme un cours d’eau, remplissant toute crevasse possible » [29].
Il devient Un avec le mouvement universel, et cesse de discriminer des cités — ou n’importe quoi d’autre — il devient lui-même le sentier toujours mouvant.
[1] Lankâvatara Sutra, ch. XIX.
[2] Lankâvatara Sutra, ch. LXXVII.
[3] Lincoln Barnett: The Universe and Dr. Einstein, p. 98.
[4] Voir « The Scientific American », août 1960.
[5] R.-A. Lyttleton: « Illustrated London News », avril 1959.
[6] Professeur Abdus Salam: « Space, time and fundamental particles ».
[7] O.-R. Frisch : Exploring the Atomic World
[8] R. v. de R. Woolley.
[9] Professeur Michael Abercrombie.
[10] Professeur O.-R. Frisch (1 et 2 relaté clans « The Listener », 18 novembre 1959).
[11] Seng-ts’an: « On trust in the Heart », traduction de A. Waley.
[12] « Stars and Atoms »
[13] « Frontiers of Astronomy », page 352.
[14] Directeur de la Joddrell Bank Observatory de la Radio-Astronomie. Toutes les citations sont de son livre : « The Individual and the Universe ».
[15] Norman H. Horowitz: « The Gene »; voir « Scientific American », October 1956.
[16] Professeur O.-R. Frisch: « Causality in modern Physics ».
[17] Professeur O.-R. Frisch: « Causality in modern Physics ».
[18] Professeur C.-D. Darlington : « Listener », juillet 1949.
[19] « Einstein and the nature of space », W.-B. Bonner; « Listener », mars 1959.
[20] « Messengers of Force », D.-H. Wilkinson; « Listener », mai 1958.
[21] Chapitres : XIII, XXVII, XLV.
[22] Id.
[23] Sermon : Quasi stella mattutina.
[24] « Interpretation of Nature et the Psyche ».
[25] Chapitre LXIV.
[26] Dans le Tao-teh-King, c’est le « Teh ».
[27] Lama Anagarika Govinda: « Foundations of Tibetan Mysticism », pp. l37 ff.
[28] Lincoln Barnett : Einstein, pp. 74 et 46.
[29] Daisetz T. Suzuki: Zen and Japanese Culture, p. 111.