J.L. Jazarin
Le maître et le disciple

Quand on nous a initiés à un principe vrai et universel, nous devenons, que nous le voulions ou non, porteurs de quelque chose de plus grand que nous. Le Maitre qui nous initie porte lui aussi quelque chose de plus grand que lui. Ce qu’il en a compris nous aide à comprendre, mais nous ne saurons jamais si nous comprenons, un jour, mieux que lui.

(Revue Énergie Vitale. No 10. Mars-Avril 1982)

Avons-nous tort de parer le Maître de la toute-puissance et de toutes les vertus ? Est-il au contraire un homme comme les autres ? Moins que les autres ?

A la fois oui et non. Quand un homme sait quelque chose que nous ne savons pas, il n’est pas, par rapport à nous, un homme comme les autres et nous avons raison d’admirer et de respecter son savoir et de nous faire humbles pour pouvoir apprendre. Nous avons peut-être instinctivement le besoin de le magnifier pour, sans rien abandonner de notre prétention naturelle, pouvoir l’admirer.

Le jour où nous avons acquis un peu de sa connaissance, cette prétention naturelle nous induit vite à concevoir que nous n’avons plus rien à apprendre de lui. Nous nous confrontons à lui et perdons le sentiment de supériorité avec un certain soulagement, car si nous aimions admirer, nous n’aimons pas nous sentir inférieurs. Hélas ! tant pis pour nous, car dès cet instant, nous ne pouvons plus progresser ni rien recevoir du Maître et c’est très dommage.

Est-il dont réel que nous n’avons plus rien à apprendre de notre Maître et qu’il n’a plus rien à nous enseigner? Grave erreur ! Si nous ne pouvons plus rien apprendre, lui, par contre, a encore beaucoup à enseigner.

Si nous progressons, le Maître aussi progresse, s’il a de longues années de travail et d’études derrière lui, les nôtres n’effacent pas les siennes qui demeurent et s’enrichissent.

Un vieux Maître disait : « Je n’ai rien à apprendre à ceux qui savent tout, j’ai quelque chose à apprendre à ceux qui savent quelque chose, mais j’ai beaucoup à apprendre à ceux qui ne savent rien ! ».

Le manque d’humilité et la perte du respect, ne sont pas un signe de lucidité et d’intelligence.

Celui qui perd le respect pour son Maître a beaucoup perdu.

Entre un excès déréglé de foi et un excès non moins déréglé de scepticisme, il y a la place pour une mise au point fructueuse et beaucoup de réflexion.

Entre le risque de l’excès de ferveur et celui du scepticisme, c’est ce dernier qui est le plus grave pour nous. Car on ne peut rien faire sans respect et sans foi.

Quand on nous a initiés à un principe vrai et universel, nous devenons, que nous le voulions ou non, porteurs de quelque chose de plus grand que nous. Le Maître qui nous initie porte lui aussi quelque chose de plus grand que lui. Ce qu’il en a compris nous aide à comprendre, mais nous ne saurons jamais si nous comprenons, un jour, mieux que lui.

Ce qui est certain, c’est que le rapport entre Maître et élève est aussi essentiel que celui de l’eau et du poisson. Et si nous rompons ce rapport, aucun progrès n’est possible. Le Maître constitue « le milieu » propice à notre croissance.