(Revue Psi International. No 1. Septembre-Octobre 1977)
Si nous ne gardons pas, et de loin, le souvenir de tous nos rêves, nous savons, depuis la découverte du sommeil rapide et paradoxal, que nous passons le cinquième de nos nuits environ à rêver.
Et encore s’agit-il d’une moyenne chez l’adulte, car si l’état de rêve ne dépasse guère une heure (soit 15,5 % du temps total de sommeil) chez le sujet de 50 à 70 ans, il atteint 9 heures chez le nourrisson (soit 55 % de ce temps). N’y aurait-il que cette question de durée que le fait mériterait d’être considéré, car, au cours d’une vie, nous totalisons tous ainsi plusieurs années de rêves.
Mais en dehors même de leurs attraits du type « science-fiction », le plus important n’est-il pas : d’une part le fait qu’ils sont susceptibles de révéler plus ou moins notre personnalité profonde, d’autre part qu’ils jouent très vraisemblablement des rôles non négligeables et qu’enfin les rêves prémonitoires et les rêves télépathiques sont des réalités.
C’en est assez pour tenter les parapsychologues que nous sommes et tous ceux qui sont attirés par la psychologie et c’est pourquoi nous avons pensé qu’il serait intéressant de consacrer, chaque mois, quelques pages aux problèmes du « Monde des Rêves ».
Dans chaque numéro nous poursuivrons l’étude du rêve en général, selon les données classiques que nous possédons actuellement et si nos lecteurs veulent bien collaborer en nous faisant part des songes qui les auront les plus marqués, nous correspondrons volontiers avec eux, dans toute la mesure de nos possibilités, en leur soumettant nos suggestions.
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Tout travail scientifique suppose d’abord la loyauté. En outre, il exige, en pareille matière, une analyse du contexte et c’est pourquoi nous proposons à nos lecteurs un questionnaire susceptible de faciliter nos interprétations. Evidemment, la discrétion la plus grande sera respectée, tant dans les colonnes de notre revue, que dans notre secrétariat, où les noms seront remplacés par des références chiffrées.
Dans ce premier numéro, nous proposons la relation d’un rêve et l’interprétation que nous en avons donnée à titre d’exemple (les numéros qui figurent dans le récit correspondent aux divers commentaires qui suivent son exposé).
REVE N° 1
« J’étais assise — 1 — seule, sur le bord d’une terrasse en maçonnerie haute de 3 ou 4 mètres, sans balcon ni marche — 2.
« Devant moi: une prairie ensoleillée — 3 — avec des bosquets sombres — 4 — dont la vue m’inquiétait.
« Derrière moi: une maison dont la porte était largement ouverte. Mais je ne l’ai pas vue. C’était plutôt une impression avec un sentiment de sécurité bien que, dans ma solitude, je n’y sentais personne — 5.
« Tout cela m’était presque familier, alors qu’en rédigeant mes souvenirs de rêve, à quelques minutes de mon réveil, cela ne me rappelle rien de connu — 6.
« J’avais, contre mon ventre, une cage à oiseaux assez vaste — 7.
« Il y avait dedans trois ou quatre petits singes de la grosseur de trois doigts. Je crois qu’en fait il y en avait quatre. Ils étaient très mignons avec un pelage d’une douceur à ravir — 8.
« Mais ils passaient leur temps à s’échapper par la porte de la cage placée devant moi — 9, et je les attrapais aussitôt car j’avais l’impression que si je ne le faisais pas, quelque malheur m’arriverait ensuite — 10.
« Avant de les remettre dans la cage, je les caressais et les embrassais avec tendresse, tant qu’un autre ne s’était pas échappé — 11.
« A aucun moment je n’ai pensé à fermer la porte — 12.
« Je me suis réveillée, heureuse et craintive à la fois — 13.
1 — Assise, seule. Donc dans une attitude propice à la réflexion ou à la rêverie.
2 — Cette terrasse, haute et sans protection, fait partie de la maison: lieu de protection; mais elle s’ouvre vers l’extérieur et vous met en contact avec lui, non sans vous mettre en garde par cet à pic de plusieurs mètres.
3 — Si la prairie ensoleillée peut vous rappeler certains épisodes sentimentaux et poétiques de votre vie…
4 —… ces bosquets sombres qui vous inquiètent en raison de souvenirs moins platoniques peut-être ou en fonction des craintes que vous pouvez éprouver sur le plan des réalisations sexuelles, vous rappellent certains dangers.
5 — Derrière vous (et donc liée à votre passé) cette maison ouverte (et donc accueillante) dont vous ne sentez que la présence rassurante par elle-même, sans la voir.
(Dans les rêves comme à l’état de veille, l’on n’a pas besoin de voir, en effet, pour sentir une présence et ce qu’elle signifie; et si vous avez l’impression d’être seule, vous retrouviez sans doute cependant l’ambiance affectueuse de parents ou d’amis dont les murs de cette maison sont probablement imprégnés.)
6 — En dépit du caractère familier de ce cadre, vous n’avez pas pu l’identifier au cours de votre rêve et une fois éveillée. (Le fait est très fréquent; mais cela ne veut pas dire qu’il ne correspondait pas à un souvenir enfoui de votre petite enfance, à supposer qu’il ne s’agisse pas d’un rêve télépathique transmis par un de vos proches par exemple.)
7 — Cette cage à oiseaux placée contre votre ventre est, peut-être, le symbole de vos organes génitaux.
8 — Quant aux quatre petits singes, ils méritent quelques réflexions.
— Selon Artémidore, le singe représente un scélérat et un charlatan.
— Selon Ad Damiri, le singe est le symbole des pécheurs… ; mais s’il est le portrait d’un ennemi rusé, selon Garmanos, son apparition serait, selon Birckmayer, l’annonce d’un bonheur en amour… (cf. M. Pongracz et J. Santner — Les Rêves à travers les âges — Buchet-Chastel 1965, p. 407)
— Selon Ernest Aeppli (Les Rêves : Petite Bibl. Payot, trad. de l’allemand 1970, p. 273) « Les rêves de singes sont un appel original en faveur d’un développement de la personne à la fois varié et étroitement lié à la nature ».
— Si enfin nous consultons le « Dictionnaire des symboles » de Jean Chevalier et d’Alain Gheerbrant (Seghers 1974), nous voyons que, selon F. Schuon, le singe est l’image de la « conscience dissipée » et nous lisons plus loin qu’il est aussi « l’image méprisable de ce que l’homme doit fuir de lui-même ».
Sans donc dramatiser, il est probable que ces petits singes représentent les tentations qui vous poussent à la sensualité dans des flirts quelquefois imprudents…
Et ils sont quatre. Ce chiffre correspond à la totalité des processus psychiques conscients et inconscients (Jung — Types psychologiques — Genève 1950 p. 425) : les quatre fonctions fondamentales de la conscience étant: le passé, le sentiment, l’intuition et la sensation. (ibid. p. 499).
Quant au pelage de ces petits singes, je vous laisse le soin d’en interpréter le symbole !
9 — Ils échappent sans cesse… ; comme vous avez, sans doute, tendance à céder facilement à vos petites tentations.
10 — Vous les rattrapez aussitôt… dans la crainte évidemment de trop céder à vos pulsions sexuelles.
Il est permis de penser que si ces petits singes s’étaient contentés de s’ébattre dans l’herbe, au soleil, vous auriez moins redouté leur évasion. Les sombres bosquets vous inquiètent à juste titre, tant par leur isolement qui vous aurait coupée de la protection assurée par la maison que par leur signification anatomique.
11 — Votre geste de caresser et d’embrasser ces petits singes en dit assez long sur le peu d’empressement que vous mettez à repousser vos tentations…
12 — … comme le prouve également le fait que vous n’avez pas pensé à fermer la porte de la cage.
13 — Votre réveil de joie et de crainte confirme les composition-compromissions qui semblent être les vôtres.