(Être Libre Documents. Sans date, probablement au milieu des années 1930)
Pour pouvoir comprendre Dieu il faut s’oublier soi-même, car s’attacher à sa personnalité, c’est sombrer dans le néant. Dieu n’est pas une forme définie, un objet palpable, mais bien la limpidité du regard de l’enfant; la voix de notre conscience; les transports de tendresse qui nous portent vers ceux qui souffrent.
Dieu n’est ni homme, ni bête, ni astre, mais bien l’ensemble des lois qui régissent notre monde et l’univers. Pour connaître Dieu, pour en éprouver les effluves divins il suffit d’écouter la voix de notre conscience, cet appel mystérieux qui se fait entendre au plus profond de nous-mêmes. Faisons abstraction de notre « moi » et songeons aux souffrances d’autrui qui, en une plainte incessante, monte vers Celui qui peut tout; fusionnons-nous dans cette souffrance et nous verrons encore Dieu. Lorsque nous nous trouvons au sein de la nature et que nous savons nous placer au diapason de ce spectacle merveilleux, que nous éliminons totalement notre personnalité et que nous sentons que nous ne formons plus qu’un avec l’univers, il se fait alors qu’une extase divine naît en nous, qui est un langage céleste.
Dieu ne peut-être vu de nos yeux matériels, il ne peut se présenter à nous sous un aspect défini, mais nous pouvons le sentir et le comprendre quand nos souffrances, nos afflictions nous paraissent atroces, quand l’adversité semble nous ployer implacablement pour pouvoir en réalité nous permettre d’élever notre âme, de tendre vers l’infini, et d’implorer en une fervente prière la grâce de Celui par qui nous sommes.
L’âme est dans le corps aussi impuissante à s’en détacher qu’est la goutte d’eau figée au glacier et qui voit le torrent couler aux pieds de la montagne en flots clairs et impétueux, Jusqu’à ce qu’un rayon de soleil viendra la dissoudre et la transporter dans les flots enchanteurs. De même, l’âme humaine est scellée au corps et qu’un souffle divin viendra un jour l’en séparer.
La mort n’est pas ce que la plupart des hommes appellent le néant, l’anéantissement, la décomposition finale d’un corps qui fut pour certains leur seule raison de vivre. Elle sera lente et épouvantable pour ceux qui n’auront pas laissé parler librement la voix de leur conscience; ils verront approcher cet instant fatal avec une terreur indicible, se raccrochant désespérément à une existence qui, cependant, leur fut plus propice en afflictions qu’en véritable bonheur.
La mort n’est pas le spectre grimaçant et hideux qui fait trembler les plus forts, frémir les plus courageux, mais bien la caresse divine qui, dans un souffle, nous sépare d’une forme matérielle, pour nous porter librement, et détachés de toute entrave, vers ce qui était nos aspirations, nos élans, notre but véritables.
Le véritable bonheur est une hérésie lorsqu’il est compris dans un sens matériel et, cependant, il n’est envisagé que sous une forme toute concrète par ceux qui s’illusionnent le trouver dans l’affection exagérée envers un seul être ou en créant une ambiance propice au développement de l’égoïsme, du sensualisme, de l’orgueil. Nous ne voyons que cela autour de nous et c’est pour cette raison que le désordre et le chaos règnent en maître au sein même des foyers de ceux qui se sont pris pour tâche de « créer du bonheur ». Il n’est pas aussi insaisissable et aussi chimérique comme beaucoup le prétendent. Pour cela, il suffit de se défaire des exigences impérieuses du « moi », de s’épurer soi-même et non pas de critiquer les autres. Car avant de conseiller autrui, il faut s’assurer que soi-même l’on est arrivé au point de ne plus faiblir dans l’adversité.
Le bonheur sera pour les uns superficiel parce qu’ils seront restés attachés, malgré tout, à leur individualisme qui est synonyme d’égoïsme, mais pour d’autres il sera total car ils auront su faire abstraction de leur personnalité, de leur « moi » et savoir comprendre cela veut dire aussi s’unifier dans tout ce qui nous entoure. Car c’est dans l’altruisme et l’oubli de soi-même que réside le vrai bonheur.
Dans la souffrance souviens-toi que tu n’es pas seul, que tes plaintes, tes douleurs sont entendues, que dans les instants où l’accablement est le plus profond, où ton coeur gonflé de tristesse semble éclater sous la pression de l’amertume, que des yeux, dans le silence de l’Éternité, te contemplent, te sup plient de ne pas faiblir, de considérer la souffrance comme un bienfait, car elle est aussi nécessaire à l’épuration de l’âme, que le roc l’est à la cristallisation de l’eau.
Quand le monde aura compris qu’au désordre, à l’anarchie, au chaos peut succéder une ère de paix et d’amour et que pour comprendre toute la portée de ces mots, il faut que les hommes soient persuadés que c’est dans l’individu même que se trouve la réponse à l’angoissant problème de la vie; le monde aura alors fait un grand pas vers le règne de bonté et d’amour qui franchira un jour toutes les barrières racistes, sociales, religieuses et de classes, pour porter en holocauste un mot entre tous sacrés l’Humanité.
Vivian du CHAINEL