Jean-Gaston Bardet
Le symbole des symboles : le Tétragramme hébraïque

Nous connaissons, désormais, la structure du Tétragramme et comprenons que ce n’est pas un mot humain à deux bouts pouvant se lire linéairement. Ne le traduit-on pas : l’Éternel !… Il ne peut avoir ni commencement, ni fin. Il ne doit donc pas se lire linéairement, mais se spirer circulairement, d’un seul souffle. Il est, d’ailleurs, interdit, aux copistes patentés, de s’arrêter en le graphiquant.

(Revue 3e Millénaire. Ancienne série. No 12. Janvier-Février 1984)

Spécialiste de la Kab­bale hébraïco-chré­tienne, Jean-Gaston Bardet (1907-1989) propose ici une analyse du Tétra­gramme formé par le nom de Dieu ; Tétra­gramme formé en réa­lité de trois lettres hébraïques (l’une d’elles le He est répé­tée). Pour aborder cette lecture, il est nécessaire d’être déjà familiarisé avec cette technique et nous ne pouvons ici donner les éléments d’initiation indispen­sables. Peut-être ce texte vous donnera-t-il envie d’en savoir davan­tage sur les possibilités immenses de la Kabbale et d’étudier les quelques très bons li­vres qui en donnent les clefs.

Le Symbole le plus ancien est la Croix, à quatre branches égales, correspondant aux 4 directions cardinales. Or, assez souvent – en Chine comme en Sumer – chacune des 4 branches n’est pas réunie aux autres, au croisement central. Le « point blanc » qui en résulte, signifie la vivification par l’intérieur, par le cœur ou par la Lumière primordiale… Il est « dans l’attente »…

C’est l’emblème d’Anu, la plus vieille divinité sumérienne. Sonexpression verbale se compose de 4 mots agglutinés « An – ub – da – limmu » que vous retrouverez dans les 4 dernières lettres : Q. R. Sh. Th. de l’alphabet hébraïque. Le « Thaw » hébreu était originairement, une petite croix et « limmu », lui-même, est précisément le nombre : 4, en sumérien.

Ces 4 points cardinaux, de total : 82, vous sont fournis dans l’ordre, par Isaïe (43, 5 et 6) : « Ne crains point parce que Moi je suis avec toi ; de l’Orient je ferai revenir ta race et d’Occident je te rassemblerai. Au Nord je dirai : Rend-les et au Midi, ne les garde pas ».

Ce signe cruciforme s’est traduit par maintes représentations : 4 rois gardiens, 4 fleuves sacrés, statues à 4 visages, 4 quartiers du Ciel dont la 5e région est le centre du monde, etc.

Le « point blanc » laisse place à un cinquième élément qui sera le Shin, lequel symbolise la « nature humaine », devant être crucifiée. Cependant, le symbole cruciforme va évoluer. Le Christ sera crucifiésur une croix à 3 branches principales – analogue au Tau grec – fonctionnellement différente de l’X à 4 branches de saint André.

Observez les allégories : André (Anthropos) n’est qu’un « homme ». Le Christ est « l’Homme-Dieu », aussi va-t-il être fixé par 3 clous seulement.

Car, en toutes les traditions, d’Orient comme d’Occident, 3 symbolise le cercle, le ciel, l’éternel ; tandis que le 4 symbolise le carré, la terre, le temporel. On connaît bien les jeux de 3 et de 4 qui fournissent les nombres-clefs : 7 (3 + 4) et 12 (3 x 4).

Le symbolisme est encore plus subtil en hébreu ou Le Chair : B Sh R (masculin) vaut 43, tandis que La Esprit : R W cH (féminin) vaut 34. Si 3 + 4 = 7 expriment l’union de l’âme et du corps, 34 + 43 = 77 est le nombre du pardon. Vous devez pardonner 77 fois, à l’inverse de Lamech qui devait « être vengé » 77 fois (Genèse 4. 24).

Mais il y a plus.

Dieu a révélé Son Nom (c.-à-d. son Être) à Moïse, dans le Buisson Ardent. Ce Nom est composé de 4 Signes-lettres représentant les 3 « formes divines » de l’Amour Créateur.

Ce Nom s’écrit : Y H W H. Prononcez : I E Ou A d’un seul souffle. Il n’est composé que de 3 lettres différentes, dont l’une, le « He » est redoublée. Ces 4 signes sont nécessaires afin de traduire la structure du Créateur aux hommes de la terre.

Observez que, symétriquement, l’information génétique de la créature humaine est fondée, elle, sur 4 bases qui s’expriment à l’aide de triplets, n’utilisant que 3 lettres. Pour confirmer la cohérence ajoutons qu’il peut exister 64 triplets ou codons. C’est-à-dire, 43 (4 puissance 3). Vous retrouvez l’indicatif 43. Tandis que 64 est le nombre d’Y ShR hA L. Car l’Israël spirituel symbolise « toute la terre » et non pas seulement un morceau de Palestine.

Bien qu’il n’y ait que 3 lettres formelles, on a cependant donné le nom de « Tétragramme » à cet Unique mot révélé par le Créateur.

Ces 4 lettres sont des « sonnantes » précise le célèbre général et historien Flavius Josèphe (De Bello Judico 6.15), et nullement des consonnes, comme on l’a raconté en vue de les rendre imprononçables, pour dissimuler la perte de la Structure.

י ה ן ה

He Waw He Yod

Ces 4 voyelles étaient d’ailleurs gravées sur la lame frontale du Grand Prêtre, disposées comme sur un trône de consonnes terreuses :

Y H W H

Q D Sh L

soit Q D Sh = Saint ; L = pour Y H W H 1.

Le total de ces 8 lettres est : 82, celui même des 4 points cardinaux précités : Q. R. Sh. Th. 82 = 10 = Un.

Cependant, si l’on ne prononça plus à haute voix le Tétra – passée la mort de Siméon-le-Juste (- 270) – les prêtres continuèrent à bénir avec leurs deux mains ; en chacune d’icelles leurs doigts étaient réunis en 3 groupes. Le geste rituel conservait la structure verbale oubliée.

Ces 3 groupes constituaient ce qui fut appelé, lors du christianisme, les 3 Personnes Divines de l’Unique Déité, soit la Tri-Unité.

L’ex-rabbin Paul Drach nous apprend (selon le Gale-Razaïya) que le Tétra, oublié, renfermait un autre Nom de 12 lettres, qui utilisait les 4 mots : Père, Fils et Saint-Esprit. Soit : hA B, B N V R W ch Q D W Sh = 120 (nombre des hommes requis pour fonder une Synagogue) ; nombre que vous retrouvez pour l’élection de Mathias. (Actes 1. 15). Ce qui souligne que le mosaïme authentique et traditionnel connaissait la structure trinitaire bien avant l’Évangile de Matthieu.

Dans le Talmud on trouve même un nom de 42 lettres ! Telle est l’inflation verbale, qui conduira à tirer 613 préceptes des 10 Paroles du Sinaï. Il faut savoir lire : 6 x 13 = 78, nombre même du Y H W H — hA L H Y M, comme du premier mot de la Thorah : B R hA Sh Y TH = 78, grâce au grand B, qui vaut son double.

Seule nous intéresse la véritable et authentique lecture du Nom Tétra. Depuis 2000 ans, des milliers d’ésotéristes s’y sont attachés, sans résultat valable ; Drach lui-même, pas plus que ses célèbres prédécesseurs tels Reuchlin, Pic de la Mirandole et le P. Kircher. S’ils retrouvèrent le Nom glorifié de Jésus : Y H Sh W H, tous ont ignoré la signification fonctionnelle de chaque lettre symbolique.

Bien auparavant, maints hermétistes auraient voulu utiliser – parvolonté de puissance – le secret du Tétra. En particulier, les pythagoriciens mirent au pinacle la « Sainte Tétractys » qui vaut : 10. Ce 10 est, en effet, le « nombre triangulaire figuré » de 4, car 1 + 2 + 3 + 4 = 10. On peut dire que 10 est « la gloire de 4 ». Authentiquement, le nombre 6 a pour gloire 21. Aussi Rabbi Saül aurait-il pu s’écrier : Le Shin, 21e lettre, symbolisant la « nature humaine » est la gloire du Waw, la 6e lettre, symbolisant la « nature divine » du Fils. (I Cor.11.7)

Les pastiches, par la numérologie alexandrine des lettres-nombres hébraïques sont fréquents. Ainsi Porphyre, publiant la collection des leçons de son maître Plotin, les classera, très artificiellement, en 54 cahiers : 6 x 9, d’où le nom « d’Ennéades ».

Or 54 est le total des divisions primitives et structurées de la Thorah (l’actuelle division en 187 chapitres, datant du XIIIe siècle, est absurde).

Cependant, Porphyre ignorait la subtilité des divisions sacrées. La voici :

GENÈSE     EXODE    LÉVITIQUE-     DEUTÉRONOME
                                     NOMBRES
12                    11           10 – 10                    11                 = 54

soit : Y               H           W – V                      H

elles affirment la prononciation « Jehovah », qui a été, frauduleusement, remplacée par le blasphème : Yahvé. Ce nombre 54 est capital, c’est celui de l’Alliance avec Abraham, la célèbre : B R Y Th = 54, utilisant des « Sumbolon », ici : 4 animaux coupés en deux et réunis par le Feu Divin.

Nous voici ramené à Abraham et forcé de constater que tout se recoupe, grâce à une cohérence supra-humaine.

Comment expliciter cette structure du Tétra, que la liturgie affirme ? Un fait va nous mettre sur la piste.Il vient de se fonder une Association 1901, appelée « Fraternité d’Abraham », destinée à « approfondir la compréhension mutuelle des trois familles religieuses issues de la foi d’Abraham ».

Le choix d’Abraham, l’Obéissant par Amour, est excellent. Mais une question se pose, à quel moment, dans quelles circonstances Abraham est-il devenu le Père de l’humanité croyante ? Il n’était, au départ, qu’« Abram l’hébreu » : hA B RM H cH B R Y = 100 = 1, donc un « germe ».

Abram va recevoir un « Nom Nouveau », soit : hA BRHM (Abraham) possédant un « He » supplémentaire. Précisément, cette 5e lettre qui est redoublée dans le « Nom au-dessus de tout Nom » : YHWH !

Et pourquoi – nouvel acte symbolique – sa femme Saray : Sh R Y, va-t-elle, de son côté, devoir abandonner son « Yod » final pour le remplacer également par un « He » ? Pourquoi ces deux « He » ?

Le texte (Genèse XVII) est clair :

Y H W H apparut à hA B R M et lui dit : « Ton Nom ne s’énoncera plus hA B R M désormais ; ton Nom sera hA B R H M, car Je te fais Père d’une multitude de Nations ». Il ajouta : « Sh R Y ton épouse, tu ne l’appelleras plus Sh R Y mais Sh R H. Je la bénirai en te donnant, par elle, un fils ».

Vous connaissez la puissance créatrice des Noms. En plus, ici, le total du couple ne change pas :

hABRM = 47 + 5     hABRHM = 52

ShRY    = 51 – 5     ShRH       = 46

                98                                98

Et vous saisissez pourquoi Abraham « sourit en son cœur » ; il vient d’avoir 99 ans, Sarah également. Le couple devient miraculeusement fécond, et ce sera la naissance d’Isaac qui veut dire : Sourire. En outre, ce nom, indiqué par Dieu : Y Ts cH Q = 55, ré-affirme l’union des deuxHe ». Le « He » est l’Esprit de Vie, l’Esprit Vivifiant redoublé, dont la conjonction engendre un être nouveau.

Pour confirmer la Promesse, le total des nombres de la « Famille-souche » de la multitude, est 153 :

hABRHM     Y Ts H Q     Sh R H

    52               55              46        = 153

soit le nombre même des « 153 gros poissons de la pêche miraculeuse »(Jean 21.11), nombre qui symbolise l’Église toute entière. Nombre qui est la « gloire » de Bon, le T W B = 17, de toute la Création. 2

Les deux « He » sont nécessaires pour la pro-création comme pour la Cybernétique de toutes les créations ; elle-même issue de l’Amour réciproque du Père pour le Fils et du Fils pour le Père.

C’est pourquoi le seul symbole valable pour l’Esprit-Saint (en deux mots), c’est la colombe aux deux ailes déployées.

Nous connaissons la signification des deux « He ».Maintenant, que signifient le « Yod » et le « Waw », ces deux lettres qui, en hébreu, s’intervertissent parfois ? Épelons attentivement.

Dès le départ de Genèse 4.18, au milieu d’une forêt de noms propres orientaux, vous tombez sur une « anomalie » qui ne peut être supposée faute de copiste (il n’y en a aucune). Deux mots côte-à-côte, sans interruption, sont orthographiés dissemblablement pour un unique indi­vidu.

Il s’agit du fils d’Yrad (Y R D = 34). Vous retrouvez aussitôt le nombre de la Esprit : la R W cH = 34, qui nous lance un clin d’œil. Voici la phrase :

« Yrad engendra M cH W Y hA L et M cH Y Y hA L engendra Méthoushaël ». La première graphie concerne un « fils » dont l’indicatif est le « Waw » ; la seconde graphie concerne ce même fils dans son rôle de père, dont l’indicatif est le « Yod ». Aucune ambiguïté possible. Tout homme est fils avant d’être père.

Nous connaissons, désormais, la structure du Tétragramme et comprenons que ce n’est pas un mot humain à deux bouts pouvant se lire linéairement. Ne le traduit-on pas : l’Éternel !… Il ne peut avoir ni commencement, ni fin. Il ne doit donc pas se lire linéairement, mais se spirer circulairement, d’un seul souffle. Il est, d’ailleurs, interdit, aux copistes patentés, de s’arrêter en le graphiquant.

Ce n’est pas un nom, comme tous les mots, formés de syllabes, comportant des consonnes. C’est un « souffle » pur qui se module selon quatre sons. C’est d’ailleurs pourquoi, toute notre vie terrestre, provient de l’énergie du soleil, transformant son Hydrogène H = 1, en Hélium = He = 4. Plus généralement, la particule simple, naturelle, est le noyau d’Hydrogène ; la particule composée naturelle est le noyau d’Hélium. On lui donne le nom de quadruplet. Saint Augustin avait, jadis, saisi que « les vestiges de la Trinité sont imprimés jusqu’aux derniers confins de la Création ». Vous le vérifiez au niveau de la micro-physique.

Je vous renvoie, pour la Tétra-structure cosmique, aux Clefs de la Recherche fondamentale et à la Signature du Dieu Trine qui montrent que « Tout va par deux, sur la Terre comme au Ciel ». (Édition Trédaniel)

Dans le Nom Glorifié de Jésus : Y H Sh W H, vous constatez que le Shin (de la nature humaine) est au centre, au cœur même du Circulus. On se borne à déclarer que Dieu s’est In-carné — ce qui est exact dans l’ordre historique. Cependant nous devons constater que, de fait, c’est la nature humaine : Shin, qui s’est insérée au cœur du Tétragramme Éternel. Ce qui doit nous faire saisir que l’Incarnation du Messie, à une époque historique, n’est que l’accomplissement — dans le temps — d’un Plan éternel, d’un Plan du Dieu — Trine ayant toujours eu — en Lui-même — en puissance, l’idée de l’homme ; enfin réalisée en acte, durant l’occupation romaine de la Palestine !

Un « Sumbolon » était un « signe de reconnaissance »

Le Tétragramme nous fournit donc toute l’explication de notre destinée et toutes les structures du Cosmos. Il est bien le « Symbole des Symboles ».

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1 Notez que « Q D Sh » : Saint pour un homme est écrit défectivement, c.à-d. sans le Waw. Et avec le Waw quand il s’agit de l’Esprit. Telle est la raison d’être — ignorée des grammairiens — de l’écriture dite « pleine ».

2 Dans la Genèse, le Nom Y H W H est répété cent cinquante-trois fois ont constaté les rabbins…