André A. Dumas
Les phénomènes de matérialisation

(Extrait de La Science de l’Âme, 2e édition. Dervy-Livres 1980) La « force psychique » qui, dans les expériences de télékinésie, se constitue en structures adaptées à leur fonction, pseudopodes, rayons rigides, filaments élastiques ou leviers, peut revêtir aussi des formes d’organes d’êtres vivants, mains, visages, ou plus rarement se condenser en organismes complètement formés, […]

(Extrait de La Science de l’Âme, 2e édition. Dervy-Livres 1980)

La « force psychique » qui, dans les expériences de télékinésie, se constitue en structures adaptées à leur fonction, pseudopodes, rayons rigides, filaments élastiques ou leviers, peut revêtir aussi des formes d’organes d’êtres vivants, mains, visages, ou plus rarement se condenser en organismes complètement formés, humains ou animaux. Ce sont les phénomènes de matérialisation ou d’ectoplasmie.

Conditions de contrôle et d’expérimentation

Il n’est pas inutile, avant d’aborder l’étude des phénomènes eux-mêmes, de rappeler les précautions dont se sont entourés les expérimentateurs pour s’assurer des faits extraordinaires qu’ils ont observés.

Le docteur Gibier, directeur de l’Institut Pasteur de New York, a obtenu des matérialisations dans son laboratoire, avec une lumière douce au gaz, pendant que le médium, Mme Salmon, était enfermée à clé dans une cage en treillis métallique.

Dans les expériences de Mme Juliette Bisson et du docteur de Schrenck-Notzing, avec le médium Eva Carrière (Marthe Béraud), étudiée aussi par le docteur Geley et par le professeur Charles Richet, huit appareils photographiques étaient braqués, dont cinq a l’intérieur de la chambre des séances et trois à l’intérieur du cabinet noir, un au-dessus de la tête du médium, un à sa droite et l’autre à sa gauche ; les phénomènes se déroulaient en lumière rouge.

Pour l’étude des phénomènes produits par le médium Willy Schneider, le frère de Rudi, le docteur de Schrenck-Notzing a employé des méthodes de contrôle analogues, mais plus perfectionnées encore, des appareils photographiques fonctionnant simultanément étaient disposés tout autour du laboratoire. Dans ces conditions, l’examen des clichés permettait de révéler toute supercherie éventuelle et de se rendre compte des caractéristiques du phénomène sous des angles de vision différents. Le même expérimentateur a appliqué un système de cinématographie ralentie à l’étude des phénomènes ectoplasmiques.

Genèse des matérialisations

Voici le processus du phénomène, d’après les notes de Geley : « De la bouche descend lentement, jusque sur les genoux d’Eva, un cordon de substance blanche, de la largeur approximative de deux doigts, ce ruban prend à nos yeux les formes les plus variables ; tantôt il s’étale sous la forme d’un large tissu membraneux perforé, avec des vides et des renflements, tantôt il se ramasse et se rétrécit, puis se renfle, puis s’étire de nouveau. Çà et là, de la masse, partent des prolongements, des espèces de pseudopodes, et ces pseudopodes revêtent parfois, pendant quelques secondes, la forme de doigts, l’ébauche de mains, puis rentrent dans la masse ; finalement, le cordon se ramasse sur lui-même, s’allonge sur les genoux d’Eva ; puis son extrémité se relève, se détache du médium et s’avance près de moi. Je vois alors cette extrémité s’épaissir sous forme d’un renflement, d’un bourgeonnement terminal et ce bourgeonnement s’épanouir en une main parfaitement modelée. Je touche cette main. Elle donne une sensation normale, je sens les os, je sens les doigts, munis de leurs ongles. Puis la main se rétrécit, diminue, disparaît au bout du cordon. Le cordon fait encore quelques évolutions, se rétracte et rentre dans la bouche du médium » (203, p. 202).

La « substance primordiale », comme l’appelait Geley, aux dépens de laquelle se forment les organes et tissus matérialisés est extériorisée en majeure partie par le médium et aussi en moindre quantité par les assistants. Cette substance ectoplasmique se présente sous divers aspects : elle est solide, liquide ou gazeuse ; sous sa forme solide, elle est tantôt blanche, noire ou rouge chair. La substance extériorisée par Eva était solide, tandis que chez Kluski, comme chez la plupart des médiums connus, elle se dégageait presque toujours sous l’apparence de gaz ou de vapeur.

La substance est douée de sensibilité, comme la matière vivante dont elle est issue. En outre, elle craint les contacts, elle est toujours prête à se dérober et à se résorber. Geley lui attribuait « une sorte d’instinct, rappelant l’instinct de conservation chez les invertébrés ». Elle lui semblait avoir « toute la méfiance d’un animal sans défense ou dont la seule défense consiste à rentrer dans l’organisme du médium dont elle est issue » (203, P. 200).

La genèse des formes matérialisées aux dépens d’un brouillard phosphorescent a été comparée par M. Paul Le Cour à la genèse des mondes aux dépens des nébuleuses ; cette comparaison astronomique est justifiée pour les maté­rialisations dont la première phase est gazeuse ; les lueurs qui s’y produisent correspondant aux points de condensation observés dans les nébuleuses.

Les analogies biologiques signalées par Oliver Lodge, Schrenck-Notzing et Geley sont encore plus remarquables : les formations ectoplasmiques revêtent souvent les formes très variables des pseudopodes de protoplasma émis par les amibes et par certains invertébrés tels que les radiolaires.

D’autre part, Geley a insisté sur les gémissements du médium pendant le phénomène qui rappellent ceux d’une femme en couches, et a remarqué, par exemple, des forma­tions ectoplasmiques de mains enveloppées d’une membrane semblable à celle de la poche des eaux au moment de l’accouchement.

Substance ectoplasmique et électricité

La force métapsychique issue de l’organisme du médium étant de la matière dissociée, reprenant l’état gazeux et éthérique, il n’est pas étonnant que des phénomènes d’ordre électrique aient été observés fréquemment au cours de phénomènes de matérialisation.

William Crookes a observé « des étincelles de lumière s’élever de la table au plafond, et ensuite retomber sur la table avec un bruit très distinct ». Il a obtenu une communi­cation alphabétique au moyen d’éclairs lumineux se produi­sant dans l’air, devant lui, et au milieu desquels il promenait sa main. Les lumières métapsychiques ressemblent beaucoup aux fluorescences des tubes à vides de Geissler ; dans les expériences de Crookes, certaines étaient d’une nature telle qu’il n’a pu parvenir à les imiter par des moyens artificiels (122, p. 159).

M. Raoul Montandon (196, pp. 24-25) a attiré l’attention sur l’analogie frappante qui existe entre la structure de l’étincelle électrique à haute tension et l’aspect des voiles revêtant les formes matérialisées l’image de la décharge offrant parfois sur la plaque sensible toutes les apparences d’une étoffe blanche légère et présentant une trame au dessin très net.

La constitution électrique de la matière explique non seulement cete apparence des voiles fantomatiques, mais aussi divers phénomènes de nature électrique signalés par plusieurs observateurs.

M. Livermoore et le docteur John-F. Gray ont observé avec Katie Fox des fantômes matérialisés qui se faisaient voir au moyen de globes lumineux, en même temps que retentis­saient des crépitements électriques (77, pp. 158-172). A différentes reprises, M. Livermoore reçut des commotions analogues à celles d’une machine électrique en touchant l’apparition (197, pp. 425, 708, 629 et note).

Au cours des expériences d’ectoplasmie avec Jean Guzik l’Institut Métapsychique de Paris en 1922, le professeur Cunéo, les docteurs Chauvet, Osty, Bourbon et Geley ont vu, ensemble, une lumière vive qui avait la couleur légèrement bleuâtre de l’arc électrique, et ont nettement perçu l’odeur d’ozone, caractéristique des manifestations de l’énergie électrique (Séance du 2 mai 1922, Rapport du docteur Bourbon, 203, pp. 330-331).

Robert Tocquet (204) a donné une relation, d’après les notes écrites d’un témoin, Mme V., d’une extraordinaire hantise, consistant en l’apparition d’un moine fantomatique, qui s’est manifestée de 1955 à 1959, dans une vieille maison du XVIIe siècle, « Le Prieuré ». Le lecteur en trouvera le récit complet dans l’ouvrage cité. Je note seulement ici un incident révélateur.

Robert Tocquet avait conseillé à Mme V. de toucher, à la première occasion, le fantôme du moine que l’on était parvenu à photographier quelque temps auparavant.

Se trouvant brusquement en face de l’apparition, Mme V., s’armant de tout son courage, ferma les yeux et plongea ses mains à l’horizontale, à la hauteur de la ceinture au travers de la forme. Elle ressentit aussitôt un très violent choc au même endroit de son corps. Puis un froid glacial l’envahit, cepen­dant que la forme se désagrégeait devant elle. Son fils assistait stupéfait à la scène.

Presque aussitôt ses mains se mirent à enfler et à la brûler intensément, comme s’il se fût agi de brûlures de froid. Le lendemain, ses mains étaient si gonflées que son fils dut scier les deux bagues qu’elle portait.

Pendant deux mois au moins, ses mains restèrent enflées et de bizarres petites brûlures parallèles, ressemblant à des griffures, furent visibles sur ses mains. Un mois après l’événement, Robert Tocquet put constater des traces de brûlures sur les mains de Mme V. et une certaine enflure des poignets. Depuis, la peau des mains et des avant-bras de Mme V. est restée très abîmée et très épaisse.

Mme V. a noté que « le fantôme était formé d’une sorte de brouillard glacial, légèrement visqueux » [1].

Ces faits confirment la thèse selon laquelle les phénomènes ectoplasmiques mettent en œuvre des formes d’énergie apparentées à l’électricité et à des états de la matière voisins de la dissociation. Nous allons voir maintenant que cette matière dissociée provient bien de l’organisme du médium.

Rapports entre le médium et les formes matérialisées

Un nombre suffisant d’observations et d’expériences per­met de préciser les rapports qui existent entre l’organisme du médium et le néo-organisme provisoirement matérialisé. William Crookes, au cours de ses célèbres expériences avec le médium Miss Cook, où il put pendant des années observer la formation du fantôme matérialisé Katie King, a établi que la substance provient de l’organisme du médium et y retourne à la fin du phénomène. Il avait préparé une petite quantité de couleur d’aniline sur une surface de mercure. Le fantôme ayant plongé ses doigts dans la couleur, les doigts du médium ne furent pas tachés, par contre, des traces d’aniline se voyaient sur son bras. Au cours d’une autre séance avec Miss Cook, on avait fait une tache d’encre violette sur la main matérialisée, et cette tache, de la dimension d’une pièce de cinq francs, fut ensuite trouvée sur le bras du médium, près du coude (147, p. 126). Crawford, en étudiant la lévitation d’une table a employé aussi la méthode des colorants et est parvenu aux mêmes conclusions quant à l’origine de la « substance » (voir chapitre VIII). Dans les expériences du docteur Geley avec Kluski, au cours desquelles des moules de membres matérialisés étaient obtenus avec de la paraffine, les traces de ce produit que l’on trouvait après les séances sur les mains du médium (que les contrôleurs n’avaient pas lâchées) et jusque sur ses vêtements de dessous (203, p.244) attestaient aussi l’entraînement de parcelles de paraffine par la « substance » rentrant dans le corps du médium.

On a constaté aussi l’existence d’un véritable courant de matière ectoplasmique reliant le fantôme au médium : Delanne, puis Geley, l’ont comparé au cordon ombilical qui relie l’enfant à la mère ; il est tantôt visible, tantôt invisible, court ou long, mais la relation directe existe toujours. C’est par ce conducteur de force ou de matière, signalé par tous les expérimentateurs depuis Russel Wallace jusqu’à Gustave Geley, que s’extériorise et se réintériorise la propre substance du médium constituant la fantôme.

Le médium perd du poids

D’autre part, on a enregistré une déperdition du poids du médium, en rapport avec la formation de fantômes matéria­lisés. Crookes avait construit une balance spéciale pour étudier cette déperdition : à l’état normal, Mile Cook pesait 112 livres et lorsque Katie King était complètement matéria­lisée elle n’en pesait plus que 68 (197, p. 658). En 1878, une commission d’étude composée entre autres de Cromwell Varley (de la Royal Society), du professeur William Barrett et du docteur Carter Blacke, professeur d’anatomie à l’hôpital Westminster, avait adopté un dispositif dans lequel le cabinet destiné au médium était posé sur une machine à peser, afin de mesurer les variations de poids ; l’enregistrement de celles-ci s’opérait automatiquement, au moyen d’une bande de papier enroulée sur un cylindre vertical, tournant lui-même au moyen d’un mouvement d’horlogerie. On pouvait ainsi pendant la durée de l’expérience suivre des yeux ces variations. Pendant les séances ordinaires, simples trans­ports d’objets ou jeux d’instruments de musique, le poids du médium diminuait faiblement ; mais pendant une séance de matérialisation avec le médium Williams, celui-ci perdit graduellement jusqu’aux trois quarts de son poids ; son corps gisait dans le cabinet comme une masse inerte. Lorsque les fantômes matérialisés retournaient à cette masse pour se retremper, pour y prendre plus de matière humaine, le poids de cette masse augmentait lentement, puis diminuait sou­dainement dès que le fantôme quittait la machine à peser (197, pp. 659-660).

Ces diverses expériences et constatations établissent net­tement que c’est la substance organique du médium qui, extériorisée sous forme d’énergie ou de matière, constitue le fantôme matérialisé.

Le témoignage d’Alfred Russel Wallace

L’archidiacre Colley ayant fait des déclarations publiques au sujet des phénomènes qu’il avait observés avec le pasteur baptiste Monck, de violentes polémiques se déclenchèrent dans la presse anglaise et un prestidigitateur, Maskelyne, se distingua par ses attaques contre l’archidiacre. Celui-ci le mit au défi de reproduire les mêmes phénomènes dans les mêmes conditions et lui offrit mille livres « s’il pouvait d’une façon quelconque, où que ce soit, une date quelconque, repro­duire par des trucs les phénomènes en question », le prestidigitateur organisa alors sur le théâtre de St Georges’s Hall une parodie d’apparition ; une femme jouant le rôle de fantôme sortait, cachée par de la fumée, derrière le pseudo-médium, des draperies noires qui formaient le fond de la scène ; Maskelyne réclama les mille livres à l’archidiacre et lui intenta un procès retentissant ; il fut débouté de sa demande « comme n’ayant pas véritablement reproduit le phénomène décrit par l’archidiacre Colley », et condamné aux dépens.

Au cours de ce procès, Alfred Russel Wallace, l’illustre savant qui formula en même temps que Darwin la théorie de l’évolution par la sélection naturelle, vint affirmer comme témoin, devant le tribunal, la réalité des phénomènes consta­tés avec le médium Monck. Donnant un rare exemple de courage intellectuel et moral, il y décrivit une séance laquelle il avait assisté, en pleine clarté du jour, en compagnie de M. Wedgwood et du Révérend Stainton Moses. Lorsque le fantôme apparut, Wallace n’était pas à plus de deux mètres et demi du médium.

« Le docteur Monck, dit-il, était debout et paraissait en trance. Quelques instants après, une légère vapeur blanche apparut au côté gauche de son habit ; sa densité augmenta ; c’était comme des flocons blancs qui s’agitaient dans l’air et qui s’étendirent ainsi du plancher jusqu’à hauteur de son épaule. Peu à peu cet espèce de nuage blanc se sépara du corps du médium jusqu’à ce qu’il parvînt à trois mètres environ de lui, et se solidifia jusqu’à prendre l’apparence d’une femme habillée de draperies blanches flottantes, qui laissaient le visage à découvert… Ensuite l’apparition se rapprocha lentement du docteur Monck et commença à devenir moins brillante. Le mouvement d’ondulation de la matière blanche recommença et le tout rentra dans le corps du médium de la même manière qu’il en était sorti. »

Le président du Tribunal, M. Bankes, demanda à Wallace s’il était personnellement sûr qu’il s’agissait bien là d’un phénomène spirite. « Je suis absolument certain, répondit le savant, que cela ne pouvait pas se faire à l’aide d’un truc ; M. Maskelyne lui-même n’y serait pas parvenu avec tous ses appareils. »

En quoi les deux apparitions différaient-elles ? demanda encore le président à l’illustre témoin.

« A St George’s Hall, répondit Wallace, il n’y avait pas la reproduction de la matière blanche qui sortit de l’habit du médium ; la fumée fabriquée par M. Maskelyne ne se transformait pas lentement en un corps humain. Une femme cachée derrière le pseudo-médium sortait une main, une tête, au milieu de la fumée, et c’était tout. L’archidiacre Colley et moi-même nous avons vu se former l’apparition dans une pièce bien éclairée, à la distance de quelques pieds seulement, sans aucun rideau noir formant le fond de la scène sans qu’il y eût possibilité pour personne de se cacher derrière le médium. Si un spectateur s’était trouvé à la place de l’individu qui représentait l’archidiacre à St George’s Hall, il aurait vu immédiatement, dans tous ses détails, comment se produisait l’apparition organisée par M. Maskelyne » (197).

Dangers de l’incompétence

La résorption de la « substance » peut être provoquée instantanément, en mettant en grand danger la vie du médium, si un assistant soupçonneux et incompétent se précipite sur le fantôme et le saisit brutalement à bras-le-corps, croyant prendre le médium en flagrant délit de fraude ; l’« instinct de conservation » de la substance ectoplasmique se manifeste alors, le fantôme se dissout entre les bras du malencontreux assistant et toute la matière extériorisée retourne rapidement et violemment dans le corps du médium, en y produisant de graves désordres, vomissements, crachements de sang, etc.

Cette mésaventure est arrivée à Mme d’Espérance, à Miss Cook et à Eva.

Des interventions de ce genre sont non seulement dange­reuses, mais absolument inutiles du point de vue scientifique ; il est très facile de vérifier au cours de l’expérience que le médium n’a pas quitté sa place.

Apparitions observées simultanément avec le médium

D’ailleurs, les matérialisations ont souvent été observées simultanément avec le médium ; c’était le cas, nous l’avons vu, dans les expériences de Colley et de Russel Wallace avec Monck ; de même, dans les expériences avec Florence Cook, Crookes vit plusieurs fois celle-ci en même temps que le fantôme Katie King, et il parvint à se photographier lui-même aux côtés du médium et de l’apparition matérialisée (122, p. 193). Comme autre exemple, on peut citer encore les constatations du Cercle Scientifique Minerva de Gênes, où les expérimentateurs, parmi lesquels Ernest Bozzano, les profes­seurs Henri Morselli et François Porro, le docteur Vincent Venzano et Louis Arnaldo Vassaldo, directeur du Secolo XIX, ont vu de nombreuses fois, grâce aux remarqua­bles facultés d’Eusapia Paladino, des matérialisations complè­tes de fantômes qu’ils pouvaient observer en pleine lumière d’un bec de gaz à manchon Auer ; Eusapia était allongée dans le cabinet, les bras, le buste et les jambes ligaturés et attachés par le professeur Morselli à un lit de camp. Chaque fois que les apparitions matérialisées ouvraient les rideaux pour se faire voir en pleine lumière, le corps du médium étendu et lié apparaissait nettement visible à tous les expérimentateurs (198, pp. 16-26).

Mains vivantes, visages humains…

Le caractère vivant des organes matérialisés est une caractéristique signalée par tous les observateurs de phénomènes de matérialisation ; « dans les cas les plus parfaits, écrit le docteur Geley, l’organe matérialisé a toutes les apparences et propriétés biologiques d’un organe vivant. J’ai vu des doigts admirablement modelés avec leurs ongles, j’ai vu des mains complètes avec os et articulations ; j’ai vu un crâne vivant, dont je palpais les os sous une épaisse chevelure. J’ai vu des visages bien formés, des visages vivants, des visages humains » (203, p. 201). « Une main articulée, chaude, souple, mobile, résistante, absolument et de tous points identique a une main humaine… », a écrit Charles Richet (94, p. 608). « La tiédeur qui se dégageait de la petite main, écrivait le docteur Venzano, après une expérience avec Eusapia, les mouvements de flexion, d’extension, d’apposition des doigts, la pression et la traction exercées par elle sont des données très efficaces en faveur de notre déduction : c’est-à-dire qu’il s’agit d’une main vivante, pourvue d’un substratum osseux qui en constitue la charpente, de muscles, de tendons et de tissus, tous propres à une main, où circulent de l’eau et du sang, animés par un système nerveux qui lui imprime tous les caractères des énergies vitales » (197, p. 696).

A Milan, Schiaparelli toucha la figure tout à fait vivante d’un homme aux cheveux rudes et hérissés et à la barbe fine (74, p. 271).

Le fantôme organisme vivant

Le docteur Hitchmann, président de la Société d’Anthro­pologie de Liverpool, écrivait en 1886, à Aksakof, à propos des expériences qu’il conduisait à Liverpool, qu’il avait examiné les fantômes matérialisés à l’aide de divers instru­ments, qu’il avait mesuré leur taille, la circonférence du corps, puis leur poids, etc., et qu’il avait constaté chez ces organismes éphémères l’existence de la respiration et de la circulation.

Crookes, en 1874, avait fait les mêmes constatations avec la « matérialisation » de Katie King : « Un soir, je comptais les pulsations de Katie ; son pouls battait régulièrement 75, tandis que celui de Mlle Cook peu d’instants après atteignait 90, son chiffre habituel. En appuyant mon oreille sur la poitrine de Katie, je pouvais entendre un cœur battre à l’intérieur, et ses pulsations étaient encore plus régulières que celles du cœur de Mlle Cook, lorsque après la séance, elle me permettait la même expérience. Éprouvés de la même manière, les poumons de Katie se montrèrent plus sains que ceux de son médium, car au moment où je fis mon expérience, Mlle Cook suivait un traitement médical pour un gros rhume » (122, p. 194).

Charles Richet et Gabriel Delanne ont observé à 5 ou 6 reprises, à Alger, chez le général Noël, un fantôme matérialisé de grande taille, barbu, Bien-Boa, avec le médium Marthe Bérau (Eva), dans des conditions absolument satis­faisantes, et ce fantôme marchait, ses yeux regardaient, ses lèvres s’agitaient quand il essayait de parler, on entendait sa respiration. Il avait tellement l’apparence de la vie, que Richet tenta de faire souffler Bien-Boa dans un flacon d’eau de baryte, afin de savoir si, comme les êtres vivants, il produisait de l’anhydride carbonique CO2 et si, par consé­quent, l’eau de baryte serait troublée. Tandis que Delanne surveillait le médium et annonçait à haute voix qu’il était toujours endormi sur sa chaise, Richet ne quittait pas des yeux le flacon qu’il avait mis entre les mains de Bien-Boa, qui semblait flotter dans l’air ; pendant que le fantôme soufflait dans le tube du flacon, on entendait le glouglou de l’air qui barbotait. L’expérience réussit pleinement ; Richet obtint le précipité blanc de carbonate (94, p. 659 et 197, pp. 546-547).

D’ailleurs l’haleine chaude des fantômes a été constatée par plusieurs autres observateurs, Lombroso, Bozzano et Geley entre autres.

Le phénomène de la main qui fond

Plusieurs expérimentateurs, ayant serré la main d’un fantôme matérialisé et tenté de la garder dans la leur, n’ont pas constaté d’effort de la main fantôme pour se dégager, mais l’ont sentie fondre sous leur étreinte ; ce que dit Crookes à ce propos doit être cité, car il note en même temps le caractère de vie précédemment signalé : « Cette main n’est pas toujours une simple forme, quelquefois elle semble parfaitement animée et très gracieuse, les doigts se meuvent et la chair semble être aussi humaine que toutes les personnes présentes. Au poignet, au bras elle devient vaporeuse, et se perd dans un nuage lumineux.

» Au toucher, ces mains paraissent quelquefois froides comme de la glace et mortes d’autres fois elles m’ont semblé chaudes et vivantes, et ont serré la mienne avec la ferme étreinte d’un vieil ami.

» J’ai retenu une de ces mains dans la mienne, bien résolu à ne pas la laisser échapper. Aucune tentative ni aucun effort ne furent faits pour me faire lâcher prise, mais peu à peu cette main sembla se résoudre en vapeur, et ce fut ainsi qu’elle se dégagea de mon étreinte » (122, pp. 162-163).

Avec Eusapia, ce phénomène a souvent été observé par Damiani, pare docteur Venzano et les professeurs Morselli et Bottazzi.

Les moulages de paraffine

C’est le phénomène de la « main qui fond » qui permet d’obtenir des moulages de membres matérialisés, à l’aide de la paraffine fondue. C’est l’Américain William Denton, profes­seur de Géologie, qui a imaginé le procédé, en 1875, dans ses expériences avec Mme Hardy. Depuis il a été utilisé par plusieurs chercheurs qui ont ainsi donné aux résultats de leurs investigations une très grande force démonstrative. Voici en quoi il consiste : la main « fluidique » matérialisée plonge dans un seau d’eau chaude sur laquelle surnage une couche de paraffine liquéfiée. Quand cette main ressort, elle est recou­verte d’une mince couche de paraffine qui se solidifie rapidement au contact de l’air ou de l’eau froide contenue dans un autre récipient ; lorsque la main s’est dématérialisée, il reste un moule creux de paraffine dont une main solide n’aurait pu sortir. Pour obtenir la reproduction de la main qui a été ainsi modelée, on coule du plâtre dans ce gant, puis on enlève la paraffine.

Ce procédé a été employé dans les expériences organisées à Christiania, avec Mme d’Espérance, par une trentaine d’expé­rimentateurs norvégiens, professeurs d’Universités, médecins, magistrats et pasteurs luthériens, sous la direction du docteur Von Bergen ; on y a obtenu le moule en paraffine, jusqu’au poignet, de la petite main aux doigts fuselés d’un fantôme féminin de grande beauté se manifestant sous le nom de « Néphentès » (77, p. 186).

Au cours des expériences menées avec le médium Franeck Kluski, en 1920, dans le laboratoire de l’Institut Métapsy­chique International, à Paris, le docteur Geley et ses collaborateurs, le professeur Charles Richet, A. de Grammont et le comte Potocki, ont obtenu une série de moulages dans des conditions de contrôle absolument parfaites. Le médium, homme très intelligent et très instruit, marié et père de famille, employé supérieur dans une banque importante, mettait ses dons au service de la science avec le plus complet désintéressement. Les séances avaient lieu à la lumière d’une lampe rouge de 50 bougies, réglée par un rhéostat, et les silhouettes du médium et des expérimentateurs étaient visibles. On employait de plus par intermittence l’éclairage par écrans au sulfure de zinc.

Bien que l’ensemble des conditions expérimentales excluait toute possibilité de fraude, Geley et Richet décidèrent de verser, à l’insu du médium et dans un secret absolu, quelques grammes de cholestérine dans la paraffine chaude au début de la 11e séance (31 décembre 1920). En dissolvant un peu de paraffine ainsi traitée dans du chloroforme, et en ajoutant de l’acide sulfurique, il se produit une coloration rouge qui, peu à peu, tourne au brun ; la paraffine ordinaire sans addition de cholestérine ne donne aucune coloration quand on la traite de la même manière.

En prélevant et en traitant ainsi, après la séance, des fragments des moules obtenus, la réaction colorée se produi­sit ; Geley et Richet ont ainsi acquis la certitude absolue, confirmant le témoignage de leur sens, que les moules ont été obtenus avec leur paraffine, pendant la séance même (203, pp. 244-245 et 94, p. 702).

Sept moules de mains d’enfant (ou plutôt d’adulte en miniature), un pied d’enfant et la partie inférieure d’une face d’adulte, soit neuf moules en tout furent obtenus.

Dans deux nouvelles séries d’expériences avec le même médium, à Varsovie, en septembre 1921 et en avril-mai 1922, le docteur Geley a obvié à certains défauts des premiers moules dus à l’infiltration de l’eau chaude entre le gant de paraffine et le membre matérialisé. Cet inconvénient a été évité par l’usage d’un récipient contenant une très mince couche d’eau et, flottant au-dessus, une couche très épaisse de paraffine.

Les parois des gants ainsi obtenus avaient une épaisseur extrêmement faible, partout inférieure à un millimètre. Les organes matérialisés n’avaient eu qu’à se plonger une seule fois, et très rapidement, dans la paraffine. La fragilité des moules était telle que les expérimentateurs ne savaient comment les manier pour procéder au moulage du plâtre. Aussi les détails anatomiques étaient tous très nets, plus encore que sur ceux obtenus à Paris.
« Il est possible, écrit Geley, de sortir la main d’un gant de paraffine ne prenant que les doigts, mais à la condition que le gant soit assez épais pour être résistant. Quand le gant est mince le dégagement est impossible ; à la moindre tentative le gant se brise et éclate en menus fragments » (203, p. 253).

A plus forte raison s’impose l’origine supranormale des moules de mains aux doigts repliés ou ceux aux doigts entrelacés. Des mains ordinaires n’auraient pu se retirer de tels moules sans les briser.

Le rapport des experts mouleurs

C’est bien ce qu’ont été obligés de conclure dans leur rapport (203, pp. 275-278) les experts mouleurs, MM. Gabrielli ainsi que leurs collègues, auxquels le docteur Geley avait soumis les gants de paraffine, les uns remplis de plâtre, les autres tels quels. Ces experts, dont les observations rappellent d’une manière frappante celles du sculpteur John
O’Brien examinant 46 ans auparavant les moules obtenus avec Mme Hardy par le professeur Denton et Epes Sargent, ont été frappés par la minceur extrême de la couche de paraffine constituant les moules, dont les parois ont « la minceur d’une feuille de papier », elle est telle qu’on voit, à travers la couche de paraffine, sur le plâtre sous-jacent, « tous les détails anatomiques, plis de la peau, sillons, lignes, ongles ». Non seulement les experts ont remarqué la finesse des détails anatomiques, mais ils ont trouvé des indices de
contractions musculaires, de froissements de la peau, qui les ont amenés à conclure que « ce sont, de toute évidence, des mains vivantes qui ont servi à ces moulages ». Le rapport soulignait que la sortie d’une main vivante de moules de paraffine n’ayant qu’une épaisseur moindre de un millimètre est une impossibilité. De plus, les experts notaient que, même avec des moules épais, le démoulage d’une main vivante de certaines des pièces examinées, même après section de la base, eût été impossible ; il en était ainsi de ceux qui reproduisaient deux mains aux doigts entrelacés.

Le docteur Geley ayant suggéré d’examiner la possibilité d’obtenir le même résultat par l’emploi d’une main en substance fusible et soluble, comme le sucre ou la gélatine, les maîtres mouleurs ont été catégoriques pour déclarer qu’il s’agissait de moulages de première opération pris sur des mains vivantes.

Enfin, après avoir fait de nombreuses tentatives, qui ont complètement échoué, pour produire artificiellement, par les moyens les plus divers, des gants analogues à ceux qui leur avaient été soumis, MM. Gabrielli et leurs collègues décla­raient : « Nous concluons qu’il nous est impossible de comprendre comment les moules de paraffine du docteur Geley ont été obtenus. C’est pour nous un pur mystère. »

Ainsi, le moulage des membres matérialisés constitue une irréfutable confirmation du phénomène de la « main qui fond » observé par maints témoins, et apporte une preuve scientifique décisive de la réalité des phénomènes de matéria­lisation.

D’ailleurs, dans les expériences de Varsovie, avec Kluski en avril-mai 1922, Geley et les autres expérimentateurs ont vu opérer les mains qui se moulaient dans la paraffine ; « elles étaient, dit Geley, éclairées par des points lumineux placés aux extrémités digitales. Elles se promenaient lentement devant nos yeux, se plongeaient dans le baquet de paraffine, barbotaient un instant, une fraction de minute, en ressortaient toujours lumineuses, puis finalement venaient déposer le moule, encore chaud, contre l’une de mes mains ».

Dématérialisation des fantômes

La dématérialisation à l’intérieur d’un gant de paraffine, d’une main fluidique matérialisée, n’est qu’un cas particulier de la dématérialisation du fantôme. Le processus de celle-ci apparaît nettement en comparant les descriptions de divers expérimentateurs. M. Oxley décrit ainsi la disparition progres­sive d’une apparition : « Elle sembla se fondre en commen­çant par les pieds, et peu à peu le corps et la tête disparurent ne laissant qu’une petite tache blanche qui s’évanouit bientôt » (197, p. 248). Le docteur Gibier a vu le fantôme de Lucie, dont il avait observé la formation graduelle, disparaître en quelques instants, s’écroulant comme un château de cartes. Richet et Delanne ont observé un écroulement semblable du fantôme Bien-Boa. Celui-ci s’affaissait brusque­ment sur le sol et s’aplatissait devant le rideau. Trois ou quatre minutes après, la forme reparaissait, semblant naître et s’élever du sol en droite ligne, puis rentrer de nouveau (94, 260 et 197, p. 540-541). Le fantôme de la belle Néphentès en se dématérialisant, restait tranquillement au milieu des expérimentateurs de Christiania, diminuait de volume et peu à peu se dissociait, se transformait en un petit nuage lumineux pas plus grand qu’une tête humaine, sur lequel brillait encore son diadème ; puis cette luminosité s’effaçait, le diadème se dissolvait et disparaissait à son tour, tout était fini (197, p. 699 et 77, p. 186).

La dissolution, à la lumière du gaz, du fantôme de Katie King a souvent été décrite. A la demande des expérimentateurs désirant trancher la question de l’influence perturbatrice d’un éclairage plus ou moins intense, Katie King avait consenti à ce que soient allumés les trois becs de gaz de la pièce, alors qu’elle apparaissait habituellement à la lumière atténuée d’un seul bec ; Katie se plaça debout contre le mur du salon, et elle étendit ses bras en croix en attendant l’accroissement d’intensité de l’éclairage. L’effet de désintégration fut extraordinaire. Katie King ne résista qu’un instant, puis, dit Mme Florence Marryat (197, p. 703), nous la vîmes fondre sous nos yeux, tout comme une poupée de cire devant la chaleur. D’abord ses traits s’effacèrent, on ne les distinguait plus. Les yeux s’enfoncèrent dans les orbites, le nez disparut, le front sembla rentrer dans la tête. Puis les membres cédèrent et tout le corps s’affaissa comme un édifice qui s’écroule. Il ne resta plus que sa tête sur le tapis, puis un peu de draperie blanche qui disparut comme si 1’on eut subitement tiré dessus.

De même que la rentrée de la « substance » dans le corps du médium, la désintégration du fantôme matérialisé,qu’elle soit provoquée par le bombardement des photons lumineux ou par toute autre cause perturbatrice, est un phénomène inimitable par des moyens frauduleux ; il porte en lui-même la marque de son authenticité.

Matérialisations animales

Les matérialisations de formes animales au cours de séances expérimentales ne sont pas excessivement rares mais, comme l’a fait observer Bozzanoqui qui en a recueilli quelques cas (101,138), les descriptions qui en sont fournies sont généralement très brèves et anecdotiques. Le premier cas qui fut observé scientifiquement a été produit par D. D. Home. Dans la série d’expériences que celui-ci donna de 1867 à 1868 , à un groupe de gentlemen, le vicomte Adare, qui a donné une relation des phénomènes (199),lord Dunraven, M. Jencken, le major Blackburn, C. Hall et quelques autres, on a noté, parmi de nombreuses autres manifestations supranormales, la forme d’un oiseau, qui sifflait et volait dans la salle éclairée et fermée, puis disparut devant les yeux de tous. Mais les matérialisations animales les mieux observées jusqu’à présent sont certainement celles produites par la médiumnité de Franeck Kluski, au cours des séances de la Société d’Études Psychiques de Varsovie, en 1919-1920, puis à l’Institut Métapsychique a Paris, en 1920.

A Varsovie, un gros oiseau de proie apparut à plusieurs séances et fut photographié (203, p. 296). Un être bizarre se manifesta à maintes reprises : il avait la taille d’un homme, une face simiesque, mais un front développé et droit, la figure et le corps couverts de poils, des bras très longs, des mains fortes et longues. Il ne parlait pas, mais proférait des sons rauques avec ses lèvres et claquait de la langue.

A Paris, au cours des expériences dirigées par Geley, cet être,que les expérimentateurs avaient surnommé le pithécanthrope, s’est manifesté plusieurs fois et a été photographié. Sa grosse tête s’appuya contre la joue d’un expérimentateur. Elle était garnie de cheveux drus et rudes. Une odeur de fauve, de chien mouillé, se dégageait de lui ; un des assistants ayant avancé la main, le « pithécanthrope » la saisit, puis la lécha longuement à trois reprises ; sa langue était large et douce (203, pp. 288, 296 et suiv.).

Des séances eurent lieu, en 1922 et 1923, à l’Institut Métapsychique International, à Paris, avec le médium Jean Gusik auxquelles ont assisté d’éminentes personnalités, et à l’issue desquelles fut publié le « Manifeste des 34 », revêtu, entre autres signatures, de celles de MM. Bayle, chef de service de l’Identité Judiciaire à la Préfecture de Police ; le docteur Cunéo, professeur à la Faculté de Médecine, chirurgien des Hôpitaux ; le comte A. de Grammont, docteur es-sciences, membre de l’Institut de France ; Sir Oliver Lodge, membre de la Société Royale d’Angleterre ; Marcel Prévost, membre de l’Académie Française ; professeur Charles Richet, membre de l’Académie de Médecine et de l’Institut de France ; le professeur Vallée, directeur du Laboratoire national des Recherches sanitaires, etc.

Au cours de ces séances, de nombreuses manifestations animales ont été observées : frôlements semblables à ceux d’un chien, odeur caractéristique de chien mouillé apparaissant dès le début de la manifestation et disparaissant instantanément avec elle, bruit de la respiration haletante d’un chien, bruits de grattements et empreintes de pattes marquées sur la sciure de bois qui avait été, à titre de contrôle, étendue uniformément sur le sol (203, pp. 336-363).

Écriture directe

Le phénomène dénommé « écriture directe » ou « spon­tanée » (docteur Gibier) implique en principe la matériali­sation, le plus souvent invisible, d’une main.

Le docteur Gibier (200, p. 288) a obtenu « plus de cent fois des caractères, des dessins, des lignes et même des phrases entières » produites à l’aide d’une petite touche sur des ardoises que le médium Slade tenait et même, ce qui est mieux, entre deux ardoises avec lesquelles Slade n’avait aucun contact et que le docteur Gibier avait achetées lui-même et marquées de sa signature. On entendait le grincement de la touche sur l’ardoise, et on pouvait constater ensuite l’usure du petit crayon. Certes, le phénomène d’écriture directe sur l’ardoise a souvent été imité par des prestidigitateurs, et le docteur Gibier avait adopté à l’égard de Slade une attitude très méfiante et des « précautions infinies et soupçonneuses » : mais il n’est pas parvenu à voir l’écriture se tracer sous ses yeux.

C’est ce que William Crookes avait tenté d’obtenir avec Home ; l’expérience eut lieu dans la, propre chambre du savant, à la lumière, en présence de quelques amis intimes ; Crookes ayant exprimé le désir d’être témoin de la produc­tion d’un message écrit, il lui fut répondu par une communi­cation alphabétique que l’essai allait être fait.

Quelques feuilles de papier et un crayon avaient été placés au milieu de la table ; « alors le crayon se leva sur sa pointe, s’avança vers le papier avec des sauts mal assurés, et tomba. Puis il se releva, et retomba encore ». Après une troisième tentative infructueuse, une petite latte, qui se trouvait à côté sur la table, glissa vers le crayon et s’éleva à quelques pouces au-dessus de la table, le crayon se leva de nouveau et s’étaya contre la latte ; trois nouveaux essais furent faits pour écrire sur le papier, mais sans résultat ; la latte abandonna alors le crayon, revint à sa place et le crayon retomba sur le papier. Après quoi, un message alphabétique déclara : « Nous avons essayé de satisfaire à votre demande, mais c’est au-dessus de notre pouvoir. »

Avec le médium Katie Fox, le phénomène avait pu se produire, dans une séance obscure à laquelle, outre Crookes et le médium, n’assistaient que Mme Crookes et une parente ; les deux mains de Mlle Fox étaient tenues dans une de celles du savant, dont les pieds étaient placés sous ceux du médium. Sa main libre tenait un crayon et du papier était devant eux sur la table. « Une main lumineuse, dit Crookes, descendit du plafond de la chambre et, après avoir plané près de moi pendant quelques secondes, elle prit le crayon dans ma main, écrivit rapidement sur une feuille de papier, rejeta le crayon et ensuite s’éleva au-dessus de nos têtes et se perdit peu à peu dans l’obscurité » (122, pp. 164-165).

Dans l’une des 388 séances que le banquier new-yorkais Charles Livermore, assisté du docteur John F. Gray, eut pendant cinq ans consécutifs, avec Mlle Fox, et au cours desquelles se matérialisa sa femme décédée, Estelle Livermore, il a vu pendant près d’une heure écrire une main qui serrait entre ses doigts son porte-crayon en argent ; cette main ne resta normalement conformée qu’un moment, puis se réduisit peu à peu à un amas de substance obscure, continuant cependant à diriger le crayon, à tourner les feuillets de papier préalablement marquées par Livermore, et à les couvrir d’une écriture menue en français (77, p. 162). Le phénomène était éclairé par une lumière d’origine supranormale, en forme de globe entouré de voiles.

Au cours des expériences organisées avec Kluski par la Société Polonaise d’Études psychiques, à Varsovie, sous la direction du colonel Okolowicz, on obtint dans la séance du 23 novembre 1919, en même temps que trois moulages de mains en paraffine, de l’écriture directe au moyen d’une machine à écrire. La salle était éclairée à la lumière rouge ; tout d’abord, M. Broniewski et le prince Lubomirski virent très distinctement des silhouettes de mains formées au-dessus du récipient de paraffine, ensuite on entendit les clapotements caractéristiques, puis le choc des moulages déposes sur la table. Au même instant, la machine à écrire, située sur la table en pleine lumière de la lampe électrique rouge, fut actionnée ; les touches remuaient très rapidement comme mues par une habile dactylographe bien qu’il n’y eût personne près de la machine. Les personnes qui tenaient les mains du médium remarquèrent que ses mains se crispaient, tant que dura l’écriture. La phrase suivante fut dactylographiée : « Je suis le sourire de l’équilibre ; mon poème d’amour et de vie emplit les siècles »(203, p. 302).

Voix directe

Le phénomène de la voix « directe » ou « indépendante » est, lui aussi, une modalité spécialisée de l’ectoplasmie ; il suppose la matérialisation, relative et invisible, d’un larynx, d’une langue et de lèvres, et même de poumons ; cependant, cette matérialisation des organes producteurs de la voix est rarement réalisée intégralement ; elle est plus souvent rempla­cée par un système équivalent, propre à faire vibrer l’air. D’après les observations du docteur Geley avec Guzik, la voix, très différente d’une voix normale et n’ayant pas le caractère de la voix laryngée,semble liée à une sorte de mouvement vibratoire de 1’air sur les lèvres et produite par une aspiration plutôt que par une expiration (203, p. 318) ; elle consiste souvent en un chuchotement, c’est pourquoi on emploie des porte-voix (en anglais = trumpet) pour ampli­fier les sons ; ces accessoires servent à diriger les sons vers un assistant déterminé, en outre, lorsque les phénomènes ne sont pas obtenus dans l’obscurité, un long porte-voix peut, en sa partie la plus étroite, jouer le rôle de « cabinet noir » et protéger 1’appareil vocal matérialisé contre l’action désinté­grante de la lumière.

Lorsque l’ectoplasme est en faible quantité, il s’amasse près du sol, d’où les voix semblent alors provenir ; en de meilleures conditions, l’appareil vocal matérialisé peut éventuellement, avec le porte-voix, se maintenir à une certaine hauteur.

Certains observateurs on noté l’émission d’un son, d’un vague fredonnement ou d’un léger sifflement s’échappant des lèvres du médium, et J.-B. McIndoe (201) a émis l’hypothèse des « phénomènes intermédiaires » entre la voix automatique et la voix indépendante, où le larynx du médium serait utilisé ; les voix produites par le médium John C. Sloan ont indiqué à J.-A. Findlay (202) que la larynx du médium est utilisé pour faire vibrer l’atmosphère, la gorge, la bouche et la langue matérialisées formant les mots.

* *

Tant pour l’écriture directe que pour la voix directe, le contenu intellectuel de ces manifestations établit une liaison entre les phénomènes mentaux et les phénomènes physiques de la métapsychologie et marque l’unité causale qui relie les uns aux autres : l’intelligence humaine, l’âme.

Matérialisation du « double » du médium

Quelques cas de matérialisation d’organes, ressemblant d’une manière frappante aux organes correspondants du médium, viennent à l’appui de la théorie du « psychorganisme ».

L’un des plus remarquables est certainement celui de la matérialisation du pied droit du médium Eglinton, dont fut obtenu un moule creux en paraffine, dans une séance à Londres, chez M. Blackburn, le 28 avril 1876, à laquelle participaient douze personnes, dont Desmond O. Fitz-Gérald, de la Société des Ingénieurs télégraphistes, et le docteur Carter Blacke, professeur d’anatomie a l’Hôpital de Westminster. Pendant tout le temps, les expérimentateurs n’avaient pas quitté des yeux le pied droit d’Eglinton, chaussé de bottines et de chaussettes de laine (148, 470-472).

Aksakof, en 1883 à Saint-Pétersbourg, a obtenu des empreintes à distance des doigts de Katie Fox sur du papier enduit de noir de fumée (147, p. 125). Des empreintes des mains d’Eusapia ont été marquées dans de l’argile, à plusieurs reprises, sous le contrôle de divers expérimentateurs, le docteur Assavédo, Richet, Schrenck-Notzing, Ochorowicz, en particulier.

Le visage d’Eusapia a aussi été marqué sur du mastic, en 1897, au cours d’une séance sévèrement contrôlée par Camille Flammarion, de Fontenay, M. et Mme Blech (120, t. I, pp. 103-106), et, en 1908, dans une séance de la Société Française d’Étude des Phénomènes psychiques, Delanne, de Barreau, Lierhmann et le docteur d’Orméa ont obtenu le même phénomène avec le même sujet (148, pp. 451-465).

D’autre part, Mme Bisson a noté au cours d’une séance l’apparition d’un profil plaqué contre contre celui d’Eva et sem­blable à celui-ci (143, XX).

Pour être interprétés, ces phénomènes exigent soit l’hypothèse idéoplastique, bien que la perfection de reproduction anatomique du pied droit du médium Eglinton présente, comme les matérialisations organiques en .général, une sérieuse difficulté pour cette interprétation, soit l’hypothèse du psychorganisme (périsprit corps éthérique, etc.) extériorisé du corps physique, ce qui présente aussi de sérieuses difficultés, soit encore l’hypothèse qu’il s’agit seulement d’une action par induction exercée par le psychorganisme (donc non extériorisé) sur la substance « ectoplasmique » extériorisée.

Matérialisations idéoplastiques et biologiques

On a enregistré aussi la production de matérialisations plates, dont les plus connues sont celles observées et photographiées avec Eva par Mme Bisson et le docteur Schrenck-Notzing (voir chapitre IX). Bien entendu des criti­ques incompétents y ont vu la preuve d’une grossière supercherie, alors qu’il y a là un fait très intéressant d’idéoplastie, c’est-à-dire de modelage ectoplasmique d’une image mentale latente dans la subconscience du médium.

Certains auteurs, comme Libiedzinski (145) et René Sudre (74), ont généralisé à tous les phénomènes de matérialisation l’explication idéoplastique. Mais pour admettre cette générali­sation, il faudrait ne pas tenir compte de toutes les observations et expériences concordantes de Crookes, Hitchmann, Lodge, Richet, Bottazzi, Geley, etc., qui établissent le caractère biologique des organismes matériali­sés. Il ne s’agit pas de simples apparences, comme celles que présentent des figures de cire ; on est en présence de véritables membres et organismes vivants et fonctionnels, doués de tous les attributs de la vie. Entre les matérialisations idéoplastiques et ces matérialisations vivantes, il y a la même différence qu’entre l’image en relief de la chauve-souris reproduite sur l’épaule de la jeune fille dont la Mère, enceinte avait été effrayée par cet animal (voir chapitre II), et la chauve-souris elle-même ; l’une est l’empreinte d’une « forme-pensée », et l’autre est un être vivant.

Êtres intelligents

Il est difficile, en effet, en tenant compte de toutes les modalités, de considérer les matérialisations comme des formes sans pensée ou animées seulement par les pensées subconscientes du médium ou des assistants, et on ne peut méconnaître que dans toutes les expériences scientifiques, la collaboration intelligente d’opérateurs invisibles semblé avoir été nécessaire pour obtenir des résultats ; cette collaboration est évidente dans la réalisation des moules de paraffine, de plus, Geley a signalé plusieurs manifestations d’ordre intel­lectuel pendant les séances, telles que les applaudissements par des mains invisibles lorsqu’une expérience avait bien réussi, l’enlèvement du récipient de paraffine par-dessus la tête des expérimentateurs et les réponses intelligentes par « raps » au cours des séances. On peut rappeler encore les lumières supranormales éclairant les mains matérialisées pendant les opérations de moulage et le dépôt des moules sur les mains des expérimentateurs, toutes modalités qui tendent à démontrer que d’autres intelligences, d’autres chercheurs invisibles participent aux expériences et y prennent un grand intérêt.

Dans les séances de M. Livermore, où se matérialisait la forme de son épouse décédée Estelle, dont il voyait parfois la main tenir le crayon et écrire, les messages qui étaient censés émaner d’elle étaient rédigés en français, langue que la défunte possédait parfaitement et dont le médium Katie Fox ne connaissait pas un mot, et le style et l’écriture en étaient absolument semblables à ceux d’Estelle Livermore, à tel point que l’identité de leur auteur, pour M. Livermore, « était établie de façon à ne laisser aucun doute » (147, pp. 547-548).

Au cours de ces mêmes expériences, la forme matérialisée de Benjamin Franklin, écrivant sur une feuille de papier, annonça une grande victoire des troupes fédérales, le soir même où le fort Donaldson, sur le fleuve Ténéssée, était enfin pris d’assaut (77, p. 169). Avec Mme d’Espérance, c’est Néphentès, qui, sur le carnet d’un assistant, écrivit des phrases en grec ancien, alors que tous les assistants ignoraient cette langue, et la traduction ultérieure de ces phrases révéla un message d’amitié et de protection à l’adresse de cet assistant (77, p. 187).

Katie King prenait part aux conversations des assistants et racontait des histoires aux enfants de William Crookes ; après trois ans d’expériences régulières, elle annonça un jour que sa mission était terminée, qu’elle ne se matérialiserait plus, fit ses adieux à Crookes et aux assistants, réveilla le médium Miss Cook, lui annonça son départ et, le médium en larmes la suppliant de rester, renouvela avec beaucoup de fermeté sa déclaration que sa mission était terminée et qu’elle devait partir (122, pp. 193-199).

Après l’expérience de Richet avec le flacon de baryte, le fantôme Bien-Boa, entendant les applaudissements qui en saluaient la réussite, et croyant qui lui étaient adressés, ressortit du cabinet pour remercier, en s’inclinant de façon comique (125, p. 180).

Toutes ces manifestations paraissent être celles d’êtres vivants, intelligents, possédant des connaissances personnelles, une mentalité particulière, une volonté autonome. Et ces intelligences, celles des fantômes matérialisés comme celles qui se manifestent par d’autres moyens, affirment être des individualités humaines ayant vécu auparavant parmi nous, et beaucoup déclarent s’efforcer de prouver leur identité personnelle pour convaincre des êtres chers de la continuité de leur existence spirituelle ou pour contribuer à établir la démonstration scientifique de la survivance après la mort.

___________________________________

[1] Ces constatations sont à rapprocher des « Marques et empreintes de mains de feu » auxquelles Ernest Bozzano a consacré une de ses monographies (Revue Spirite, décembre 1930 à mai 1931), et dont certains spécimen sont conservés au « Musée des Ames du Purgatoire » du Vatican (Marianne Monestier : Les Initiées, pp. 29-31, Denoël, Paris, 1971).