Robert Guirdham
Pourquoi je crois à la réincarnation

L’histoire a débuté dans le service des patients en consul­tation. Mrs Smith, alors âgée d’une trentaine d’années lorsque je la rencontrai, m’était adressée par son médecin de famille car elle souffrait d’un cauchemar récurrent. Elle avait surpris le médecin en demandant à consulter un psychiatre : il ne jugeait pas son cas sérieux. Son mari et elle-même craignaient que ses cris lors de ses cauchemars n’éveillassent la rue entière — ces faits avaient motivé sa visite. Ce rêve l’avait hantée pendant vingt ans de façon intermittente mais il se produisait maintenant au rythme de deux à trois fois la semaine. Dans son cau­chemar elle dormait à même le sol quand un homme, pénétrant dans la pièce par le côté droit, provoquait en elle une telle horreur qu’elle poussait des cris perçants. Il s’était avéré que, pendant trente ans, un rêve m’avait poursuivi, en tous points identique, si ce n’est que, dans mon cas, l’homme qui entrait dans la pièce surgissait du côté gauche.

(Revue Question De. No 41. Mars 1981)

Il est important de comprendre comment j’en suis venu à croire à la réincarnation, car j’étais, à priori, un candidat peu susceptible de conversion. Je suis docteur en médecine de l’Université d’Oxford et diplômé de médecine de l’Université de Londres. Je possède en outre un diplôme universitaire de sciences. J’ai achevé ma carrière comme psychiatre consultant en chef du secteur médical de Bath dans le Service de Santé de la Sécurité Sociale. J’insiste sur tous ces détails relatifs à ma profession car ma croyance dans la réin­carnation s’est élaborée à partir de recherches cli­niques. Dans ma famille, on me tient pour un Saint Thomas en raison de mon caractère sceptique et de mon obstination à rechercher des preuves écrites et visuelles.

L’histoire a débuté dans le service des patients en consul­tation. Mrs Smith, alors âgée d’une trentaine d’années lorsque je la rencontrai, m’était adressée par son médecin de famille car elle souffrait d’un cauchemar récurrent. Elle avait surpris le médecin en demandant à consulter un psychiatre : il ne jugeait pas son cas sérieux. Son mari et elle-même craignaient que ses cris lors de ses cauchemars n’éveillassent la rue entière — ces faits avaient motivé sa visite. Ce rêve l’avait hantée pendant vingt ans de façon intermittente mais il se produisait maintenant au rythme de deux à trois fois la semaine. Dans son cau­chemar elle dormait à même le sol quand un homme, pénétrant dans la pièce par le côté droit, provoquait en elle une telle horreur qu’elle poussait des cris perçants.

Il s’était avéré que, pendant trente ans, un rêve m’avait poursuivi, en tous points identique, si ce n’est que, dans mon cas, l’homme qui entrait dans la pièce surgissait du côté gauche.

Histoire d’une phobie ?

Peu de temps après mon entretien avec Mrs Smith, son cauchemar et le mien cessèrent. À ce stade de mes recherches, je ne compris pas qu’il était courant que des rêves récurrents cessent brusquement à la suite d’une rencontre entre des gens qui ont entretenu, plusieurs siècles auparavant, des relations étroites dans des vies antérieures.

Dans ce rapport, je ne puis fournir qu’un résumé très succinct des révélations de Mrs Smith et de ce que j’en vérifiai. À peine adolescente, son esprit avait été pénétré par un flot de noms étranges qui me semblèrent être d’origine médiévale et française. Elle se souvenait plus particulièrement de son amour pour un membre d’une famille de Fanjeaux. Elle reconnut en ma personne l’homme qu’elle avait aimé. De plus, elle se rappelait le frère de cet homme, ses sœurs et d’autres parents. Elle se remémorait dans les moindres détails la maison et le mobilier d’une autre famille vivant dans une grande demeure de Mazerolles. Elle pouvait aussi se souvenir des noms des propriétaires de ladite maison.

Un jour, je décidai d’écrire à Jean Duvernoy, l’éminent historien du Catharisme, pour lui demander de reconsti­tuer les arbres généalogiques des familles de Fanjeaux et Mazerolles. J’en priai également Mrs Smith. Le spécialiste français établit une généalogie identique à celle fournie par les réminiscences de la patiente. Il devint pour moi évident que je m’étais incarné, voici sept siècles, en lapersonne de Roger de Grisolles, membre de la famille Fanjeaux, vivant dans le Languedoc.

Mrs Smith, qui descendait d’une famille de souche modeste, avait reçu d’une lointaine mémoire ce flot de noms alors qu’elle était encore écolière, à l’époque où les relations franco-britanniques étaient rendues difficiles du fait de la Seconde Guerre Mondiale. Les noms dont elle avait souvenance n’étaient pas ceux de personnes célèbres et ne pouvaient provenir d’un manuel scolaire ou d’une œuvre de fiction. Mes méthodes d’identification de ces noms faisaient intervenir les travaux de Jean Duvernoy, à qui je suis extrêmement redevable d’avoir traduit des témoignages en latin de l’Inquisition ; suite à quoi l’ai transcrit ses travaux en anglais.

Bizarre, bizarre…

Les réminiscences de Mrs Smith étaient stupéfiantes du fait même qu’elles anticipaient, quant à certains points, sur les découvertes des spécialistes. À l’époque où je l’avais rencontrée pour la première fois, dans le service des patients externes, on pensait depuis des siècles que les prêtres cathares portaient des robes de couleur noire. À de nombreuses reprises, elle me signala verbalement et par écrit que ces robes étaient bleues.

Quelque temps plus tard, lorsque Jean Duvernoy publia « Le Registre d’Inquisition » de Jacques Fournier, on apprit que, dans certaines régions, les robes des prêtres cathares étaient bleu foncé.

Elle déclara aussi qu’un jour Roger avait pris du sucre en pain en guise de remède pour se rétablir d’une infec­tion pulmonaire. J’eus alors l’impression qu’elle se trom­pait sur ce point. Je ne pouvais croire que le sucre en morceaux existât déjà au XIIIe siècle. Je confondais en fait le sucre en cubes, utilisé aujourd’hui, avec le sucre en grands pains. Je demeurai néanmoins sceptique quantà l’existence du sucre au XIIIe siècle. Peu après, René Nelli publia son ouvrage « La Vie Quotidienne desCathares » dans lequel il relatait comment le curé de Montaillou, se rendant en visite chez une vieille maî­tresse, qui avait été malade, lui apporta du sucre en pains en guise de remède.

Mrs Smith évoqua des poèmes que Roger avait chantés au XIIIe siècle. Elle semblait surprise que je pusse m’yintéresser et elle les récitait avec beaucoup d’hésitation, faisant remarquer que ses connaissances de la langue Française devaient être extrêmement déficientes. Un des poèmes était noté sur le verso d’un texte d’examen. Un autre était consigné au dos d’un devoir de Mrs Smith où figurait une correction rédigée par un professeur d’his­toire. Je fus en mesure d’identifier l’auteur de quatre des six poèmes qu’elle avait notés. Celui qui avait produit sur elle la plus forte impression s’intitulait : « Je vous aime­roie Roger. » L’auteur en était Raimbaud de Vacqueras.

Mrs Smith, qui n’écrivait pas le français, s’exprimait cependant dans un français médiéval impeccable. Tous les poèmes que j’identifiai, avaient été écrits à une époque où ils étaient susceptibles d’être bien connus de mon prédécesseur, Roger de Grisolles.

On nage en plein mystère

Pour en revenir à notre cauchemar commun, il s’avéra ultérieurement que l’homme qui pénétrait dans la pièce était Pierre de Mazerolles, de retour du massacre des Inquisiteurs à Avignon et en 1242.

Je répéterai que Mrs Smith ne présentait aucun symp­tôme de maladie psychotique, qu’elle avait un esprit parfaitement rationnel, enfin, qu’elle était nerveusement bien équilibrée.

Je recueillis de façon totalement différente une autre information relative à mon incarnation pendant l’époque cathare. Le témoignage de Mrs Smith lui venait de son passé d’écolière. Quant à Miss Mills, elle consignait par­fois sous forme de notes, prises au jour le jour, son passé ainsi que certains instants de sa vie présente. Miss Mills n’était pas une patiente. Je fis sa connaissance le jour où sa voiture tomba en panne devant chez moi. Elle sonna à la porte pour demander si elle pouvait utiliser notre téléphone. À cette époque, j’étais en convalescence à la suite d’un infarctus du myocarde. Mon épouse esti­mant que la gaieté de Miss Mills, sa nature très équili­brée, saine et extrovertie me seraient bénéfiques, l’invita à repasser chez nous pour le thé. Elle prit ainsi l’habitude de nous rendre visite tous les vendredis. Quelques mois plus tard, elle me confia avec un embarras inat­tendu chez elle que les noms « Raymond » et « Albigeois » ne cessaient d’obséder son esprit. Pourrais-je lui en don­ner la signification ? Je lui déclarai que la réponse étaitfort simple — « Raymond » était le nom adopté par les Comtes de Toulouse, « Albigensian » était un mot anglais désignant une secte d’hérétiques français du Moyen Age — qu’elle avait dû rencontrer ces noms lorsqu’on lui enseignait l’histoire de l’Europe à l’école. Elle me répon­dit qu’elle n’avait jamais étudié l’histoire européenne et, fatalement, n’accepta pas mon explication qui devait plus tard se confirmer d’ailleurs erronée.

Elle m’avoua en confidence que, depuis l’âge de cinq ans, après s’être rétablie d’une diphtérie, deux cauchemars la poursuivaient sans cesse. Dans l’un d’eux, on la traînait jusqu’à un immense tas de bois. En chemin, on la frap­pait juste en travers du dos avec une torche enflammée que tenait un moine. Les détails de ce rêve demeuraient toujours identiques. Elle était née avec une cicatrice dans le dos. La cicatrice, qui suivait la ligne d’impact de la torche, était unique en son genre : c’était une succession de boursouflures de la peau semblables à celles occasionnées par des brûlures graves. Vu que ces cloques, provoquées par une brûlure récente, contiennent un liquide dû à l’inflammation, et capable de subsister plus de quarante ans — Miss Mills était alors âgée d’unequarantaine d’années lors de notre rencontre — ces boursouflures à elles étaient naturellement compactes et dures. Ses cauchemars prirent fin le jour où elle me montra sa cicatrice.

Délire, imagination, supercherie, ou… ?

Le témoignage de Miss Mills trouvait son origine dans des preuves écrites ainsi que dans ce qu’elle disait être des voix. Elle n’entendait pas celles-ci aussi distinctement qu’une voix réelle, mais elles étaient néanmoins plus audibles qu’une simple intuition, fût-elle très forte. En tant que psychiatre, je puis affirmer que Miss Mills ne portait en elle aucune trace de déséquilibre mental. Il y eut une époque où une voix se manifestait à elle pen­dant toute une semaine, cela chaque jour, déclarant qu’elle devait me prier de divulguer par écrit et de vive voix tout ce que je savais du problème cathare. Les voix étaient parfois plus explicites. Un beau jour du mois d’août, au début des années 1970, elle ne put écarter de son esprit le mot « Carcassonne ». Je découvris plus tard que ce jour-là était précisément celui où la ville de Car­cassonne tomba aux mains des Croisés en 1209. Il arrivait parfois que ces voix fussent accompagnées d’expériences d’ordre optique. Un jour, elle vit un immense gibet pourvu de poutres latérales auxquelles étaient pendus plusieurs corps. Celles-ci s’affaissèrent sous le poids du fardeau macabre. À cette occasion, elle me demanda si le nom de « Guirauda » avait une signification parti­culière. Par transmission de pensée, elle était en train de vivre la pendaison de quatre cents Cathares et de leurs disciples, à Lavaur en 1211, et de communiquer avecDame Guirauda, précipitée au fond d’un puits et lapidée par les Croisés de Montford. Elle évoqua aussi la capi­tulation de Termes en 1210, la garnison ayant été aupara­vant décimée par la typhoïde ou la dysenterie. Chaque fois qu’elle en avait souvenir, c’était le jour anniversaire de cet événement moyenâgeux.

Les phénomènes décrits ci-dessus étaient assez frappants, sans être toutefois d’un intérêt égal aux évidences écrites : Miss Mills gardait au pied de son lit un bloc de correspondance sur lequel elle enregistrait les appels téléphoniques. Un matin, elle trouva inscrite sur une page de ce bloc une note relative à la nature du temps, tout à fait étonnante à son avis. Il n’y a rien de métaphy­sique dans les conceptions de Miss Mills ; si bien qu’elle fut réellement alarmée quand elle découvrit, plusieurs jours de suite, une succession de messages analogues, de toute évidence rédigés de sa propre main, alors qu’elle?même ne se rappelait pas du tout avoir écrit la moindre ligne.

Des messages plus précis encore contenaient un ensemble de noms issus du Nord de l’Italie. S’il s’était agi de noms de grandes villes, cela m’aurait semblé négligeable, mais il y avait, entre autres, des noms tels que « Desanzano » et « Bellesmana ». Ceux-ci renvoyaient à des foyers spé­cifiques de l’activité cathare. Un matin, elle trouva sur son calepin, le nom « Jean de Lugio » ; sous lequel s’ins­crivait cette phrase : « Il était le Fils Majeur de l’évêque de Bellesmana ». Le nom « Jean de Lugio » évoquait pour moi l’auteur du « Livre des Deux Principes ». J’ignorais tout de son rapport avec Bellesmana. Je constatai plus tard que la révélation de Miss Mills, manifestement écrite en état de transe, était parfaitement exacte. Le rang de « Fils Majeur » se situait, dans la très simple hiérarchie cathare, directement en dessous de celui d’évêque.

Je mis longtemps à comprendre que des entités désin­carnées, et plus particulièrement l’une d’elles, ne s’effor­çaient pas seulement d’entrer en communication avec moi, mais rendaient ainsi tangibles leurs pouvoirs. Par exemple, je fus déconcerté lorsque le sujet dévia brusque­ment sur les Balkans. Miss Mills trouva, un jour, le mot « Trogarium » sur son bloc-notes. Je n’eus pas la moindre idée du concept que ce terme latin pouvait recouvrir. Ce ne fut que plus tard que je découvris dans l’ouvrage « The Medieval Manichee », écrit par Sir Steven Runci­man, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Cambridge, que « Trogarium » était le terme ancien pour Trogir, qui fut, sous le Moyen Age, le lieu d’où par­tirent les Bogomiles, missionnaires hérétiques des Bal­kans, pour contribuer à la conversion du Languedoc. Je compris un peu plus tard que l’entité désincarnée s’effor­çait en fait d’attirer mon attention sur les Bogomiles, précurseurs des Cathares. Miss Mills prononça ensuite le mot « Nikolski ». J’étais à court d’explications. Ma seule réponse fut de préciser qu’il s’agissait d’un nom slave. Je découvris, plus tard, dans l’ouvrage « The Bogomils » de Monsieur D. Obolenski, aujourd’hui professeur à l’Uni­versité d’Oxford, que « Nikolski » était le nom attribué à l’évangile des hérétiques bosniens.

Si l’on parlait de trésor

Des Balkans, nous déviâmes ensuite brusquement vers le Languedoc. Il y eut une époque au cours de laquelle je devais être totalement submergé par un déluge de noms émis par Miss Mills et totalement différents de ceux qu’avait formulés Mrs Smith. Dès le départ, j’eus, ce qu’on a coutume de nommer « un coup de chance ». Sur une feuille de papier étaient inscrites les phrases sui­vantes :

« Raymond de Perella

Soleil – Non

Trésor – Non

Livres – Oui »

À partir de ce moment, j’en savais assez pour comprendre que Raymond de Perella était le maître du château de Montségur et que la suite du message renvoyait au tré­sor cathare, impliquant par là-même qu’il s’agissait de livres rares et ésotériques et non pas d’argent. Les mots « Soleil – Non » signifiaient qu’à l’époque du siège, le château n’était plus consacré au culte du soleil. Plus tard, on trouva sur un bout de papier des versions mal orthographiées des noms « Corba », « Cecilia » et de l’évêque « Jean de Cambiaire ». Je découvris que Corba était l’épouse de Roger de Perella, que Cecilia de Montserver était mariée à Arnaud-Roger de Mirepoix et que Jean de Cambiaire, qui était un Parfait cathare, fut condamné au bûcher pour hérétisme en 1235. Ce fut en vérifiant les documents décrits ci-dessus que je fus en mesure d’identifier Esclarmonde en la personne de Miss Mills, parfaite cathare et fille de Raymond de Perella, le châtelain de Montségur. Accusée d’hérétisme, elle fut conduite au bûcher le 16 mars 1244, ce qui expliquait la cicatrice sur le dos de Miss Mills. Ce n’était pas, comme je l’avais cru à tort, Raymond de Toulouse auquel elle faisait allusion en déclarant tout d’abord qu’elle ne pou­vait arracher deux noms de son esprit, mais il s’agissait bien de Raymond de Perella.

La mémoire des gènes ?

Non seulement je pouvais identifier la personnalité de Miss Mills lorsqu’elle vivait au XIIIe siècle, mais je par­venais à reconnaître les autres personnes avec qui j’étais en relation aujourd’hui. De même que Mrs Smith m’avait conduit à accepter la réalité du phénomène de réincar­nation, Miss Mills, elle, me persuadait de l’évidence de celle du groupe. Un des noms qui m’avait le plus troublé parmi ceux trouvés sur les notes, était celui de « Bruna­sendis ». Je finis par découvrir qu’il s’agissait en fait de deux noms confondus en un seul : Bruna, vivant aujourd’hui à l’ouest de l’Angleterre, avait été au XIIIe siècle la femme d’Arnaud de Roc d’Olmes. Une autre femme de l’est de l’Angleterre précisa que son nom rappelait les consonances de « Sendis » à l’époque cathare. En réa­lité, elle se prénommait Arsendis au Moyen Age. Elle avait épousé un sergent d’armes du nom de Pons Nar­bona. Ces deux femmes et leurs époux furent brûlés ensemble en 1244. Il n’y avait rien de surprenant à ce que Miss Mills ait fait surgir les prénoms « Bruna » et « Arsendis », les deux femmes ayant souffert en même temps.

De même, Miss Mills, lorsqu’elle inscrivait des noms de lieux ou de personnes, dessinait aussi des croix dontl’une d’elles semblait d‘ailleurs la préoccuper particulièrement : c’était un genre de croix de Malte dotée de trois simples croix en Tau à l’extrémité de chaque branche. J’étais tout à fait incapable d’identifier cette croix sur laquelle Mrs Mills m’avait maintes fois interrogé.

Le temps passait, les feuillets manuscrits se multipliaient sans cesse, il parut évident que la famille Montserver tenait une place d’importance capitale. Des exemples tels que Monserver, Braïda, et Cécilia étaient courants. Le dernier mot avait été mal orthographié, montrant ainsi que Miss Mills écrivait sous l’emprise d’une tension extrême. Sur un feuillet, le mot « Queille » s’ajoutait au nom de Montserver. À ce stade de mes découvertes, je ne savais pas si ce mot désignait un lieu ou une personne. Je découvris ultérieurement qu’Isan de Montserver s’était éteint à Queille en 1235 ; par la suite, sa femme devint parfaite cathare. Ils avaient deux enfants, dont Cécilia que nous avons déjà mentionnée et identifiée comme la femme d’Arnaud de Mirepoix. Je soupçonnais Braïda de Montserver d’être l’entité désincarnée qui dirigeait Miss Mills.

L’énigme demeure

À l’époque où me parvenaient des messages relatifs à la famille de Montserver, j’étais aussi préoccupé par la per­pétuelle récurrence du nombre 609 sur les bouts de papier de Miss Mills. Je ne pouvais pénétrer la significa­tion de ces chiffres. J’écrivis à Jean Duvernoy pour lui demander de réunir toutes les données relatives à la famille de Montserver dans les dépositions datant de l’Inquisition. Me remettant à Toulouse le manuscrit dac­tylographié, il attira mon attention sur l’origine de son information découverte sur le feuillet 609 du manuscrit dans les archives de Toulouse. Toutes les données four­nies par Jean Duvernoy concordaient parfaitement avec les informations que j’avais pu extraire de mes docu­ments.

Une nuit, Miss Mills fut réveillée par les aboiements de son chien. Elle vit, au pied de son lit, une vieille femme aux cheveux blancs, aux yeux sombres, dont le visage était très ridé. Elle portait une robe bleu foncé, une chaîne d’argent autour de la taille. Ces apparitions devinrent régulières. Après quelques visites, Miss Mills remarqua que la vieille dame portait sur la hanche droite, suspendu par une boucle à sa chaîne d’argent un médaillon exactement de la même forme que la croix que Miss Mills avait souvent dessinée quelques mois aupara­vant. La vieille dame se présenta comme Braïda de Montserver. La croix était celle portée par les parfaits guéris­seurs. Miss Mills et Braïda eurent d’innombrables conver­sations au cours desquelles cette dernière mettait en évi­dence l’existence de la réincarnation et discutaient de nombreux autres sujets tels que de l’origine des maladies dans les vies antérieures.

De toute évidence, j’ai dû admettre en tant que médecin et scientifique que je n’avais pas d’alternative, qu’il me faudrait croire à la réalité de la réincarnation. On pour­rait penser qu’un élément de télépathie a accompagné mes travaux, que Mrs Smith et Miss Mills ont puisé leurs informations dans mon propre savoir relatif au domaine cathare. Ceci est absurde. Mes connaissances du problème cathare sont le résultat d’une vérification objective et scientifique des renseignements qui m’ont été transmis par Mrs Smith et Miss Mills. Je n’ai, en aucune façon, « Poursuivi » les cathares : Ce sont eux qui m’ont « harcelé ».

Dr. Arthur Guirdham (1905–1992)

Traduction de Sylvie Puech