L.-J. Delpech
Préface à Bardet: Les clefs de la recherche fondamentale

Mais je veux revenir sur l’immense sens de l’humain qu’on rencontre chez le philosophe mystique Gaston Bardet ou « Jean de la Joie » d’après sa définition charismatique et fonctionnelle. Sens de l’humain que, comme St François d’Assise, il a su élargir à la biosphère, voire au Cosmos, et je ne puis m’empêcher de reproduire la si belle et si touchante dédicace de « Demain, c’est l’an 2000 » : « A nos frères et sœurs cadets du Zoo et de la Pampa qui m’ont soufflé ce sain message à l’intention de leur Roi-Fou. Je les confie tous frères, fou et message à Marie Médiatrice Universelle ». Quelle magnifique complémentarité de la nature et de la surnature !

(Extrait de Jean-Gaston Bardet : Les clefs de la recherche fondamentale. Édition Maloine 1978)

PRÉFACE

La pensée de Gaston Bardet, urbaniste de formation et quel urbaniste ! (ne fut-il pas nommé Président de la Commission d’Urbanisme de l’O.N. U.), est centrée sur les rapports de la Science et de la Foi. La Foi, en ce cas la mystique chrétienne qu’il a magistralement exposée dans deux livres qui constituent une Somme : « Pour tout âme vivant en ce monde » (1952-1954). Il est à remarquer que le grand philosophe français Gaston Berger, inventeur de la Prospective (1955) (dont j’eus l’honneur d’être l’assistant), cite dans l’article : « Prière » du Tome 19 de l’Encyclopédie de Monzie (1957) (à la page 19-36-14) 28 lignes de ce livre. J’ajoute qu’il avait rencontré Gaston Bardet à Buenos Aires et devait beaucoup apprécier son ouvrage, puisque c’est la seule œuvre d’un laïque à laquelle il se rapporte.

Cette quête de la Foi peut conduire dans des voies troubles, aussi « Mystique et magies » (1972) constitue à son tour une critique de ces voies, lesquelles se multipliant sans cesse, peuvent égarer des âmes de bonne volonté. En même temps un fait primordial de notre époque est l’existence de la science auréolée du halo de terreur qui entoure la bombe atomique. Sur cette science aux applications tentaculaires, capable de détruire la planète, des philosophes comme K. Jaspers se sont penchés avec effroi. Par contre, cette science tend à remplacer la philosophie car grâce à ses fondements épistémologiques : un dialogue constant entre la théorie et l’expérience (Gonseth), ses bases semblent convaincantes… encore qu’au sommet les polémiques fassent rage entre probabilistes de l’École de Copenhague (Bohr) et déterministes comme Vigier, etc. Certaines écoles comme le positivisme d’A. Comte au milieu du siècle dernier et le néo-positivisme actuel (surtout anglais, B. Russel, Ayer, etc.) ont opposé la science à toute métaphysique. Ils ont été sévèrement critiqués par E. Meyerson et J.D. Robert, P. Sorokin, etc. En revanche, durant le XIXe siècle s’était développée en Occident une tradition chrétienne qui avait cherché à montrer non seulement la possibilité, mais la réalité profonde d’une union entre Science et Foi, toutes deux ayant comme but la recherche de la vérité. C’est en France l’oratorien Gratry, en Belgique le jésuite Cardonnelle et en Russie le philosophe N. Fedorof. Au début de ce siècle nous avons eu dans notre pays, en 1935, le livre magistral du Dr Alexis Carrel « L’homme cet inconnu » et dans la décade qui suivit sa mort (1955) le succès des œuvres du P. Teilhard de Chardin. Il ne s’agit pas de juger ces ouvrages mais de bien mettre en valeur le besoin auquel ils répondaient.

Il ne faudrait pas omettre « les Deux Sources de la morale et de la religion » (1932) de Henri Bergson. Ce dernier, tout en reconnaissant la valeur fondamentale de l’expérience mystique, avait souhaité qu’elle soit confirmée par des preuves expérimentales. C’est ce qu’a pu réaliser Jean-Gaston Bardet grâce au concours d’un électronicien Alphonse Gay. Il a pu mettre en lumière le fait que les états mystiques ont des résonances physiologiques spécifiques. Leur enregistrement conduit à admettre que « la prière est bien la forme d’énergie la plus puissante que l’on puisse susciter, elle permet un accroissement d’énergie mesurable et pouvant dépasser dix fois l’énergie normale de l’homme ».

Mais l’homme est dans un monde qui est à la fois son milieu et son œuvre. Or ce monde évolue sans cesse, Gaston Bardet va y porter son regard et ce fut « Demain, c’est l’an 2000 » (écrit en 1950) plein de vues pour la plupart prophétiques en particulier sur le problème écologique. Notons des paragraphes sur « l’Amour a déserté la terre », « le mépris de l’animal », « plus besoin des arbres » et ce, pour aboutir à la nécessité d’« une Morale du Cosmos ». De même le problème du travail est renouvelé par une méthode anti-tayloriste : l’Organisation Polyphonique, qui permet à chacun de tester ses possibilités. L’ouvrage se terminait par un appel à une Chrétienté renouvelée.

Si nous vivons dans le monde, nous vivons aussi dans et par une tradition, c’est-à-dire une expérience historique qui doit rejoindre l’expérience psychologique de la mystique (Cardinal Deschamp). Et Jean-Gaston Bardet, publie, en 1970, son « Trésor secret d’Ishraël » fruit de 13 ans de contrôles et de découvertes en chaîne sur l’Hébreu et les langues avoisinantes. N’étant pas spécialiste, nous nous permettons d’en rappeler succinctement les conclusions qui sont d’autant plus importantes qu’elles s’articulent directement avec « la Recherche fondamentale ». Dans « Le Trésor… » Jean-G. Bardet redécouvre, par une méthode analytico-synthétique (p. 92, 227) et la mise en valeur des Lettres-Nombres, le sens profond de la Genèse. Il montre en particulier comment chez les Juifs, à la tradition primordiale, la Thorah, s’est substituée peu à peu une déviation juridique, le Talmud. Comment le retour à la compréhension du Tétragramme créateur : Y H W H — se présentant comme un archétype trinitaire ­ — nous permet de résoudre nombre de discussions et de déviations théologiques, soit primitives comme l’Arianisme, le Docétisme et le Monophysisme et plus près de nous la scission des Églises d’Orient et d’Occident. Allant même plus loin dans les temps, Jean-G. Bardet montre dans cette incompréhension du Tétragramme Y H W H la source de la rupture entre hébreux et hébraïco-chrétiens. Passant du domaine de l’histoire à celui de la Création, pour lui le Tétragramme Créateur peut, par déduction, expliquer sans faille toute la structure du Cosmos : le double aspect corpuscule-onde, le double foyer de toutes les orbites elliptiques qui régissent le microcosme comme le macrocosme, tous les bipales et circuits électromagnétiques, la double hélice de l’A.D.N. comme les permutations sur la base des quatre unités des chiffres génétiques, clefs de tout le monde vivant. Réciproquement la structure universelle confirme, par induction, la structure Tétragrammique de l’Unique essence créatrice (p. 464).

Le présent livre est en continuité avec toute l’œuvre de Jean-Gaston Bardet et réalise ainsi son couronnement. Son premier titre « Au Nom du Dieu-vivant » avait tendance à prendre l’aspect d’une biographie ; il l’est resté avec les notations sur l’enfance, la famille, la carrière, enfin et surtout les expériences mystiques fondamentales, les rencontres déterminantes avec Mgr André Combes, le Padre Pio, le pape Jean XXIII, des savants comme Gaston Baudez, Alphonse Gay, C.L. Kervran, etc. et tous ses amis qui interviennent toujours, à l’heure voulue, pour l’aider, le documenter, l’éclairer sur lui-même. Enfin, par une métamorphose que l’on retrouve chez St Augustin, en son chapitre XI des Confessions sur le temps (où il se présente comme un précurseur d’Einstein) notre auteur en vient rapidement à la Recherche Fondamentale. Pour cela il s’oriente selon une double intuition. En premier une intuition surnaturelle qui trouve dans la Genèse la Clef du monde. Il y a d’une part le Tétragramme archétype de Dieu dont nous avons vu la fécondité sur le plan surnaturel comme sur le plan matériel, celui du Créateur comme celui de la Création. D’autre part, il y est développé des infusions mystiques personnelles qui se recoupent avec des témoignages miraculeux comme ceux du Saint-Suaire de Turin et de la Vierge de Guadalupe, et plus récemment : Fatima, San Damiano et surtout Ladeira do Pinheiro. A la limite c’est toute la trame du surnaturel chrétien que l’on retrouve à travers l’aventure prodigieuse que fut la vie de Jean-Gaston Bardet. La seconde intuition c’est celle du fait que la Création est dominée par une conception minérale et discontinue du monde, telle que la physique contemporaine l’a entrevue avec les quanta de Planck et la disparité de Lee et Yang, qu’étudie, entre autres, en France la Société Systema. Il distingue soigneusement la « dualité » diviseuse et destructrice de la « duellité » créatrice du Cosmos : « Tout va par deux sur la terre comme au ciel » (ondes-électrons), puis il éclaire ses idées par des notions tirées de la Cybernétique. Enfin dans un dernier chapitre l’Univers étant conçu sous une forme totalement vibratoire, Dieu se révèle comme « Vibration Pure ».

Mais je veux revenir sur l’immense sens de l’humain qu’on rencontre chez le philosophe mystique Gaston Bardet ou « Jean de la Joie » d’après sa définition charismatique et fonctionnelle. Sens de l’humain que, comme St François d’Assise, il a su élargir à la biosphère, voire au Cosmos, et je ne puis m’empêcher de reproduire la si belle et si touchante dédicace de « Demain, c’est l’an 2000 » : « A nos frères et sœurs cadets du Zoo et de la Pampa qui m’ont soufflé ce sain message à l’intention de leur Roi-Fou. Je les confie tous frères, fou et message à Marie Médiatrice Universelle ». Quelle magnifique complémentarité de la nature et de la surnature !

Vers les années trente nous assistions à Paris, au Studio Franco-Russe, à une discussion sur Dostoïevski. Prenant la parole, le président, un Russe émigré, déclara que ce qui faisait de Dostoïevski un des plus grands, sinon le plus grand écrivain de tous les temps, c’est qu’on avait l’impression, après la lecture de ses grands livres, de devenir meilleur. Peu d’auteurs produisent une telle mutation. C’est pourtant ce qui est arrivé pour moi, et j’en ai eu le témoignage pour certains, à la lecture des œuvres de Jean-Gaston Bardet. Aussi j’ai toute raison de croire qu’il en sera de même pour ce dernier livre, œuvre d’un grand mystique qui ne manque pas d’humour et d’un chercheur scientifique. On peut le discuter comme toute œuvre humaine, mais on est invinciblement obligé de reconnaître sa grandeur.

L.-J. DELPECH,

Président de la Société Française de Cybernétique

et des Systèmes Généraux,

Professeur de Psychologie à Paris VII.