Mario Varvoglis
« Quantons sous la psi ! »

Une des observations fondamentales de la recherche sur l’ESP est qu’il existe des corrélations inexpliquées entre des événements qui sont hors d’atteinte des sens du sujet (par exemple la cible qu’il doit trouver par télépathie ou clairvoyance) et les états mentaux d’une personne (i.e., son flux de pensées et d’images). Dans la physique quantique, un problème similaire existe : il semble en effet qu’entre deux particules séparées dans l’espace, une sorte d’interconnexion à distance puisse se passer, qui ne fait pas intervenir une transmission spatiale.

Ph.D. en psychologie expérimentale, a commencé ses recherches en parapsychologie dans les années 1970, au Maimonides Hospital Dream Laboratory (New York), où il a contribué aux premières investigations de la télépathie en états modifiés de conscience (le Ganzfeld). Après son doctorat, il a continué sa collaboration avec Charles Honorton aux Psychophysical Research Laboratories (PRL) de Princeton, où il était parmi les principaux auteurs de l’« autoganzfeld » de PRL, considéré aujourd’hui comme l’une des expérimentations en parapsychologie scientifique les plus viables. Pendant cette période, il a aussi contribué aux investigations de micro-psychokinèse et de précognition, couplant de techniques classiques d’expérimentations informatisées avec de nouvelles approches de jeux-psi.

Dans les années 80 il s’installe en France, et poursuit ses recherches en développant de tests psi informatiques, et en particulier, le CD-ROM Psi Explorer, qui présente les recherches psi de pointe avec vidéos, animations et textes, tout en ouvrant à l’utilisateur la possibilité d’explorer interactivement ses propres capacités psi. Mario Varvoglis est auteur de nombreuses publications dans des journaux scientifiques spécialisés et des ouvrages collectifs ; il est également est l’auteur de La Rationalité de l’Irrationnel (InterEditions, Paris, 1992), et co-auteur de Le Sixième Sens : Science et Paranormal (Editions du Chêne, Paris, 2004). Il a organisé plusieurs congrès parapsychologiques en France et a été invité à présenter la recherche psi aux U.S.A et Canada, en Europe et en Inde. En 2002 il est elu président de la Parapsychological Association, l’organisme officiel de la parapsychologie scientifique (reconnu par le AAAS).

En dehors de ses activités de recherche, Mario Varvoglis est aussi consultant et formateur en innovation et en Creative Problem Solving (CPS). Il enseigne le CPS aux universités et aux grandes écoles et anime des stages et des séances de créativité pour diverses sociétés internationales.

(Extrait de la revue Autrement : La science et ses doubles. No 82. Septembre 1986)

Un physicien : « J’ai tendance à croire à la télépathie. »

Einstein : « Elle a probablement plus de choses à voir avec la physique qu’avec la psychologie. »

La parapsychologie scientifique a toujours été fascinée par la zone frontière, constamment mouvante, entre la psyché et la matière, parfois tendant vers l’une et parfois vers l’autre, sans que ces interactions soient clairement délimitées une fois pour toutes. Cette ambivalence a donné naissance à différents types de théories. Au tout début de la « recherche psychique », il y a un siècle, certains chercheurs voyaient dans les phénomènes produits par les médiums l’évidence d’une survie de l’esprit et par conséquent son indépendance de la matière, alors que d’autres pensaient qu’il s’agissait d’un nouveau type d’énergie physique et cherchaient un milieu intermédiaire transportant cette information Psi à travers l’espace. Ces deux démarches théoriques sont toujours représentées actuellement.

Rhine, le père de la parapsychologie moderne, introduisit une troisième approche, qui se dégageait à la fois du point de vue spiritualiste et du point de vue matérialiste, et regardait le Psi comme une manifestation de la psyché. Parce que de nombreuses expériences suggèrent que les capacités Psi ne sont limitées ni par la distance, ni par des barrières physiques, ni même par le temps, l’école de Rhine en vint à penser que toutes les données reliées à l’après-vie, ainsi que les phénomènes médiumniques, pouvaient être expliqués simplement par les phénomènes Psi, sans avoir besoin de faire référence à des entités désincarnées ; ce point de vue est appelé l’hypothèse super-ESP.

Simultanément, les mêmes données expérimentales remettaient fortement en question l’idée que le Psi était une sorte de champ d’énergie. Ainsi, ces trente ou quarante dernières années, la plupart des parapsychologues aux USA et en Europe ont arrêté de chercher un mode de transmission du Psi à travers l’espace et se sont tournés vers des modèles psychologiques basés sur la connaissance des conditions personnelles, interpersonnelles et psychophysiologiques pouvant soit augmenter, soit diminuer les phénomènes Psi.

Récemment, un nouvel intérêt pour la relation entre la physique et le Psi a émergé. En effet, il semble que les problèmes auxquels font face les physiciens, lorsqu’ils explorent le monde subatomique, soient similaires à ceux qui se posent aux parapsychologues lorsqu’ils cherchent à comprendre physiquement la nature du Psi. La physique quantique semble non seulement avoir des corrélations avec les facultés extrasensorielles (Extra-Sensory Perception ou ESP : télépathie, clairvoyance, précognition), mais aussi avec la psychokinèse (PK : action mentale sur la matière).

Une des observations fondamentales de la recherche sur l’ESP est qu’il existe des corrélations inexpliquées entre des événements qui sont hors d’atteinte des sens du sujet (par exemple la cible qu’il doit trouver par télépathie ou clairvoyance) et les états mentaux d’une personne (i.e., son flux de pensées et d’images). Dans la physique quantique, un problème similaire existe : il semble en effet qu’entre deux particules séparées dans l’espace, une sorte d’interconnexion à distance puisse se passer, qui ne fait pas intervenir une transmission spatiale.

Ainsi, il apparaît clairement que des particules peuvent être inter-reliées, indépendamment de la distance qui les sépare, concept qui a des implications très évidentes pour la parapsychologie : en effet, il est possible de penser que des cerveaux pourraient être reliés comme des particules, c’est-à-dire sans faire intervenir une transmission d’énergie ou d’information à travers l’espace. Mais, pour développer cette analogie, il faut examiner la nature de cette rela­tion entre particules.

L’ORDRE IMPLIQUÉ DE L’UNI VERS : BOHM, SHELDRAKE ET PRIBRAM

On sait que de récentes expériences ont permis de rejeter le concept de « variables cachées locales » pour expliquer les corrélations à distance. Il restait encore la possibilité de variables cachées non locales, et certains physiciens utilisèrent cette idée pour expliquer le paradoxe EPR. David Bohm développa cette idée dans sa théorie d’un ordre « impliqué », non spatial, qui sous-tendrait la réalité subatomique et déterminerait en fait des événements, bien que ceux-ci paraissent aléatoires. Ainsi, au niveau d’un ordre explicite, des particules sembleraient séparées, alors qu’elles seraient reliées au niveau de l’ordre impliqué, à travers un passé commun.

Cette conception du monde de Bohm a de vastes implications, et des idées similaires sont apparues dans d’autres disciplines. En biologie, Sheldrake proposa l’existence de champs morphogénétiques — des structures « impliquées » spécifiques à une espèce et qui relieraient les membres de cette espèce entre eux, indépendamment de facteurs spatiaux. En neurologie, Pribram développa un modèle holographique du fonctionnement du cerveau, suggérant que la mémoire n’est pas imprimée sous forme de « traces » distinctes, mais est distribuée dans un champ global au niveau du cerveau. Ainsi tous les souvenirs seraient reliés et interagiraient entre eux. Pribram suggéra de plus, en référence à Bohm, que dans l’ordre impliqué de l’univers, il n’y a pas de séparation entre les choses et les êtres , les expériences mystiques et les phénomènes Psi pourraient alors résulter, selon lui, de « plongées » dans cette dimension hors du temps et de l’espace.

Il est intéressant de noter que les parapsychologues ont depuis longtemps remarqué que les gens qui ont un lien émotionnel ou génétique réussissent mieux aux tests Psi que des gens qui ne se connaissent pas. Ces sujets pourraient donc avoir aussi une sorte d’existence partagée du niveau de l’ordre impliqué, correspondant à leur vie vécue en commun. Il est aussi possible qu’un passé commun puisse conduire à la création d’une sorte d’inconscient commun. Beaucoup d’expériences spontanées et d’expérimentations de laboratoire suggèrent que l’ESP apparaît plus facilement dans les états mentaux qui impliquent un contact avec l’inconscient, par exemple les rêves et les transes, montrant que le Psi ne nécessite pas le conscient du sujet. Il est ainsi concevable que les êtres puissent être reliés et échanger des informations, non pas à travers l’espace, mais à travers le contact avec leur inconscient commun.

SYMÉTRIE TEMPORELLE : DE BEAUREGARD, TARG ET PUTHOFF, FEINBERG

Costa de Beauregard a proposé une autre façon d’interpréter le paradoxe EPR, par la possibilité que la transmission de l’information se fasse à travers le temps, et non pas à travers l’espace. Cette information remonterait le temps, depuis la particule A jusqu’au point de l’origine commune (lorsque les particules étaient liées) et là, déterminerait l’état de la particule B.

Le concept d’une information véhiculée par une réversibilité du temps peut choquer notre intuition, mais elle n’est pas du tout interdite par la physique — tout au moins au niveau subatomique. C’est ainsi qu’en 1945 Wheeler et Feynman avancèrent l’idée qu’un événement subatomique puisse impliquer, non seulement des « ondes retardées » (c’est-à-dire des répercussions postérieures à un événement) mais aussi des « ondes avancées » qui, littéralement, précéderaient l’événement. Feynman élabora une conception de la matière impliquant une « symétrie temporelle » dans laquelle un positron (électron chargé négativement) peut être considéré soit comme une antiparticule voyageant vers le futur, soit comme un électron voyageant vers le passé. Récemment, plusieurs physiciens ont démontré la possibilité théorique d’influences « rétro-causales » (i.e., dont la cause est dans le futur) tandis que d’autres ont pensé démontrer l’existence de « tachyons », particules qui se déplaceraient plus vite que la lumière et qui pourraient transmettre une information du futur vers le passé.

Tout ceci a conduit de Beauregard, Targ et Puthoff, et d’autres à penser que la précognition (la connaissance d’un événement futur) pourrait être due à la réception par un sujet de ces ondes avancées émises par l’événement futur. En exemple, Targ et Puthoff mentionnent le fait que de nombreuses personnes se réveillent quelques secondes avant que le réveil ou que le téléphone ne sonne (ce qui n’implique pas une heure fixe) : l’individu recevrait subliminalement les ondes avancées de ces événements.

Feinberg proposa aussi d’expliquer la précognition par la récep­tion d’ondes avancées, mais venant du cerveau de la personne, et non pas des événements extérieurs, comme l’avait proposé Targ et Puthoff. L’individu serait en relation avec son propre futur. Pour Feinberg, la perception d’un événement en train de se produire, créerait des oscillations dans le cerveau, qui, en se propageant « normalement » vers le futur, conduiraient à l’expérience subjective, et finalement à la mémorisation de cet événement, mais se propageant simultanément vers le passé, permettraient une intuition précognitive, une « mémoire du futur », une sorte de sensation de déjà-vu. Si ce qui apparaît comme une conscience télépathique ou clairvoyante n’est en fait qu’un murmure venant de notre propre futur, alors cela expliquerait pourquoi le Psi est indépendant de la distance entre sujet et cible, et des barrières physiques que l’on peut placer autour du sujet. Cette théorie peut réduire, en fait, tous les phénomènes d’ESP à une simple précognition.

On peut bien sûr objecter que les parallèles entre les événements quantiques et les phénomènes Psi ne sont pas valides, parce que les événements quantiques appartiennent au monde subatomique et ne sont pas transposables sur le plan humain. Mais cet argument a été réfuté par des physiciens qui pensent que certains processus subatomiques peuvent être portés jusqu’au niveau macroscopique. D’autres encore ont rétorqué que des événements quantiques existent en fait dans le monde macroscopique, par exemple, la supraconductivité. De toute façon, il est possible que l’ESP puisse constituer en elle-même un ordre de phénomènes quantiques à l’échelle humaine.

Bien sûr, il est vrai que les modèles Psi basés sur l’ordre impliqué et la réversibilité du temps sont plus des analogies que des théories en soi. Mais il y a un autre secteur d’interaction entre la physique quantique et le Psi : c’est le fameux problème de la mesure, c’est-à-dire, la question de savoir si l’observateur a un effet direct sur le processus probabilitaire observé. En effet le rôle de l’observateur tient une place prépondérante dans la physique quantique, alors qu’on n’en parlait pas dans la physique classique. Le système subatomique, avant la mesure, est une sorte de superposition de fonctions probabilitaires instables : la « fonction d’onde », qui contient tous les états possibles du système, puis, au moment même de la mesure, fixe le système ou la particule dans un état stable et concret. Ainsi, selon l’interprétation dite de Copenhague, en mesurant, l’expérimentateur interfère avec le développement naturel de la fonction d’onde et une seule possibilité est sélectionnée, au terme de cette interaction, parmi tous les états possibles du système.

L’EFFONDREMENT QUANTIQUE : WIGNER ET SCHMIDT

Cependant, cette transition, qui s’appelle l’« effondrement » ou la « réduction » de la fonction d’onde, reste un mystère, et rien dans les équations ne suggère un « mécanisme » qui l’expliquerait. Nous avons vu que la théorie des variables cachées, qui s’oppose à cette interprétation de l’effondrement, est fortement remise en question. L’acception normale qui veut que l’état du système soit fixé au moment de la mesure pose de plus de sérieux problèmes ; en effet Wigner et d’autres physiciens ont montré que l’interaction entre le système et un instrument de mesure devrait seulement produire une nouvelle fonction d’onde puisque l’instrument lui-même est descriptible en termes de processus quantiques. La formulation de la physique quantique nous conduit seulement à de plus nombreuses fonctions d’onde, à mesure que l’on augmente le nombre de mesures faites. Qu’est-ce qui permet alors au système de s’« effondrer » en une particule, un « quanton » ?

La seule explication possible, suggère Wigner, est que cette fonction d’onde s’effondre au moment même de l’observation, c’est-à-dire en association avec la conscience. Or la conscience est un processus drastiquement différent des processus quantiques. En effet, la conscience possède un caractère de réflexion sur soi-même — un observateur « sait qu’il sait » – alors que les instruments de mesure sont passifs et inanimés. De plus, à l’opposé des variables physiques, la conscience est une qualité non mesurable, considérée généralement comme non spatiale. Se pourrait-il que la conscience soit en fait le siège longtemps cherché des variables cachées non locales ?

La façon la plus immédiate de tester cette idée est d’induire des variations dans la conscience de l’observateur — c’est-à-dire dans ses prévisions par rapport aux résultats d’une mesure (par exemple lors d’une expérimentation) — et de voir si les propriétés des particules observées varient en conséquence. C’est exactement ce que fit Schmidt, un physicien allemand. Il imagina un générateur de hasard basé sur des processus aléatoires subatomiques. Il coupla une émission radioactive (parfaitement aléatoire) à un système binaire électronique et à un compteur Geiger capable de détecter le moment exact de l’émission d’une particule et de déterminer quel était à ce moment précis l’état du système binaire (exprimé soit par des 0, soit par des 1). Selon la physique quantique, le système doit produire un nombre approximativement égal de 1 et de 0. De fait, lors d’essais de contrôle pendant lesquels l’appareillage fonctionne alors qu’il n’y a personne dans la pièce, les résultats suivent toujours les lois du hasard et on obtient autant de 0 que de 1. Mais Schmidt et de nombreux chercheurs ont observé que, lorsqu’une personne est présente et désire obtenir plus de 1 (par exemple), la distribution statistique est radicalement changée. Plus étonnant encore, cette distribution peut être modifiée a posteriori, c’est-à-dire même si le sujet se concentre après que l’appareillage ait enregistré une série d’essais !

Dans ses dernières publications, Schmidt a présenté un modèle basé sur l’effondrement de la fonction d’onde, suivant l’interprétation de Wigner : l’état de la fonction d’onde ne s’établit qu’au moment de l’observation (ce qui veut dire que la mesure passive par une machine ne produit pas l’effondrement) et la conscience, ayant une préférence pour un résultat plutôt qu’un autre, non seulement produit cet effondrement de la fonction d’onde, mais dirige le résultat dans une direction donnée précise.

Bien sûr, il y a d’autres façons d’interpréter ces effets Psi sur le générateur et cette indépendance apparente du Psi par rapport au temps. Il y a plusieurs années, Schmidt a présenté un modèle de PK rétroactive analogue à celui de la « réversibilité du temps » de Costa de Beauregard. Dans ce modèle de Schmidt, la personne, en cours d’expérience, se projette mentalement dans le passé, et influence depuis ce passé la production aléatoire des événements (en fait, si l’information peut passer du futur vers le sujet au présent, pourquoi ne pourrait-elle pas aller du sujet présent vers le passé ?). Un autre physicien, Ed May, a proposé aussi un modèle impliquant une réversibilité du temps : pour lui, l’individu n’affecte pas vraiment activement le générateur, mais sent plutôt par intuition le moment précis où la bonne cible passe : il presse alors le bouton de sélection. Ainsi, pour Ed May, une grande partie de la PK peut être en fait expliquée par la clairvoyance ou la précognition.

VOLONTÉ, CERVEAU ET MATIÈRE : WALKER

Que l’on adopte le modèle de la réversibilité du temps ou le modèle de l’effondrement de la fonction d’onde, il reste toujours que les résultats finaux reflètent les buts du sujet, au lieu que ceux-ci soient déterminés totalement au hasard. Schmidt a émis l’idée que ces recherches sur le générateur de hasard montrent que des êtres vivants peuvent fonctionner comme des « sources Psi caractérisées par une capacité à produire volontairement de l’ordre dans de l’aléatoire. Comme on le voit, le concept d’une « source Psi » doit être relié à la volonté du sujet : est-il possible, puisque la conscience peut organiser des processus internes du cerveau, que cette même conscience puisse organiser des processus extérieurs à l’individu ? Ce parallèle peut-il être plus qu’accidentel ? Se pourrait-il que notre influence organisante (« néguentropique ») sur les processus extérieurs, dans la PK, puisse être, en fait, une utilisation de ce processus interne de la volonté, mais dirigé vers l’extérieur ?

Plusieurs psychologues et neurophysiologues ont précisément fait cette suggestion. Mais le développement le plus complet de ce concept a été proposé par le physicien Walker, pour qui la volonté du sujet, la PK, et l’observation de la fonction d’onde sont en interrelation étroite. Walker pense que le cerveau contient lui aussi des processus probabilitaires de type quantique. S’appuyant sur la neurophysiologie, il montre que les conditions de passage de l’information dans les synapses produisent des phénomènes quantiques. Ces phénomènes quantiques du cerveau constituent ainsi un système de fonctions d’ondes qui se développent et interagissent continuellement, créant des mélanges de tous les états possibles du cerveau. Cependant, du fait que ces phénomènes sont en interconnexion non locale, ils donnent naissance à une qualité unitaire, non mesurable : la conscience. A son tour, une petite portion de cette conscience — la volonté — agit sur ces fonctions d’ondes du cerveau, sélectionnant des états spécifiques en dirigeant leurs « effondrements ». Ainsi le cerveau joue le rôle d’un processus dynamique de physique quantique, dans lequel la conscience est associée au facteur « expansif » d’interconnexion entre ces fonctions d’onde, et la volonté au facteur « restrictif » provoquant l’effondrement des fonctions d’onde.

Lorsque les processus probabilitaires extérieurs sont observés, pendant l’acte de mesure, ils se couplent avec les processus probabilitaires internes du cerveau — ou plus exactement deviennent « cohérents » avec ceux-ci — un peu à la manière des deux particules dans le paradoxe EPR. Lorsque chez le sujet, ces interactions entre les fonctions d’onde apparaissent, la volonté cherche immédiatement à les contrôler : elle provoque alors l’effondrement commun des fonctions d’ondes cérébrales et des fonctions d’ondes extérieures, affectant ainsi les événements extérieurs, par exemple le générateur de hasard, grâce à ses connexions non locales.

En d’autres termes, comme chez Wigner, c’est cette interaction entre la volonté et les fonctions d’onde qui force la matérialisation des choses et des événements dans le monde concret. Nous voyons donc que, lorsque le scientifique « mesure » un résultat, sa volonté est passive et neutre, tandis que dans la PK la volonté, poursuivant un but spécifique, exerce une influence sur les événements probabilitaires. Le fait que cette influence de la volonté sur les événements reste faible s’explique facilement, dit Walker, puisqu’elle est en compétition avec la conscience globale, c’est-à-dire à la fois avec des possibilités alternatives d’effondrement et avec des processus cérébraux annexes ou sans relations.

Malheureusement, la théorie de Walker ne rend pas compte des phénomènes Psi non intentionnels, qui, par exemple, pourraient être expliqués par le concept de l’ordre impliqué, ni d’ailleurs de la PK au niveau macroscopique. Sa théorie est cependant très ambitieuse et très intéressante. Son intégration du problème de la mesure reste strictement dans l’interprétation classique de l’observateur donnée par l’école de Copenhague, et l’a amené à développer de plus une représentation mathématique de la volonté et de la conscience. C’est là une avancée très radicale. De plus, sa théorie est ouverte à des tests expérimentaux concrets. Or, jusqu’à présent, il ne semble pas que ses résultats soient en désaccord avec les données des recherches Psi, ni d’ailleurs avec les données de la neurophysiologie. Certaines de ses prévisions sur le Psi ont même été confirmées.

Comme on le voit, l’interaction entre la physique quantique et la recherche Psi pourrait amener de grandes découvertes à propos de la relation entre l’esprit et la matière. Il est à espérer que dans les prochaines années des physiciens, des neurophysiologues et d’autres scientifiques porteront une attention de plus en plus grande aux données et aux méthodes de la parapsychologie scientifique, et qu’ils exploreront les implications humaines du paradoxe EPR et du problème de la mesure en physique quantique. Nous ne pourrions que bénéficier d’une avancée ouverte et courageuse dans le domaine énigmatique des interactions psycho-physiques.