(Extrait de La Science de l’Âme, 2e édition. Dervy-Livres 1980)
La Télékinésie devrait être admise… Il n’y a pas, dans la Physique et dans toute la Physiologie, de phénomène ayant été soumis à un contrôle plus sévère.
Professeur Charles RICHET (Traité de Métapsychique)
Tables mouvantes
L’autosuggestion introduit une part d’incertitude dans le phénomène dit des « tables tournantes », dans les conditions les plus habituelles où il est obtenu par des amateurs ; il est en effet très difficile d’obtenir la certitude que parmi eux, en dehors d’une fraude volontaire, aucun n’exerce inconsciemment des pressions mécaniques ; de nombreuses personnes sont incapables de se contrôler à ce point de vue, et il n’y a pas lieu de s’étonner que Faraday, Chevreul et Babinet aient expliqué par des mouvements inconscients les mouvements des tables, bien que la violence et la puissance avec lesquelles ceux-ci s’exercent parfois, rendent cette interprétation sans portée dans bien des cas.
Il y a un genre de phénomènes très intéressants à étudier, sans dispositifs spéciaux de contrôle, ce sont les « raps », percussions sonores internes, que leur netteté, leur timbre, leur fréquence rythmée et quelquefois leur caractère intelligent, permettent de distinguer sans hésitation des vulgaires craquements du bois.
De bonne heure, des expérimentateurs essayèrent d’obtenir des mouvements sans contact, qu’on désigne sous le nom de télékinésie (mouvements à distance). Le comte de Gasparin, en 1853, dans une série d’expériences bien conduites, a obtenu à plusieurs reprises des soulèvements d’une table, sur le plateau de laquelle, pour éviter tout contact des mains placées au-dessus, on avait répandu une couche de farine avec un soufflet à soufrer les vignes. M. Marc Thury, professeur de physique et d’astronomie à l’Université de Genève, reprit ces expériences et les confirma en 1855 (120, t. II, pp. 359-388).
Les expériences du professeur Robert Hare
Robert Hare, docteur en médecine et professeur de chimie à l’Université de Harvard, Pennsylvanie, inventeur du chalumeau oxhydrique, eut, en 1853, l’attention dirigée pour la première fois sur les tables tournantes. Pour éviter l’adhérence des mains et les mouvements inconscients, il prit des billes de billard en cuivre, les plaça sur une plaque de zinc, fit poser les mains des « médiums » sur les billes et, à son grand étonnement, la table remua. Il fit une balance spéciale, avec un indicateur fixe et le poids marqué ; la main du médium était posée sur le petit levier, de façon qu’il fût impossible de faire pression vers le bas et qu’au contraire sa pression, s’il en exerçait une, ne pût produire que l’effet opposé, c’est-à-dire soulever le long bout. Or, le poids fut augmenté de plusieurs livres sur la balance.
Hare perfectionna encore cette expérience : il fit plonger les mains du médium dans l’eau de manière à les isoler mécaniquement de la planche-levier sur laquelle était posé le vase contenant le liquide. Dans ces conditions, une force de 18 livres fut exercée sur le levier (121, pp. 66-68).
Expériences de William Crookes
Le chimiste et physicien Crookes a répété en 1871 les expériences de Robert Hare et a obtenu les mêmes résultats, en particulier avec le médium Douglas Daniel Home qui, soit dit en passant, n’acceptait jamais de rémunération.
Crookes consCrookes construisit en outre un appareil spécial destiné à mesurer la force mise en action ; il comportait un cadre en bois sur lequel était tendue une feuille de parchemin. L’extrémité la plus courte d’un levier était équilibrée de manière à suivre rapidement les mouvements du centre du disque en parchemin ; à l’autre bout du levier se trouvait une aiguille d’acier traçant le diagramme des mouvements sur une lame de verre enduite de noir de fumée et déplacée latéralement par un mouvement d’horlogerie.
Home, la main tenue au-dessus de la membrane, à 30 cm de sa surface, mit en action ce dispositif.
Crookes considérait que ces expériences mettaient hors de doute « l’existence d‘une force associée à l’organisme humain, force par laquelle un surcroît de poids peut être ajouté à des corps solides sans contact effectif ».
La question se posait de l’origine de la force ainsi mise en œuvre, car tout travail exige une dépense d’énergie correspondante ; Crookes a établi et tous les travaux ultérieurs ont confirmé, que c’est aux dépens de l’organisme même du medium que se manifeste la force productrice des phénomènes : « En me servant des termes de force vitale, énergie nerveuse, je sais que j’emploie des mots qui, pour bien des investigateurs, prêtent à des significations différentes ; mais après avoir été témoin de l’état pénible de prostration nerveuse et corporelle dans laquelle quelques-unes de ces expériences ont laissé M. Home, après l’avoir vu dans un état de défaillance presque complète, étendu sur le plancher, pâle et sans voix, je puis à peine douter que l’émission de la force psychique ne soit accompagnée d’un épuisement correspondant de la force vitale » (122).
Crookes put étudier et contrôler, avec Home, le plus puissant médium connu jusqu’à présent, un grand nombre de phénomènes remarquables, parmi lesquels l’exécution d’airs sur un accordéon placé dans une cage grillagée, et dans des conditions rendant impossible tout contact ou tout maniement des clefs (122).
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Grâce au pouvoir dynamique exceptionnel de Home, c’est en pleine lumière que l’illustre physicien a pu observer tous les phénomènes qu’il a étudiés avec lui. Il en est rarement ainsi. Dans la plupart des cas, l’obscurité est nécessaire ; parfois, celle-ci est faite dans la salle de séances même, mais le plus souvent, la pièce est éclairée à la lumière rouge, et le médium est placé derrière un rideau formant un « cabinet noir ». Ces propriétés favorables de l’obscurité ont beaucoup contribué à jeter la suspicion sur les phénomènes de cet ordre, mais on ne peut changer les lois naturelles. C’est un fait établi que la lumière, surtout dans l’extrémité violette du spectre, entrave la production des phénomènes de télékinésie, de même que les ondes hertziennes se transmettent beaucoup mieux dans l’obscurité. La raison en est devenue très claire depuis que la physique moderne nous a appris qu’un rayon lumineux est constitué par une série de corpuscules, les « photons », qui sont employés, sous certaines conditions, comme projectiles dans les expériences de bombardement des atomes ; il n’est donc pas étonnant que la lumière ait une influence désagrégeante sur la « force psychique », qui, lorsqu’elle revêt des propriétés matérielles, est désignée par le nom d’ectoplasme.
Cependant, un nombre appréciable d’expériences ont été réalisées à la lumière rouge, dans des conditions très rigoureuses et très satisfaisantes ; d’ailleurs, même dans l’obscurité, les méthodes modernes inaugurées par le docteur Osty, avec enregistrement automatique des phénomènes et des mouvements du médium, donnent aux constatations faites dans le domaine de la télékinésie une valeur scientifique inattaquable.
Le médium Eusapia Paladino
Eusapia Paladino, à l’âge de huit ans, avait vu son père égorgé par des bandits ; maltraitée par son aïeule, abandonnée dans la rue, elle fut recueillie par de riches bourgeois de Naples, qui furent témoins des étranges phénomènes qui, dès son enfance, se produisaient en sa présence. Damiani et Chiaia s’intéressèrent à son cas, et c’est Eusapia qui a convaincu l’illustre psychiatre et criminologiste César Lombroso. Ses facultés ont été sévèrement étudiées par celui-ci, par le professeur Morselli et par divers autres expérimentateurs.
En compagnie d’Aksakoff, Richet, Finzi, Ermacora, Brofferio, Gerosa, du Prel, Schiaparelli, Lombroso a observé à Milan, en 1892, au cours de 17 séances, à la lumière électrique, toute une série de phénomènes, parmi lesquels le soulèvement complet d’une table. Eusapia pouvait, sans la toucher, alourdir ou rendre plus légère une table dont un des coins était suspendu à un dynamomètre (125, pp. 43-46).
En France, Eusapia a été observée en 1895 et 1896, à l’Agnelas et près de Bordeaux, par MM. de Rochas, Dariex, de Grammont et le docteur J. Maxwell (126), puis de 1905 à 1907 dans les expériences de l’Institut Général Psychologique, à Paris, par M. Jules Courtier. Au cours de ces expériences, auxquelles ont participé, entre autres, M. et Mme Pierre Curie, d’Arsonval, Branly, Richet, Langevin et Bergson, on a obtenu la lévitation complète d’une table, dont les quatre pieds, engainés dans des prismes de bois, reposaient sur des contacts électriques, alors qu’Eusapia était complètement ligotée (124).
En installant Eusapia sur une balance de Marey, on constata que, pendant la lévitation, son poids s’augmentait à peu près du poids de la table.
Pierre Curie se passionnait pour ces phénomènes. Il avait observé maintes fois, au début des séances, le gonflement caractéristique du rideau de la cabine et celui de la robe du médium ; celle-ci, en se gonflant, semblait se diriger vers les objets proches ; et l’illustre savant avait pensé qu’on pourrait peut-être canaliser la force émanant d’Eusapia. Aussi, à la séance du 10 avril 1906, il apporta un dispositif destiné à vérifier son hypothèse : il était composé de deux cadres en bois placés aux extrémités d’une planche formant socle, et entre lesquels était tendue une étoffe noire ; celle-ci formait ainsi un tuyau à un bout duquel il avait placé un petit guéridon. Au cours de l’expérience, Eusapia déclara que la toile était trop tendue, et on la fit flotter. Alors, l’arceau le plus proche du médium, dont les mains et les pieds étaient sévèrement contrôlés par MM. Curie, Richet et Yourévitch, fut fortement secoué sans contact apparent, puis démoli.
Comme tous ceux qui ont participé à des expériences de ce genre, Pierre Curie avait observé les « souffles froids » qui s’y produisent en règle générale et qui témoignent des transformations d’énergie qui s’y opèrent. M. Jules Courtier a confié à M. Jean Labadié (127, p. 100) que l’une des préoccupations du grand physicien était de construire un anémomètre assez sensible pour mesurer ces souffles froids. Malheureusement, sa mort accidentelle en 1906 interrompit brutalement ses recherches en ce sens.
Les travaux de Crawford
W.-J. Crawford, professeur de Mécanique appliquée à Université de Belfast, a poursuivi, de 1915 a 1920, une série d’expériences avec le médium Miss Goligher. Il a employé la photographie, la balance, le dynamomètre pour contrôler les phénomènes et même le phonographe pour l’enregistrement des raps.
Crawford a établi d’une manière très précise, qu’au cours d’une lévitation complète de la table, le poids de celle-ci est reporté entièrement sur le médium. Ceci avait déjà été observé précédemment, mais Crawford l’a vérifié des centaines de fois. Partant de ce fait, Crawford a formulé une théorie des « leviers psychiques » constitués par la substance émise par le médium, leviers encastrés (cantilever) et tendus pour soulever les objets légers, courbés et prenant un point d’appui sur le sol pour soulever les objets plus lourds. Selon Crawford, ce sont ces tiges, ces structures, dont l’extrémité est plus ou moins matérialisée, qui sont employées pour frapper des coups et produire des bruits divers.
Par la méthode des colorants, l’expérimentateur de Belfast a établi que, dans le cas de Miss Goligher, l’ectoplasme descendait du bassin jusqu’aux pieds et y retournait a la fin de l’expérience. De plus, ayant prié les « opérateurs » (esprits ou personnifications subconscientes du medium ? ) de retirer du corps du médium autant de matière qu’il était possible, il constata des diminutions de poids appréciables, par à-coups, jusqu’à un maximum de 24 kg, pendant une dizaine de secondes (128).
Recherches d’Ochorowicz et von Schrenck-Notzing
Des recherches du plus haut intérêt ont été poursuivies avec le « médium » Stanislawa Tomczyk par le docteur Julien Ochorowicz, de Varsovie, de 1909 à 1912, et par le docteur Alfred von Schrenck-Notzing, de Munich, en 1913 et 1914.
Il est intéressant de noter que, comme chez Eusapia, un choc nerveux semble être à l’origine de ses facultés télédynamiques : à l’âge de vingt ans, elle se trouva prise, pendant des troubles à Varsovie, dans une foule cernée par la troupe et elle fut injustement emprisonnée.
C’est dans l’état de somnambulisme provoqué par hypnotisme qu’elle produisait les phénomènes ; le docteur Ochorowicz plaçait une série de petits objets de métal, bois, verre, cuir ou papier, devant le médium qui, en approchant ses mains, les mettait en mouvement et les soulevait sans y toucher. Au cours de ces essais, l’expérimentateur de Varsovie constata l’existence d’une sorte de fil très fin, allant d’une main à l’autre, et soutenant l’objet ; mais le contrôle qu’il réalisa le convainquit qu’il ne s’agissait ni d’un cheveu, ni d’un fil, mais d’un filament « fluidique ».
Déjà, une modalité phénoménique semblable avait fait accuser Eusapia Paladino par des expérimentateurs, à Palerme en juillet-août 1901, parce qu’ils avaient cru voir, à deux reprises, qu’elle se servait d’un fil pour mouvoir certains petits objets placés à quelque distance entre ses mains. Or, il a été établi, dès 1893, par Ochorowicz et en 1903 par Bozzano (R.E.P., mars 1903) qu’il s’agissait non d’un fil ordinaire, mais de quelque chose comme la matérialisation d’une émanation digitale.
Avec Mlle Tomczyk, Ochorowicz constata que de tels fils pouvaient être formés en grand nombre, s’unir en un écheveau de manière à embrasser les objets et à les retenir, qu’ils se courbaient et pouvaient pénétrer à travers des fentes ; le savant expérimentateur obtint des traces de ces fils, qu’il appela rayons rigides, sur des couches de farine ou sur des plaques enfumées ; les flammes étaient visiblement repoussées par les rayons ; ceux-ci ne pouvaient pas déplacer les objets dans l’eau, ni traverser des obstacles matériels, solides ou liquides. Un écran liquide, ayant la consistance d’une lame mince d’eau de savon, s’incurvait sous leur influence.
Ochorowicz put les photographier et même obtenir des images « radiographiques » à travers un châssis fermé : les « fils » n’étaient pas continus, mais pointillés et présentaient des stries inclinées comme s’ils étaient engendrés par un « fluide » en mouvement rotatif.
Les « rayons » n’étaient pas déviés par un champ magnétique ; ils fermaient un circuit électrique, et l’approche du bout des doigts de Mlle Tomczyk déchargeait un électroscope. Pendant les expériences, le sujet éprouvait une sensation d’engourdissement et de picotement au bout des doigts.
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Les expériences d’Ochorowicz ont été reprises, avec le même sujet, par le docteur von Schrenck-Notzing, de Munich, et les résultats en ont été entièrement confirmés. Toutefois, le savant munichois a vivement critiqué la désignation de « rayons rigides » donnée par Ochorowicz aux émanations dynamiques de Mlle Tomczyk, qui ne correspond pas exactement à leurs propriétés ; il lui a préféré le terme d’efflorescences (123).
Les agrandissements des photographies prises par Schrenck-Notzing, ont révélé que la structure des fils téléplastiques est irrégulière, interrompue de temps en temps par des parties nébuleuses, ce qui confirme les résultats obtenus par Ochorowicz.
La méthode des rayons infra-rouges et les deux découvertes fondamentales du docteur Osty
En 1930, le docteur Eugène Osty et son fils M. Marcel Osty, ingénieur, ont réalisé, à l’Institut Métapsychique International, à Paris, 89, avenue Niel, une installation de contrôle dont il est utile de dire quelques mots. Elle était destinée, en principe, à obtenir la photographie automatique et instantanée des phénomènes de télékinésie. Elle comprend essentiellement : 1o un générateur de rayons ultraviolets situé dans une pièce superposée à la salle des séances, et dont la hotte, comprenant 24 brûleurs à vapeur de mercure, est insérée dans le plafond de la salle de séances ; 20 écrans absorbent le spectre visible de la lumière et ne laissent passer que les radiations de l’ultraviolet à longueur d‘onde moyenne de 3.650 angströms ; sous chacun de ces écrans sont autant d’obturateurs à deux volets qui peuvent être ouverts simultanément par un jeu d’électro-aimants ; 2o un appareil photographique objectif de quartz spécialement étudié et construit pour l’ultra-violet ; 3o un émetteur de rayons infra-rouges photo-électrique et un récepteur à cellule photo-électrique au sulfure de thallium, sensible à 1‘infrarouge ; ce dispositif a pour rôle d’assurer le contrôle automatique de l’objet donné pour but à l’éventuel pouvoir de télékinésie d‘un sujet.
Cet objet étant placé sur une table, il est entouré de tous côtés et à la distance voulue, à l’aide d’un jeu de miroirs, par le faisceau de radiations infra-rouges qui frappe la cellule photo-électrique en y provoquant le passage d’un courant électrique proportionnel à son intensité ; ce courant est amplifié par une lampe triode et passe dans l’électro-aimant d’un relais. Lorsque le courant perd de sa force par suite de la coupure du faisceau d’infra-rouge, le relai détermine l’ouverture des volets de l’obturateur plafonnier, la projection d »ultraviolet dans la salle et le déclenchement immédiat de l’appareil photographique (131).
Les médiums à matérialisation et télékinésies, écrivait le docteur Osty « trouveront dans nos appareils d’enregistrement automatique les meilleurs défenseurs. Ceux qui produiront des phénomènes par action psychique paranormale véritable seront assurés de ne pouvoir pas être accusés de fraudes Par contre les fraudeurs devront perdre tout espoir de faire prendre leurs parodies pour de la vérité » (130, p. 515).
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Après avoir pris en flagrant délit de fraude, en mai 1930, Mme Stanislava Popielska, le docteur Osty eut à s’occuper en octobre de la même année, d’un jeune médium autrichien Rudi Schneider, 23 ans, bien équilibré, intelligent, sportif, déjà connu par les expériences réalisées avec lui par le docteur von Schrenck-Notzing et par M. Harry Price, directeur du National Laboratory of Psychical Research de Londres, qui se mit à la disposition du docteur Osty pour toutes vérifications de ses pouvoirs paranormaux avec n’importe quel contrôle.
« Il s’est prêté sans discussion, écrit Osty, à toutes les expériences, à toutes les conditions de travail que nous avons voulues, sans jamais y faire la moindre objection. Très sensitif et d’âme fière, il a horreur de la suspicion, laquelle est nécessairement de tout instant chez les assistants à une séance de cette sorte. Sa pensée est celle-ci : « Instituez tous les moyens de contrôle que vous voudrez, je les accepte tous. Mais imaginez-les si pleinement satisfaisants que si des phénomènes paranormaux se produisent vous ayez totale certitude qu’ils l’ont été sans artifices de ma part. »
Telles étaient les conditions morales dans lesquelles furent entreprises les expériences du docteur Osty avec Rudi Schneider. Les conditions matérielles furent les suivantes : Rudi était assis sur une chaise à l’extérieur du cabinet noir, y tournant le dos, à environ 1 mètre de la table ; il était habillé d’un pyjama; revêtu avant d’entrer dans le laboratoire et portant autour du col et des manches des rubans lumineux cousus pour silhouetter la position de son corps. Deux contrôleurs emprisonnaient ses poignets et ses jambes. Dans une première série d’expériences, « pour voir », deux seulement sur treize montrèrent un déplacement de table, visible en lumière rouge, à un mètre environ du sujet, visible lui-même et bien contrôlé ; les appareils d’enregistrement automatique n’avaient pas eu à être mis en action ; la faculté de Rudi était évidemment dans une période de fléchissement considérable par rapport à ses productions antérieures.
Avant de quitter Paris pour se reposer, Rudi Schneider désira faire une nouvelle et dernière séance, pensant que, comme adieu, « Olga » — l’« esprit-guide » de Rudi, que le docteur Osty considère comme une personnification de la conscience « cryptique » du médium — consentirait enfin à montrer sa puissance en effectuant la télékinésie d’objets tant souhaitée. Cette séance eut lieu le 10 novembre 1930 ; il ne s’y produisit pas la moindre télékinésie ou le moindre mouvement de rideaux. Mais cette séance qui, sans l’appareillage automatique, eût été considérée comme complètement négative, fut le point de départ de recherches et de constatations entièrement nouvelles, et d’importance capitale.
Rudi Schneider ayant accepté la photographie à l’éclair de magnésium, un dispositif fut établi, qui comportait un déflagrateur de magnésium commandé par une cellule photoélectrique. Un mouchoir fut placé sur une table comme objet de télékinésie, entièrement encagé par quatre faisceaux de rayons infra-rouges ; la séance eut lieu dans l’obscurité, avec le contrôle corporel habituel.
À plusieurs reprises, il y eut déflagration brusque du magnésium, sans que le mouchoir se soit déplacé, sans qu’aucun objet n’ait pu couper les faisceaux infra-rouges. Les appareils furent vérifiés et aucune cause de déflagration spontanée du magnésium ne fut trouvée.
C’est alors que le docteur Osty pensa que « Rudi, dans ses efforts, le plus souvent inefficaces, pour soulever par travail psycho-physique un objet, extériorise peut-être un mode substantiel d’énergie (ce qu’il appelle « la force »), trop subtil pour être photographiable, dont la présence dans l’infra-rouge employé absorbe de ce rayonnement la quantité (30 % environ) suffisant à mettre en jeu l’automatisme instrumental aboutissant à la déflagration du magnésium. » C’est sur la vérification de cette hypothèse que furent axées les expériences suivantes. Le déflagrateur de magnésium fut remplacé par une sonnerie qui devait être actionnée pendant tout le temps de la présence occultante dans les faisceaux d’infrarouge. Le déflagrateur fut commandé à la main, et à volonté. Les constatations expérimentales confirmèrent entièrement l’hypothèse du docteur Osty.
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Une troisième période d’expériences commença alors, consacrée à l’étude expérimentale de la substance invisible. 77 séances y furent consacrées en 1931. Entre temps, le dispositif instrumental avait été perfectionné ; la partie du laboratoire dans laquelle la « force » devait agir et devait être enregistrée, était séparée du médium et des expérimentateurs par un haut paravent, vissé au sol et au mur. Une armoire d’enregistrement graphique a été installée, dans laquelle un film de papier sensible se déroule à une vitesse constante. Sur ce film, les spots lumineux réfléchis par les miroirs oscillants des galvanomètres, inscrivent les variations d’intensité — donc des occultations — des faisceaux infra-rouges. On a put apprendre ainsi que la « substance » invisible était partiellement opaque à l’infra-rouge entre 1 et 2 microns, et que cette opacité variait de 1 à 75 %. suivant les dispositions du sujet.
Pendant cette période d’étude, comme dans les précédentes, les télékinésies furent rares. Il y en eut cependant quelques-unes très caractéristiques, comme celles de la séance du 23 février 1931, au cours de laquelle trois objets, posés sur la table, furent déplacés : une rose a été lancée par-dessus les assistants ; un harmonica est tombé à leurs pieds, et un mouchoir a été retrouvé à un mètre de la table, « arrangé en forme de cravate dite régate, avec la lettre O à son angle inférieur ». Les points de chute avaient été exactement signalés par le sujet. Ces objets n’ont pu se déplacer qu’en glissant d’abord horizontalement entre le plateau de la table et le plan inférieur des faisceaux d’infra-rouge (4 cm environ), « comme si l’énergie opérante voulait éviter les rayons, un passage lui ayant été laissé. Le trajet de la fleur a dû devenir ensuite oblique et ascendant pour franchir les deux lignes des assistants (131, pp. 49-51) ».
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Les graphiques révélèrent par leurs dents de scie hautes et très serrées, que le volume ou la densité de la « substance » invisible étaient en perpétuelle modification, selon des périodes oscillatoires de fréquence et d’amplitude variables.
D’autre part, Rudi Schneider, en état de transe, présente une hyperpnée caractéristique : sa fréquence respiratoire étant alors de 10 20 fois plus grande que la normale.
Or, le docteur Osty, en vigie devant le hublot à verre rouge donnant vue, dans l’armoire d’enregistrement, sur le spot lumineux du galvanomètre, ayant remarqué que les mouvements du spot suivaient la cadence de la bruyante respiration du sujet, plusieurs séances furent consacrées à la vérification de cette importante constatation ; dans ce but fut réalisé à l’aide d’un tambour de Marey fixé à la poitrine du sujet et relié à un tambour inscripteur dans l’armoire d’enregistrement, muni, comme le galvanomètre, d’un petit miroir, un dispositif réalisant, simultanément à l’inscription graphique automatique des oscillations de l’absorption, l’inscription graphique automatique, sur la même bande de papier photographique, des mouvements respiratoires.
De la comparaison des graphiques, il « ressortait nettement l’indication que les oscillations dans l’absorption du faisceau d’infra-rouge par la substance invisible étaient à fréquence double des cycles respiratoires, c’est-à-dire exactement au rythme des deux temps du travail musculaire de la respiration : inspiration, expiration ».
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Telles sont, trop brièvement exposées pour leur importance, les deux découvertes capitales du docteur Osty dans le domaine de la « force psychique » : d’une part, celle-ci, à l’état de substance ectoplasmique invisible, non photographiable et même télékinésiquement impuissante, est cependant plus ou moins opaque aux rayons infrarouges, donc susceptible d’être enregistrée et mesurée avec précision : un pont est établi entre la parapsychologie et la Physique ; d’autre part, une relation précise est découverte entre les oscillations de densité ou de volume de la substance ectoplasmique et le rythme respiratoire du médium : un pont est établi entre la parapsychologie et la Physiologie.
Énergie médiumnique et énergie atomique
Il serait sans doute prématuré de prétendre établir des relations précises entre l’énergie « médiumnique » et les forces physiques connues. Cependant, un certain nombre de faits métapsychiques, en même temps que les acquisitions de l’Atomistique, autorisent, non à édifier une théorie complète et définitive, mais à établir quelques rapprochements et quelques comparaisons susceptibles de faire mieux comprendre la place de la « force psychique » dans l’ensemble des forces naturelles.
Un expérimentateur anglais, l’ingénieur Harry Price, au cours d’expériences ingénieuses, en 1923, avec le médium Stella C., jeune fille anglaise, normale et en bonne santé établi, grâce à un thermomètre sensible à minima, l’abaissement de température qui accompagne tous les phénomènes métapsychiques d’ordre physique. Quand 1‘action télékinésique était particulièrement forte, le mercure tombait de plusieurs degrés au-dessous du niveau marqué au début des séances.
« Il y aurait donc, écrit René Sudre (132, Préface, p. 10), travail et abaissement de température à l’intérieur d’un milieu uniforme, et les physiciens savent que, d’après le principe de Carnot, cela n’est possible qu’aux dépens d’une énergie extérieure. Cette énergie serait l’énergie psychique. Nous sommes donc autorisés à penser que quoique animée par une intelligence, l’énergie psychique rentre dans la grande famille des énergies physiques, transformables l’une dans l’autre en obéissant aux deux principes de la thermodynamique. »
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Dès 1913, Gabriel Delanne (133, 134) a mis en évidence de remarquables analogies entre les effets de la radioactivité et ceux de la « force psychique » mise en œuvre par certains « médiums » à phénomènes physiques : par exemple, dans les expériences du docteur Ochorowicz avec Mlle Tomczyk, l’émanation de celle-ci mettait en mouvement à distance le balancier d’une pendule ; or, dans le tube de Crookes, les rayons cathodiques, constitués, comme les rayons bêta du radium, par des électrons, font mouvoir un petit moulinet de verre : il y a donc, dans les deux cas, une action mécanique. D’autre part, la « force psychique » de Mlle Tomczyk a impressionné des plaques photographiques enfermées dans un châssis et à travers des épaisseurs de plomb infranchissables pour les rayons X ordinaires, ce qui conduit à un rapprochement avec les rayons gamma du radium, de nature ondulatoire comme les rayons X, mais beaucoup plus pénétrants. En outre, le médium polonais et Eusapia Paladino déchargeaient des électroscopes à distance, produisant ainsi le même effet que l’émanation du radium, et probablement pour la même raison : l’ionisation de l’air, si l’on tient compte des résultats des travaux de Müller sur l’« anthropoflux R. » (voir chapitre VII). De plus, les fluorescences observées dans les séances « médiumniques » ont une luminosité semblable à celle du radium, ou aussi à celle des décharges électriques dans un tube à vide, comme Crookes l’a constaté.
Ces faits suggèrent l’idée que la « force psychique » est constituée par des éléments matériels dissociés ; dans certains cas, il s’agirait de dissociation moléculaire, dans d’autres, de dissociation atomique. Ces éléments matériels proviendraient de l’organisme du médium et, en partie, de celui des assistants, comme on s’accorde généralement à le reconnaître.
Le docteur Osty pensait que le muscle en travail excessif, grand libérateur de matière, est parfaitement capable d’être le fournisseur de l’énergie que le psychisme, en fonctionnement paranormal, sait mettre à profit et il faisait observer que les sujets célèbres, Eusapia Paladin, Gusik et Kluski, chez lesquels la surexcitation neuro-musculaire était manifeste, ont peut-être été des hyperpnéiques inapparents.
En tous cas, c’est avec raison qu’Osty. a rappelé « qu’une parcelle infime de matière dont les éléments atomiques seraient en un instant désagrégés mettrait à la disposition d’un sujet une énergie capable d’effets mécaniques considérables » (131, p. 105, note 1) .
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Influence du Psychisme sur l’énergie médiumnique
S’il est possible d’établir quelques relations entre la « force psychique » et l’électro-magnétisme, la radioactivité et la matière plus ou moins profondément dissociée, il y a une de ces propriétés qui dans l’état actuel de nos connaissances, la caractérise exclusivement : c’est sa subordination à la pensée, consciente ou subconsciente.
Le docteur Osty a souligné la correspondance exacte et constante qui existait entre les annonces de Rudi (ou d’« Olga ») : « la force va sur la table, dans tel ou tel faisceau, etc. » et les phénomènes enregistrés. Le mouchoir noué en nœud de cravate est un autre exemple de ce que le docteur Osty appelle « la commande mentale des actions de la substance invisible ».
Le docteur Ochorowicz a fait des constatations semblables avec Mlle Tomczyk ; celle-ci pouvait faire dévier l’aiguille d’un galvanomètre ordinaire de 20 à 50o. Or, le phénomène était sous la dépendance de la pensée du sujet. Les connexions ayant été changées au moyen d’un commutateur invisible, l’aiguille dévia dans le même sens, parce que le sujet ignorait cette intervention. Réciproquement, on lui suggéra qu’on changeait les connexions, sans le faire réellement, et on obtint la déviation en sens contraire (74).
Dans les séances de l’Institut Général Psychologique, à Paris, Eusapia demandait que l’on fasse devant elle trois étincelles avec la machine électrique, puis les imitait ensuite : on entendait même le bruit sec qui les accompagne en réalité (séance du 10 octobre 1907). De ces faits et de beaucoup d’autres se dégage la conclusion que la forme d’énergie mise en œuvre dans les phénomènes médiumniques est sous la dépendance du psychisme, conclusion qui se précisera davantage encore avec l’étude « des créations matérialisées » de la pensée » (chapitre IX).
La « Psychokinésie »
Le professeur Rhine, déjà connu pour ses travaux, à l’aide de la méthode statistique, dans le domaine de la Perception Extra-sensorielle, ayant entendu dire par un joueur de dés que la volonté pouvait influencer leur chute, entreprit des expériences avec la même méthode statistique. Il poursuivit pendant 10 ans ses recherches et ne commença à en parler qu’en 1943. En 1946, il y avait confirmation des résultats ; autrement dit, le désir de faire tomber un ou plusieurs dés sur une face déterminée a une influence, très faible, qui est révélée par l’analyse des statistiques.
Au début, les dés étaient jetés à la main, avec des cornets, actuellement, ce sont des machines électriques qui opèrent, et les dés sont contrariés dans leur chute par des petites marches d’escalier. Les « agents » sont évidemment placés à courte distance (135). Ces expériences ont été répétées avec succès par d’autres expérimentateurs.
Une constatation statistique, constante, que les dés soient jetés à la main ou à la machine, et quel que soit l’expérimentateur, fut considérée comme décisive par le professeur Rhine : chaque série d’essais accusait une baisse de rendement, ne pouvant être attribuée ni au hasard, ni à la fatigue physique. La permanence de la baisse de rendement « montre que l’esprit du sujet dirige le mouvement des dés. Nous étions sûrs d’avoir mis en évidence la psychokinésie ».
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Le successeur de J.-B. Rhine à la direction de l’Institut de Parapsychologie de la Duke University est Helmut Schmidt, un physicien qui fut antérieurement employé par les laboratoires de la Compagnie Boeing, a remplacé le jeter des dés à la machine par un procédé beaucoup plus complexe. Il s’agissait d’influencer des événements au niveau nucléaire par un effort volontaire. Les résultats furent tels que l’impression sur les milieux scientifiques américains fut encore plus importante que celle produite pas les travaux du professeur Rhine.
Cependant, une ambiguïté subsiste, comme dans d’autres expériences quantitatives : s’agit-il de précognition ou de psychokinésie : le sujet prévoit-il l’événement infra-atomique imprévisible ou provoque-t-il cet événement ?
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La psychokinésie semblerait signifier que la faculté d’extériorisation d’un dynamisme subordonné à la pensée et à la volonté, qui caractérise les grands médiums à effets télékinésiques, existe à un degré très faible, mais d’une manière plus générale, chez un grand nombre d’individus.
Il est légitime d’affirmer dès maintenant que la Pensée est une force, qu’elle n’est ni un accident dans l’univers, ni un « épiphénomène », mais au contraire un élément dynamique, produit supérieur de l’évolution, agissant sur la matière et dont l’importance dans l’Homme et dans la Nature ne doit pas être méconnue plus longtemps.
Action du « facteur psi » sur les êtres vivants
Le docteur Paul Vasse et Mme Vasse ont appliqué les méthodes statistiques de Rhine pour l’étude de l’effet psychokinétique, non pas sur la chute d’objets inanimés, mais sur la germination des végétaux.
Cinq lots de graines étant constitués, l’une des plantations servant de témoin, les quatre autres sont soumises, deux à deux, à l’action mentale des expérimentateurs : à l’une, des pensées flatteuses et encourageantes, à l’autre, des pensées négatives : « Vous n’êtes pas belles, vous ne pousserez pas, etc. »
Les résultats ont mis en évidence l’influence d’un « facteur psi », d’une énergie subordonnée à la volonté, bref à l’influence de la pensée (135 bis).
Le professeur J.-B. Rhine a proposé une méthode expérimentale rigoureuse pour des expériences de ce genre : il s’agit de planter deux grains de blé dans chacun d’une série de trous, et de tirer au sort, pour chaque trou, le côté qui sera « favorisé » ou « défavorise ».
En Grande-Bretagne, le docteur Richard da Silva a obtenu des résultats positifs en agissant sur des bacilles de la typhoïde, et le docteur J. Barry, de Bordeaux (136), a entrepris avec succès des expériences semblables sur des cultures de fèves et de champignons : elles ont confirmé une action soit d’inhibition, soit d’accélération.
L’importance de telles recherches est considérable : il est évident qu’elles jettent un four nouveau sur une foule de problèmes, ne serait-ce que l’effet du moral sur l’état d’un malade, sur la vitesse de cicatrisation sur un opéré ou un blessé, car chacune de nos cellules, petit être vivant doué d’un un psychisme rudimentaire, est sensible aux suggestions positives ou négatives.
C’est la clé de la méthode Coué, si longtemps traitée par le mépris, et de toute la médecine psycho-somatique.
Et les notions de « magnétisme personnel », de « rayonnement individuel » sur l’entourage, prennent un sens beaucoup plus concret.