Un ancien argument en faveur de l’âme

La croyance en l’immortalité de l’esprit ou de l’âme humaine est l’une des plus anciennes et des plus persistantes croyances humaines. Il est intéressant de noter que Kurt Gödel (1906–1978), le mathématicien qui provoqua à lui seul la ruine d’une importante école matérialiste de philosophie (le positivisme logique), écrivit une série de lettres à sa mère, lui expliquant patiemment pourquoi il croyait que l’âme humaine était immortelle.

Augustin (354–430 apr. J.-C.) était un penseur chrétien qui vécut en Afrique du Nord durant les derniers jours de l’Empire romain. L’Encyclopædia Britannica le décrit comme « peut-être le plus important penseur chrétien après saint Paul », parce qu’il adapta l’œuvre des philosophes classiques, principalement Platon (v. 427–348, av. J.-C.), à l’enseignement chrétien.

C’était une époque de nombreuses controverses religieuses et Augustin — un converti devenu prêtre puis évêque — aborda beaucoup de ces disputes dans ses livres et ses lettres.

Une âme sans corps ?

Une question qui se posa fut de savoir si l’âme humaine pouvait être immortelle, comme la plupart des gens le croyaient. Comment quelque chose comme un esprit humain pouvait-il fonctionner sans corps ? Un médecin chrétien de Carthage exprima de tels doutes, et Augustin rapporte, dans une lettre envoyée à un confrère prêtre, comment ils furent dissipés :

À Évode, mon seigneur très béni, mon vénérable et bien-aimé frère et compagnon dans le ministère sacerdotal, et aux frères qui sont avec lui, Augustin et les frères qui sont avec lui envoient leur salut dans le Seigneur.

Vous connaissez notre frère Gennade, médecin, connu de presque tous, et qui nous est très cher, vivant maintenant à Carthage, et qui, dans d’autres années, fut éminent comme praticien à Rome.

Vous le connaissez comme un homme de caractère religieux et de très grande bienveillance, activement compatissant et promptement libéral dans ses soins envers les pauvres.

Néanmoins, lui aussi, alors qu’il était encore jeune homme et très zélé dans ces actes charitables, eut parfois, comme il me le raconta lui-même, des doutes quant à l’existence d’une vie après la mort.

Puisque donc Dieu ne voulait en aucune manière abandonner un homme d’une disposition et d’une conduite si miséricordieuses, il lui apparut en songe un jeune homme d’une apparence remarquable et d’une présence imposante, qui lui dit : Suis-moi.

L’ayant suivi, il arriva dans une ville où il commença à entendre, sur sa droite, des sons d’une mélodie si exquise qu’elle surpassait tout ce qu’il avait jamais entendu. Lorsqu’il demanda ce que c’était, son guide répondit : C’est l’hymne des bienheureux et des saints. Ce qu’il rapporta avoir vu sur sa gauche m’échappe. Il s’éveilla ; le songe disparut, et il le considéra comme un simple rêve.

La nuit suivante cependant, le même jeune homme apparut à Gennade et lui demanda s’il le reconnaissait, à quoi il répondit qu’il le connaissait bien, sans la moindre incertitude.

Alors, il lui demanda où il l’avait connu. Là encore, sa mémoire lui fit défaut, non quant à la réponse convenable : il raconta toute la vision, et les hymnes des saints qu’il avait été conduit à entendre sous sa direction, avec toute la promptitude naturelle au souvenir d’une expérience toute récente.

Là-dessus, le jeune homme lui demanda si c’était en songe ou à l’état de veille qu’il avait vu ce qu’il venait de raconter. Gennade répondit : En songe.

Le jeune homme dit alors : Tu t’en souviens bien ; il est vrai que tu as vu ces choses en songe, mais je veux que tu saches que, même maintenant tu es en songe.

En entendant cela, Gennade fut persuadé de sa vérité, et, dans sa réponse, déclara qu’il le croyait.

Alors, son maître poursuivit en disant : Où est ton corps maintenant ? Il répondit : Dans mon lit.

Sais-tu, dit le jeune homme, que les yeux de ce corps qui est le tien sont maintenant liés, fermés et au repos, et qu’avec ces yeux tu ne vois rien ? Il répondit : Je le sais. — Quels sont donc, dit le jeune homme, les yeux avec lesquels tu me vois ?

Incapable de découvrir ce qu’il devait répondre, il se tut.

Tandis qu’il hésitait, le jeune homme lui expliqua aussitôt ce qu’il voulait lui enseigner par ces questions, et dit : De même que, pendant que tu dors et que tu es couché sur ton lit, les yeux de ton corps sont maintenant inutilisés et ne font rien, et que pourtant tu as des yeux avec lesquels tu me contemples et jouis de cette vision, ainsi, après ta mort, tandis que tes yeux corporels seront totalement inactifs, il y aura en toi une vie par laquelle tu continueras à vivre, et une faculté de perception par laquelle tu continueras à percevoir. Garde-toi donc désormais de nourrir des doutes quant à la continuation de la vie humaine après la mort.

Ce croyant dit que, par ce moyen, tout doute sur ce sujet fut ôté de lui. Par qui fut-il ainsi enseigné, sinon par la miséricordieuse et providentielle sollicitude de Dieu ?

Philosophie classique — et moderne

Les philosophes classiques comme Platon et Aristote (384–322 av. J.-C.) n’étaient pas, bien sûr, chrétiens. Mais nous pouvons voir comment leur approche de la pensée — une série de questions — influence le songe visionnaire de Gennade.

La croyance en l’immortalité de l’esprit ou de l’âme humaine est l’une des plus anciennes et des plus persistantes croyances humaines. Il est intéressant de noter que Kurt Gödel (1906–1978), le mathématicien qui provoqua à lui seul la ruine d’une importante école matérialiste de philosophie (le positivisme logique), écrivit une série de lettres à sa mère, lui expliquant patiemment pourquoi il croyait que l’âme humaine était immortelle.

Les gens parviennent à cette intuition de façons étonnamment diverses. Vous voudrez peut-être consulter le nouveau livre The Immortal Mind (Worthy, 3 juin 2025) de Michael Egnor et Denyse O’Leary, pour un point de vue venu des neurosciences.

Texte original publié le 20 juillet 2025 : https://scienceandculture.com/2025/07/an-ancient-argument-for-the-soul/