Vimala Thakar
Vacuité et impersonnalité

Traduction libre Ceux d’entre vous qui ont accompagnés l’orateur à travers les phases d’organisation du sensuel et du verbal en un rythme d’action et de relaxation ; ceux qui m’ont accompagné à travers la phase d’observation en tant que mouvement de la conscience du « je », jusqu’au point que nous avions atteint, à savoir l’observation sans l’observateur, […]

Traduction libre

Ceux d’entre vous qui ont accompagnés l’orateur à travers les phases d’organisation du sensuel et du verbal en un rythme d’action et de relaxation ; ceux qui m’ont accompagné à travers la phase d’observation en tant que mouvement de la conscience du « je », jusqu’au point que nous avions atteint, à savoir l’observation sans l’observateur, c’est-à-dire sans le mouvement de la conscience du « je », remarqueront que le mouvement de la conscience du « je », en tant que mouvement dans le temps et l’espace, prend fin avec la croissance dans la dimension de l’observation. Il reste le mouvement de la perception sans celui qui perçoit, de l’observation sans celui qui observe. C’est un mouvement horizontal et vertical de l’énergie du Silence sans direction particulière. Nous avons atteint le point du Silence non pas en termes spéculatifs, mais comme un fait de vie.

Ainsi, dans l’état d’observation, il y a un vide, il y a un néant au sein de la conscience. Le vide implique qu’il n’y a pas de contenu. Il n’y a rien comme le contenant et son contenu. Au niveau psychophysique, c’est le cerveau, ainsi que tout le système neurologique du corps, qui contiennent l’énergie. Le corps, le cerveau, les cellules du cerveau, le système neurologique, le système chimique, le plasma, tous contiennent l’énergie appelée conscience qui a été conditionnée pendant des millions d’années. Et, avec la fin du mouvement de cette énergie conditionnée, le mouvement de la structure de la pensée, contrôlé par le concept du « je », du « moi », il y a un vide pur et simple. Il n’y a ni contenu ni contenant. Même la distinction entre le contenant et le contenu prend fin.

Il est très important de saisir l’implication de ce qui est dit, car nous arrivons à un point très crucial.

La science de la physique vous dit que le monde a été créé à partir du néant. Ils parlent de la matière comme d’une simple énergie solidifiée. L’énergie solidifiée s’appelle la matière, qui est perceptible par les yeux, touchable par les sens, etc. Mais ce que nous touchons est peut-être une centième partie de cette matière. Parce qu’on dit que ce que vous appelez matière est entouré de matière fantôme. Le langage de la physique devient comme celui de la métaphysique. La distinction entre les deux a presque fondu. Ils disent que c’est une matière fantôme, qui a une force non gravitationnelle. La matière qui est de l’énergie solidifiée a une force gravitationnelle et c’est ainsi que les choses semblent être maintenues en ordre, dans l’orbite de la terre. Mais ce que nous voyons comme le monde, et ce que nous voyons comme la matière n’est qu’un fragment de la Réalité. Cette matière fantôme a une force non gravitationnelle et est infiniment plus que ce qui est vu par les sens. Ce que nous appelons notre terre solide ou notre matière n’est même pas un centième de la réalité essentielle qui est le néant, qui est l’espace, qui est un champ chargé du vide. Les champs du vide chargés d’énergie ne sont pas des énergies magnétiques — pas les énergies que nous connaissons.

Le néant est la substance à partir de laquelle le monde est créé. Le néant est la source et la substance du monde dans lequel nous vivons. Nous vivons à une époque où la perception même du monde et de la vie change rapidement.

Dans l’espace du silence, dans le vide du silence, le néant, la substance de la Réalité est pour ainsi dire mis en évidence. Vous vous êtes éloignés des choses, de l’idée d’objets, des concepts, des mesures, vous vous êtes éloignés du monde créé artificiellement.

Le monde que nous avons créé est une super structure, greffée sur la Réalité du néant. La poésie de la Réalité me fait pleurer. Nous l’appelons vide, nous l’appelons néant parce que nous n’avons pas d’autres mots. L’idée de « choséité », d’objectivité, est une création de l’esprit humain. Et le silence est la liberté de cette superstructure greffée.

Le mouvement de recherche se termine au moment où l’on se trouve dans l’état de silence. La question est : « Vit-on dans ce silence ? ». L’idée que je suis quelqu’un, que j’enquête, que ce sont les résultats de mon enquête… est-ce que tout cela disparaît ou est-ce que l’on veut se cacher dans un coin de ce silence, et regarder ce qui se passe ? Mes amis, il est extrêmement difficile de vivre dans la dimension du Silence sans l’expérimentateur, sans l’observateur, tout au long de la journée. Ne pas s’asseoir dans une pièce juste pour une heure, mais faire de ce vide votre propre demeure, pour ainsi dire. Vivre, comme si, la vie n’a pas de but, pas de direction. S’il vous plaît, voyez ceci. Le mouvement de recherche a créé l’apparence d’un but pour lequel la vie valait la peine d’être vécue. Maintenant, il n’y a pas de direction à l’enquête, il n’y a pas de but. Vous ne remplissez pas le néant de la vie avec vos objectifs, vos motivations et vos buts. C’est vivre sans direction ni but, même celui d’être spirituel ou religieux. C’est répondre aux besoins de la vie avec attention, répondre sur le plan physique, sur le plan sensuel, utiliser l’entrepôt de connaissances et la mémoire partout et à chaque fois que c’est nécessaire, mais autrement ou même en les utilisant, on ne s’éloigne pas d’un millième de pouce de ce néant.

Vous n’êtes rien et vous n’êtes personne. Vous n’avez aucune image de vous-même. Après tout, lorsque vous dites que vous avez l’impression d’être quelqu’un, vous avez des images de vous-même. Si vous n’avez pas d’image de vous-même, êtes-vous donc quelqu’un ? Physiquement oui, mais sinon, psychologiquement, êtes-vous quelqu’un ?

Vous avez l’impression d’être quelqu’un, tant que vous avez une image de vous-même. Dans le silence, il n’y a aucun mouvement de ces images, donc vous êtes rien ni personne. Se déplacer dans le monde sans aucune image de soi est l’essence de l’innocence. C’est ce que l’on veut dire quand on demande : « Pouvez-vous fonctionner dans la vie, en vivant dans cette dimension de silence ? » En vivant dans ce vide, vous entrez en relation en utilisant les structures, les schémas chaque fois que cela est nécessaire. Et pourtant, où êtes-vous ? Vous êtes le néant, vous n’êtes personne (nobodyness).

Ce que je voudrais partager, c’est le mouvement du silence dans les relations. Le mouvement du silence comme néant et absence de la personne (nobodyness) dans toutes les relations. J’appelle cela la religion. C’est la révolution intérieure. Débarrassé des pensées, des souvenirs et des expériences, c’est le mouvement du silence. La pensée n’est pas détruite, les conditionnements ne sont pas détruits. Mais leur mouvement prend fin. Il se retire. Ils l’appellent humilité, ils l’appellent absence d’égoïsme. C’est une dimension et non l’acquisition d’une personne. C’est une indication de la croissance intérieure, de la maturité intérieure.

Quand il y a la dimension de l’observation sans l’observateur, c’est-à-dire la dimension du silence, on est réduit à la réalité du néant et à l’absence de la personne. Ainsi, le néant à l’intérieur du corps humain, et la conscience et le néant à l’extérieur du corps se mêlent l’un à l’autre.

Avec la fin du mouvement de recherche, il ne reste que la sensibilité et la vigilance. Si une transformation doit avoir lieu, elle peut avoir lieu dans cette maturité — la maturité du néant — de l’idée de quelque chose et de quelqu’un. Si une transformation radicale doit avoir lieu, il semble qu’il soit possible qu’elle ait lieu là, dans le néant de votre conscience. Toute préférence, addiction, identification au particulier est un terreau fertile de misère et de souffrance. Avec la disparition de l’identification au particulier, de la dépendance au particulier, que reste-t-il ? Si l’identification à tous les particuliers disparaît complètement, que reste-t-il ? La totalité, seule la totalité demeure. Ainsi, la particularité de cet individu disparaît complètement, sauf dans le corps, sauf dans la forme. Le contenu n’est pas particulier. C’est un tout. Ainsi, sous la forme d’un être humain, c’est la totalité et les relations sont un mouvement de la totalité. C’est pourquoi vous appelez ces personnes des « saintes ».

Il me semble que le défi qui attend le chercheur, dans les coulisses pour ainsi dire, est le défi de la volonté de se convertir au néant et à être personne — psychologiquement.

Il n’y a pas d’autre obstacle pour le chercheur, même pour qu’une transformation se produise, que l’hésitation, le refus d’abandonner l’activité de création d’images. Il doit y avoir la volonté de permettre à l’absence de personne de se produire comme un fait. Cela doit se produire à l’intérieur de vous. Ainsi, votre présence même devient non affirmative. Chaque fois que vous parlez, il n’y a que de la communication et aucune affirmation, aucune agression, aucune insistance. Toute insistance est une violence. Ainsi, la présence de cet être est comme la présence d’une belle fleur. La fleur ne dit pas : « Venez voir ma beauté et sentir mon parfum ». Elle ne dit pas cela. Elle s’écoule, sans s’affirmer, comme la nature. Un tel être humain grandit dans la maturité du vide intérieur. Vivre ce vide devient aussi beau, aussi sacré que les eaux d’une rivière ou les gouttes de pluie de la mousson.

Le défi consiste à vivre avec le vide et à laisser le vide se déplacer en vous et à travers vous. La vacuité n’est pas une abstraction. C’est l’absence d’identification. C’est l’absence du processus de devenir. C’est l’absence du processus de connaissance et d’expérience. C’est la vacuité.

La religion est la fin de toute fragmentation. La religion est la fin de l’obsession des particuliers et de leur particularité, de sorte que ce qui reste n’est que la totalité qui est le néant et donc tout.