Pourquoi ai-je cessé de suivre la voie des autres
Seuls, ensemble
J’ai un Golden Doodle super mignon qui s’appelle Coby. Comme la plupart des membres de sa race, il fait un nombre limité de choses d’une manière espiègle et turbulente, mais adorable. Parfois, je le fixe du regard et j’essaie de scruter ce qui peut bien traverser son petit esprit poilu. Il semble m’aimer ; il adore manger, c’est certain, et lorsqu’il est privé d’attention trop longtemps, il se met à gémir comme s’il était très triste. Néanmoins, je pense que la conscience de Coby est, en fin de compte, impénétrable. Je ne peux pas savoir ce qu’il « pense » et ressent ni ce que ces sentiments signifient pour lui. Il est dans son monde et moi dans le mien. Nous sommes seuls, ensemble.
Cette disjonction fondamentale est présente aussi dans les relations humaines. Comme Coby, les personnes que j’aime semblent proches et pourtant inconnaissables, leurs mondes intérieurs restant hors d’atteinte. Il existe un domaine des sciences cognitives appelé science affective, qui traite du lien entre les réponses physiques (comme grimacer ou rire) et leurs états mentaux supposés sous-jacents. Mais à quel point ce lien est-il fiable ? Combien de sourires paraissent parfaitement sincères, mais ne sont en réalité qu’une tromperie pratiquée ? Au bout du compte, nous ne faisons qu’émettre des hypothèses sur les mondes intérieurs des autres. Il est tentant d’associer l’éclat dans l’œil de votre partenaire à une émotion que vous ressentez et que vous supposez semblable. Est-ce cela qu’on appelle l’amour ? Si oui, pourquoi les amoureux paraissent-ils en général si incertains à ce sujet ? Considérons quelques exemples dans des chansons populaires :
What is this thing called love? Qu’est-ce que cette chose qu’on appelle l’amour ?
Is this love that I’m feeling? Est-ce de l’amour que je ressens ?
Is this really love or just a game? Est-ce vraiment de l’amour ou juste un jeu ?
En fin de compte, nous n’avons aucune idée de ce que vit une autre personne. Nous faisons simplement des suppositions basées sur certains indices physiologiques qui peuvent être corrects ou non. Naturellement, nous désirons une confirmation, et cela peut être exaspérant quand nous n’arrivons pas à l’obtenir. Évidemment, on peut se sentir très proche des gens, mais au niveau ultime, on est seul. Puisque nous ne pouvons pas vraiment savoir ce que les autres éprouvent (y compris les enseignants), comment faire confiance au fait que leurs voies conviennent à nos mondes intérieurs fondamentalement inconnaissables ? Cette solitude fondamentale, qu’elle soit avec les animaux ou avec les gens, n’est pas seulement philosophique ; elle révèle une vérité plus profonde : nous devons, en fin de compte, tracer nos propres voies pour trouver du sens.
La libération de l’abandon
Il y a quelques années, j’ai participé à un forum d’apprentissage en ligne. C’était assez rigoureux et, pour dire vrai, j’avais du mal à suivre. J’ai traversé une série d’états émotionnels et j’ai fini dans une sorte de désespoir toxique. Voyant cela, mon épouse m’a suggéré d’abandonner le programme et de créer le mien à la place. Ses simples mots m’ont frappé comme étant profonds et profondément libérateurs. « Oui, cette voie n’est pas pour moi ! Je n’ai pas d’autre choix que de tracer le mien — une voie qui corresponde uniquement à ce que je suis et à ce dont j’ai besoin ». Beaucoup d’entre nous se sont sentis prisonniers d’une voie qui ne convenait pas, pour réaliser plus tard que nous pouvons, et devons, en effet, choisir la nôtre.
Cette prise de conscience — que moi seul pouvais connaître ma véritable voie — fait écho aux anciens enseignements spirituels qui célèbrent les parcours solitaires. Et c’est là le point : pour satisfaire le besoin existentiel que nous ressentons tous (ou du moins je suppose que vous le ressentez), on peut être conseillé, guidé, poussé, exhorté ou supplié d’aller dans une direction particulière. Cette direction peut être utile ou non ; seul chacun de nous peut savoir si elle l’est vraiment.
Anciennes voies de solitude
La plupart des traditions de sagesse reconnaissent une étape d’indépendance et de solitude ultime. La Mishna, par exemple, traite des limites de l’enseignement des connaissances ésotériques ; un maître ne peut que suggérer ou évoquer indirectement les idées une fois que l’élève a atteint un niveau de compréhension indépendante.
La voie taoïste pour devenir un avec le Tao met l’accent sur le raffinement individuel par des pratiques comme la méditation. Bien que des maîtres puissent transmettre des enseignements, l’alignement final avec le Tao est une fusion personnelle, sans guide, avec le flux naturel. Comme l’accent taoïste sur le raffinement individuel, le conseil de ma femme, de tracer ma propre voie m’a semblé un appel à m’aligner avec mon propre flux naturel.
Dans l’Advaita Vedanta, la réalisation du Moksha (libération) ou de la Réalisation du Soi est une reconnaissance individuelle de son unité avec Brahman. Les gourous peuvent fournir des conseils, mais la compréhension finale (jnana) est un processus interne et solitaire.
Naviguer vers l’ineffable
Lorsque j’étais en sixième, j’ai été captivé par les Chroniques de Narnia de C.S. Lewis. J’ai récemment revisité L’Odyssée du Passeur d’Aurore, où Ripitchip (une brave souris parlante) quitte ses compagnons de bord et part seul dans un minuscule coracle vers le Pays d’Aslan — à la recherche de l’ineffable. Son voyage m’a frappé comme un parfait reflet de mon propre moment de clarté quand j’ai abandonné une voie qui n’était pas la mienne. La quête solitaire de Ripitchip, portée par un désir de quelque chose de plus grand, incarne le courage qu’il faut pour suivre sa propre voie.
Comme lui, nous ne saurons peut-être jamais pleinement ce qui nous attend — qu’il s’agisse du monde intérieur d’un être aimé ou du sens de notre propre existence — mais l’acte, de choisir notre voie, seuls, mais résolus, est ce qui nous libère. En fin de compte, peut-être que nos liens les plus profonds ne viennent pas du fait de connaître complètement les autres, mais du courage partagé de rester authentiquement nous-mêmes — seuls, ensemble, chacun sur sa propre voie nécessaire.
Texte original publié le 9 septembre 2025 : https://www.feedyourhead.blog/p/you-can-go-your-own-way