Anne Houpert
Yoga : discipline et bien-être

Le mot Yoga vient de la racine sanskrite YUJ, signifiant « atteler ensemble, joindre, unir ». En mathématiques, il prend le sens d’addition. Union de l’être humain avec lui-même, union de notre conscience habituelle avec les états les plus élevés qui lui soient accessibles. En d’autres termes, l’homme se situe à mi-chemin entre le ciel et la terre, il appartient à lui seul de se réaliser pleinement dans sa double nature, physique ou corporelle (matière) et consciente (esprit). L’unité, l’harmonie de ces deux natures est un état : l’état de Yoga. Un tel point de vue n’a de valeur réelle que s’il est directement applicable.

(Millésime 1984)

Le Yoga : il plonge ses racines dans l’Antiquité la plus reculée d’Orient et gagne en même temps les cercles les plus évolués du monde occidental. Il s’agit là d’un phénomène international qui touche toutes les catégories sociales, sans distinction de race ou d’âge.

Cette discipline vieille de plus de quatre mille ans, se répand à travers toute l’Europe : France, Allemagne, Angleterre, Grèce, Espagne, Portugal, Italie, Suisse, Belgique, Suède, Finlande.

Dans l’Inde d’aujourd’hui, son pays d’origine, les grands Maîtres du Yoga se comptent sur les doigts d’une main, alors que de nombreux Professeurs exercent aux Etats-Unis, en U.R.S.S., Australie, Chine, Japon, Malaisie, Brésil, Sénégal. Pratiquement inconnu du grand public voici une quinzaine d’années, il connaît aujourd’hui en France une progression quasi explosive. Le nombre de salles et centres d’entraînement, celui des Professeurs et adeptes se multiplie. Le Yoga fait désormais partie de notre information courante : tous les médias lui consacrent une place de plus en plus importante.

Il n’y a pas de doute, hors de tout engouement ou snobisme, en dépit de certaines contrefaçons, il est possible d’affirmer, à l’heure actuelle, que le Yoga a largement fait ses preuves. Mais pourquoi s’impose-t-il avec tant de force à l’Occident ?

Cette popularité soudaine trouve sa réponse dans le génie du Yoga. Il considère l’homme dans sa globalité, s’adresse à l’être profond. A une époque où les hommes et les femmes viennent au Yoga pour se retrouver à travers leur corps, beaucoup y découvrent un nouvel art de vivre, une nouvelle manière d’exister. Avec sa très ancienne tradition, le Yoga fait partie et peut être un élément essentiel du mouvement d’évolution de la société d’aujourd’hui.

UN LOINTAIN PASSE

Les voies qui permettent d’accéder à la Connaissance sont exprimées en Inde dans des textes à caractère métaphysique répartis en Six Grands Systèmes que l’on nomme « Darshana », point de vue, car ils prétendent tous exposer la même doctrine, la même vérité, mais en se plaçant chacun dans une optique différente. Le Yoga est l’un de ces « Darshana ».

L’antiquité du Yoga n’est pas contestable. Ses origines se perdent dans la nuit des temps. On en trouve les premières traces dans les livres sacrés des Hindous, constitués par les Upanishads : enseignements oraux, initiatiques, transmis de Maître à disciples et rédigés seulement vers le VIIIe siècle avant J.-C. Les Upanishads font partie d’un ensemble de textes : les Veda. Par la suite, les nombreux textes relatifs au Yoga ont tous été composés à des dates reculées. Parmi ceux-ci :

La Bhagavad-Gîta, poème épique rédigé 300 ou 400 ans avant J.-C., manuel par excellence du Karma-Yoga, Yoga de l’action.

La Philosophie Sâmkhya, rédigée en Sanskrit [1] aux premiers siècles de notre ère.

Les textes tantriques, VIe-VIIe siècles après J.-C., dans lesquels, sous couvert de nombreux symboles, il est question des énergies contenues en l’homme et dans l’univers. C’est le Kundalini-Yoga.

Le traité technique de Hatha-Yoga ou « Hatha Yoga Pradîpikâ » daté du XVe siècle. L’ouvrage condense et éclaire la très ancienne tradition du Hatha-Yoga. Ce dernier constitue la préparation nécessaire au Raja-Yoga.

C’est Patanjali qui le premier rédige et classe les pratiques yogiques existant de son temps, dans un exposé complet, les « yoga-Sutra » ou « Aphorismes du Yoga », à une date qui varie entre le 1er siècle avant et le IVe siècle après notre ère. Traité fondamental de Raja-Yoga ou Yoga Royal, véritable aide-mémoire pour tous les étudiants de Yoga, il a suscité par la suite de nombreux commentaires [2].

Le Yoga couramment pratiqué en Occident, fonde son enseignement sur le Raja-Yoga de Patanjali et sur les textes tantriques.

LE YOGA N’EST PAS UNE RELIGION

Certes, il nous met en contact avec la spiritualité d’un peuple dont l’influence continue d’agir sur près d’un milliard d’êtres humains mais il s’est développé en Inde d’une manière tout à fait autonome.

Son évolution s’est toujours produite parallèlement et en marge des grands courants religieux, comme le bouddhisme et l’hindouisme. Pour nous, occidentaux, il n’est pas nécessaire de renoncer à notre propre culture, notre religion, ou de croire à la transmigration de l’âme pour pratiquer un Yoga.

Profondément religieuse, l’Inde n’a cependant jamais divisé clairement matière et esprit. Toutes les techniques de Yoga ont la même finalité : unir la nature de l’homme à la nature divine. Chaque technique contient à la fois le but et les moyens d’y parvenir.

L’ETAT DE YOGA

Le mot Yoga vient de la racine sanskrite YUJ, signifiant « atteler ensemble, joindre, unir ». En mathématiques, il prend le sens d’addition. Union de l’être humain avec lui-même, union de notre conscience habituelle avec les états les plus élevés qui lui soient accessibles. En d’autres termes, l’homme se situe à mi-chemin entre le ciel et la terre, il appartient à lui seul de se réaliser pleinement dans sa double nature, physique ou corporelle (matière) et consciente (esprit). L’unité, l’harmonie de ces deux natures est un état : l’état de Yoga. Un tel point de vue n’a de valeur réelle que s’il est directement applicable.

L’une des caractéristiques de l’attitude orientale est de considérer que l’expérience prime la pensée. Chaque point de vue métaphysique engendre donc une pratique qui met en application la compréhension des concepts contenus dans ce point de vue. L’une de ces techniques connaît particulièrement un succès toujours grandissant en Occident.

Premier sur l’échelle des différents Yoga, il est la base de tous. Cohérent, d’une précision extrême, il prend comme point d’appui le corps humain : c’est le Hatha-Yoga.

Le fait que le support du Hatha-Yoga soit le corps humain, lui donne un caractère universel qui séduit les Occidentaux, d’autant plus que c’est une étude originale, dans la mesure où il n’y a pas, apparemment, dans la tradition occidentale, l’équivalent aujourd’hui, d’une telle discipline centrée sur le corps.

UNE SCIENCE DE L’ETRE HUMAIN

Le but immédiat du Hatha-Yoga est de rétablir ou de maintenir un état de santé, d’équilibrer l’énergie vitale polarisée (Ha = énergie vitale solaire positive, qui commande toutes les fonctions physiques et vitales, tha = énergie vitale lunaire négative qui régit toutes fonctions mentales et psychiques) qui sous-tend notre corps et l’anime, de développer la concentration et la volonté, pour un meilleur épanouissement de toutes nos potentialités. Une meilleure connaissance de soi permet l’ouverture à tous les aspects de la vie.

C’est une discipline d’ordre somato-psychique qui offre à l’être humain d’harmoniser les différents niveaux de sa personnalité, depuis le corps dans sa fonction la plus grossière, jusqu’au psychisme dans sa fonction la plus subtile. Sa grande force est alors de prendre un individu en l’état, et à partir de là, par sa propre prise en charge, de lui faire découvrir son intégrité.

UN BON EQUILIBRE PSYCHO-PHYSIQUE

Un grand maître de Yoga, Vivekananda, disait : « Notre corps est la barque qui nous emmène sur l’autre côté de la rive, il faut en prendre soin ». Le Hatha-Yoga n’est pas une thérapeutique bien que dans certaines circonstances il puisse également jouer ce rôle. Simplement, par le jeu d’exercices admirablement combinés, il amène peu à peu l’état de parfait équilibre, physique, nerveux, mental et émotionnel qui conduit à « la paix de l’âme ».

Seul, le développement musculaire du corps n’entraîne pas nécessairement la santé comme one pense généralement, car la santé est un état où tous les organes fonctionnent parfaitement et ce, sous le contrôle intelligent du mental. Les exercices de Hatha-Yoga ne développent pas seulement le corps mais élargissent aussi les facultés mentales.

Le Hatha-Yoga est plus qu’une gymnastique intelligente car il insiste toujours sur l’interdépendance corps-psychisme. Selon le type d’attention, sont impliquées différentes zones du corps. Les postures ne sont pas des exercices divers mais diverses attitudes. Quelque soit le rythme de leur succession, lent ou dynamique, l’attention doit rester constante. Les postures développent simultanément : force, équilibre, souplesse, favorisent la respiration, la faculté d’attention et de concentration.

LES MOYENS D’ACTION DU HATHA-YOGA

Les asana ou postures, elles ont une action bénéfique sur les muscles, articulations, organes, glandes et sur la vascularisation.

Les respirations contrôlées ou Pranayama ont un effet direct sur tout le système cardio-respiratoire, nerveux et sur la bonne circulation énergétique. Pranayama se décompose en prana = énergie et ayama = contrôle. Notre corps est une véritable centrale électrique avec ses transformateurs d’énergie (Chakras) et ses lignes de forces ou canaux (Nadis) au long desquels circule cette énergie. Le Pranayama permet de contrôler sa propre distribution énergétique. Ajoutons pour achever cette courte description les techniques de relaxation, la concentration et la méditation : le système est complet. Il présente une conception unitaire de l’homme, s’adressant à tous les niveaux de son être.

LE ROLE DU YOGA DANS NOTRE SOCIETE OCCIDENTALE D’AUJOURD’HUI

Histoire d’une influence

L’entrée en Occident de la pensée indienne ne date pas d’aujourd’hui. Son importance est beaucoup plus grande qu’on ne le croit généralement, trop habitués que nous sommes à nous en tenir, dans nos analyses, aux origines gréco-latines et bibliques de notre culture. Quelques faits importants ont jalonné cette pénétration de l’indianisme en Europe et dans le monde.

C’est en 1681 que les récits de voyage du médecin hollandais Dopper, traduits en allemand, attirent l’attention de l’Occident sur la mythologie indienne par certaines descriptions assez détaillées.

Vers la fin du XVIIIe siècle, on commence à étudier le Sanskrit en Europe. Le premier ouvrage traduit du Sanskrit dans une langue européenne est la Bhagavad-Gîta, qui exprime l’idéal moral du héros yogi. Il paraît en anglais en 1785, sous la signature de Charles Wilkins.

La publication, en 1801-1802, à Paris et à Strasbourg, d’une traduction en latin de cinquante Upanishads, faite par Anquetil Duperron d’après une version persane, produit l’effet d’un coup de foudre dans les cercles cultivés européens : c’est une véritable révélation pour l’Occident. Les mouvements romantiques du XIXe siècle vont s’imprégner de cette pensée : Goethe, Schelling, Novalis en Allemagne ; Woodsworth, Coleridge et Carlyle en Angleterre ; Lamartine, Hugo et Michelet sans oublier Nerval en France. L’influence passe avec plus ou moins de force au travers de leurs œuvres.

La pensée de l’Inde rayonne sur les philosophes non moins que les poètes : Fichte (1762-1814), Joseph Giorres (1776-1848), Hegel (1770-1831), Feuerbach (1804-1872) et surtout Schopenhauer (1788-1860). Cette influence déborde largement le cercle des milieux spécialisés, et même le monde de la littérature, intéresse des psychanalystes ou des psychologues comme Jung, car elle met au jour des mécanismes intérieurs, des niveaux de conscience que les sciences de l’homme commencent à peine d’explorer, pose avec acuité le problème de la communication entre les hommes, puis des hommes avec l’univers. A la fin du XIXe siècle, l’Amérique devient un véritable haut lieu de la rencontre Orient-Occident, un promontoire qui, tourné vers l’Europe, porte en avant-coureur l’influence d’un autre hémisphère. Au village de Concord, centre du transcendantalisme américain, affluent toutes les productions de l’Est lointain, en Anglais, en Français ou en Allemand. Emerson se les fait régulièrement envoyer par ses correspondants internationaux. Thoreau, véritable homme d’action, découvre l’un des premiers, la méditation et la pratique, après lecture de la philosophie Samkhya.

C’est à Chicago, lors d’un grand Congrès des Religions, en 1893, qu’un grand maître de Yoga Swami [3] Vivekananda (mandaté par son maître Ramakrisna) vient apporter le message vivant du Vedanta et du Yoga. Il est le premier d’une lignée de maîtres, chargés d’unir l’Orient à l’Occident.

Depuis, certains grands maîtres contemporains comme Swami Sivananda (Mircea Elliade le découvre vers 1930), Swami Chidananda, Swami Krishnamacharya, Swami Satyananda Sarasvati, ont largement contribué à répandre les enseignements philosophiques et technique du Yoga en Europe et dans le monde.

Le XXe siècle poursuit, étend, approfondit, perfectionne la connaissance de l’Inde.

En France, des noms comme ceux de Grousset, Sylvain-Levy, Masson-Oursel, La Vallée-Poussin, Sénart, Romain Rolland et René Guenon illustrent particulièrement deux tendances, l’une scientifique, l’autre plus spirituelle. Leurs œuvres se continuent brillamment et dans les deux directions, grâce à la pléiade d’indianistes contemporains.

UN PHENOMENE UNIVERSEL

Les centres de Yoga et les écoles formant des Professeurs se sont ouverts peu à peu, a liste est longue, que ce soit aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, dans toute l’Asie (Haute-Asie, Asie du Sud-Est et Asie Orientale), en Afrique (du Nord principalement), en U.R.S.S., (il existe un Institut de Yoga à Moscou) ou bien à travers toute l’Europe.

L’Inde est la source unique ou du moins la seule dépositaire de cette science plusieurs fois millénaire, il semble donc tout à fait compréhensible et normal de se tourner vers elle pour y trouver des références sérieuses. En effet, le Yoga a été autrefois objet d’un enseignement secret, initiatique. Au cours des temps, la tradition s’est donc perpétuée dans toute son intégrité par la transmission directe, de maître à disciples. Cette transmission s’effectue aujourd’hui dans les ashrams, dont les plus célèbres sont ceux de Madras, Rishikesh, Poona, Monghyr et celui de Pondichéry fondé par le non moins célèbre philosophe et yogi Shrî Aurobindo.

Un ashram est une communauté où les disciples sont réunis de leur plein accord, sous l’égide d’un maître. Le maître transmet ses enseignements et ceux qui les ont reçus seront à leur tour les messagers de cette connaissance. Les ashrams sont des institutions protégées, reconnues à échelon national, ouvertes aux hommes et aux femmes quelles que soient leur race ou leur caste et qui ont toujours joué un rôle de première importance dans la vie de l’Inde [4]. Un maître reconnu est un monument, une gloire nationale.

L’intérêt que portent les Occidentaux au Yoga, contribue d’ailleurs à revivifier la tradition dans son pays d’origine. Sans vouloir réaliser une « substitution de culture », les écoles de Yoga européennes respectent cette tradition, et cherchent en même temps à dégager ce que cette sagesse peut apporter à notre vie quotidienne.

A défaut de statistiques précises mais à l’aide de recoupements, on estime qu’actuellement en France les enseignants se comptent par milliers, les pratiquants par centaines de mille. Une dizaine d’écoles (Paris et province) forment des Professeurs de Yoga diplômés. Le cycle d’études, d’une durée de trois ans, comprend une formation complète en anatomie, physiologie, pédagogie, philosophie indienne et étude des textes traditionnels, sans oublier la pratique assidue des diverses techniques de Yoga, car c’est seulement dans sa propre pratique que tout Professeur, digne de ce nom, trouve la source de sa transmission. Les connaissances en anatomies et physiologie ne sont pas négligeables car elles évitent, pour nous Occidentaux, la pratique inconsidérée et parfois lourde de conséquences, de certaines postures ou respirations. Il existe 84.000 postures et plus, le choix reste donc immense, suffisamment varié, même s’il vaut mieux en écarter quelques-unes, à moins d’être extrêmement bien entraîné, ce qui est rarement le cas. Les exercices de respiration doivent être abordés d’une manière progressive, d’où l’importance d’être bien dirigé.

La nature du Yoga est expérimentale, il n’est donc pas exagéré de dire que, chaque Professeur enseignant ses propres expériences, il y a autant de Yoga que de Professeurs. La qualité d’un Professeur ne se reconnaît pas seulement à sa technicité, celle-ci peut s’apprendre, elle est surtout de savoir créer les conditions qui provoquent et développent l’intérêt de l’élève pour le Yoga et, de passif, le rendent actif.

En tant qu’enseignante, j’ai souvent observé l’évolution de la demande chez mes élèves. En général, dans une grande majorité, la première demande formulée par l’élève est physique, psychosomatique, puis vient un second temps où l’élève demande une information sur la signification profonde de sa pratique, sur les textes, les ouvrages auxquels il peut se référer ; puis vient un troisième temps où il s’intéresse à une intégration de sa pratique avec ses propres racines culturelles, qu’il semble redécouvrir et non renier.

Finalement, le Yoga s’adresse à l’être tout entier donc à tous les domaines de la vie, et propose de retrouver la possibilité d’un achèvement intérieur, qui évolue sur plusieurs étapes, au travers d’une discipline dont les méthodes sont diverses, les techniques variables à l’infini, mais dont le but demeure le même quelle que soit la culture de chacun.

Des milliers de Français s’inscrivent chaque année à un cours de Yoga. Que ce soit en salles privées, dans les écoles, ou dans le cadre des Unions sportives de nombreuses entreprises. Ces nouveaux venus, adolescents, adultes, personnes âgées, avec toutefois une majorité de femmes, qu’attendent-ils du Yoga ? Quel peut-être le rôle du Yoga, dans notre société occidentale d’aujourd’hui ?

Swami Satyananda déclarait dans un article paru dans le Figaro du 17 aout 1983 : « Vos actions dans la vie ne sont que des rôles que vous jouez. Elles ne représentent pas votre être profond. Et l’homme du XXe siècle, ainsi occupé de lui-même, risque des névroses plus graves encore que ses prédécesseurs ».

Sans aller aussi loin, il faut bien convenir que notre Société se caractérise par la dispersion des facultés, l’accélération de cette dispersion, l’extraversion. Nous fonctionnons physiquement, mais aussi et surtout mentalement, par rapport à des automatismes. Les gens ne sont plus conscients de leurs corps ; à la fin de leur journée ils sont épuisés nerveusement. Ils ont vidé de façon complètement désordonnée leurs énergies, sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle. Nous existons dans la plus grande confusion ; les individus sont passifs ; ils suivent ; ils ne se prennent pas eux-mêmes en charge. Les causes de cela sont nombreuses : rapidité des échanges, verbiage, découpage du temps en tranches de plus en plus fines, inflation des événements dans la vie de chacun. Pour l’homme, il en résulte un décentrage de plus en plus accentué, un déséquilibre, de l’anxiété et une immense dispersion psychique.

Le Yoga apporte un remède à cette dispersion. A travers son histoire millénaire, il a apporté des solutions différentes à chaque époque. Par rapport à l’accélération géométrique de cette dispersion, qui est dramatique, le Yoga propose la démarche exactement inverse : le centrage de nos facultés.

Par les postures, il nous apprend à prendre conscience de notre corps ; par les exercices de respiration, à contrôler notre énergie ; par l’exercice de la méditation, il nous amène à un recentrage profondément bienfaisant, à une plus grande connaissance, à une meilleure observation de nous-mêmes et à une plus grande harmonie entre le corps et le mental. Ce qui conduit à un meilleur équilibre, une meilleure santé, à de meilleures communications sociales. Ce sont des choses très simples, qui n’ont rien de mystérieux, mais qui contribuent à faire du Yoga une science géniale, la plus belle et la plus efficace des sciences humaines.

Certains penseurs et philosophes se sont préoccupés des mutations que l’humanité était appelée à vivre. Ils ont estimé que ces mutations devaient procéder d’une transformation des consciences, au lieu de résulter d’une pression mécanique des conditions extérieures de la vie.

Lorsque Shrî Aurobindo écrivait « tout ce devenir infini est une naissance de l’Esprit dans les formes », il rejoignait un André Malraux, quand celui-ci déclarait que la tâche du prochain demi-siècle serait d’y « réintégrer les dieux ». Pour un Yogi, cette tâche ne consiste-t-elle pas à réintégrer l’Esprit dans l’homme, comme dans la matière ? Le Yoga se justifierait ainsi comme une grande aventure, celle de la conscience, celle de la joie. A vous maintenant de le découvrir.


[1] Sanskrit : nom donné à la langue parlée des Aryens durant le second millénaire avant notre ère et qui a survécu jusqu’à nos jours en Inde comme langue de culture. Le Sanskrit est une langue Indo-Européenne, sœur du latin, du grec, du germanique, etc. Le Sanskrit est devenu pour l’Inde ce que le latin a été pour l’Europe : le moyen d’unification de la culture générale et l’instrument de diffusion des idées.

[2] Le plus important de ces commentaires est celui de Vyâsa, Yoga-Bhâshya (VIe-VIIe siècle après J.C.)

[3] En Inde le mot « Swami », signifiait en Sanskrit « maître de soi ». Il précède toujours le nom d’un grand maître de Yoga.

[4] En 1980, le gouvernement de l’Inde signait un accord avec les ashrams pour que le Yoga soit enseigné comme discipline de base aux enseignants de tous degrés dans les Etablissements scolaires d’Etat.