Annik De Souzenelle
Les lettres hébraïques : des énergies vivantes 3

Nous sommes en potentiel Yod-Hé-Vov-Hé, ce nom que les Hébreux ne font qu’épeler, qu’ils remplacent dans leurs prières par Adonaï. C’est un nom d’une telle force qu’il était prononcé une fois par an dans le Saint des Saints par le Grand Prêtre et selon une vibration que nous avons perdue et qui était tellement forte, que les hommes en mourraient quand ils n’étaient pas capables de la soutenir.

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Le titre est de 3e Millénaire

(Revue Panharmonie. No 177. Mai 1979)

Compte rendu de la rencontre du 8.2.1979

Annick de Souzenelle nous rappelle que les trois lettres qui vont séparer la Vav du Yod contiennent le Yod dans leur ventre. Le Zain, le Heith et le Teith oeuvrant à sa mise au monde. Le Zain qui a pour valeur 7 est le symbole de l’arme qui traverse notre tunique de peau, c’est-à-dire nos différents plans de conscience et qui nous oblige à mourir à ceux-ci pour renaître aux plans supérieurs. Nous allons aller vers de nouveaux cieux et de nouvelles terres. Avec le Heith qui a pour nombre 8, nous avons à traverser une barrière qui nous obligera à vérifier si nous avons les structures nécessaires pour entrer dans une nouvelle terre, dans un nouveau champ d’expérience. Le Teith, lui, nombre 9, est encore une barrière, celle du bouclier se présentant devant l’épée. Le guerrier va à la rencontre de l’épée, le Yod se protégeant avec le bouclier. Derrière cette barrière nos structures sont à nouveau vérifiées, afin que nous puissions atteindre l’énergie des énergies que nous allons rencontrer maintenant et qui est le Yod. Et alors le bouclier devient la coupe qui reçoit l’épée.

Le Yod naît, il a la valeur 10 et rejoint l’unité. Chaque fois que nous rencontrons l’unité, soit par le 1 (Aleph), le Yod jusqu’au Aleph final qui vaut 1.000, nous aurons accès à des plans d’expériences différents, tout en retournant à l’unité, symbole du Divin.

Le Yod se compose de deux lettres, le Yod et le Daleth. Prononcé Yad, il signifie la main. Quel mystère que la main ! Nous verrons que beaucoup de lettres signifiant des dizaines, expriment une partie du corps et nous feront quitter le monde des Principes pour entrer dans celui de l’expérience vécue. On parle de deux créations du monde qui paraissent contradictoires mais qui, en fait, se complètent : Dans la première Genèse nous sommes dans le monde des Principes, des grandes Lois que pose Dieu et qui structurent le monde et chacun de nous. La seconde Genèse qui est la même, mais vécue autrement, va s’exprimer par les lettres que nous étudierons maintenant et qui expriment les dizaines et nous allons voir comment l’humanité va vivre ces dizaines.

Ce n’est pas par hasard que l’expérience vécue arrive avec le mot Yad — la main — car elle est « toucher » de la vie. Yad est la structure même du mot Yado qui veut dire : « je connais », non d’une connaissance intellectuelle, mais ce sont tous nos sens qui sont contenus au bout de nos doigts. Les mains et les yeux sont intimement liés comme si nous avions des cellules visuelles au bout de nos doigts. La parapsychologie est en train de le découvrir. Chacun de nos sens les contient tous, tout en en privilégiant tel ou tel aspect.

L’hiéroglyphe primitif du Yod est une main au bout d’un bras. Très vite le bras va disparaître et nous nous trouvons devant notre Y.

Lorsque le Yod est venu se présenter devant le Saint-Béni-Soit-Il, Dieu le renvoie à sa place en lui disant qu’il lui suffisait de constituer le Nom Divin, le Tétragramme Yod-Hé-Vov-Hé.

Il est intéressant de remarquer que dans la première Genèse c’était Elohim qui était à l’œuvre et que ce n’est que dans la deuxième Genèse que nous voyons apparaître Yod-Hé-Vov-Hé auprès d’Elohim. Ce fait nous dévoile un tout autre aspect de la Genèse, à savoir que Adam est fait non pas par le Verbe, mais par la main. Car Dieu va prendre la terre Adamah pour en pétrir Adam. Et une fois que le potier divin aura façonné l’homme, il soufflera dans ses narines un souffle de vie.

Alors qui est Yod-Hé-Vov-Hé par rapport à Elohim ? Je pense qu’il s’agit ici, en commun avec les Elohim, ce que les Pères, de l’Eglise appellent « le Grand Conseil Divin » et Yod-Hé-Vov-Hé est ce Dieu qui est placé au cœur de la Création et qui est appelé à travailler avec Elohim pour que chaque élément de cette Création programme son archétype.

Le monde de la Création, la manifestation est une image, un reflet comme dans un miroir, du monde divin qui l’informe constamment.

Le mot Dabar va nous aider à saisir la relation entre la manifestation et les archétypes. Il a pour signification le verbe, la parole, mais en hébreu actuel il veut aussi dire : la chose, la même chose ou autre chose. Parole – chose, cela a l’air d’une chute, mais cela n’en est pas une si nous réalisons que chaque chose, chaque élément de la Création est reliée à la parole qui l’a faite. Et quand nous nous coupons de la parole, de l’archétype, les choses perdent leur sens et sont coupées de tout ce qui les informe. C’est ce qui se passe dans le monde que nous vivons aujourd’hui.

On voit dans la Bible une troisième traduction du mot Dabar, Dever, la peste. C’est le même mot prononcé différemment, donc les mêmes énergies. Qu’est-ce que cela veut dire? Que, avec les mêmes énergies nous allons faire sourdre la vie, remonter toutes les chaînes jusqu’à l’archétype, c’est-à-dire jusqu’à la mort qui est rendue par le mot « peste ». Avec les mêmes énergies nous pouvons faire soit le bien, ou le mal, soit la vie ou la mort. C’est nous qui introduisons le mal. Jérémie dit : « Voici, j’ai mis devant vous le chemin de la vie et le chemin de la mort ». C’est à l’homme de choisir, là se trouve sa redoutable liberté.

Yod-Hé-Vov-Hé est le Germe Divin qui travaille au cœur de la Création, il est l’empreinte même du Divin. Nous sommes devant l’image du Verbe, Dabar, qui est la source de chaque son, de chaque objet, de chaque être de la Création et qui porte en lui son empreinte qui est Yod-Hé-Vov-Hé. Même après la chute, même après qu’il se soit coupé du Divin, l’homme reste lié à ce Tétragramme. Et c’est pourquoi Eve dit à la naissance de Caïn, premier homme naissant après la chute : « J’ai acquis un Ish, j’ai acquis un homme et Yod-Hé-Vov-Hé ». La traduction de « et » généralement employée donne « avec l’aide », elle ne signifie rien. Il s’agit ici de l’homme « alpha et oméga », c’est-à-dire d’origine divine et qui doit atteindre le divin. Nous sommes en potentiel Yod-Hé-Vov-Hé, ce nom que les Hébreux ne font qu’épeler, qu’ils remplacent dans leurs prières par Adonaï. C’est un nom d’une telle force qu’il était prononcé une fois par an dans le Saint des Saints par le Grand Prêtre et selon une vibration que nous avons perdue et qui était tellement forte, que les hommes en mourraient quand ils n’étaient pas capables de la soutenir.

Donc Yod-Hé-Vov-Hé arrive auprès d’Elohim dans le second chapitre de la Genèse, parce que Dieu, ayant posé sa Création, l’anime, souffle sur elle et donne à chacun son nom. Et ce nom qui est donné, c’est toute la vibration initiale du sous-germe à partir duquel chaque élément de la Création commence à vibrer. L’œuvre elle-même se joue, et c’est le Divin qui se joue dans l’Œuvre. Nous n’avons pas deux Dieux, Yod-Hé-Vov-Hé et Elohim, mais nous avons Dieu qui se donne à travers sa Création pour que celle-ci Le devienne. Tout commence donc à se mettre en mouvement et c’est Yod-Hé-Vov-Hé qui va, à travers la colonne vertébrale de la Création, s’exprimer dans deux Arbres : L’Arbre de Vie et l’Arbre de la Connaissance de la Dualité, car ce n’est qu’à travers la contradiction que nous allons pouvoir assumer des résurrections successives. Notre humanité actuelle est encore dans un infantilisme dramatique en vivant cette dualité dans les conflits et les guerres, au lieu de les vivre dans les deux Hé qui se rencontrent pour faire la main, c’est-à-dire la connaissance. Si les deux Hé qui font chacun 5, se marient, ils donnent 10. Nous sommes là pour œuvrer avec la main divine dans la connaissance de l’Amour. On ne peut connaître qu’en aimant, on ne peut aimer qu’en connaissant.

Voilà, je crois l’essentiel du mot Yod, le Yod qui vient lorsque nous aurons construit tous les étages de notre conscience.

Toutes les structures des lettres hébraïques rendront compte de ce devenir intérieur. Nous allons le voir tout au long de ces lettres et notamment avec celle qui veut dire « l’aile ». Ce qui intéresse les Hébreux, ce n’est pas la vision immédiate, mais la vision des profondeurs, le devenir de l’homme qui est la vision de Dieu.

Réponses à diverses questions : C’est à partir de Yesod, le chakra fondamental à la base de la colonne vertébrale, que Yod commence à se mettre en mouvement. Dans le songe de l’échelle, Jacob est à la base de la colonne vertébrale cosmique. Il débaptise le lieu qui s’appelle Lud, qui signifie « lumière »;  « amande », parce qu’il commence à faire vibrer ce germe de lumière qui, dans les profondeurs, est Yod-Hé-Vov-Hé. Yesod est le fondement de la Création.

— Je ne crois pas que l’on peut assimiler Elohim à la Trinité, ni Yod-Hé-Vov-Hé à l’Esprit-Saint. Toute la tradition judéo-chrétienne va parler des deux mains, nous retrouvons toujours dans les psaumes et chez les Prophètes, « la droite et la gauche » qui vont œuvrer dans la Création. Les Pères de l’Eglise disent que Dieu est la Source qui se fait connaître à travers le Fils et l’Esprit, appelés « les deux mains du Père ». L’Esprit-Saint et le Fils sont inséparables. Il est dit : « C’est par son Verbe que Dieu crée le monde et par son souffle qu’il en fait toutes les armées », c’est-à-dire toutes les énergies. Dans la perspective juive, il y a les deux mains qui œuvrent toujours ensemble et qui sont inséparables.

Tout cela est indissociable du travail manuel, il est la marque extérieure d’une prise de conscience de la nécessité du travail intérieur.

— Les énergies divines vont s’exprimer à travers de multiples noms divins, mais le travail qui se fait dans l’homme, se fait selon l’archétype Yod-Hé-Vov-Hé.

— Réaliser le Divin, c’est ce que les Hébreux appellent « Le Grand Nom Divin » qui est inconnu et auquel nous participons tous avec les énergies qui nous sont propres, avec le nom qui nous est propre à chacun d’entre nous, et qui fait le mystère de chaque personne. Lorsque nous aurons totalement réalisé notre nom, que nous le connaîtrons, nous connaîtrons ce « Grand Nom Divin » parce que nous le serons devenus.

Je vous propose d’étudier le Kaph qui a pour valeur 20 et qui s’exprime avec un Phé final. C’est une lettre carrée. En supprimant la partie qui va vers la gauche et en prolongeant la partie verticale, on obtient le Phé final. Le Kaph ne doit pas être confondu avec le Qof qui a pour valeur 100.

Kaph veut dire la paume de la main, mais aussi grosso modo, un petit contenant que nous retrouverons dans différentes parties du corps, par exemple dans la hanche blessée de Jacob, qui n’est autre que la cupule du fémur, Kaph Yorek. C’est là où se trouve un centre d’énergie très important qui, s’il n’est pas employé pour construire l’homme, est employé à le détruire et c’est ce qui fait la rupture à ce niveau du col du fémur chez beaucoup de vieillards. Kaph, c’est aussi la plante des pieds.

Le graphisme de la lettre était autrefois une main qui fut stylisée. Son retournement nous donne la lettre K.

Quand la lettre est venue se présenter devant le Saint-Béni-Soit-il, elle fit valoir qu’elle commençait le mot qui signifiait la « gloire », Kabod. Etant l’initiale de la Gloire de Dieu, elle se crut désignée pour commencer la création du monde. Homologue de Beith qui a reçu cet honneur, elle se l’est vu refuser. Kabod est un mot d’une beauté immense : gloire divine, richesse, densité. Quand la Gloire Divine descend dans la Tente d’Assignation, dans le Tabernacle, il y a une telle densité que pas un homme ne peut y entrer. Si nous voulons faire un peu de numérologie, nous voyons que 20 +2 + 4 = 26, le nombre sacré du Tétragramme. Kabod, c’est le Yod-Hé-Vov-Hé en potentiel dans l’homme qui est alors totalement réalisé.

Le même mot prononcé Kaved veut dire le foie. Notre foie est aussi un réceptacle de richesses physiques, psychiques et spirituelles. C’est pour cela qu’il est important de libérer le foie des nourritures physiques et psychiques, si nous voulons y faire entrer des nourritures spirituelles. Mais cette libération doit se faire uniquement dans un but de purification spirituelle et non pour des fins de pouvoirs à acquérir. Car à ce moment-là, y pénètrent des forces négatives, causes de maladies et de drames.

Donc, quand le Kaph est allé se présenter devant le Saint-Béni-Soit-Il, il quitte le Trône (Kisse Hakabod, le trône de la Gloire Divine), et il est dit dans le Zohar : « deux cent mille mondes ainsi que le Trône lui-même furent ébranlés, la secousse était si violente qu’elle menaçait tous les mondes d’écroulement ». Le Saint-Béni-Soit-Il dit alors : « Kaph, Kaph, pourquoi persistes-tu à rester ici, retournes à ta place, je ne me servirai pas de toi pour commencer la Création, car tu es l’initiale du mot exprimant l’extermination ». Nous nous trouvons là devant le mot Kalah, d’où vient peut-être celui de calamité. Pourquoi s’agit-il d’extermination. Quand la lettre Kaph et la lettre Lamed sont ensemble, elles forment un mot qui veut dire la totalité, donc un achèvement. Et comme pour toute perfection acquise la rupture doit avoir lieu pour pouvoir parvenir à un plus que parfait. Donc il y aura destruction, extermination, des morts nécessaires pour passer à un autre plan.

Derrière le discours du Divin, il y a la notion de ce Kaph qui va présider à une totalité, à un achèvement. La première lettre qui était venue se présenter (elles se présentent en sens inverse), était le Mem qui aussi reçut l’ordre de retourner à sa place, car elle formait le mot Melech, le Roi. Mem, Lamed, Kaph final sont les trois lettres qui ne doivent jamais quitter leur place, parce qu’elles forment précisément le mot, Roi, cette royauté que nous avons à devenir. Melech est aussi la racine de Malkout, dans la dernière des Séphiroth, qui signifie le Royaume.

Il y a un mot très intéressant qui est formé avec le mot Kabod, c’est Coha, force. Ce n’est que quand nous avons les deux mains réunies que nous avons la force, aussi bien sur un plan vulgaire que par les Hé du Yod-Hé-Vov-Hé, lesquels, totalement réunis, forment le Yod en-haut et c’est finalement ce Yod qui est la force.

Koav ou Kaov, plus exactement Kaph-Aleph-Beith, veut dire ruiner. Pourquoi cette notion de ruiner ? Quand nous voulons ramener le mystère à un concept qui nous est propre, nous tuons le concept. L’expérience mystique ne peut être exprimée, elle reste dans le domaine du silence.

Un autre mot, Cocav, c’est l’étoile ou cocavim, les étoiles. Ce mot apparaît au quatrième jour de la Genèse et dans l’étude de la quatrième lettre, Daleth, où nous voyons arriver les structures, les luminaires qui éclairent pendant la nuit et pendant le jour. Mais cela est encore bien autre chose et notamment nos structures intérieures, car tout notre corps est un système solaire.

Dans l’Apocalypse les étoiles sont comparées aux Anges du monde angélique. Ce sont des énergies divines, ce sont elles qui montent et descendent le long de l’échelle de Jacob. Ce sont les énergies qui président à nos structures et à notre évolution intérieure. Le monde des étoiles est un monde très étrange.

Le Kaph est un réservoir d’énergie, le Beith, c’est la maison. Ils sont appelés à s’ouvrir les uns après les autres, en temps voulu, pour réaliser le Divin que nous sommes.

Compte rendu de la rencontre du 8.3.1979

Après avoir étudié le Yod qui a pour valeur 10 et le Kaph qui a pour valeur 20, nous abordons aujourd’hui le Lamed qui a pour valeur 30 et qui est l’homologue du Guimel dont le nombre est 3.

Le Guimel est ce chameau tenant en réserve l’eau à l’intérieur de lui, symbole de l’homme en tant qu’il porte en lui ses énergies lui permettant de traverser son désert sans avoir recours aux énergies extérieures. Nous sommes tous une réserve fantastique d’énergies qui sont à découvrir, à exploiter, pour pouvoir nous réaliser totalement.

Le Lamed va rendre compte de la même réalité que le Guimel. Si le Kaph signifie la paume de la main, on peut dire que le Lamed est ce que l’homme va tenir dans sa main, symbole de puissance. L’homme a en main l’instrument pour extérioriser cette énergie et vivre la puissance qu’il est.

Lamed, c’est aussi l’aiguillon dont se sert le « toucher de bœufs » quand il les mène aux champs ou quand il leur fait pousser la charrue. La forme de la lettre nous le rappelle. Primitivement elle était un aiguillon qui, pendant le premier millénaire s’est retourné d’abord dans un sens, puis entièrement dans l’autre. Notre L est né de cette lettre-là.

Lamed, comme Aleph, veut aussi dire enseigner, instruire et c’est la même racine qui rend compte de celui qui enseigne. Aleph signifie aussi la bête cornue. Nous retrouvons ce même symbole avec l’image du « toucheur de bœufs » qui, avec l’aide de l’aiguillon, dirige la bête dans une direction ou dans l’autre. Et c’est ainsi que l’homme, conduit par l’aiguillon divin qui est en lui, dans la profondeur de son être, va être amené à accomplir son destin symbolique de bête cornue qui reçoit l’information par ses cornes, le menant jusqu’à l’auréole finale, là où la corne se transforme en couronne.

Ce cheminement de l’homme, aidé par l’aiguillon, à travers les épreuves de sa vie, depuis le début de sa gestation jusqu’à la toute dernière, celle de la naissance de l’Enfant Divin qu’il est lui-même, est signifié par le Lamed qui contient aussi en lui la notion de mettre au monde. Pris dans ce sens l’aiguillon rejoint l’image du bâton, du bâton de celui qui a de l’autorité, qui connaît, qui guide. C’est le sceptre de l’empereur, la crosse de l’évêque, le bâton de maréchal, etc…

Ce sont là les aspects extérieurs de l’aiguillon, mais nous les portons aussi intérieurement. Et là s’impose la notion du guide intérieur, de celui que nous voyons parfois apparaître dans nos rêves, que nous sentons intuitivement, qui nous donne des certitudes profondes desquelles nous avons à être à l’écoute.

Lorsque le Lamed rencontre l’Aleph ils forment le mot EL. C’est le plus courant et le plus important des noms divins, celui qui débute Élohim, que nous trouvons en suffixe dans les noms : Gabriel, la force divine, Raphaël, le médecin divin, Daniel, la justice divine, etc…, dans tous les prénoms d’hommes qui rendent compte de l’énergie divine. Dans un sens contraire ces deux lettres forment le mot LO qui est la négation, ne pas. Quel est leur rapport ? C’est que nous ne pouvons approcher le Divin que par le chemin de la négation, le Divin « n’est pas », car il est beaucoup plus, au-delà de toute affirmation et de toute négation, au-delà de l’Etre et du Non-Etre, au-delà de toutes les qualifications opposées, au-delà aussi du singulier et du pluriel, puisque Elohim est le pluriel d’El.

C’est encore une négation lorsque le Beith rencontre le Lamed. Ils forment le mot LEB, le cœur, non dans son sens physique, mais en tant que milieu essentiel de l’être qui rejoint le Divin et qui va évoluer dans la même dialectique. Nous ne pouvons approcher l’homme que par la contradiction.

Dans la rencontre du Lamed avec le Daleth, celui-ci aura pour mission de faire passer l’aiguillon par des portes, c’est la naissance, c’est le verbe naître, Yalod. La seule naissance qui intéresse les Hébreux est celle du Yod. La naissance de l’enfant est certes une bénédiction, parce qu’elle prolonge l’homme dans le temps jusqu’à ce qu’il soit capable de mettre au monde le Yod. Et c’est pour cela que, vivant sur un plan très concret, chez les Hébreux les femmes doivent se marier, sinon, comme il en est pour les femmes stériles, elles sont refusées par Israël. Espérant la venue du Messie, on attend toujours d’une femme Qu’elle mette au monde l’Enfant Divin. C’est ainsi que le Lamed, l’aiguillon, est formé par la même racine LED, à l’intérieur de laquelle il y a le Mem, valeur 40, la matrice, qui a pour homologue le 4, le Daleth, ce lieu clos et choisi.

Dans ce contexte on trouve aussi la racine DAL, un des mots qui signifie pauvreté. En effet, pour passer la porte, l’aiguillon va obliger l’homme à se faire de plus en plus humble, réduit à son essentiel. Toutes les portes à passer seront des purifications non dans l’ordre moral, mais dans l’ordre ontologique et la dernière étape à passer se trouve symbolisée par le chameau passant par le chas d’une aiguille.

Lorsque nous avons étudié le Daleth nous avons vu que dans le mot Daleth, le Lamed situé au milieu et qui assure par le mouvement le passage de la vie, avait pour valeur 30, qu’il était entouré de deux 4 représentant les structures, les chambranles de la porte et que, lorsque le Daleth et la Tav se réunissaient trop, le Lamed se trouvait écrasé et la vie ne pouvait plus passer. Lorsqu’on réunit le Daleth et la Tav et que l’on supprime le Lamed au milieu, on a le mot DATH, la Loi. En effet, lorsque la loi est trop prégnante, elle écrase l’être, le Lamed à l’intérieur de l’être. C’est ce que nous voyons tous les jours. L’homme n’est plus capable de faire naître en lui l’essentiel, il est écrasé, étouffé. Et ceci est à l’origine de toutes les maladies, aussi bien physiques que psychiques. Ce sont toutes les contraintes parentales, professionnelles et autres, qui tuent l’homme intérieurement.

LUZ (Lamed-Vav-Zain) est également un mot intéressant. Il signifie l’amande, l’amandier, il est symbole de lumière, de lumière essentielle en tant que symbole d’éternité, d’être éternel, ainsi que le nomme la tradition judéo-chrétienne, et non d’être immortel. L’être sans commencement, ni fin. Nous avons évidemment un commencement historique au moment de notre naissance, mais nous venons de loin et allons loin. Notre passage dans cette expérience entre notre naissance et notre mort, n’est qu’un très court passage.

A. de Souzennelle nous rappelle l’importance de Luz dans l’histoire de Jacob, ainsi que les différents symboles de l’amande, de la mandorle qui entoure les corps en gloire des grands Saints et de l’amande symbolique de la montée le long de la colonne vertébrale où, au niveau de la gorge, nous trouvons les amygdales, autres amandes. Luz correspond aussi à un petit os que la tradition situe à la base de la colonne vertébrale et qui est indestructible.

Le Lamed avait reçu du Saint-Béni-Soit-Il l’ordre de ne pas bouger et de ne pas se présenter devant lui, parce que, comme le Kaph et le Mem il représente une des trois lettres formant le nom Melech, c’est-à-dire le Roi. Or le Kaph qui avait transgressé cet ordre fut renvoyé, étant avec le Lameth et le Hé, significatif du mot Kalah, la destruction. Mais KAL, formé des deux seuls Lamed et Kaph veut dire la totalité. Il est certain que lorsque tout est achevé, lorsque la totalité est réunie, il y aura destruction pour passer à un autre niveau. C’est dans ce sens que Kaloh, le même verbe, est achever, terminer.

Cette notion de totalité, d’achèvement, de perfection dans laquelle il va y avoir rupture pour passer à un autre plan, se retrouve continuellement dans la structure de la langue hébraïque.

Le verbe OCHEL veut dire « manger ». C’est un mot d’une grande beauté et profondeur. C’est l’ordre que l’homme reçoit tout de suite après que la Création ait été mise en place : « Tu te nourriras de plantes portant graines et d’arbres portant fruits… ». Cela représente l’intégration de toutes les énergies divines qui se sont manifestées pendant les sept jours de la création. Le Zohar parle des Anges qui président à toutes ces énergies, que ce soit l’herbe, les fruits, les céréales, etc…

Et, chez les Chrétiens, à la limite, cela va donner avec les énergies divines, les mystères de la transformation du pain qui sera le corps même du Christ. Dans l’absorption de l’Eucharistie le Chrétien se retrouve en Eden, dans les conditions d’avant la chute, parce que l’homme en Eden se nourrissait du Divin. Ochel, c’est vraiment le Divin, c’est nourrir, prendre dans un contenant le Divin.

Quand le Guimel rencontre le Lamed, nous nous trouvons devant le mot GOL qui exprime la libération et si on ajoute Aleph, ce sera GAOL, le libérateur. Gal, deux fois répété, c’est une roue, GALGAL. Et GALGALIN, ce sont les grandes roues des Chérubins dans le Livre d’Ezéchiel. Golgotha signifie le mont du crâne, c’est la grande roue de la vie et de la résurrection, le Christ va mourir pour ressusciter.

GUIL est aussi un très beau mot, c’est la joie et c’est aussi le mot qui rend compte de l’âge. Plus on avance en âge, plus on devrait entrer dans la joie. Car, plus on est « connaissant » (pas dans le sens intellectuel du mot, mais connaissant de l’actualisation de la vie qui se transforme) plus la personne âgée devrait être celle qui est la plus joyeuse.

Nous avons aussi le mot LUL, c’est l’escalier en spirale et LULYANI c’est la spirale elle-même. La spirale est le mouvement même de la vie. On la retrouve aussi bien dans les astres que dans les coquillages, dans la cellule, dans les rites initiatiques, enfin dans tout.

Par contre LEILAH qui est devenu un prénom féminin, c’est la lutte. Et cela nous fait penser à la spirale qui nous mène dans les profondeurs, dans notre nuit intérieure, dans la Nuit Obscure de Saint Jean de la Croix. Et cette Nuit Obscure si douloureuse, c’est la descente en spirale vers le Yod-Hé-Vov-Hé que nous sommes dans la profondeur. Leilah est un mot très dur, parce qu’il représente la lutte.

Mais le Lamed préside aussi à la montée, car on ne la sépare pas de la descente. Et c’est le mot AL qui la signifie.

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