Frédéric Lionel
La géométrie sacrée

La Géométrie Sacrée fait partie des sciences hermétiques puisqu’elle est la science des mystères de la nature. Or, l’un des grands mystères de la nature est la proportion d’extrême raison. Rendons-nous à l’évidence que cette proportion que Pacioli, ami de Léonard de Vinci, baptisa divine, et que Kepler nomma le « joyau de la Géométrie », se retrouve dans toutes les formes vivantes, mais aussi dans l’art de toutes les époques, dans l’architecture, fut-elle grecque, romaine ou gothique, ainsi que dans le Cosmos, nom grec pour ordre et harmonie. Rien n’est plus étonnant que la redécouverte de la science hermétique, également nommée science mystériale par la science contemporaine.

Frédéric Lionel (1908-1999) est né à Amphion sur le lac Léman. Après des études à Paris, à Zurich et aux États-Unis, il a travaillé comme cybernéticien. Il fonda dans les années trente à Paris, une société pour appliquer cette nouvelle technologie. Il était donc un pionnier dans ce domaine. Au début de la 2e guerre mondiale, il émigra avec sa famille en Angleterre, mais revint sous de faux papiers pour se battre contre l’occupation. Pendant la guerre, il sauva environ 1300 vies, mettant toujours la sienne en danger. Pour ses actions humanitaires, il reçut de nombreuses médailles.
Après la guerre, il s’est rendu compte qu’une nouvelle vision du monde devrait être recherchée pour répondre aux problèmes de notre temps. Il étudia alors profondément les traditions spirituelles de l’Est et la tradition intellectuelle occidentale et entra en contact avec leurs plus authentiques représentants…
Ses connaissances scientifiques et spirituelles, son expérience intérieure et sa connaissance de la nature humaine acquises durant la guerre, lui ont permis d’en faire une synthèse qu’il partagea avec des milliers de personnes à travers ses nombreux livres, ses interventions publiques et rencontres privées…

(Revue Arkologie. No 3. Juillet 1987)

Lorsque l’homme prend le temps de contempler l’ordonnance du monde, il ne peut qu’être saisi d’un respect quasi mystique en découvrant la perfection d’une harmonie que révèlent les pétales d’une fleur, la spirale logarithmique d’un coquillage ou le tracé d’un pendule qui oscille.

Bouddha aurait, en guise de sermon, montré, sans pronon­cer une parole, une fleur à l’assistance pour lui faire prendre conscience que tout dans la nature reflète l’Ordre Souverain. Dieu construit en géomètre, est-il dit, car nombre et figure sont l’assise de la géométrie, miroir de l’infinie variété des for­mes qu’emprunte la sagesse divine pour se manifester.

La Géométrie  est ainsi la racine de la philosophie qui se veut quête de sagesse. Pour participer à cette quête soyons courageux, car en pénétrant les arcanes de la Géométrie Sacrée, il faut abandonner certaines formes de pensée afin de saisir l’essentiel d’une transmission initiatique qui dépasse le cadre de notions toutes faites.

La Géométrie Sacrée fait partie des sciences hermétiques puisqu’elle est la science des mystères de la nature. Or, l’un des grands mystères de la nature est la proportion d’extrême raison. Rendons-nous à l’évidence que cette proportion que Pacioli, ami de Léonard de Vinci, baptisa divine, et que Kepler nomma le « joyau de la Géométrie », se retrouve dans toutes les formes vivantes, mais aussi dans l’art de toutes les époques, dans l’architecture, fut-elle grecque, romaine ou gothique, ainsi que dans le Cosmos, nom grec pour ordre et harmonie. Rien n’est plus étonnant que la redécouverte de la science hermétique, également nommée science mystériale par la science contemporaine.

La théorie moderne des champs de force et de la mécanique ondulatoire correspond à la vision ancienne d’un ordre universel, d’une géométrie harmonieuse, d’une configuration entrelacée de rythmes. Les rythmes, rappelons-le, manifestent le mouvement de la Vie à tous les niveaux de leurs expressions. Notre monde obéit à la Loi du Rythme. Le soleil se lève et se couche, la température monte et baisse, les saisons se suivent en cycles réguliers et la nuit engendre le jour au rythme des battements de notre cœur, qui manifestent notre vie.

On est conscient, de nos jours, que chaque individu possède une horloge biologique accordée au rythme du mouvement cosmique et que l’homme, par d’innombrables fibres, est lié à l’Univers tout entier. Du monde visible au monde subatomique, toutes les formes ne sont que des voiles qui recouvrent des modèles géométriques en leurs relations, rapports et intervalles.

Le parfum d’une rose est produit par un arrangement moléculaire spécifique. Toute ordonnance moléculaire identique produirait la même sensation. Chaque marguerite, chaque flocon de neige est une fenêtre s’ouvrant sur l’harmonie des nombres, imageant les relations qui régissent les surfaces et les volumes manifestant la création géométrique de l’Univers.

L’un des plus grands mystères de l’Univers, nous le disions, fait de la proportion d’extrême raison la proportion dorée ou divine une constante de la nature. Qu’il s’agisse du pourcentage de phosphate le mieux adapté au terreau, ou de la relation entre le noyau ferreux et l’enroulement d’un électro-aimant, soit encore des proportions d’un tem­ple ou des membres de l’homme, cette constante toujours se retrouve.

Saint Bernard de Clairvaux s’est écrié : « Qu’est-ce que Dieux ? Il est longueur, largeur, hauteur et profondeur ». Or, géométrie, dans le sens étymo­logique du terme, veut dire mesure de la Terre. Les inondations du Nil symbo­lisaient pour les Égyptiens, l’éternel retour des cycles. Après chaque inon­dation, un découpage des terres arables s’imposait. Il s’effectuait en fonction de données astronomiques et astrologiques toujours modifiées et, ainsi, la géomé­trie devint la base de l’étude des phé­nomènes de la nature.

Platon considérait la géométrie et les nombres comme étant le langage phi­losophique idéal, mais ce n’est qu’à par­tir d’un certain niveau de compréhen­sion que le nombre, dans sa projection plane qu’illustre la Géométrie Sacrée, se transforme en plate-forme de la con­naissance des rythmes de Vie. À ce titre, il n’est pas sans intérêt de noter que des scientifiques essayent de nos jours, de vérifier l’ancienne cosmo­gonique d’une création issue du Verbe, donc du son cosmique,

Nous disions tout à l’heure, que la Géométrie Sacrée était la racine de la philosophie, et l’on pourrait ajouter, que la philosophie est la racine de la mathématique sacrale.

Non seulement les méditations mathé­matiques de Platon, délié, semble-t-il, du serment de secret imposé aux pytha­goriciens, ne sont pas des rêveries métaphysiques mais elles sont, au con­traire, les maillons d’une chaîne d’or liant Platon à Vitruve, à Nicomaque de Gérase, à Pcioli, à Kepler, à Descartes, à Russel, à Mendelieff, à Planck, à Einstein et à tant d’autres.

Mendelieff, père du tableau de clas­sement atomique des éléments, écrivit au début du siècle : « Dans le désordre apparent, depuis celui des étoiles jusqu’à celui des atomes, il règne un ordre harmonieux parfait. Les évolu­tions invisibles des corps chimiques sont absolument semblables à ceux des corps célestes. Les atomes du monde invi­sible sont identiques à ceux du monde visible ».

Pour Platon, nos connaissances géo­métriques déterminant un sens de l’harmomie, seraient innées et acquises avant la naissance lorsque l’âme se trouve en contact avec la Réalité Suprême. À l’écouter, le feu de l’âme doit, cependant, être progressivement activé par l’effort. C’est Platon qui fit graver au-dessus de l’entrée de son Académie, les mots célèbres : « Que nul n’entre ici s’il ne sait la géométrie », non la géo­métrie statique, morte, telle qu’on l’enseigne à l’école, mais la géométrie vivante appelée à rendre évident l’épa­nouissement de chaque forme émer­geant de la précédente. C’est par cette émergence qu’apparaît l’unité du monde et le passage de la création à la procréa­tion, donc le passage de l’archétype, pure idéation divine à sa manifestation.

Inséparable de cet enchaînement est le Nombre, car comme disait Pytha­gore, tout dans l’Univers est arrangé en fonction du Nombre, miroir du mouve­ment cosmique, c’est-à-dire, du Rythme Vivant.

Au rythme de notre temps l’ingénieur redécouvre l’harmonie des formes par une technique parfaitement adaptée et intégrée. Les symboles géométriques reprennent vite. Jadis, l’initiation holoclère basée sur la vision globale des choses de la Vie, soit sur une vision qui embrasse l’Univers dans sa totalité physique, psychique et spirituelle, eurent pour symbole le cercle. Il figure le mouvement éternel qui n’a ni com­mencement ni Fin.

Un point en son centre symbolise le feu secret, le Principe Divin, moteur immobile dans sa mobilité. Ainsi s’éclaire la signification profonde du signe astrologique du soleil, soit un cer­cle avec en son centre un point. Sous la forme d’Ouroboros, du serpent qui se mord la queue, le cercle illustre de façon saisissante qu’Origine et Aboutis­sement, telle la tête et la queue, se confondent dans l’éternité des temps.

La Loi du Rythme est universelle. Elle se reflète dans tout ce qui existe et on la découvre dans la nature, chez l’homme, dans l’ordre cosmique ou au cœur de l’atome. Notre programmation rythmique détermine notre sens de l’harmonie à tous les niveaux de perception, et ce n’est pas par hasard que, lorsqu’on choisit spontanément entre un certain nombre de rectangles, celui qui parait le plus harmonieux, le choix se porte neuf fois sur dix sur le rectangle aux proportions du nombre d’or.

Lorsqu’on cherche, en partant de figures géométriques, à décrire la création et, en se basant sur elles, la procréation, il faut pouvoir rendre évident de quelle façon l’unité primordiale est amenée à se scinder pour devenir diversité et multiplicité. La Géométrie Sacrée adopte pour point de départ le mouvement originel, le chaos, le sans forme, pour rendre évident, par une chaîne ininterrompue de formes issues les unes des autres, le pas­sage du Un au Deux et au multiple.

La brisure d’une ligne à angle droit image le passage de Un à Deux. La double brisure, par un retour sur elle-même conduit à la première forme possible, le triangle. La triple brisure forme le carré et ainsi de suite. Ces brisures successives illustrent le dynamisme d’un mouvement qui n’a ni commencement ni fin. Il est symbolisé par le Cercle, symbole universel suggérant le sans limite, l’éternel. En revanche, le carré par sa parfaite symétrie figure le Tout manifesté.

Il évoque les paires directions cardinales, notions indispensables pour s’orienter dans l’espace. Il image le parallélisme de deux éléments opposés, mais en fait complémentaires, puisqu’ils forment le cadre du monde visible en lequel se situe tout ce qui existe. Il conduit également à l’évidence que tout nombre multiplié par lui-même est un carré, ce qui prouve soit dit en passant, que le « Un » n’est pas et ne peut pas être un nombre.

Le signe de multiplication, le X, suggère une croix. La croix suggère l’union des contraires, le mariage de L’horizontale et de la verticale [1] Ainsi notre devenir physique emprunte l’horizontale tandis que nos aspirations spirituelles, nos rêves, notre vie secrète se situe sur une verticale.

Sur un plan différent l’union des deux natures, le Yin et le Yang, l’actif et le passif, le masculin et le féminin, per­mettent d’engendrer ce qui doit être et on retrouve ainsi l’idée de la multiplication. Pythagore enseigna que l’expérience en son cadre limité, qu’il s’agisse du corps ou du monde,  avait pour objet la découverte et l’expression des forces supra-sensorielles illimitées, pouvant être manifestées à tous les niveaux.

La Géométrie Sacrée, miroir de la mystique numérale, reflète donc au niveau archétypal, la loi du mouvement universel, Suivant Platon, la Réalité supra-sensible correspond précisément à celte loi.

La Géométrie-Sacrée image cette ultime Réalité et, basée sur la Géomé­trie holoclère, rendant accessible les relations visibles et invisibles du dyna­misme de la nature, permettait de régner sur elle par l’Esprit.

Concluons pour affirmer que de la marguerite à la cathédrale gothique, du cube au dodécaèdre, se manifeste la musicalité des formes et des proportions harmonieuses. Tant la musique que le corps humain reflètent la Loi qui pré­side à l’harmonie des formes et des proportions.

Constatons que la matière n’est essen­tiellement qu’un enchaînement ondula­toire dont les impulsions rythmiques aux fréquences multiples sont captées par nos sens. Qu’elle n’existe telle que nous la sentons, touchons, voyons, qu’en notre conscience et que le treillis des ondes, support de la matière, res­semble par l’ordonnance de ces rapports ondulatoires aux rapports vibratoires des fréquences musicales. Constatons aussi, que ce que nous considérons comme différentes qualités de la matière, n’est qu’une différenciation des fréquences rythmiques et que toute la substance ADN renfermant le code génétique de l’homme n’est, comme tout le reste, qu’une parfaite ordonnance géométrique.

Soyons conscients que le miracle de la photo-synthèse, base de toute nour­riture terrestre, n’est possible que parce que la molécule chlorophylique possède un treillis douze fois symétrique d’ato­mes et que tout arrangement molécu­laire autre serait inapte à transformer les rayons de lumière en substance vitale. Rendons-nous à l’évidence que toute notre expérience repose sur la captation d’immatérielles ondes énergétiques et que les sensations ainsi produites repo­sent exclusivement sur l’ordonnance géométrique abstraite de leur mouve­ment ondulatoire et que mille et un autres exemples pourraient être évoqués.

Admirons, dès lors, Einstein lorsqu’il écrit : « La plus belle et la plus profonde émotion que nous puissions expérimen­ter est la sensation mystique. C’est la semence de toute science véritable. Celui à qui cette émotion est étrangère, qui n’a plus la possibilité de s’étonner et d’être frappé de respect, celui-là est comme s’il était mort. Ma religion con­siste en une humble admiration envers l’esprit supérieur et sans limites qui se révèle dans les plus minces détails que nous puissions percevoir avec nos esprits faibles et fragiles. Cette profonde conviction sentimentale de la présence puissante et supérieure, se révé­lant dans l’incompréhensible univers, voilà mon idée de Dieu ».


[1] L’auteur aura sans doute voulu parler du signe de l’addition ! (NDLR)