Pascal Ruga
Les ailes du vivant

Chacun ne peut aller à lui-même que par son propre chemin, plus il avancera, plus il découvrira qu’il aborde à la vision du SANS-MESURE, dans un océan où les choses ne se voient plus de la même façon que du temps où il les poursuivait toujours vainement. Tout à coup, les choses ne sont plus divisées par l’infinitude de leurs formes et de l’antagonisme qu’elles entretenaient pour subsister. Elles ne se fragmentent plus, elles ne sont plus affaire de conscience ou de mémoire, en elles, il n’y a ni arrivée ni départ…

En réponse au  « Manifeste du Vivant », l’écrivain et poète suisse Pascal Ruga nous a envoyé le très intéressant texte ci-dessous.

(Revue Être Libre. No 300. Juillet-Septembre 1984)

Pascal Ruga

Avoir ou ne pas avoir les ailes du VIVANT, est la fausse question par excellence. Entreprendre le VIVANT dans sa totalité, c’est s’engager au-delà de toute logique. Le VIVANT n’est jamais à la merci d’une définition, tenter de l’expliquer, c’est fonder une fixation. Or, toute fixation (ce qui implique un lieu et un espace) nous entretient en une illusoire certitude, nous identifie à une forme dont nous savons qu’elle n’est qu’un instrument passager. Le VIVANT ne motive aucun conditionnel, ne s’astreint à aucune dualité; ce qui à première vue semble une impossibilité, une chevauchée dans le rêve… Le VIVANT n’appartient à personne, et de ce fait, ne permet pas que nous nous en fassions les prophètes. Ne laissons à personne d’autre que nous-mêmes le soin de le découvrir, de l’assumer sans en chercher les tenants et les aboutissants, car le VIVANT ne se situe pas… Dès qu’on le situe, ou plutôt, que l’on tente de le situer, il disparaît… Pour nous ouvrir à lui, le silence est notre plus sûr allié, et il ne faut voir les mots qui s’alignent sur cette page qu’en instance de « reliance », alors que, d’habitude, ils divisent…

Chacun ne peut aller à lui-même que par son propre chemin, plus il avancera, plus il découvrira qu’il aborde à la vision du SANS-MESURE, dans un océan où les choses ne se voient plus de la même façon que du temps où il les poursuivait toujours vainement. Tout à coup, les choses ne sont plus divisées par l’infinitude de leurs formes et de l’antagonisme qu’elles entretenaient pour subsister. Elles ne se fragmentent plus, elles ne sont plus affaire de conscience ou de mémoire, en elles, il n’y a ni arrivée ni départ. Elles sont authentiquement elles-mêmes et baignent toutes dans le merveilleux INCONNU qu’elles manifestent en nous à chaque fois que nous nous détachons d’une fixation, à chaque fois que nous considérons une chose au-delà de la vie et de la mort de sa forme.

Si cette VUE des choses est la nôtre, il n’est pas question d’espérer que les sociétés nous suivent ou pas, ce serait ajouter un désir aux autres, ajouter un « idéal » à la multitude des idéaux, qui, par leurs dogmes, pensées et autres stagnations, ont enrichi les attelages de la mort. Nous ne nous laissons plus engluer dans l’histoire de l’espèce à laquelle nous appartenons, nous survolons cette histoire comme on survole l’éclatement d’une planète… et nous découvrons ce qui vient à éternité dès qu’un désir est transcendé par son détachement. La valeur qui en résulte nécessairement se manifeste comme une loi naturelle, cette valeur, c’est l’Amour non limité par un choix, un Amour non possessif, non passionnel. Dès que dans l’univers des choses, il n’y a plus de poursuite, l’Amour vient à existence, il est le VIVANT, l’harmonieuse concordance de toutes choses, il est POESIE comme le soleil est d’or.

Pascal RUGA

Crespin, le 28 juillet 1984

PENSEES FONDAMENTALES

Quel est le « but » de l’Univers ?

« Pourquoi Dieu se manifeste-t-il ? »

« Cette question est posée en général pour des motifs absurdes, puisqu’elle suppose l’assimilation  la psychologie humaine (avec ses valeurs de temps, etc.) d’une psychologie divine !

« Pourquoi l’homme fait-il quoi que ce soit ? Parce qu’il désire le faire pour telle ou telle raison. Mais attribuer à Dieu un désir quelconque impliquerait que Dieu puisse manquer de quelque chose, ce qui est absurde puisqu’Il est le Tout. »

«Dieu crée la manifestation parce que SA nature la comporte. »

Dr. Hubert Benoit

(« De la réalisation intérieure », p. 38,

« Courrier du Livre ».)

« La voie du vrai Bonheur, infini, éternel, doit passer par la perte totale de tout espoir en lui ».

« Toutes les souffrances sont pour nous des humiliations. Celles-ci, dès qu’elles sont acceptées, se transcendent en juste humilité, en vision de notre « Moi » comme « étant de moins en moins ». Puis, l’instant même où nous le voyons enfin comme n’étant rien, comme n’étant pas, le Soi se réalise et nous envahit tout entier, nous révélant que, sans en avoir eu jusque-là conscience, nous avons toujours été LUI dans la splendeur de Sa réalité absolue ».

Dr. Hubert BENOIT, op. cit.