Pascal Ruga : La fin d'un désir

Je ne tardai pas à réaliser que le désir de voir dans ma propre nature n’était qu’un leurre de plus dès l’instant où cet état était voulu. D’avoir espéré atteindre ce que je pensais être la vérité, même en croyant me dépouiller du désir de la posséder, ne pouvait que me jeter dans une impasse ; car une vérité que l’on peut atteindre n’est pas la vérité, mais une nouvelle cristalli­sation de la poursuite du moi.

Pascal Ruga : Prendre congé de l'illusion, c'est un peu prendre congé des hommes

Mourir à soi, à son art, à sa famille, à ses amis, c’est aussi abandonner toute raison de vivre, toute justification, toute mentalisation de cette justification ; c’est laisser à chaque mouve­ment la transparence de sa présence dans l’im­médiat, c’est le laisser naître d’une source intem­porelle, où la mort et la vie sont les fleurs d’un même bouquet.

Pascal Ruga : En marge d'un paradis oublié

Au temps lointain de cette enfance, je ne priais pas, et pourtant tout m’était donné. Rien n’était demandé à ce royaume de lumière dont je sens encore en moi le calme et la force infuse. De ce royaume j’étais le prince innocent, le démiurge enfant pour qui tout vient de naître à chaque instant, – sans d’ailleurs qu’il s’en souciât. À chaque pas se levait un flot d’images, sitôt levées, sitôt défaites – aucune d’elles ne cherchant à prévaloir sur l’autre. Tout était accepté. Chaque chose avait une bonne odeur de bête sauvage, et accomplissait docilement son destin sans être séparée d’un « Principe Premier » dont elle se sentait inconsciemment en même temps créature et créatrice. Le canevas des relations n’avait pas la dureté de ce monde d’angles et d’agressions qui ensuite fut si longtemps mon hypnose majeure. Aucun échange ne présidait à l’échange ; alter­nativement, presque sans transition, les larmes succédaient aux rires avec la capricieuse douceur d’un jour d’avril dont on ne sait trop bien si l’on doit en aimer les nuages ou les ondées, les bleus tendres, ou les rayons primesautiers et malicieux de notre vieux et bon soleil qui rayonne en plein ciel. Chaque action était neuve, aimée pour elle-même, je ne cherchais pas à la garder comme un avare garde son trésor. Rien n’appartenait à rien, et tout appartenait à tout. Le désir d’être ne m’em­portait pas dans l’enfer de son devenir. La vie était une harpe, où le musicien, l’instrument, et l’harmonie qui en fusait, formaient une seule et unique réalité.

Pascal Ruga : Vieillir, c'est entrer en éternité

Pour la grande majorité des hommes, l’au-delà ne devient qu’un désir de survie, le présent n’est plus qu’une continuelle poursuite des envies les plus pugnatives, et vivre en société en devient coriace d’agitations artificielles où le problème de chacun est de se mettre devant celui qui le précède… Bien heureusement le sourire d’un petit enfant est toujours là pour nous faire voir l’autre face de toutes ces misères. La Beauté existe, et l’Esprit d’où elle est née aussi.

Pascal Ruga : Les ailes du vivant

Chacun ne peut aller à lui-même que par son propre chemin, plus il avancera, plus il découvrira qu’il aborde à la vision du SANS-MESURE, dans un océan où les choses ne se voient plus de la même façon que du temps où il les poursuivait toujours vainement. Tout à coup, les choses ne sont plus divisées par l’infinitude de leurs formes et de l’antagonisme qu’elles entretenaient pour subsister. Elles ne se fragmentent plus, elles ne sont plus affaire de conscience ou de mémoire, en elles, il n’y a ni arrivée ni départ…

Pascal Ruga : L'Aube retrouvée

C’est alors que j’ai fermé les yeux. Je me suis donné sans réserve à la nuit des grands fonds. J’ai lâché prise sur toute réalité. Les voix s’atténuèrent. Puis elles ne furent plus qu’un imperceptible et lointain bourdonnement. Elles disparurent enfin me laissant enveloppé de silence. Je ne sentais plus mon existence, j’étais au delà du temps et de l’espace ; je « m’impersonnalisais » dans l’obscur liquide amniotique d’une matrice originelle retrouvée. Était-ce la paix ? Ou bien peut-être était-ce la mort? Mais ici, toute question corrompait déjà cet océan de calme.

Pascal Ruga : Ton silence

Tant de paroles de par le monde!
Et seul ton silence!
Ton silence d’étoile de mer!
M’a traversé,
A fait s’épanouir la madrépore calme de mon cœur étonné,
De mon cœur tranquille et perdu au sein des hautes herbes,
Au sein des océans percutant leurs symphonies,
Non plus la fatalité d’abandon,

Pascal Ruga : D'une réalisation difficile...

Pour une réalisation pleinement humaine, le plus difficile, c’est d’être présent à ce que nous sommes à chaque instant, de ne plus nous laisser bloquer par une connaissance théorique qui est toujours en porte-à-faux sur la vie. Agrandir le champ de notre sensibilité, c’est nous soustraire à l’emprise du mental dont nous ne connaissons que trop la valeur restrictive et les illusions derrière lesquelles il nous entraîne.

Pascal Ruga : Je n’ai rien à demander

« RIEN », et le mystère d’Amour se confond en cette simple phrase, du même coup tout s’amasserait en une gerbe de lumière compacte où Aimer dépasserait l’homme et ses faiblesses, où la mort serait surprise puisque la vie même ne serait pas demandée…

Pascal Ruga : Le cimetière des mots et l’inspiration poétique

Le Réel c’est l’état poétique pur. Tous les mots ne sont que des approximations. Notre orgueil c’est de vouloir opérer un choix parmi eux, alors qu’il serait plus humble qu’ils nous choisissent, et ainsi de nous abandonner au « naturel » qu’ils nous révèlent.