Jean E. Charon
Psychophysique, la découverte du monde intérieur reflet du cosmos quasi éternel

Nous voici donc tous concernés : la Physique contemporaine confirme la célèbre intuition de Teilhard de Chardin, les électrons entrant par milliards dans notre corps sont porteurs d’une « psyché ». On désigne par éon l’ancien électron de la Physique, si l’on veut souligner que cette particule est physiquement toujours la même mais est désormais reconnue comme possédant aussi des propriétés psychiques…

(Revue 3e Millénaire. Ancienne Série. No 1. Mars-Avril 1982)

A force de travailler sur le curieux comportement des électrons, Jean E. Charon a fait une découverte : les électrons, immortels, ne cessent d’enrichir leur niveau de connaissances et de conscience. Tout naturellement il n’a pas tardé à imaginer que, puisqu’ils sont immortels, qu’ils s’instruisent constamment et que nous sommes faits d’électrons, nous sommes nous aussi immortels. C’est ce qu’il a appelé la théorie des Eons reprenant le vieux mot de la gnose chrétienne des premiers âges. Avec cette théorie, il est tout aussi naturel d’arriver à penser que ce que l’on appelle l’esprit est moins immatériel qu’il n’y paraît puisque les éons en seraient porteurs (lire son livre « L’Esprit, cet inconnu » — Albin Michel).

Voilà donc comment, par le jeu et l’attitude aléatoire de particules élémentaires, l’esprit est entré dans les laboratoires. « Il n’est pas prêt d’en sortir » affirme Jean E. Charon et beaucoup de physiciens avec lui tel Olivier Costa de Beauregard — même si la conception de cet esprit n’est pas tout à fait semblable. Avec sa théorie, Jean E. Charon redonne à l’homme et son éternité et sa dimension cosmique. Débarrassée des dogmes de patronages elle offre une nouvelle spiritualité à l’homme beaucoup plus crédible, tout en lui offrant de tout savoir. Avec lui, apprenez à écouter le chant des éons reliant le conscient, l’inconscient, il chante l’univers éternel.

Je prendrais volontiers le pari que, pour les générations qui vont suivre, la découverte la plus importante de notre vingtième siècle n’aura été ni celle des forces nucléaires, ni celles touchant aux nombreux développements de l’audio-visuel, ni même celle d’avoir inventé des engins pour nous rendre sur la Lune : ce sera la découverte par la Physique du monde intérieur. Et les principales directions de progrès de la connaissance, à l’entrée du troisième millénaire, vont s’effectuer au cours de l’exploration de ce monde intérieur, de même que les trois derniers siècles avaient vu l’extension considérable de notre savoir concernant notre monde extérieur.

Cette découverte de la Physique ne date que des toutes dernières années, et elle a tellement surpris les physiciens eux-mêmes qu’ils n’ont pas encore réussi à prendre toute la mesure du bouleversement qui va en résulter dans l’approche « scientifique » des phénomènes. De quoi s’agit-il ?

Depuis Newton [1] la Physique s’est bâtie en affirmant qu’elle voulait être une science « exacte », et que pour cette raison elle ne voulait se préoccuper que des phénomènes observables, c’est-à-dire directement identifiables sans ambiguïté dans ce qu’on nomme habituellement notre monde extérieur. Certes, elle ne prétendait pas ignorer complètement l’existence d’un monde intérieur, où se situait quelque chose qu’on nommait Esprit, avec tout son lot de rêves, de sentiments, de préoccupations métaphysiques. Mais tout cela, pour la Physique, c’était trop « flou » pour intervenir dans une science « exacte », elle préférait abandonner ces choses aux philosophes, ou aux psychologues, voire même aux théologiens. Et la Physique de l’époque avait raison : on ne peut nier les énormes progrès accomplis dans notre connaissance de l’Univers grâce à cette approche exclusivement « observable » des phénomènes de la Nature.

Mais, plus la Physique avait accès à des phénomènes situés à la limite de l’observation, comme ces minuscules particules formant toute la matière, ou encore ces objets cosmiques à peine détectables aux confins de notre Univers, plus l’Esprit devait venir boucher les trous entre les données observables pour assurer la cohérence de ce que l’on souhaitait représenter. Vers le début de notre siècle il devint clair pour les physiciens que les mécanismes propres à l’Esprit interféraient parfois tellement avec la chose observée qu’on était en droit de se demander si celle-ci n’était pas le simple reflet de notre propre pensée. Mais où localiser les « mécanismes » de l’Esprit ? Comme le remarquait Paul Valéry « On aurait beau errer dans un cerveau on n’y trouverait pas un état d’âme ». Existerait-il, à côté du monde extérieur observable, un monde intérieur invisible, où les processus psychiques pourraient être décrits à la manière dont on avait, jusque-là, décrit les phénomènes du monde extérieur ?

Si ce monde intérieur existe « vraiment », il devrait être fait, comme le monde extérieur, d’espace et de temps. C’est donc un approfondissement de la nature de l’espace et du temps qui devrait, en principe, permettre aux scientifiques de « sauter le mur » du monde intérieur.

En fait, la découverte du monde intérieur constitue la troisième « révolution » relativiste accomplie depuis le début du siècle. Einstein avait déjà, par deux fois, bouleversé nos préjugés sur l’espace et le temps. En 1905 (Relativité restreinte) il montrait qu’espace et temps interfèrent l’un avec l’autre : parmi les conséquences rappelons le célèbre E = MC2, mais aussi le fait plus surprenant (mais tout aussi vrai) qu’un cosmonaute porté par une fusée ayant une vitesse proche de celle de la lumière vieillit moins vite que s’il reste sur Terre. Puis, en 1915 (Relativité générale), Einstein se manifeste à nouveau en affirmant que toute chose est formée d’espace et de temps plus ou moins « courbé » : ainsi un grain de matière est une « bosse » extrêmement courbée et localisée de l’espace qui l’entoure. Tout ceci est aujourd’hui bien vérifié, il n’y a plus à y revenir. Mais, vers les années 70, une troisième révolution s’amorçait. En effet, si l’espace se courbe de trop, il finit par… crever, et on passe alors « de l’autre côté », entendons de l’autre côté de notre monde extérieur habituel. Les physiciens sont comme les autres, ils sont curieux, et la grande question fut alors de savoir ce qu’il y avait de l’autre côté, dans l’autre monde. Car, comme le constatèrent rapidement les physiciens, c’était bien là un « autre monde », un monde où les phénomènes n’évoluaient pas comme dans notre monde extérieur observable mais, en quelque sorte, de manière complémentaire. Dans cet autre monde, l’espace et le temps échangent leur rôle, l’espace « s’écoule » sans cesse (comme du temps), tandis que l’observateur de ce nouveau monde peut se déplacer dans le temps (comme il le faisait ici dans l’espace). Par ailleurs, alors que les lois physiques du monde extérieur entraînent tous les phénomènes vers le désordre, les lois physiques dans ce monde complémentaire font évoluer les choses vers l’ordre. En bref, la Physique découvrait ainsi que de l’autre côté de notre monde habituel les phénomènes se déroulaient spontanément en faisant preuve de mémoire (déplacement dans le temps), de raisonnement (évolution vers l’ordre) et d’un genre « d’élan » continuel de conscience (écoulement continuel de l’espace porteur d’informations). De l’autre côté c’est, finalement, le monde intérieur, avec la définition que nous donnons habituellement à cette expression, c’est-à-dire, le monde de l’Esprit.

Cette nouvelle « révolution » relativiste sur la nature de l’espace et du temps porte le nom de Relativité complexe (1977). Elle montre que le champ d’investigation de la Physique ne peut plus se borner désormais au seul monde extérieur, il faut maintenant tenir également compte d’un monde intérieur qui, comme le précédent, est fait d’espace et de temps, et peut donc être décrit avec autant de précision que le premier. L’Univers total comprend ainsi un monde extérieur exhibant des propriétés physiques avec lesquelles les physiciens sont familiers ; et un monde intérieur, caractérisé par des propriétés de nature psychique. Ce sont ces deux mondes qui forment aujourd’hui l’objet de la nouvelle Physique, que pour cette raison on commence à nommer la Psychophysique.

Mais que trouve-t-on dans ce monde intérieur ? Une difficulté pour identifier les objets du monde intérieur est que, comme « l’état d’âme » de Valéry, ils sont invisibles. Les deux mondes intérieur et extérieur se présentent un peu comme les deux faces d’une feuille de papier posée sur une table : on constate avec nos yeux qu’il y a un côté visible (monde extérieur) ; mais comme on ne voit pas le côté pile (monde intérieur) posé sur la table on a d’abord eu tendance à dire qu’il n’existait pas. Mais supposons que de petits aimants soient cachés sous la feuille de papier : bien qu’on ne les voie pas directement on constate cependant leur présence car ces aimants, en se déplaçant, entraînent le mouvement d’aiguilles métalliques posées sur la feuille de papier, sur le côté visible. Ces aiguilles ont été sensibles au champ magnétique des petits aimants invisibles, situés dans le monde derrière la feuille de papier. Les choses se passent de manière tout à fait similaire pour les rapports de notre monde intérieur avec le monde extérieur observable : le monde intérieur est un monde invisible mais on devine les objets qui l’habitent par l’action indirecte qu’exerce leur présence sur le monde extérieur observable.

Pour le moment, deux « objets » invisibles ont été identifiés par la Physique comme se situant dans le monde intérieur. A l’échelle cosmique ce sont les trous noirs, ces étoiles mourantes qui disparaissent dans le monde intérieur quand elles approchent de leur phase terminale ; et, à l’échelle des particules qui composent la matière, ce sont les électrons. Dans le présent article je vais m’intéresser exclusivement aux électrons [2].

Il doit être clair que les physiciens, qui connaissent l’électron depuis Faraday (mort en 1867) n’ont pas accepté sans « preuves » de considérer l’électron comme un objet du monde intérieur. Qualitativement, l’électron était cependant dès le départ un « candidat » excellent pour l’invisible. Il possède en effet une masse mais cependant un volume observable nul ; par ailleurs, il joue au « passe-muraille » avec la matière, il la traverse comme s’il ne la rencontrait pas [3]. Conclusion : il n’est pas dans l’espace observable (dans lequel on mesure son volume et où se localise la matière), il est « ailleurs » : et cet ailleurs, la physique n’en connaît pas pour le moment d’autre que le monde intérieur. Mais il fallait aussi, pour les physiciens, de solides arguments quantitatifs : on montra donc que l’électron, ainsi localisé comme un objet du monde intérieur, satisfaisait toutes les propriétés physiques que la science lui reconnaissait depuis longtemps. Restait, et c’était là bien sûr le plus important, restait à prouver que l’électron possédait aussi puisqu’il était un personnage du monde intérieur, des propriétés psychiques. Et ceci, il n’était pas question de le démontrer dans le langage de la Philosophie, mais bel et bien dans celui de la Physique (c’est-à-dire équations à l’appui). Confronté à ce problème, le petit groupe de physiciens travaillant avec moi a raisonné comme suit ; si l’électron est vraiment porteur d’Esprit, c’est qu’il contribue aussi à notre Esprit, puisqu’il entre dans notre corps. Mais alors, si notre Esprit est enfermé dans ce petit monde de l’électron, c’est que cette particule doit posséder dans sa propre structure toute la « mécanique » de représentation du monde, étant donné que c’est notre Esprit qui est la source de la représentation que la science se forme du monde. On se retrouverait un peu ici comme dans la célèbre « caverne » de Platon. L’observateur enfermé dans cette caverne ne peut voir que les ombres du monde extérieur, dans lequel il ne peut se rendre : il dessine alors sur les murs de sa caverne une représentation du monde, mais celle-ci est à la dimension de sa caverne, les lois de sa caverne sont les lois du monde, les couleurs elles-mêmes sont empruntées aux matériaux de sa caverne etc… Si nous sommes « enfermés » dans l’électron (psychiquement parlant), nous dessinons nous aussi l’Univers avec ce dont nous disposons dans l’électron, et l’analyse de la structure de l’électron doit alors nous permettre de calculer directement les facteurs d’échelle qui interviennent dans notre représentation du monde, c’est-à-dire des données physiques (comme par exemple la vitesse de la lumière) qu’on avait crues jusque-là appartenir en propre à notre monde extérieur, mais qui sont en fait des caractéristiques de notre monde intérieur. Une telle analyse de l’électron comme objet du monde intérieur a été faite et a permis récemment de retrouver toutes les constantes dites fondamentales de la Physique, ce qui n’avait jamais été fait… et confirme définitivement que l’électron est bien porteur d’Esprit, de notre Esprit [4].

Nous voici donc tous concernés : la Physique contemporaine confirme la célèbre intuition de Teilhard de Chardin, les électrons entrant par milliards dans notre corps sont porteurs d’une « psyché ». On désigne par éon l’ancien électron de la Physique, si l’on veut souligner que cette particule est physiquement toujours la même mais est désormais reconnue comme possédant aussi des propriétés psychiques [5].

Ce qui nous intéresse maintenant c’est de savoir ce que nous sommes, chacun de nous, vis-à-vis de ces éons psychiques. Je sens que je suis unique, que je me caractérise en tant que Personne par un Moi comment ce sentiment d’unité est-il compatible avec ces milliards d’éons qui composent mon corps ? Il s’agit, finalement, de développer une Psychologie ionique, qui aille de pair avec les nouvelles découvertes de la Physique.

Et d’abord, comment sont-ils faits ces éons ? Ce sont de minuscules petits corpuscules sphériques en pulsation. Temps et espace ont ici les propriétés particulières de ce monde intérieur que nous venons de décrire. En d’autres termes, ce monde intérieur n’est pas fait, comme l’espace qui nous entoure (monde extérieur), d’une grande étendue homogène : notre monde intérieur se pulvérise en une sorte de « rosée » d’éons, chaque éon étant un petit univers en lui-même, communiquant avec les autres éons et avec le monde extérieur par des actions à distance [6]. Ces sphérules éoniques enferment un gaz de lumière, c’est cette lumière qui est porteuse des informations psychiques, c’est elle qui sera capable de mémoriser ces informations, puis de « raisonner » sur elles, comme le fait notre propre Esprit. On retrouve avec ce rôle important de la lumière comme support du fonctionnement spirituel, cette intuition millénaire qui voulait que la Lumière soit un élément essentiel du Vivant et du Pensant.

Ce sont de tels éons qui entrent donc dans la composition de notre organisme. Mais ils ne se disposent pas dans notre corps comme les grains d’un tas de sable. Ils s’ordonnent les uns par rapport aux autres pour faire fonctionner la machine humaine, à peu prés comme s’y prendraient des hommes et des femmes pour faire « tourner » une entreprise quelconque. Et, de même dans l’entreprise on trouve un genre de « chef d’orchestre » coordonnant l’action de tous les autres, de même les éons de notre corps vont être orchestrés par un éon unique, que pour utiliser la terminologie de la théorie des ensembles [7] nous nommerons l’éon « distingué ». C’est cet éon distingué qui constitue ce qu’on nomme notre Moi. Il a été présent dans notre corps dès l’instant de notre conception. Il sera encore présent à l’instant de notre mort corporelle. Pendant notre vie il joue le rôle de coordinateur-chef d’orchestre pour les milliards d’éons de notre corps, qui eux n’ont pas la permanence de notre moi, à l’instar des cellules de notre corps qui s’échangent continuellement au cours de notre vie.

Nous nous servirons, pour éclairer la Psychologie éonique, du schéma ci-dessous.

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Nous y avons représenté le Moi en relation avec tous les éons de notre corps. Deux aspects importants sont à souligner : l’éon est l’électron de la Physique, et celle-ci nous apprend qu’il est immortel ; par ailleurs, l’éon possède une mémoire cumulative, il ne peut rien oublier [8]. Chaque éon de notre corps est né (de la lumière encore) il y a des millions d’années, et il a acquis au cours d’incarnations successives un « savoir-faire » qu’il utilise pour participer utilement, avec tous les autres éons du corps, au fonctionnement de notre organisme. Nous désignerons par mémoire innée ce savoir millénaire que nous possédons ainsi dans nos éons corporels et qui se rapporte à l’expérience faite par nos éons avant notre conception. C’est cette mémoire innée qui fait battre notre cœur, respirer nos poumons, bref accomplir toutes les fonctions qui ne sont pas commandées par notre volonté. Au contraire, nous nommerons mémoire acquise celle qui se rapporte seulement aux événements vécus depuis notre conception. Ces deux mémoires, innée et acquise, se distinguent surtout par le fait que nos éons corporels ont une mémoire acquise commune (ils ont pour la plupart vécu les mêmes événements depuis notre conception) ; alors que la mémoire innée est faite de la diversité des vies vécues par chaque éon, au cours d’incarnation dans des organismes différents, avant que ces éons soient réunis pour un moment dans notre propre corps. On peut dire, en schématisant, que la diversité des mémoires innées ne permet pas un langage commun entre les éons ; alors que, au contraire, la mémoire acquise commune à tous les éons, portant sur les mêmes événements vécus depuis la conception, permet un langage clair de communication entre les éons corporels et le Moi. On parlera de la « cacophonie » de la mémoire innée, et de la « mélodie » de la mémoire acquise.

Pour s’y retrouver dans ces deux types de mémoire, dont l’une possède l’expérience et la sagesse d’un très long passé mais est composée d’une voix presque imperceptible tant elle est multiple (l’inné), l’autre qui ne concerne que cette vie mais s’exprime d’une voix claire car unique (l’acquis), la Nature qui a besoin d’utiliser ces deux mémoires pour assurer le fonctionnement harmonieux de l’organisme vivant va mettre en place l’alternance de la veille et du sommeil, propre à tout le Vivant : pendant la veille notre Moi ne dirigera que la mélodie de la mémoire acquise, on dira que c’est le Conscient qui est à l’œuvre ; au contraire, pendant le sommeil le Moi s’efforcera de se mettre à l’écoute du langage diversifié propre à l’inné, un langage qui, si on peut l’entendre, possède la sagesse permettant de pallier les déséquilibres de la vie consciente. Reprenant le langage Jungien, nous dirons que pendant le sommeil notre Moi est en relation avec notre Inconscient, s’exprimant notamment par le langage souvent « flou » (mais pourtant combien essentiel pour notre équilibre) des rêves.

L’ensemble de nos éons et des particules de matière de notre corps forme ce que nous nommons notre monde Personnel (Esprit et corps). Cet ensemble baigne dans notre monde extérieur.

Mais pourquoi les éons viennent-ils ainsi s’incarner dans ces communautés complexes que sont les organismes vivants ? Pourquoi ne se contentent-ils pas de faire leur expérience isolément ? Il est vrai que, même isolément, le niveau psychique des éons ne peut faire que croître avec le temps [9]; mais l’association des éons entre eux a pour conséquence d’accroître le rythme d’acquisition et la qualité des informations échangées avec le monde extérieur, exactement comme cela a eu lieu quand les humains regroupent différentes spécialités dans la même entreprise. L’organisme vivant réalise l’unité dans la diversité, et une telle incarnation a pour effet, en définitive, d’élever le niveau psychique de chaque éon participant à l’organisme, et non seulement le niveau de cet éon distingué que l’on nomme le Moi. L’organisme vivant est une véritable « université » éonique, ou les étudiants-éons sont dans les meilleures conditions pour exercer leurs propriétés psychiques [10].

Cependant, les éléments accumulés pendant une vie dans la mémoire acquise de chaque éon ont besoin d’être, au bout d’un moment, coordonnés avec ceux de la mémoire innée éonique. Cet « équilibrage », nous l’avons vu, est déjà réalisé un peu chaque nuit au cours de notre sommeil. Mais nous avons noté également que cette relation nocturne du Moi et de l’Inconscient est très imparfaite, elle ne pourra bien s’effectuer que dans le silence de l’entre-vie, quand tous les éons de notre corps retourneront « à la poussière », pour une plus ou moins longue pause de réflexion dans l’espace cosmique. C’est ce que nous avons représenté sur le schéma. Mon Moi vivant devient alors mon Moi cosmique, il est seul (c’est-à-dire n’appartient plus à un organisme vivant), il a devant lui le panorama complet de ses vies vécues au cours de ses incarnations successives, depuis des millions d’années, non seulement dans les Hommes mais dans tout le règne du Vivant. Cette mémoire innée millénaire, qui porte toutes ses existences passées, cette mémoire qu’il ne distinguait que de manière floue pendant la période de Vie, qu’il n’apercevait qu’à travers les données troubles de son Inconscient, voici qu’il peut enfin en contempler la totalité du contenu, comme on se repose à promener son œil sur un vaste paysage ; à l’obscurité de la période de Vie fait suite la lumière de la période de Mort. La Mort n’est autre qu’une longue réflexion sur nos existences passées.

Jusqu’au moment où, à nouveau, mon Moi cosmique choisit de recommencer à participer à un organisme vivant, soit comme Moi de cet organisme (s’il possède un niveau psychique suffisant) soit comme un éon corporel (d’un organisme « plus psychique » que lui-même). Et ainsi jusqu’à la fin des temps, jusqu’à atteindre ce qu’on pourrait appeler un niveau de conscience infini [11].

Ce qu’il est essentiel de retenir de ces éléments de psychologie éonique [12], c’est le fait que identité psychique est associé à un éon et un seul. Cet éon, c’est celui que j’ai nommé Moi vivant pendant la période de Vie, Moi cosmique pendant la période de Mort. Et, à ce Moi, il ne correspond pas un vague symbole (comme jadis le symbole de l’âme) mais une particule bien connue de la Physique qui peut être localisée de manière précise dans l’espace et le temps. Ceci est devenu possible dès que la Physique a ouvert la porte à l’exploration du monde intérieur, qui est le seul monde où cette particule, l’éon-électron, est indéfinissable dans l’espace et le temps. Certes, l’éon peut paraître bien petit pour contenir notre Moi tout entier ; mais, vis-à-vis de l’Univers entier, notre corps lui-même n’a guère que les dimensions que possède l’éon par rapport à notre corps : et notre « petitesse » ne nous empêche pas de « compter » par rapport à l’Univers entier. Oui, je suis mon Moi, je peux identifier qui je suis du commencement à la fin des temps. Pendant une incarnation, il est vrai, je vis en communauté éonique, mais je profite de cette communauté pour « explorer » l’Univers beaucoup mieux que si j’étais seul. Et je garde néanmoins mon identité parmi cette vaste communauté d’éons, je suis un petit univers à moi tout seul, je conserve de manière indélébile mes souvenirs personnels datant de millions d’années au cours de ces alternances successives de vie et d’entre-vie ; il y a transformation de mode d’exister à l’occasion de ces alternances de la Vie à la Mort, mais il n’y a jamais discontinuité, jamais de Mort véritable.

La Physique rejoint le fond commun à toutes les religions en concluant ainsi à l’immortalité du Moi. Elle vient retrouver en même temps les bases de la Psychologie Jungienne, notamment avec les notions de veille et de sommeil, de Conscient et d’Inconscient, et leur intervention dans la vie psychique totale. Mais la Physique, en s’ouvrant ainsi au monde intérieur, après sa longue et minutieuse investigation du monde extérieur, ne fait-elle pas d’ailleurs ainsi qu’approcher son objectif ? Pour s’en convaincre, on pourrait sans doute une nouvelle fois écouter Teilhard : « Le moment est venu de se rendre compte qu’une interprétation, même positiviste, de l’Univers doit, pour être satisfaisante, couvrir aussi bien le dedans que le dehors des choses — l’Esprit autant que la Matière. La vraie Physique est celle qui parviendra, quelque jour, à intégrer l’Homme total dans une représentation cohérente du monde » [13].

Si nous n’y sommes pas encore, on peut en tout cas penser que nous sommes aujourd’hui sur la voie.

Jean-Émile Charon (1920 – 1998) était physicien et philosophe. Parallèlement à ses ouvrages de physique, Jean Charon a publié de nombreux ouvrages philosophiques. Il introduit la notion d’infrapsychisme : pour Charon, toute particule a deux regards, un de conscience (onde psi), un de mémoire (onde sigma).

Sur Charon voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-%C3%89mile_Charon


[1] Newton exclusivement, car, comme on sait, il a pour sa part plus écrit sur l’alchimie que sur l’optique ou la gravitation, et il était fort préoccupé du monde « intérieur ».

[2] J’ai longuement parlé des trous noirs et de la nature de leur espace-temps dans mes récents ouvrages, notamment « Mort, voici ta défaite », Albin Michel, 1979.

[3] Les physiciens disent naturellement tout cela beaucoup plus « savamment » : l’électron doit être ponctuel (sans volume) pour éviter les « divergences » dans tous les formalismes qui le décrivent ; et d’autre part, l’électron n’a pas d’interactions « fortes ».

[4] Voir mon ouvrage « La Nature de l’espace-temps en Relativité complexe », Albin Michel, 1982.

[5] L’éon était la particule porteuse d’Esprit dans la Gnose du premier siècle de notre ère.

[6] Que les physiciens nomment interactions « virtuelles ».

[7] On montre en théorie des ensembles qu’il doit nécessairement y avoir ainsi, dans tout ensemble d’éons entre lesquels existe une relation d’ordre, un « premier » éon se distinguant de tous les autres (théorème de Zermelo).

[8] La mémoire de l’électron, diront les physiciens, évolue à néguentropie non décroissante… ce qui revient à dire qu’elle est indélébile. C’est là une propriété essentielle du monde intérieur.

[9] Même remarque que ci-dessus.

[10] Ces propriétés psychiques sont au nombre de quatre : la Réflexion, la Connaissance, l’Amour et l’Acte ; voir « Mort, voici ta défaite », op. cit.

[11] Dieu en nous devenant nous en Dieu.

[12] Je développe ces éléments dans mon ouvrage chez Albin Michel « J’ai vécu 15 milliards d’années » 1982.

[13] Pierre Teilhard de Chardin, « Le Phénomène humain », Le Seuil, 1955.