Science & foi

Note à nos lecteurs: Certaines des idées des intervenants de ce dossier, paru en l’an 2000, se sont modifiées avec les années. Il faut se référer à des écrits plus récents pour se faire une idée plus exacte de la vision actuelle des auteurs… (Revue Actualité des religions. No 18. Juillet-Août 2000) Science et foi […]

Note à nos lecteurs: Certaines des idées des intervenants de ce dossier, paru en l’an 2000, se sont modifiées avec les années. Il faut se référer à des écrits plus récents pour se faire une idée plus exacte de la vision actuelle des auteurs…

(Revue Actualité des religions. No 18. Juillet-Août 2000)

Science et foi apparaissent le plus souvent comme des ennemies. La première incarne la liberté de recherche, la confiance en la raison humaine, le progrès grâce aux développements positifs qu’elle nous apporte. La seconde est, pour beaucoup, synonyme d’asservissement, d’irrationnel, de traditions dépassées. L’« affaire Galilée » est souvent présentée comme le type même du conflit entre l’homme de science et l’autorité religieuse.

Alors, la cause est-elle entendue ? Entre les deux univers, les ponts sont-ils à jamais rompus ? Ce dossier montre qu’il n’en est rien. D’abord parce que la science ne fait plus l’objet d’une croyance naïve, comme ce fut le cas jusqu’à une date récente. Ainsi depuis la bombe atomique, les effets néfastes du nucléaire sont devenus évidents. Et l’on a raison, sans doute, de redouter les manipulations génétiques et le clonage.

Par ailleurs, si, les Autorités religieuses ont appris à ne plus empiéter sur un domaine, celui de la recherche scientifique, où elles n’ont pas compétence, des savants, qui sont aussi des hommes de foi ou « en quête de sens », tentent d’établir des passerelles entre des univers jadis brouillés. Nous avons donné la parole à six d’entre eux, de disciplines différentes : Jean-Didier Vincent (protestant devenu athée), Jacques Arnould (catholique), Henri Atlan (juif), Abd-al-Haqq Guiderdoni (musulman), Trinh Xuan Thuan, Matthieu Ricard (bouddhistes). Un spécialiste des sciences, philosophe et théologien catholique, Jean-Michel Maldamé, donne des éléments clés pour une synthèse en forme de réconciliation.

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Science sous surveillance par Djénane Kareh Tager

L’Europe se méfie des avancées technologiques : OGM ou maladie de la « vache folle » en sont peut-être la cause. Une méfiance qui ne date pas d’hier : déjà Pline l’Ancien exprimait ses craintes à propos des greffes de végétaux…

Faut-il avoir peur de la science ? Réunis en 1974 en Californie, des scientifiques du monde entier se sont posé cette question. N’était-il pas temps de mettre fin à leurs recherches ? Les premières greffes génétiques venaient d’aboutir et, sous le choc de leurs prouesses, ils exprimaient leurs craintes de voir proliférer des mutants. Dans le règne végétal, mais aussi animal, voire humain. Après hésitations, ces savants décidèrent de continuer.

Aujourd’hui, la consommation des OGM, les organismes génétiquement modifiés, s’est banalisée, du moins en dehors de l’Europe. Après le décryptage de la carte génétique… du chou-fleur, il y a une quinzaine d’années, ce sera au tour du génome humain de livrer, d’ici 2003, tous ses secrets. Et toutes ses potentialités. Sur le plan médical, les essais de thérapie génique, c’est-à-dire par modification des gènes, entamés au début des années 90, ont abouti à une première réussite : la guérison de deux « bébés bulle », souffrant d’un déficit immunitaire grave. Dans les prochains mois, c’est une avancée décisive de la médecine sur le diabète qui devrait être annoncée. L’essor des techniques de biologie moléculaire et cellulaire permettra, dans la foulée, de venir à bout de bien d’autres maladies. Les progrès technologiques, eux, nous permettront de surmonter les petits tracas du quotidien. Finies les taches de sauce : les tissus autolavants seront bientôt commercialisés. Et grâce au Nitinol, un « alliage à mémoire forme », les carrosseries embouties de nos voitures reprendront spontanément leur allure initiale.

Pourtant, le grand public se méfie de plus en plus de la science. Selon le quatrième Eurobaromètre réalisé l’hiver 1999 dans les quinze pays de l’Union européenne, 41 % des habitants de l’Europe estiment que les biotechnologies « amélioreront leur mode de vie au cours des vingt prochaines années ». Ils étaient 47 % lors de la précédente enquête, en 1997. Pour près d’un Européen sur quatre, ces biotechnologies auront, tôt ou tard, un effet négatif. Enfin, ils ne sont plus que 68 % (contre 80 % en 1997) à juger utile le recours aux biotechnologies à des fins médicales.

Frankenstein et Cosinus

« L’évolution des sondages au cours des vingt dernières années démontre notre attitude ambivalente à l’égard de la science. On lui trouve à la fois des effets positifs et négatifs, on en pense autant de bien que de mal, mais on doute de plus en plus des conséquences du développement scientifique », explique Daniel Boy, directeur de recherches au Cevipof, le Centre d’étude de la vie politique française [1]. Depuis près de trente ans, ce dernier étudie les relations ambiguës des Français à la science. « Dans les esprits, Frankenstein et le savant Cosinus voisinent aisément avec Pasteur et Marie Curie, résume-t-il. J’ai toujours été frappé de constater que, dans un même discours, à quelques phrases d’intervalle, une même personne pouvait exprimer des avis contradictoires à l’égard de la science ! Ceci est en partie dû au fait que ce terme recouvre des réalités extrêmement variées, dont les représentations sont très ambiguës. »

« Frankenstein », ce sont tous les ratés de la science qui s’accumulent depuis quelques années : la maladie de la « vache folle » et ses conséquences sur l’homme, le clonage et les autres manipulations d’embryons avec les risques d’eugénisme à venir, quand chaque postulant à une embauche assortira son CV de sa carte d’identité génétique, la violation des libertés individuelles par l’essor de la technologie, notamment d’Internet, la pollution de l’air et de l’eau, les résultats peu probants du stockage des déchets nucléaires… et la liste est encore longue.

Pline et ses craintes

Des avatars de la science moderne ? « Au 1er siècle de notre ère, note Daniel Boy, Pline l’Ancien exprimait déjà ses craintes de voir se retourner contre nous les créations de l’intelligence humaine ; il condamnait ainsi les greffes dans le domaine végétal, estimant qu’un jour, la nature se vengera. Au Moyen Âge, la concentration d’activités polluantes dans les villes a généré de nombreux conflits et a entraîné les autorités à adopter ce qu’il faut considérer comme les premières législations antipollution. Plus tard, au XVIIIe siècle, Rousseau s’indignait des effets pervers « des sciences et des arts », affirmant que le progrès de la science va à l’encontre de celui des mœurs. Les Romantiques ont repris cette idée et, en 1895, un ouvrage fit sensation : la Faillite de la science, de Ferdinand Brunetière. Au fond, poursuit Daniel Boy, la crise du progrès est un phénomène cyclique, pas spécifique à notre époque. »

Cependant, admet-il, la crise moderne a quelques particularités. D’abord, nous disposons d’instruments pour mesurer les dégâts causés par la science, notamment la contamination de l’espace naturel par les rejets chimiques des usines. Ensuite, le citoyen, mieux éduqué, perçoit le lien direct entre certaines conséquences du développement scientifique et technique et la santé. Ce citoyen « ordinaire » se sent capable de débattre de choses qui, autrefois, paraissaient devoir être déléguées aux seuls spécialistes. Les médias sont d’ailleurs là pour le lui rappeler : chaque pic de pollution est accompagné d’interviews de pédiatres et autres médecins déplorant l’affluence dans leurs cabinets ! Enfin, nous sommes de plus en plus conscients de la finitude de notre monde : nous savons désormais qu’il n’est pas infiniment exploitable. Et qu’au rythme où nous allons, nous n’aurons plus rien à léguer à nos enfants.

Une autre caractéristique de la « crise moderne » réside dans le souci qu’ont les scientifiques de leur image. Les sondages, commandités parfois par les instituts de recherche eux-mêmes, se multiplient. En France, depuis 1992, le ministère de la Recherche a institué la Semaine de la science. Pour son édition 1999, cinq millions de citoyens ont franchi les portes des laboratoires, des centrales électriques ou nucléaires, et d’autres sites infranchissables en temps normal.

L’irrationnel gagne du terrain

Dans les grandes villes, des cafés scientifiques, clones des cafés littéraires, permettent à tout un chacun de se tenir au courant des avancées de la recherche… et de s’assurer que cette recherche sert à quelque chose. Résultat ? « L’irrationnel continue de grignoter du terrain. Beaucoup d’entre nous pensent que deux et deux font quatre, tout en croyant aux vertus magiques de certains chiffres, constate Daniel Boy. Et toutes les disciplines pâtissent de cette ambiguïté, y compris la médecine. Le développement des médecines parallèles est devenu gigantesque ! Et tandis que des scientifiques s’interrogent sur l’innocuité du téléphone mobile, le public se précipite sur ce type d’appareils. »

Alors, la science a décidé de « négocier un nouveau contrat » avec la société. C’est du moins ce qu’affirmait Federico Mayor, alors directeur général de l’Unesco, à l’ouverture d’un colloque organisé en juin 1999 par le Conseil international pour la science (CIUS), sur le thème « la science pour le XXIe siècle, un nouvel engagement ». Un colloque qui s’est achevé sur cette déclaration : « Les nations et les scientifiques du monde entier doivent être conscients de l’urgence d’utiliser de manière responsable les connaissances émanant de tous les domaines de la science pour satisfaire les besoins et les aspirations des êtres humains, sans mésuser de ce savoir. » Ainsi soit-il.

Journaliste, Djénane Kareh Tager a occupé de nombreuses fonctions dans le domaine du journalisme. Elle a successivement été rédactrice en chef du Monde des Religions, de France 24, et du magazine Clés.

Écrivain, elle est l’auteure de plusieurs essais, dont Mon chemin avec Edgar Morin (Fayard, 2008) et de récits portant sur la condition de la femme en islam : Sous mon niqab avec Zeina (Plon, 2010), 40 coups de fouets pour un pantalon et Suis-je maudite ? La femme, la charia et le Coran, tous deux avec Lubna Ahmad al-Hussein (Plon 2009 et 2011)…

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La foi comme pari par Jean-Didier Vincent

« Comme tous les renégats et beaucoup d’athées — je le dis sans honte après tout —, j’oscille toujours entre la superstition et la prière… »

J’ai été interne au collège protestant de Guyenne, près de Sainte-Foy-la-Grande, le berceau de mon père, un petit îlot protestant. J’ai donc baigné dans cet univers calviniste plombé par la culpabilité, la responsabilité personnelle et le sens de la grâce. J’ai été pétri de culture religieuse, d’autant que ma mère était très catholique. J’ai suivi et l’école du dimanche et le catéchisme. Mon père était, lui, franc-maçon et militant de la laïcité, voire de l’antipapisme. Bref, je suis tombé tout petit dans le christianisme et les conflits de religion. J’y suis resté jusqu’à dix-huit, vingt ans. Au moment de l’éveil de la sexualité, j’ai été pris en tenaille entre la répression protestante et la répression catholique. Difficile de comprendre son corps dans cette atmosphère morbide de la faute. Ma vocation de biologiste vient de là. Je m’en suis finalement tiré, mais en y laissant des plumes.

C’est d’ailleurs ce qui a achevé ma rupture avec l’Église catholique. Car, je suis passé d’un rationalisme protestant — auquel je dois mon esprit de discussion — à la tentation d’un catholicisme mystique. Je me suis ainsi baladé entre les deux traditions. Mais toujours sous l’éclairage de la culpabilité. Pour devenir finalement un scientifique très impliqué dans la recherche. Et puis la bigoterie et l’arrogance des bourgeois, qui représentaient pour moi le catholicisme, m’ont conduit à gauche.

Mes engagements politiques ultérieurs, pour l’indépendance de l’Algérie notamment, ont consommé la rupture. J’ai perdu la foi presque sans m’en rendre compte. Depuis, rien dans ma pratique scientifique n’a jamais justifié le moindre retour à elle. Mais, j’en garde une nostalgie profonde. Comme tous les renégats et beaucoup d’athées — je le dis sans honte, après tout —, j’oscille toujours entre la superstition et la prière. Et puis, je trouve parfois chez des prêtres et chez certains théologiens — comme Jacques Arnould —, plus d’honnêteté et de spontanéité que dans le milieu intello. J’ai donc cessé de bouffer du curé.

Quant à la question de la foi, on ne peut lui tourner le dos. Plus on vieillit, plus les superstructures édifiées après l’adolescence s’effritent. Réapparaissent alors des bases que je ne peux effacer. Mais je suis toujours un peu en révolte contre la cléricature comme l’était Bernanos, une référence constante pour moi, car je suis plutôt du côté des chrétiens déchirés que des contents qui vont à la messe. En même temps, je suis très sensible à la vie religieuse. Je l’ai encore constaté au couvent des Tourettes où nous nous sommes retirés avec frère Jacques (Arnould) pour écrire notre livre.

Je suis un mécréant, mais, bon, ce n’est pas si facile ! S’il y a bien une chose qui interroge la théologie, la foi et la grâce, c’est l’évolution du vivant ! Je me tiens à l’écart de la transcendance, d’un principe d’explication qui serait extérieur à l’homme, mais j’essaie de proposer quelque chose que je nommerais « l’introscendance ». Alors que la transcendance sort des limites finies du monde, je ferais une sorte de chemin en sens inverse. J’essaierais de remonter le cours du temps jusqu’à l’origine. Ce n’est rien du tout l’évolution du vivant. Quelques milliards d’années… Mais une fois dépassé le stade de l’évolution de l’homme, du singe qui devient un homme, arrivé à l’origine, je me retrouve dans l’incapacité d’aller plus loin. De penser au-delà. D’expliquer cette origine.

Si je retrouve une foi — à moins que ce ne soit déjà fait —, elle sera donc tragique, à la Pascal. Une foi qui renvoie à cette origine dont je ne peux sortir par toute ma science. Je me perdrais dans l’origine du tout. Mais vous voyez comme ça sonne creux par rapport à ce que cela désigne ; ça fait discours mystico-vaseux. Mais il peut se construire. A condition de récupérer la foi comme axiome, s’il n’y a d’autre issue possible. De la poser comme un préalable inexplicable et indémontrable, si l’on ne trouve rien d’autre pour rendre compte de l’origine.

Ce qui pose le plus de problème, c’est la liberté de l’homme, qui est au cœur des affirmations du christianisme. Le biologiste sait déceler les contraintes du milieu ou du gène. Il voit que la liberté est réduite à la plus simple expression. Une liberté surveillée dans laquelle la foi apparaît comme une solution imposée, un déterminisme. Cette foi a donc intérêt à se construire avec rigueur. Mais Dieu, là-dedans ?

Je ne confonds pas la foi avec l’existence de Dieu. La présence de Dieu qui se donne comme extérieure à vous-même n’est pas facilement accessible à un homme qui travaille dans les limites du réel. Dans la science. Si vous n’avez pas la ressource de chercher Dieu au-delà du fini, dans une transcendance, c’est bien difficile de le mettre quelque part. Dès lors, vous pouvez avoir la foi, et ne pas la formuler en terme de divin. Admettre un préalable à l’origine sans le prouver et sans le nommer. Ce qui est peut-être une façon de tricher. Nous en parlons avec Jacques Arnould. Un peu aussi avec Luc Ferry, car ce philosophe laïc est plus à l’aise avec sa transcendance qu’un biologiste comme moi, qui n’est pas un vrai matérialiste. Et qui, finalement, situe sa liberté dans une foi qu’il est incapable de définir. » Je suis un biologiste honteux. Obligé de reconnaître que la biologie ne répond à rien. Qu’elle approfondit le doute, car elle renvoie à une conception de l’Univers — on ne peut penser à l’origine du vivant sans penser à celle de l’Univers. Et puis, loin de résoudre les problèmes métaphysiques, les anticipations et les manipulations génétiques les aggravent aujourd’hui. Et quand je dis « métaphysiques », ce serait presque « existentiels ». »

Propos recueillis par Isabelle Francq

Jean-Didier Vincent Neurobiologiste, est l’un des pères de la neuroendocrinologie. Il est connu des milieux de la recherche scientifique comme du grand public, surtout depuis la parution de la Biologie des passions (Odile Jacob, 1994) et la Chair et le Diable (Odile Jacob poche, 2000) et célèbre pour ses explications matérialistes des comportements humains à partir de la biologie. Mais il n’est pas un savant satisfait… Même quand il s’égaie, se revendique jouisseur, son regard reste inquiet. Un homme qui doute, qui cherche, qui s’interroge, qui fait reculer et rebondir les questions sans les clore. D’ailleurs il fait paraître coup sur coup trois livres de dialogue : avec un metteur en scène, Jean-François Perret (Faust, Odile Jacob, 2000), un philosophe, Luc Ferry (Qu’est-ce que l’homme, Odile Jacob, 2000), et un théologien, Jacques Arnould (Dispute sur le vivant, DDB, 2000). Le Sexe expliqué à ma fille, Seuil, 2010, Bienvenue en Transhumanie, avec Geneviève Ferone, Grasset, 2011, Le Cerveau sur mesure, avec Pierre-Marie Lledo, Odile Jacob, 2012, Biologie du couple, Robert Laffont, 2015, Le cerveau expliqué à mon petit-fils, Seuil, 2016…

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Vive la confrontation ! par Jacques Arnould

« Le dialogue entre science et foi existe toujours au cœur même de l’homme. Ce qui me paraît important, c’est de mettre en scène des disputes – au sens médiéval – autour de questions communes à l’homme. »

Le désir de me consacrer à Dieu a précédé mon parcours scientifique. Mes proches m’avaient conseillé de « prendre un métier » pour mûrir humainement avant de m’engager dans la vie religieuse. J’avais toujours été attiré par le vivant, aimé mettre mes mains dans la terre : j’ai donc suivi des études d’agronomie.

J’ai d’abord vécu la relation entre la science et la foi sur le mode de l’opposition. A un moment donné, j’ai même dû faire le choix de l’un contre l’autre. Abandonner mes études d’ingénieur agronome pour prendre l’habit de dominicain. Alors, plutôt que de poursuivre un doctorat en sciences forestières en Suisse, j’ai pris ma vocation religieuse à bras le corps. Mais très vite, après mes premières années d’études de théologie, et sous la conduite de mon supérieur, j’ai compris que le domaine scientifique pouvait être un élément structurant de ma vie.

Avec l’autorisation de ma hiérarchie, j’ai intégré, une journée par semaine, un laboratoire de biologie à Orsay. J’ai commencé par faire ce que j’appelle du « tourisme scientifique ». Mais j’ai rapidement réalisé que je devais aller de l’avant pour pouvoir « être avec » et non pas me contenter de « parler de » la science. J’ai entamé des études en histoire des sciences. Et j’ai compris que la rencontre entre la science et la foi n’est pas un simple passe-temps.

La question matérielle a également commencé à se poser pour moi. Nous, les dominicains, ne sommes pas financés jusqu’à la fin de nos jours par l’ordre ! C’est un détail pratique auquel je suis très attentif. En 1995, par le biais de personnes connaissant mon intérêt pour la relation entre sciences et société, le Cnes (Centre national d’études spatiales) m’a proposé une mission de quelques mois qui s’est prolongée puis transformée en contrat à mi-temps. La première question sur laquelle je me suis penché consistait à comprendre pourquoi la société, si soucieuse de l’environnement, oublie les moyens que lui offre l’espace. Cette question m’a placé en face d’interrogations éthiques. Ainsi, lancer des fusées, installer des sondes sur Mars ou encore rapporter des échantillons extraterrestres sont porteurs de risques. Par exemple le risque de polluer notre planète, voire son orbite. La militarisation de l’espace pose, elle aussi, certaines questions. De même que la possibilité qui nous est désormais offerte d’observer, à deux mètres de résolution près et sans autorisation, ce que font nos voisins et nos ennemis ou de diffuser par satellite, sans contrainte, des émissions sur l’ensemble de la planète.

Aujourd’hui, au sein du Cnes, je m’occupe surtout d’éthique — sans être pour autant le théologien de service. La science est-elle « éthiquement » neutre ? Certains prétendent que oui. Pour ma part, je crois que les théories scientifiques ont des conséquences sur la société. D’autre part, le Cnes a un budget annuel de dix milliards de francs. Comment ne pas s’interroger sur la manière d’affecter cet argent ? Il serait souhaitable que chaque chercheur du Cnes prenne conscience de l’importance de ces questions et réalise qu’elles le concernent directement, tant dans sa vie personnelle que professionnelle.

Ainsi, peu à peu, j’apprends à accorder science et foi. Je mène de front les deux démarches, sachant que c’est en moi que peut se faire l’unification. C’est une expérience plus qu’une décision volontaire. Dans Et Dieu dit : « Que Darwin soit », Stephen jay Gould insiste sur le fait que science et foi ne doivent surtout pas empiéter l’une sur l’autre. Les deux domaines, dit-il, doivent et peuvent revendiquer leur autonomie.

Soit. Mais après avoir affirmé ce beau principe, que dois-je faire ? Prenons l’exemple de deux pays limitrophes séparés par une frontière, comme la France et l’Allemagne. Ils respectent le principe de non-ingérence mais font en sorte de construire l’Europe. De même, je cherche à établir un système de relation, en créant le contact entre science et religion.

Il ne faut pas se leurrer, la réconciliation entre science et foi se fait en nous et non par le biais de structures. Le dialogue entre ces deux réalités existe depuis toujours, au cœur même de l’homme. Ce qui me paraît important, c’est de « mettre en scène des disputes » autour de questions communes à l’homme. Disputer, au sens médiéval du terme, signifie débattre de manière contradictoire mais respectueuse de l’autre, même lorsqu’il s’agit de questions épineuses. Ce fut le cas, en mai, à la télévision, sur le plateau de l’émission Bouillon de culture.

Tout se joue sur la confiance. Le théologien n’est pas là pour donner des réponses, mais pour faire émerger les questions autour desquelles la foi peut se dire. En tant que croyant, je suis en quête et je dois le rester. Le danger est grand quand le discours scientifique rejoint les convictions religieuses ! C’est la tentation concordiste de Pie XII quand il voit dans la théorie du big-bang la preuve de l’existence de Dieu…

Certes, mon regard de biologiste colore mon approche de la réalité. En effet, le cosmos est beau, bien ordonné. Nous restons tous subjugués par une nuit étoilée d’été ou par un lever de soleil. Le cosmos est lointain et, au-delà de son aspect esthétique, il ne nous concerne pas. En revanche, la biologie s’intéresse à la vie, à son côté grouillant, pas toujours beau à nos yeux. Cette science de la vie nous empêche d’oublier la mort. L’approche du vivant, contrairement à la cosmologie, nous amène directement à nous poser les questions de la souffrance, du mal, du péché…

Science et foi ne peuvent plus vivre l’une sans l’autre. De quoi faut-il avoir le plus peur : de ne jamais trouver de terrain d’entente ou d’y aboutir ? Pour ma part, je me sens proche de Jean Rostand lorsqu’il écrivait : « Beau mot que celui de « chercheur » et si préférable à celui de « savant » ! Il exprime la saine attitude de l’esprit devant la vérité : le manque plus que l’avoir, le désir plus que la possession, l’appétit plus que le savoir. »

Même si je ne sais pas toujours très bien où je vais, je sais que c’est dans la quête que les choses se feront et que ma vie de croyant se construira. Pour cela, je choisis l’attitude d’un homme en mouvement. »

Propos recueillis par Anne Ducrocq

Jacques Arnould était dominicain, est aussi ingénieur agronome et docteur en histoire des sciences et en théologie. Prieur du couvent Saint-Jacques, à Paris, il était également aumônier du Mouvement du Nid : une fois par semaine, il « tournait » avec Lucienne D. Rousseau et Jacques Milard dans les quartiers chauds de Paris à la rencontre de Marie-Madeleine modernes… (voir numéro 16 d’Actualité des Religions). Son double parcours et sa capacité de distinction des domaines lui ont valu de faire de son dialogue intérieur le point de départ d’une expérience de dialogue extérieur. Il est chargé des questions éthiques au Centre national d’études spatiales (CNES). Il quitte l’ordre dominicain en 2011. Il est l’auteur entre autres de Dieu, le Singe et le Big-Bang (Le Cerf, 2000), de la Théologie après Darwin (Le Cerf, 1998) et de Dispute sur le vivant, avec Jean-Didier Vincent, Trottoirs de nuit. Dix-sept ans avec les prostituées, Salvator, 2015, Une perle bleue. L’espace, la Terre et le changement climatique, Cerf, 2015, Demain l’espace, Éditions du Cherche Midi, 2016, Turbulences dans l’univers. Dieu, les extraterrestres et nous, Albin Michel, 2017…

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Quantique n’est pas mystique par Henri Atlan

« Certains prétendent trouver une unité rationnelle entre la science et les traditions mystiques – bouddhisme, hindouisme, soufisme ou la kabbale. D’autres scientifiques opposent le rationalisme de la science à l’irrationalité de ces traditions. Je ne me situe ni dans un camp ni dans l’autre… »

Vous êtes en même temps un homme de science et un homme de foi. Comment conciliez-vous ces deux démarches dans la pratique quotidienne ?

Je n’accepte pas que vous me qualifiiez d’homme de foi, au sens donné à ce terme par la religion, notamment chrétienne. Comme la mythologie et la tradition philosophique issues de la Grèce ancienne font partie de la culture générale de tout scientifique, ma culture est aussi imprégnée des récits bibliques et de leurs commentaires qui constituent la tradition de pensée du peuple juif. Cette tradition ne se réduit pas au contenu d’une foi religieuse. Quant à concilier, depuis le XVIIe siècle, on ne concilie pas science moderne et traditions anciennes. Je suis un joueur de basket-ball, je joue aussi au football. Mais je n’applique pas les règles du basket sur un terrain de foot ! Je n’essaye pas non plus d’imaginer un « métajeu » unifiant les règles de tous les sports : ce serait un non sens. De la même manière, je suis un biologiste et j’appartiens par ailleurs au peuple juif. J’espère parler de biologie sans déborder sur la morale et utiliser des textes mythiques en montrant qu’ils n’ont aucune valeur scientifique. Ceci dit, j’éprouve autant de plaisir à jouer au basket qu’au foot.

Vos ouvrages font référence au midrach ou à la kabbale, à la Torah et aux mythes. La double démarche, de la science et de la foi, n’y est-elle pas très présente ?

Laissons la foi de côté. Pour moi, les textes traditionnels juifs ne sont pas tellement la base d’une religion au sens habituel du terme, impliquant un acte de foi gratuit, fondé sur la croyance en Dieu. Ces textes sont des éléments d’une sagesse de vie. En les citant, je ne fais pas appel aux catégories de la foi, mais aux mythes et à leurs commentaires philosophiques.

Les mythes peuvent donc apporter quelque chose à la démarche scientifique ?

Certains scientifiques prétendent trouver une unité rationnelle entre la science, y compris la physique, et les traditions mystiques, surtout orientales, comme le bouddhisme, l’hindouisme, le soufisme ou la kabbale. A l’inverse, d’autres scientifiques opposent le rationalisme de la science à l’irrationalité de ces traditions. Je ne me situe ni dans un camp ni dans l’autre, même si je ne considère pas que la science ait le monopole de la raison. Il existe différents modes de rationalité, mais ils ne se recoupent pas nécessairement. Ils utilisent des mots communs, mais sans leur donner le même sens : la réalité ultime de la matière en physique quantique n’a rien à voir avec celle des mystiques. La science se fonde sur des données expérimentales et fournit des explications univoques. Les mythes sont des récits dotés d’une multitude de significations. Je ne comprends pas le raisonnement d’astrophysiciens qui voient dans le big-bang la preuve de l’existence de Dieu.

Dans ce cas, à quoi vous servent les mythes dans vos réflexions de biologiste ?

Ils constituent une trame qui permet de naviguer entre les différentes rationalités, de les mettre en dialogue… pour mieux souligner leurs différences. Leur fréquentation m’a aidé à prendre mes distances par rapport à ces rationalités qui prétendent toutes détenir « la » vérité. Qu’il s’agisse de la science quand elle devient l’objet d’une croyance, ou de la religion quand elle se veut science.

Vous vous êtes fait une spécialité du clonage. De quoi s’agit-il ?

D’une technique vieille de plusieurs années qui consiste à implanter le noyau d’une cellule du corps dans un ovule auquel on a retiré son noyau. Dans certaines conditions, l’ovule se divise comme s’il avait été fécondé et donne un nouvel individu. Tant que cette technique s’appliquait sur des batraciens, on la désignait sous le nom de « transfert de noyau à but reproductif ». Puis elle a été étendue aux mammifères, la brebis Dolly est née, et les médias ont parlé de « clonage ». Certes, les individus ainsi obtenus présentent beaucoup de similitudes, mais ils ne sont pas identiques. Il ne s’agit pas de clones au sens où l’entend la science-fiction. Car un individu n’est pas tributaire de ses seuls gènes. D’autres éléments interviennent dans sa « fabrication » : des protéines et autres substances chimiques du cytoplasme. Et puis tous les facteurs socioculturels !

Dans ce cas, pourquoi tous les comités d’éthique recommandent l’interdiction de cette pratique ? Vous-même la considérez inacceptable.

Pour des raisons qui ne sont ni métaphysiques ni biologiques, mais sociales. Et par crainte des dérives. Pourquoi va-t-on fabriquer ces individus ? Dans un fol espoir d’immortalité ? Mais l’ADN des gènes n’est pas une âme. Pour recréer un parent ou un enfant disparu ? On entraînerait ainsi un brouillage des filiations et on ferait inutilement porter un poids à l’individu né de cette manipulation : il ne sera jamais le clone du disparu. Pour créer une nouvelle race ? Nous avons déjà du mal avec nos racistes ! Peut-être qu’un jour ces objections tomberont. Si l’humanité évolue vers plus d’amour et de générosité. Le Talmud raconte que Dieu a créé chaque homme différent parce que si l’on se ressemblait tous, le désordre serait total dans les relations familiales et dans l’organisation de la propriété.

Le fait de mêler considérations scientifiques et morales, comme vous venez de le faire, ne risque-t-il pas de freiner l’évolution de la science au nom de la croyance ?

C’est un risque, en effet. Mais dans mon domaine, les problèmes se sont multipliés au point que les biologistes et les médecins sont demandeurs d’une telle démarche. La réflexion éthique ne consiste pas à se demander si une technique est légitime au regard des religions. C’est une réflexion philosophique permanente dans laquelle interviennent des normes, des principes dont la seule source possible est la philosophie au sens large, incluant les traditions religieuses et le droit qui en est issu.

C’est alors que vous vous référez au Talmud…

Oui et non. Il peut arriver que le droit talmudique offre des sources d’inspiration indirectes. Je prends le cas des mères porteuses. Qui est la mère ? La femme qui a donné l’ovule ou celle qui a porté l’embryon ? Il y a deux mille ans, les rabbins se sont posé cette question. Pour un rituel impliquant la présence d’un veau et de sa mère, ils se sont demandé qui serait la mère si l’embryon avait été transféré d’un utérus de vache à un autre. Ils donnent une réponse rare : « On ne sait pas. » Ce qui implique que la question doit rester ouverte. Au Xe siècle, dans son Traité légal, Maïmonide fournit la même réponse. Aujourd’hui, ce problème juridique n’est toujours pas résolu.

Propos recueillis par Djénane Kareh Tager

Henri Atlan biologiste et médecin, enraciné dans la tradition juive, Henri Atlan se défend de « concilier les inconciliables ». Il a siège au Comité consultatif national (français) d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé en tant qu’« appartenant à une famille spirituelle ou philosophique », en l’occurrence le judaïsme. Mais c’est souvent le biologiste qui s’y exprime. A Jérusalem, Henri Atlan dirige le Centre de recherche en biologie humaine, qu’il a fondé à l’hôpital universitaire Hassadah. A Paris, il porte sa casquette de directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales où il anime un séminaire de philosophie et éthique de la biologie. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, notamment : A tort et à raison (Le Seuil, 1986) ; Tout, non, peut-être (Le Seuil, 1991) ; les Étincelles de hasard (Le Seuil, 1999). Il a collaboré au collectif le Clonage humain (Le Seuil, 1999) ; De la fraude : le monde de l’onaa, Seuil, Paris, 2010 ; Le Vivant Post-Génomique ou qu’est-ce que l’auto-organisation ?, Odile Jacob, 2011 ; Croyances, comment expliquer le monde ?, Autrement, 2014…

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En route vers l’ineffable par Abd-al-Haqq Guiderdoni

« Nous savons qu’il y a de l’indécidable, de l’incomplet, de l’incertain, de l’indéterminé, de l’imprévisible, à l’intérieur même de la science… »

Comment peut-on être à la fois homme de science et croire en Dieu ? Cette question m’a été souvent posée. Il semble désormais « évident » que raison et foi, science et religion, après des liaisons tumultueuses, des brouilles et des réconciliations passagères, ont définitivement divorcé et n’ont plus rien à se dire. Quiconque se revendique de l’une et de l’autre est aussitôt suspecté d’incohérence ou de schizophrénie.

Et pourtant, une même aspiration à la connaissance m’a conduit sur les chemins de la pratique scientifique et sur ceux de la pratique religieuse. C’est à peu près au même moment, il y a treize ans, que je suis devenu un chercheur professionnel en astrophysique et que j’ai trouvé dans l’islam la voie qui pouvait me ramener à Dieu. Je travaille sur la formation des galaxies, dans le cadre de la cosmologie du Big-Bang qui cherche à décrire l’évolution de l’univers. Et je me nourris spirituellement de l’enseignement de la mystique islamique, qui m’incite à contempler les signes de Dieu dans la beauté et l’ordre du monde

Si les deux démarches doivent être soigneusement distinguées, et conduites selon des règles qui leur sont propres, je suis intimement convaincu qu’en définitive, elles nous parlent de la même Réalité qui est l’un des noms de Dieu. Et, de même que Dieu est Un, l’homme doit devenir un. C’est pourquoi les musulmans ont toujours cru qu’il n’y avait qu’une seule vérité. Pour eux, les contradictions avancées afin d’opposer les résultats de la démarche rationnelle et les intuitions de la foi ne sont qu’apparentes et doivent, en fin de compte, trouver une « solution », en Dieu qui justement est la coïncidence des opposés. Bien évidemment, parce que cette solution n’est pas d’ordre rationnel, toute forme de concordisme doit être soigneusement évitée : la science ne saurait prouver l’existence de Dieu, ni d’ailleurs son inexistence, et les livres sacrés ne proposent ni théorèmes de mathématiques ni énoncés des lois de la physique.

Il s’est passé au cours de ce siècle deux événements majeurs qui permettent de redéfinir les rapports entre raison et foi. Le premier de ces événements s’est produit à l’intérieur des sciences dites « dures », particulièrement des mathématiques et de la physique. Nous savons désormais qu’il y a de l’indécidable, de l’incomplet, de l’incertain, de l’indéterminé, de l’imprévisible, à l’intérieur même de la science. Ce ne sont pas là des états provisoires d’ignorance : ces lacunes sont constitutives de notre description du réel. L’identification de limites fondamentales à la connaissance scientifique, de l’intérieur même de la science, constitue une révolution spectaculaire. Ce n’est pas une défaite de la raison, mais peut-être sa plus grande victoire. La question du sens, que la science doit laisser en suspens, se pose désormais avec une acuité nouvelle.

Le second événement est en train de se produire sous nos yeux : c’est la découverte réciproque des grandes religions de l’humanité, qui nous amène à nous interroger sur la nature de la vérité religieuse. Pendant des siècles nous avons cru que, dans la mesure où la religion des autres était différente de la nôtre, elle devait être fausse puisque la nôtre était nécessairement vraie. Mais quelle conception de la vérité avions-nous ? S’agissait-il seulement d’appliquer les règles de la logique ? Et si la coexistence de religions qui enseignent des dogmes différents et requièrent la pratique de rites différents finissait par manifester leur commune vérité, une vérité qui n’est autre que leur capacité à nous amener progressivement à la connaissance de la Vérité ultime, Dieu Lui-même ?

Je vois bien un point commun entre l’approche scientifique et l’approche religieuse : l’une et l’autre proposent une conception ouverte de la connaissance. La démarche scientifique est d’abord une méthode, un processus d’exploration du monde qui s’accompagne d’une croissance de la connaissance. Mais, d’une certaine manière, au fur et à mesure que notre connaissance du monde augmente, l’étendue des questions qui demeurent sans solution augmente elle aussi, car les réponses aux questions posées suscitent immédiatement des questions nouvelles dont on ne soupçonnait même pas l’existence auparavant. Bien sûr, nous en savons beaucoup plus sur le monde qu’au siècle dernier. Mais nous entrevoyons aussi des failles de plus en plus grandes dans notre description du réel. La voie religieuse est aussi une préparation à la connaissance qui est d’abord reconnaissance de notre ignorance. Lorsque, comme tout croyant musulman, j’accomplis la prière canonique, je ne cesse de répéter la formule « Dieu est plus grand », pour détruire en moi les idoles que je ne cesse de fabriquer en limitant Dieu à la connaissance étriquée que j’en ai. D’une façon provocante, on pourrait dire que, dans un cas comme dans l’autre, les vrais savants sont ceux qui savent qu’ils ne savent pas, ou, plus exactement, qui savent où s’arrête leur savoir.

N’oublions jamais que le discours sur Dieu que proposent nos théologies respectives comprend deux parts. La première part est « affirmative » : elle nous apprend les attributs de Dieu, et comment Il agit dans l’histoire. La seconde part, préférée par les spirituels et les mystiques, est « négative » : elle nous apprend ce que Dieu n’est pas. La connaissance est obtenue par addition, mais aussi par soustraction. Notre grand péché est d’avoir préféré la théologie affirmative à la théologie négative, d’avoir cru dire le fin mot à propos de la splendeur de Dieu alors que cette splendeur est ineffable. C’est dans ce retrait de la connaissance positive que se situe le mystère de la contemplation. Comme le disait Abu Bakr, l’un des plus proches compagnons du Prophète, devenu par la suite le premier calife de l’islam, « l’incapacité à atteindre la connaissance est elle-même une connaissance ».

L’exploration du monde menée par la démarche scientifique, l’approche patiente et humble de Dieu proposée par les voies religieuses, nous apprennent à vivre une connaissance ouverte, tendue vers une vérité qui, pour l’heure, nous demeure inaccessible. Il faut surtout résister à l’envie de combler ce vide. La science se transforme alors en scientisme, la religion en littéralisme aveugle. L’un et l’autre ont fait bien des dégâts dans le passé. J’apprends tous les jours à vivre avec une connaissance qui n’est pas close. C’est cette tension vers la vérité ineffable qui fonde, à mon sens, la dignité humaine.

Alors, raison et foi mèneraient-elles un même combat ? A cette question, le philosophe Averroès apportait une réponse résolument affirmative. Mais le grand maître spirituel Ibn Arabi y répondait par « oui et non ». « Oui », parce que la connaissance est une. « Non », parce que les buts de l’une et de l’autre sont différents. Notre exploration du monde et notre pouvoir sur les choses ont crû considérablement au cours de ces dernières années.

Et, pourtant, les religions nous enseignent que nous ne sommes pas faits pour connaître le monde, mais pour connaître Dieu. Nous sommes finis, et nous ne pouvons mener notre quête d’un monde sans limite à son terme, mais nous pouvons connaître Dieu, qui est l’infini. Voilà un paradoxe qui surprend la raison et sur lequel la science n’a plus rien à dire. La connaissance de Dieu, décrite comme une contemplation ou une union, ne peut avoir lieu en ce monde trop étroit, mais nous sera offerte dans un au-delà plus vaste sur lequel les révélations nous apportent seulement des descriptions symboliques. Les religions constituent comme des voies de préparation à cette connaissance ultime, transformante et salutaire. Et nous comprendrons alors que « les regards ne L’atteignent pas, car c’est Lui qui atteint les regards. (Coran, 6, 103) »

Abd-al-Haqq Guiderdoni

Bruno Guiderdoni alias Abd al-Haqq Ismaïl Guiderdoni est astrophysicien, directeur de recherche au CNRS, converti à l’islam en 1986. Il est titulaire d’un doctorat d’université en astrophysique et techniques spatiales (Paris VII, 1986). Il est un spécialiste internationalement reconnu de la formation des galaxies, et travaille actuellement au Centre de Recherche Astrophysique de Lyon, où il dirige l’Observatoire. Membre du Haut-Conseil de l’ISESCO à l’Éducation, aux Sciences et à la Culture pour l’Occident, il dirige par ailleurs, depuis 1994, l’Institut des Hautes Études Islamiques qu’il a fondé, avec d’autres intellectuels musulmans, pour réfléchir sur la présence de l’islam en Europe. Ancien présentateur de l’émission islamique « Connaître l’islam » sur France 2 (1993-1999), auteur de nombreux articles et contributions à des ouvrages, conférencier invité en Europe, aux États Unis et au Maghreb, il œuvre pour faire connaître la spiritualité musulmane et promouvoir le dialogue interreligieux. Il a également conduit plusieurs programmes internationaux de recherche sur le dialogue entre perspective scientifique et approche religieuse.

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Toute la beauté du monde par Trinh Xuan Thuan

« Je crois à un principe créateur et régulateur, mais impersonnel, qui s’exprime à travers les lois naturelles. Cela n’a rien de bouddhiste, puisque le bouddhisme n’admet pas de causes premières et qu’il a une conception cyclique de l’univers. Ce n’est pas non plus le Dieu chrétien, qui est personnalisé… »

Je suis né à Hanoï, au Vietnam, en 1948, dans une famille pratiquant le bouddhisme Theravada (bouddhisme ancien), mais aussi le confucianisme et le culte des ancêtres, les Vietnamiens n’ayant pas peur du syncrétisme, au bon sens du terme. Ma mère, très pratiquante, allait souvent à la pagode, et je l’accompagnais. Un autel réservé au Bouddha était dressé dans notre maison, et nous récitions des sutras [2] devant lui. Nous n’en comprenions pas le sens, parce qu’ils étaient retranscrits phonétiquement du sanskrit, mais leur récitation nous donnait une certaine sérénité. C’est de cette façon, par le biais d’une pratique très ritualisée, que j’ai appris, comme par osmose, les grands traits du bouddhisme. Car, non seulement nous n’avions pas de catéchisme, mais nous ne lisions pas de textes, philosophiques ou autres, sur le bouddhisme. Cette acculturation par les paroles, les gestes et les rites m’a donné pour la vie le souci de préceptes moraux (tels que la compassion) qui sont un aspect fondamental de cette religion. Mais ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai abordé celle-ci d’une façon plus intellectuelle, philosophique.

En 1966, j’ai quitté le Vietnam, d’abord pour la Suisse, puis pour les États-Unis où je suis arrivé en 1967. En Californie, je me suis inscrit dans une université technologique, la Caltech. Le campus de cet établissement possédait le plus grand téléscope du monde, celui du mont Palomar, et j’ai donc eu la chance d’y avoir accès très jeune. La découverte a été telle qu’au lieu de commencer des études de physique, mon but à l’origine, je suis littéralement « tombé » dans l’astrophysique ! Depuis, je n’ai cessé de me vouer à l’étude de la formation et de l’évolution des galaxies. Cet engagement dans une carrière scientifique ne m’a pas conduit à renier la religion héritée de mes parents. Je n’allais pas dans des pagodes, parce que je n’en connaissais pas à l’époque sur la côte Ouest, mais je récitais des sutras, et le bouddhisme, comme philosophie morale, avait une forte influence sur moi. Dans les années soixante, un certain bouddhisme à l’occidentale fleurissait en Californie, mais j’avais l’impression qu’il s’agissait d’une mode, et je n’ai suivi ce mouvement que de loin. Dans le milieu scientifique où j’étais, l’intérêt pour la métaphysique était faible, les chercheurs américains étant en général très pragmatiques.

Ma réflexion métaphysique s’est déclenchée à l’occasion du travail sur mon premier livre, la Mélodie secrète. Dans cet ouvrage, j’ai voulu rassembler toutes mes connaissances scientifiques, et, au cours de la rédaction, j’ai été inévitablement conduit aux problèmes métaphysiques car j’y discutais de l’origine de l’origine de l’univers, du temps et de l’espace. Quand on se restreint à un travail scientifique proprement dit, on a tendance à ne voir que quelques arbres dans la forêt. L’élaboration d’un ouvrage de synthèse et de vulgarisation conduit parfois à tenter d’embrasser l’ensemble de la forêt du regard. C’est ce qui m’est arrivé.

Cette tentative n’a pas échappé aux critiques, car beaucoup de mes collègues pratiquent ce qu’on peut appeler le « séparationnisme » entre science et foi. Ils les considèrent comme des domaines strictement distincts dont on ne peut parler que séparément. Certains de mes confrères ont donc vu dans mon livre un mélange des genres inadmissible. Pour ma part, j’estime qu’un scientifique est aussi un être humain, et qu’il a le droit de réfléchir sur le monde, sur son origine, sa fin et la place que l’homme y occupe, s’il délimite clairement où s’arrête la science, et où commence la métaphysique. Avec cet ouvrage et les autres qui ont suivi, j’ai voulu faire un pari, au sens pascalien du terme, sur mes croyances à la lumière de mon savoir scientifique. La cosmologie moderne a découvert que l’univers a été « réglé » de façon précise pour que la vie et la conscience apparaissent. Cette découverte a été qualifiée de « principe anthropique » et possède deux versions : l’une, dite faible, postule que les propriétés de l’univers sont compatibles avec notre existence, ce qui me paraît évident ! La seconde version, dite forte, à laquelle je souscris, affirme que l’univers a un sens et une finalité, et qu’il tend vers une conscience capable d’appréhender son harmonie.

Je crois à un principe créateur et régulateur, mais impersonnel, qui s’exprime à travers les lois naturelles. Cela n’a rien, j’en suis bien conscient, de bouddhiste, puisque le bouddhisme n’admet pas de causes premières et qu’il a une conception cyclique de l’univers. Ce n’est pas non plus le Dieu chrétien, qui est personnalisé. Sur ce plan-là, je me sens surtout proche d’Einstein et de Spinoza. En revanche, deux notions, qui sont au cœur du bouddhisme, se retrouvent dans la physique et l’astrophysique modernes. Il s’agit d’abord de l’interdépendance des phénomènes, que l’on retrouve dans la mécanique quantique. Celle-ci a découvert que les particules élémentaires du monde physique, qui sont en interaction, font partie d’un même Tout, même si elles sont séparées par des années-lumière. Un autre concept clé du bouddhisme est l’impermanence de toute chose : or la physique moderne met aussi l’accent sur le devenir incessant des phénomènes. Le livre rédigé avec Matthieu Ricard m’a permis d’approfondir ma connaissance des textes philosophiques bouddhistes, et de les relier à mon travail de scientifique. En tant que bouddhiste, Matthieu Ricard met l’accent sur la contemplation qui permet de pénétrer, par l’intuition, au cœur du réel. Je me retrouve dans cette vision des choses. Pour moi, le monde est un mélange inextricable de déterminisme et de liberté : cela lui donne cette complexité et cette beauté que la raison seule ne peut appréhender. Enfin, comme je l’ai déjà dit, la dimension morale du bouddhisme a eu, et a toujours, une forte influence sur moi.

Pour cette raison, je ne pourrais pas travailler, en tant que scientifique, sur des expériences nuisibles pour l’humanité. J’ai été effaré quand j’ai appris que de grands esprits scientifiques avaient collaboré avec des militaires lors de la guerre du Vietnam pour mettre au point des armes nouvelles, plus destructrices que les précédentes. La spiritualité en général, et en particulier le bouddhisme, peut aider les hommes de science, par exemple les généticiens, à faire des choix moraux. A ce propos, je remarque que les comités d’éthique occidentaux sont composés de personnalités très compétentes, mais ne possédant pas toujours la sagesse nécessaire à ce type de travail. En Occident, on a pris l’habitude de séparer intelligence rationnelle et sagesse, tout en valorisant davantage la première. Comme si les deux ne pouvaient pas s’allier ! Heureusement, des progrès sont faits dans le sens d’un plus grand dialogue entre scientifiques et religieux. J’ai ainsi été invité l’an dernier, en tant que scientifique et bouddhiste, à un colloque à Washington où se sont retrouvés des rabbins, des pasteurs etc., à côté d’hommes de science comme moi. Certaines personnalités scientifiques, qui crient au mélange des genres, s’opposent à ce type d’échanges. Je les considère pour ma part comme très positifs.

Propos recueillis par Nicolas Dieterlé

Trinh Xuan Thuan fait ses études secondaires au lycée Jean-Jacques-Rousseau de Saigon. Son éducation confucianiste lui a donné une vive conscience de la responsabilité du scientifique, qui doit transmettre son savoir afin que chacun soit conscient des enjeux éthiques que soulèvent les progrès de la science. « La science ne donne pas de morale. Elle est comme la force d’un bras qui peut tuer ou sauver ».
Il fait ses études d’astrophysique au California Institute of Technology (Caltech), puis à l’université de Princeton aux États-Unis où il a obtenu son doctorat. Trinh Xuan Thuan est spécialisé dans l’astronomie extragalactique. Depuis 1976, il est professeur d’astrophysique à l’université de Virginie. Il est aussi chercheur à l’Institut d’astrophysique de Paris, et membre de l’Université interdisciplinaire de Paris. À travers ses livres, il a notamment expliqué et développé ses positions en faveur du principe anthropique. Pour lui, « la Nature n’est pas muette. Tel un orchestre lointain, elle nous fait constamment parvenir des fragments de musique et de notes éparses. » En 2004, il codécouvre à l’aide du télescope spatiale Hubble la plus jeune galaxie connue à ce jour, I Zwicky 18…

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Se connaître soi-même par Matthieu Ricard

« La recherche intérieure a pris la place de la recherche scientifique, car celle-ci se révélait incapable, à mes yeux, de résoudre les questions fondamentales du sens de l’existence. Je suis donc passé des sciences naturelles à la science de l’esprit… »

Ah non, je n’ai jamais regretté ma décision ! Quelle chance au contraire de l’avoir prise quand j’étais jeune… Et je n’ai renoncé à rien. Je fais exactement ce que j’avais le plus envie de faire dans l’existence. Et je crois qu’il n’y a rien de plus important. J’ai raconté tout ça dans le Moine et le Philosophe (Pocket, 1999). C’était en 1967, j’avais vingt ans, je finissais mes études de biologie moléculaire et j’ai vu un jour des films en cours de montage réalisés par Arnaud Desjardins [3] sur les grands maîtres tibétains qui avaient fui l’invasion communiste chinoise. Ils incarnaient l’idée même que je me faisais de saint François d’Assise ou des sages de l’Antiquité. Et ils étaient bien vivants ! Je n’avais plus qu’une envie, celle d’aller voir. Je disposais de six mois de vacances avant de me lancer dans la recherche. Je suis donc parti en Inde. Ce fut un grand voyage. Bouleversant sur le plan de la découverte intérieure. J’y ai rencontré celui qui allait devenir mon premier maître, Kangyour Rimpotche. Je suis resté un mois à ses pieds. De retour à Paris, l’Himalaya était toujours dans mes pensées. Je suis retourné plusieurs fois, et le fait est que, là-bas, j’oubliais facilement l’Institut Pasteur. Il y a eu ainsi cinq ans d’allers et retours.

En 1972 j’ai prévenu mon patron, François Jacob, qui voulait m’envoyer aux Etats-Unis pour la fin de ma thèse, ainsi que mon père, de ma décision d’aller vivre en Inde. C’était pour moi une évidence. J’avais côtoyé des maîtres spirituels d’un tel calibre, d’une telle source d’inspiration et de perfection ! Comment ne pas essayer d’aller dans la même direction qu’eux, même si je n’avançais que de quelques pas. De plus, l’atmosphère était d’une telle qualité d’amour, de calme, je ne pouvais plus imaginer être ailleurs. Il n’y a pas eu de drame, pas de rupture, mais la continuité d’une passion. Celle de la découverte. La recherche intérieure a simplement pris la place de la recherche scientifique, car celle-ci se révélait incapable, à mes yeux, de résoudre les questions fondamentales du sens de l’existence. Je suis donc passé des sciences naturelles à la science de l’esprit. Car si le bouddhisme inclut l’étude de sciences traditionnelles comme la médecine, les langues ou l’astronomie, la science « majeure » est la connaissance de soi et de l’irréalité des phénomènes, avec, au bout de la quête, une paix intérieure qui ne dépend ni de la santé, ni de l’argent, ni du plaisir des sens. La voie qui y conduit est celle de la vie contemplative. Et celle-ci constitue selon moi une véritable démarche scientifique avec ses hypothèses de travail, ses méthodes et ses résultats. Il est vrai que c’est une science particulière, en ce sens qu’elle est fondée sur l’expérience personnelle. Mais je ne retiens pas l’objection selon laquelle elle serait de ce fait non transmissible. Comme le physicien a besoin de longues années pour comprendre les équations de l’univers, il faut des années au contemplatif avant d’accéder à une compréhension intime de la conscience. La certitude qui naît d’une vie contemplative est aussi puissante que celle qui naît d’un théorème ou d’une expérience de physique.

Alors il se trouve aussi — mais je l’ignorais à l’époque — que les concepts clés du bouddhisme sont en résonance avec certaines découvertes importantes de la science moderne. Il en va ainsi de l’interdépendance et de la vacuité. Lorsque le bouddhisme enseigne que la vacuité est la nature ultime des choses, il veut dire que les phénomènes que nous observons sont dénués d’existence propre. Prenons l’exemple du miroir : votre visage apparaît, mais il est pourtant vide de solidité, de substance. Rien n’existe en soi, de façon autonome, intrinsèque, tout est jeu de relations, d’interdépendance. Comme l’arc en ciel, résultat de la coïncidence entre un rideau de pluie et les rayons du soleil. Or que dit la mécanique quantique, née au début du XXe siècle, quand elle parle des particules élémentaires, des briques de la matière ? Qu’elles sont dénuées de propriétés qui leur soient propres, qu’elles ne sont que des phénomènes qui apparaissent différemment selon les conditions expérimentées, parfois comme une onde, parfois comme une particule. Il en va de même avec la notion d’impermanence. Cinq cents ans avant l’ère chrétienne, le Bouddha énonçait que rien ne peut rester semblable à lui-même, ne serait-ce qu’un instant infinitésimal, que tout change de façon imperceptible à chaque instant. On retrouve bien sûr cette notion dans la physique quantique. La différence — fondamentale ! — entre la science et le bouddhisme, c’est que les concepts bouddhiques sont utilisés dans un but thérapeutique, de transformation intérieure, jusqu’à l’Éveil. Cette connaissance ultime de la réalité doit en effet nous permettre de dissiper notre attachement aux événements, aux êtres, aux choses, et surtout à nous-mêmes. Elle nous aide à maîtriser les mécanismes du bonheur et de la souffrance. Car c’est de cet attachement à l’illusion, à la solidité des choses, à un ego imposteur, que viennent tous nos malheurs : la jalousie, le désir de pouvoir, les guerres…

Pour en revenir à la physique quantique, les conséquences philosophiques de cette dernière n’ont pas été tirées. On peut penser que l’approche bouddhique constitue une réponse. Einstein disait même : « S’il existe une religion qui pourrait être en accord avec les impératifs de la science moderne, c’est le bouddhisme. » Peut-être… Ce qui est sûr, c’est que je n’aurais pu embrasser une religion monothéiste. Il est cependant des points où nous ne sommes pas — pas encore ! — en phase avec les données scientifiques. C’est le cas de la renaissance, dont certains adeptes occidentaux entendent d’ailleurs un peu légèrement s’affranchir. On me demande souvent comment moi, biologiste de formation, je peux y croire. Le bouddhisme ne conteste nullement l’homme neuronal, mais rien ne s’oppose — parallèlement à cette inscription corporelle de la conscience — à l’idée d’une conscience « insubstantielle », d’un flux, qui passerait d’un état à l’autre. Par ailleurs, pourquoi mettre en doute le témoignage de mes maîtres. Ma conscience a été forgée par l’expérience. J’ai moi-même vu de mes yeux la preuve de la réincarnation de mon premier maître dans un jeune enfant qui a maintenant sept ans.

Cela dit, si la science venait à prouver que la conscience est réductible au cerveau, fort bien ! Je changerai d’avis. Mais j’ai la conviction intime que c’est impossible. En tout cas l’étude de la conscience et de ses rapports avec le corps et l’environnement est sans doute le domaine le plus passionnant et qui reste à approfondir. Il y a quinze ans, les premières études qui faisaient le lien entre méditation et diminution de la pression sanguine étaient ridiculisées. Aujourd’hui, c’est une constatation banale. Plusieurs programmes de recherche sérieux rapprochent neurobiologistes et contemplatifs. Oui, cela m’intéresse beaucoup d’explorer cette ligne, mais il ne faut pas oublier que cela n’est pas non plus une priorité pour un contemplatif. Je suis resté vingt ans sans lire un seul livre sur la science. J’avais trop de textes à étudier, trop à assimiler. Et j’en ai encore tant ! J’ai beaucoup reçu de mes maîtres et j’ai donc beaucoup à digérer. J’ai 54 ans, donc pas tellement de temps devant moi, et je suis très affamé de pratique spirituelle. Il faut que je retrouve rapidement mes ermitages…

Propos recueillis par Dane Cuypers

Matthieu Ricard, né en France en 1946 et fils du philosophe français Jean-François Revel et de l’artiste peintre Yahne Le Toumelin, est moine bouddhiste, auteur de livres, traducteur et photographe. Après un premier voyage en Inde en 1967 où il rencontre de grands maîtres spirituels tibétains, il termine son doctorat en génétique cellulaire en 1972, et puis part s’installer définitivement dans la région de l’Himalaya où il vit maintenant depuis plus de 40 ans.
Il est l’auteur de plusieurs livres dont Le moine et le philosophe, un dialogue avec son père Jean-François Revel, Plaidoyer pour le bonheur, L’art de la méditation, L’infini dans la paume de la main (un dialogue avec l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan), Plaidoyer pour l’altruisme et Plaidoyer pour les animaux.

Traducteur de plusieurs textes tibétains. Photographe, chercheur sur le cerveau et la méditation et humaniste…

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Enrichissement mutuel par Jean-Michel Maldamé

Qui a inventé la science ? Comment expliquer qu’elle s’est développée sur les territoires du monothéisme et pas ailleurs ? Quelles conséquences les développements récents de la cosmologie ont-elles sur la foi ? Réponses de Jean-Michel Maldamé, dominicain, membre de l’Académie pontificale des sciences, à Rome. Propos recueillis par Jean-Paul Guetny

Chassez les maths, elles reviennent au galop. Jean-Michel Maldamé les avait abandonnées pour entrer dans l’ordre dominicain. Mais Toulouse s’est doté d’un pôle scientifique. Et voilà qu’on lui demande de s’intéresser à ceux qui y travaillent. Il reprend donc les maths, étudie également la cosmologie. Il fait une thèse de théologie sur le Christ et le Cosmos (Desclée et Cie), publie le Christ et l’Univers (ibidem), s’apprête à sortir un autre ouvrage sur Création, évolution (chez Aubin) et met la dernière main à une somme sur science et foi. Jean-Michel Maldamé a le privilège d’appartenir, depuis quatre ans, à l’Académie pontificale des sciences, à titre de spécialiste d’épistémologie, et la chance d’y côtoyer des Prix Nobel. L’homme, habitué à l’enseignement, familier des groupes interdisciplinaires, a les idées claires, précises, la pensée ferme. Toutes qualités qui nous seront bien utiles pour conclure ce dossier.

Comment définir le mot « science » ?

On situe l’avènement de la science au XVIIe siècle. Pourtant la définition remonte à Platon. Ce philosophe entendait par science un savoir qui permet d’atteindre la certitude. Il opposait en cela la science à l’opinion et à la croyance. La science est fondée sur le raisonnement qui, lui-même, utilise le langage mathématique.

La notion d’expérience est-elle contenue dans la définition de la science ?

La science est née de la conjugaison de trois éléments : un langage mathématique, des techniques d’observation et, surtout, des idées. Prenons le cas de Galilée : il n’a pas inventé la lunette pour observer le ciel, les marins l’utilisaient avant lui. Mais il avait une idée : refonder la physique sur une théorie nouvelle du mouvement. Pour le faire, il a tiré parti de la lunette. Mais l’idée précède toujours l’expérimentation.

Et la foi ? Est-ce la même chose que la religion ?

Je les distingue. La religion, pour moi, c’est le rapport que l’homme entretient avec son origine et sa fin. Rapport médiatisé par un certain nombre de rites sociaux. Ainsi, en Occident, allons-nous au cimetière le jour des morts. La foi, c’est l’adhésion personnelle à un Dieu reconnu comme transcendant et unique. Elle implique le monothéisme, ce qui n’est pas le cas pour la religion.

La science est née en milieu chrétien.

Comme je l’ai dit, en citant Platon, elle était déjà présente chez les Grecs. Qu’est-ce qui l’a rendue possible ? Une certaine rupture avec la religion archaïque. Celle-ci postulait des divinités sous forme de figures humaines transposées : l’une commandait au ciel, l’autre à la mer, l’autre aux enfers. Or, pour les philosophes grecs, Platon, Aristote, les stoïciens, le monde ne pouvait obéir à l’arbitraire. Il avait une « logique », puisqu’il était l’œuvre d’un logos. A cet égard, le procès de Socrate est éclairant : son « ironie » apparaît comme une manière de rationaliser les choses, de tenir à distance les dieux de la cité et leur arbitraire.

Je me souviens d’une rencontre avec Adin Steinsaltz, l’éditeur du Talmud en langues modernes. Il soulignait la dette de la science à l’égard du judaïsme qui accorde une si grande place au questionnement.

Je pense, de fait, que la tradition juive est matricielle par rapport à la science. Elle postule que la création de l’univers par Dieu s’apparente à l’œuvre d’un artisan. Or le propre de l’artisan, c’est de travailler de façon intelligente, à partir d’un plan. L’idée de la Sagesse créatrice qui préexiste, telle qu’on la trouve dans la Bible, Ancien et Nouveau Testaments, a permis la rencontre entre la philosophie grecque et la tradition hébraïque.

Quel rôle a joué l’islam ?

L’islam médiéval a hérité à la fois du monde grec, via Aristote qu’il a contribué à faire connaître à l’Occident, et du monothéisme issu de Moïse. Il a donc participé, lui aussi, à l’avènement de la science.

Le Jubilé des scientifiques

« La science a contribué à purifier la religion de nombreuses erreurs et superstitions. La religion, à son tour, peut purifier la science de l’idolâtrie des idéologies matérialistes et réductionnistes qui, en définitive, se retournent contre la dignité de l’homme. » C’est par ces mots que le cardinal Paul Poupard, président du Conseil pontifical pour la culture, a donné le coup d’envoi du Jubilé des scientifiques célébré à Rome, du 23 au 25 mai, en présence de 350 représentants du monde de la recherche et de la science. Pour décrire les relations entre la science et la foi, ces deux univers dont on a « l’impression qu’ils sont incompatibles », le cardinal a repris une expression du concile de Chalcédoine définissant les rapports entre les deux natures, humaine et divine, du Christ : elles sont unies « sans mélange ni distinction, sans confusion ni séparation ».

Pourquoi d’autres civilisations – je pense à la Chine – n’ont-elles pas donné naissance à la science ?

La science n’est pas du domaine du pur savoir, c’est un projet de civilisation. Celle où nous vivons a été marquée par le message biblique, repris par le christianisme : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même. » Aimer son prochain, ça suppose des moyens. Ainsi, pour guérir, il faut une médecine. Le développement de la science suppose un projet social.

Si la science est née en terre chrétienne, elle est vite entrée en conflit avec le magistère ecclésiastique. Tout le monde a en tête l’affaire Galilée.

On ne peut que regretter l’intolérance dont a été victime Galilée. Mais le conflit fait partie du travail de la pensée qui avance. Dans sa Somme théologique, saint Thomas d’Aquin émet des arguments pour et contre avant de formuler son avis personnel. Dans le domaine du savoir, les objections sont une condition du progrès.

Vous relevez trois types d’attitudes en ce qui concerne les rapports de la science et de la foi.

La première consiste à dire : la science est une chose, la foi en est une autre. Ne les mêlons pas. Laissons-les s’ignorer. C’est une attitude prudente, qui évite les difficultés, mais est un peu schizophrène.

Vous l’appelez le « discordisme ». Il y a l’attitude inverse, le « concordisme ».

Elle consiste à rassembler les deux éléments, celui qui relève de la science et celui qui dépend de la foi et à les organiser de façon hiérarchique. Souvent c’est la science qui est assujettie à une vision religieuse. Mais il y a également le scénario inverse.

Pouvez-vous donner des exemples ?

Le premier cas est bien illustré par les créationnistes américains. Ils prennent le livre de la Genèse comme s’il fournissait un récit scientifique de la création. De manière générale, ceux qui sont dans cette perspective donnent la priorité à la Révélation, à la foi, parce qu’elle est fondée sur la Parole de Dieu. Et tout ce qui paraît la contredire est taxé de « pseudoscience ».

Il y a ceux qui mettent, au contraire, la science en premier.

C’est ce qui se passait, par exemple, dans l’ouvrage écrit par le philosophe Jean Guitton avec les frères Bogdanov. Nous avons, disaient-ils, dans l’intime de la matière, quelque chose qui n’est pas régi par la loi du déterminisme. Nous l’appelons « conscience » ou « esprit ».

Une idée qui parait séduisante !

Sauf qu’au lieu de dialoguer, on confond les plans. Pour expliquer le comportement intime des particules, on fait appel à des notions qui n’ont rien à voir avec la physique, à des concepts philosophiques.

Vous renvoyez dos à dos discordisme et concordisme. Alors, quelle est la bonne attitude ?

Je la résumerais ainsi : le discours scientifique a sa rationalité, son langage, sa cohérence. Mais c’est également vrai du discours théologique. L’un et l’autre utilisent deux types de rationalité qui doivent se rencontrer, entrer en dialogue, s’enrichir mutuellement, voire se corriger.

Se corriger ?

On ne peut plus enseigner le péché originel de la même façon que saint Augustin, comme si les Écritures étaient un livre d’histoire.

Vous préconisez le dialogue entre science et foi. Mais le conflit n’est-il pas inévitable ?

Le dialogue permet de parvenir à une certaine sagesse, à une unité du savoir, compte tenu de l’état des connaissances du moment. Mais, quand les connaissances évoluent, il se produit des craquements. C’est comme pour un glacier en mouvement : la vitesse de la surface et celle du fond ne sont pas les mêmes, ce qui provoque des crevasses. Parfois, c’est dans le domaine religieux que les choses évoluent le plus vite. Ça a été le cas avec la naissance du monothéisme. Parfois, c’est l’inverse. Nous savons qu’aujourd’hui les connaissances scientifiques se développent à grande vitesse. Lorsque l’unité du savoir est brisée, c’est là qu’apparaissent les conflits.

Stephen Jay Gould : respect mutuel sans interférence

Stephen Jay Gould (1941-2002) est un homme délicieux : omniscient, mais modeste, paléontologue on ne peut plus sérieux, mais doué de sens de l’humour. On ne s’ennuie pas une seconde à la lecture de son Et Dieu dit : « Que Darwin soit ! » [4] But de l’ouvrage : en finir avec le prétendu conflit entre science et religion.

L’auteur ne cache pas ses racines : issu d’une famille juive de New York, il en a gardé un immense respect pour l’étude, est devenu agnostique, mais avec « un grand respect pour la religion ». Musardant à travers l’histoire, il ne cache pas sa sympathie pour ces ecclésiastiques qui, comme Thomas Burnet à la fin du XVIIe siècle, furent aussi des savants. Si Gould a une petite dent contre les protestants, à cause des créationnistes avec lesquels il a rompu des lances, il aurait plutôt des faiblesses à l’égard du monde catholique.

Il reconnaît que l’affaire Galilée est le « modèle d’une guerre intime entre les deux magistères », celui de la science et celui de la foi, mais ne met pas tous les torts du côté de la papauté de l’époque. « Galilée, écrit-il, s’avança trop vite et trop loin, de façon inutilement provocatrice. » Et notre savant d’accorder une médaille à Jean Paul II pour avoir, au fond, réhabilité Darwin. Déjà, Pie XII, en 1950, avait présenté l’évolution comme « une recherche valable ». L’actuel pape a franchi un pas supplémentaire : « Cette théorie, a-t-il reconnu, est plus qu’une hypothèse. »

A lire notre paléontologue, on a l’impression de revenir de loin. En 1886, un ancien ambassadeur des États-Unis en Russie, Andrew Dickson White, publiait un ouvrage au titre évocateur : Histoire de la guerre de la science contre la théologie dans la chrétienté. L’idée du conflit inévitable entre les deux disciplines était lancée. Par la suite, la première, la science, incarnerait progrès et liberté, tandis que la religion deviendrait symbole de superstition et d’oppression. Gould écarte d’un trait ces préjugés. Selon lui, « l’ennemi (de la science), ce n’est pas la religion, c’est le dogmatisme et l’intolérance ».

Si certains — de moins en moins nombreux, semble-t-il — pensent que science et religion sont vouées à une guerre sans merci, d’autres, souligne Gould, sont d’avis qu’« elles doivent constituer une seule et même quête, de sorte qu’elles pourraient se voir réunies ». Il vitupère tel sponsor (en l’occurrence la Fondation J.M. Templeton) dont le but consisterait, selon lui, à répandre un « évangile syncrétiste ». Ce qui agace beaucoup notre auteur.

Pour échapper aux deux dérives, la lutte à mort entre science et religion et la confusion des genres entre elles, Gould énonce une sorte de règle d’or : le principe de Noma, de non empiétement des magistères. Il implique « le respect mutuel sans interférence — qui n’exclut pas un intensif dialogue ». Puissent scientifiques et hommes de religion entendre les sages conseils du paléontologue. J’ai personnellement apprécié, outre son talent de dialecticien et de vulgarisateur, sa volonté de pacification. Tout en me disant qu’il avait peut-être une vision un peu optimiste des choses. Car il n’y a pas de science sans une philosophie du réel plus ou moins sous-jacente. Et c’est cette philosophie qui est potentiellement porteuse de conflits avec les traditions spirituelles.

J-P G

Votre position est différente de celle de Stephen Jay Gould qui plaide en faveur d’un armistice entre science et foi, d’un « non empiétement entre les deux magistères ».

L’empiétement est inévitable car, comme je l’ai souligné, il n’y a pas de science qui ne repose sur des idées, des convictions, des options premières. La science grecque est née à partir de la notion d’ordre de l’univers. Le savant partage avec d’autres une certaine philosophie. Il est bon qu’il en prenne conscience.

Pendant des siècles, l’humanité pensante a imaginé le cosmos selon un schéma déterministe, comme une horlogerie bien huilée.

C’est le modèle de Descartes, de Newton. Avec un Dieu géomètre qui prévoit les choses, donne l’impulsion, les gouverne, apporte éventuellement des correctifs.

Mais une nouvelle vision est aujourd’hui véhiculée par la science.

Celle d’un univers en expansion, qui a une histoire. Selon cette vision, les choses sont ce qu’elles sont en fonction d’un ensemble de circonstances, mais elles auraient pu être autrement. La mécanique quantique nous renvoie à une vision de la nature où l’imprévisibilité est structurelle.

Est-ce que ça modifie la conception de Dieu ? Dans un article de Lumière et Vie (n°245, janvier-mars 2000), vous parlez d’une école nord-américaine, la Process Theology, qui a essayé de repenser la question de Dieu à la lumière des derniers développements de la science.

Pour la théologie moderne, Dieu n’est pas seulement celui qui organise, l’horloger. Mais celui qui appelle, suscite, utilise les possibilités offertes. Il n’est plus figé dans son immobilité. D’une certaine manière, il peut être présenté comme advenant à lui-même.

Beaucoup de croyants restent cependant attachés à l’ancienne vision des choses, marquée au fond par le déisme.

Je crois très important, à partir des données de la science contemporaine, de revisiter la Bible, de la regarder avec un œil neuf. Cela permet de redécouvrir certains aspects qui avaient été laissés dans l’ombre ou passés sous silence, car ils ne cadraient pas avec la vision de la science d’une certaine époque. Je pense en particulier à l’importance de la notion d’alliance.

Vous prônez le dialogue entre science et foi. Mais n’avez-vous pas l’impression que les deux mondes sont de plus en plus séparés par des cloisons étanches, ont de plus en plus de mal à communiquer ?

C’est vrai, pour plusieurs raisons. Dans le domaine scientifique, nous sommes à l’ère de l’hyperspécialisation : on connaît à fond son secteur, mais on manque de vision d’ensemble. Par ailleurs, les personnes capables d’établir des passerelles entre les univers scientifique et religieux sont de moins en moins nombreuses. Je pense avec nostalgie à la richesse apportée naguère par les jésuites, qui consacraient du temps à la science et aux scientifiques ! On est souvent hyper compétent dans une discipline et hyper ignorant dans l’autre. Pour moi, c’est surtout dans le cadre de l’Université que peut se pratiquer le dialogue. Les Instituts catholiques ont un rôle important à cet égard.

En tant que membre de l’Académie pontificale des sciences, avez-vous l’impression que se comble le fossé séculaire entre l’Église catholique et le monde de la science ?

Au début du XXe siècle, le monde catholique a connu une époque terrible : celle de l’antimodernisme. L’Église s’est sentie menacée, assiégée, s’est refermée sur elle-même. L’Académie a été fondée en 1936. Je pense que c’était une manière de mettre fin à la période antimoderniste, au moins pour les sciences de la nature. En ce qui concerne les sciences bibliques, l’évolution s’est effectuée plus tard.

Jean-Michel Maldamé, né à Alger le 31 août 1939, est un théologien dominicain français. De formation universitaire aussi bien philosophique que scientifique (mathématiques et philosophie des sciences), docteur en théologie, c’est un spécialiste reconnu des rapports entre science et religion. Il enseigne la théologie à l’Institut catholique de Toulouse.

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1 Il a notamment publié le Progrès en procès (Presses de la Renaissance, 1999).

2 Sutra : Terme sanskrit désignant les textes rapportant les sermons et les discussions de Bouddha.

3 Le Message des Tibétains et Himalaya, terre de sérénité.

4 Le Seuil, Paris, 2000, 208 p.