Janine Monnot
Vrai zen

Le sens du Zen est si profond qu’il est sans fond. Il n’a ni poids ni forme, ni présupposé, ni concept, ni murs ni limites. C’est notre vie même, la vraie Vie dont le courant à tra­vers plaines et vallées, torrents et monts, rocs et préci­pices ou vertes et riantes clairières, sans frontières, sans proche ni lointain, sans commencement ni fin, s’écoule éternellement, infiniment fluide, totalement incorporée à la métastructure de l’Univers.

(Revue Question De. No 41. Mars 1981)

A la suite du drame survenu dans la famille de Roger Ikor (suicide de son fils), cet écri­vain rédigea un ouvrage intitulé « Je porte plainte » (Albin Michel, éd.) où il remet en cause les systèmes d’éducation actuels et attaque les sectes et leur emprise sur la jeu­nesse. Un système s’y trouve particulièrement visé : le Zen macrobiotique.

Aussi, bien que Roger Ikor précise que… « au reste je me suis laissé dire que le Zen authentique n’a pas grand chose à voir avec celui qui se déclare macrobiotique », il nous a semblé nécessaire de procéder à une mise au point sur le vrai sens du Zen et de sa pratique. Car, la macrobiotique, système alimentairerécent, inventé par Oshawa, dangereux comme tout système diététique employé de façon abusive et, à notre avis, contre-indiqué dans le cas de troubles névrotiques, la macrobiotique, donc, n’a rien à voir, avec le Zen, philosophie millénaire bien connue des intellectuels et des artistes, voie et d’action et d’éveil. Les deux noms ne sont accolés que par souci publici­taire, M. Oshawa, ayant voulu profiter ainsi de la répu­tation authentique et morale du Zen.

Le sens du Zen est si profond qu’il est sans fond. Il n’a ni poids ni forme, ni présupposé, ni concept, ni murs ni limites.C’est notre vie même, la vraie Vie dont le courant à tra­vers plaines et vallées, torrents et monts, rocs et préci­pices ou vertes et riantes clairières, sans frontières, sans proche ni lointain, sans commencement ni fin, s’écoule éternellement, infiniment fluide, totalement incorporée à la métastructure de l’Univers. VOILA POURQUOI LE ZEN. ICI. MAINTENANT.

Les textes qui suivent ne sont pas différents des plus belles pages de l’Évangile ou d’autres voies spirituelles… Simplement, dans le silence du Zen, jaillit l’esprit immor­tel et sans penser la joie vient. Et l’on découvre la pure conscience qui est la trame de notre intériorité de notre corps et de notre esprit, et celle de l’Univers.

Équité et amour

Lorsque la métamorphose apportée par cette expérience amène à rendre justice à toute créature rencontrée, c’est comme si les choses se penchaient sur elles-mêmes à travers l’homme, se découvraient, se révélaient à elles-mêmes. Il en est alors de telle façon « que l’arbre chante et que la pierre danse » mais seulement pour le JUSTE accompli, celui qui est capable de « voir avec les oreilles et entendre avec les yeux ». Mais pour en être capable il faut aimer. Ce n’est que dans le terrain de l’amour que croît et fleurit cette équité. Cela explique que, tout en prenant chaque être pour ce qu’il est lui-même, elle ne conduit pas à le maintenir dans un isolement où il périrait de froid. Dans un amour rayonnant, cette justice vivifie l’unité de l’être par la reconnaissance d’une diffé­renciation aux multiples visages ; dans une équité péné­trante, cet amour éprouve au travers de toute forme le souffle créateur de l’ÊTRE unique.

Eugen Herrigel, La Voie du Zen

Une perle brillante

Gensha était pêcheur et vivait sous la dynastie des Sung (835-908). À l’âge de trente ans, il reconnut la prééminence de la Voie au Bouddha et décida de renoncer à ce monde transitoire. Il se retira dans la montagne et devint le disciple du grand maître Seppo.

Gensha, tandis qu’il vivait de sa pêche, n’avait jamais eu connaissance des volumineux sutras et commentaires, même en rêve. Mais il plaça sa résolution sincère dans tout le reste et grâce à sa forte détermination il surpassa tous les autres moines. Seppo le considérait comme son meilleur disciple. Gensha revêtait une simple robe rapié­cée sur des sous-vêtements de panier ou d’armoise. Lorsqu’il eût atteint la Voie, il avait coutume de dire pour expliquer l’enseignement bouddhique : « L’Univers entier est une perle brillante ».

Un jour un moine lui demanda : « J’ai entendu dire que vous enseigniez : l’univers entier est une perle brillante. Comment devons-nous comprendre et interpréter vos paroles ? » Gensha lui dit : « L’univers entier est une perle brillante. Qu’y a-t-il là à interpréter ou à comprendre ? » Le jour suivant, le maître lui-même ques­tionna le moine : « L’univers entier est une perle bril­lante, comment le comprenez-vous ? »

Le moine répondit : « L’univers entier est une perle bril­lante. Qu’y a-t-il à comprendre ? » « Vous savez mainte­nant », dit Gensha, que même dans la caverne des démons de la Montagne noire, la liberté parfaite est à l’œuvre. »

Extrait du Shobogenzo de Maître Dogen. Chapitre VI

Lumière et illumination

La vraie lumière n’est pas illumination.

Elle n’éclate pas d’un éclat flamboyant comme la renom­mée.

Un vieux Maître Zen, dans un temple de montagne un soir d’hiver, dit à son jeune disciple : « J’ai très froid. Active, s’il te plaît, le feu dans le foyer. »

Le disciple observa : « Il n’y a plus de lueur. Le feu est mort. Seules les cendres demeurent. »

Alors le Maître s’approcha, écarta les cendres, et tout au fond une braise rouge minuscule apparut.

« Regarde ici, tu peux voir une petite lumière. » Il ranima la braise et une vive flamme faillit. Le disciple alors obtint un satori.

Ce feu est l’image de la véritable illumination.

À propos de ce terme, la conception de l’Orient et de l’Occident est un peu différente. Pour les occidentaux, le mot illumination évoque quelque chose d’exceptionnel et de resplendissant. Bien sûr, l’Orient également comprend cette acception. Mais la véritable illumination, la vraie lumière, en Orient, ce n’est pas à l’extérieur qu’elle brille, Elle n’a pas d’éclat.

C’est un Koan Zen.

Le terme SHINKU en japonais signifie : « L’illumination vraie ne brille pas. »

Dans le Zen, cela veut dire : Nous ne devons pas montrer au-dehors notre brillant. Nous devons trouver notre lumière à l’intérieur de nous-même, c’est cela oui estimportant, dans notre cœur dans la TERRE DE NOTRE CŒUR.

Nous devons la découvrir à travers la méditation. C’est cela le Zen.

RETROUVER LA LUMIERE, ORIGINELLE. LA VFRI­TABLE INTUITION DE L’EXISTENCE PRIMITIVE.

Taisen Deshimaru Roshi. Extrait de conférence, 1973