Tamura
Un art martial qui est aussi un art de vie : L’Aïkido

Nobuyoshi Tamura est né le 2 mars 1933 à Osaka Il débute la pratique du Judo et surtout du Kendo au collège, sous la direction d’un ami de son père, lui même enseignant de cet art. Particulièrement attiré par le Zen durant sa jeunesse, il devient adepte de la macrobiotique fondé par Georges OHSAWA. Après […]

Nobuyoshi Tamura est né le 2 mars 1933 à Osaka
Il débute la pratique du Judo et surtout du Kendo au collège, sous la direction d’un ami de son père, lui même enseignant de cet art.
Particulièrement attiré par le Zen durant sa jeunesse, il devient adepte de la macrobiotique fondé par Georges OHSAWA.

Après le décès de son père, Nobuyoshi souhaite devenir totalement indépendant. Il découvre l’aïkido en 1952 et reçoit l’aide de nombreuses personnes, parmi lesquelles Seigo YAMAGUCHI. Ce dernier doit retourner dans sa ville natale pour se marier et lui propose d’habiter sa maison jusqu’à son retour, prévu un mois plus tard. De retour avec son épouse, Maître YAMAGUCHI lui suggère de devenir uchi-deshi afin d’avoir un toit et le couvert.
Le jeune TAMURA écoute son conseil et intègre l’aikikaï Hombu Dojo, le 5 août 1952 en tant qu’élève interne. Il suit principalement l’enseignement de Kisaburo OSAWA et du Doshu Kisshomaru UESHIBA. Il devient rapidement l’un des disciples les plus proches du fondateur Morihei UESHIBA. Durant plusieurs années, il accompagne O Sensei dans la majorité de ses déplacements devenant son partenaire privilégié pour les démonstrations publiques.

Il est nommé shodan le 13 mars 1955. Devenu instructeur au Hombu Dojo, il enseigne également au US Navy Special Service Center de Yokohama ainsi que dans d’autres dojos de Tokyo.

Le 25 octobre 1959 il est promu 5ème dan.

En 1961, il partage avec Koichi TOHEI, l’honneur d’accompagner le fondateur à Hawaï lors de son premier voyage hors du Japon.

En 1964, Nobuyoshi TAMURA fait AU HOMBU DOHO la rencontre d’une nouvelle pratiquante, Rumiko et l’épouse peu de temps après. Ayant prévu de découvrir l’Europe durant son voyage de noces, il est missionné par l’Aikikai pour étudier le fonctionnement de l’Aïkido en France au travers des structures associatives.
A son arrivée à Marseille, il est accueilli par Maître NORO et Maître NAKAZONO. Ce dernier l’invite à Paris et le laisse enseigner dans son dojo. Après onze années passées à l’aikikai de Tokyo, Maître TAMURA décide de s’installer définitivement en France. Il adhère à l’ACFA créée par NORO, puis rejoint les groupes adhérents à la Fédération Française de Judo et Disciplines Associées (FFJDA) en 1971.
Par l’intermédiaire de NAKAZONO Senseï et du cercle de macrobiotique, TAMURA Senseï fait la connaissance du Maître Zen Taisen DESHIMARU et devient son ami.

Shihan 7ème dan et délégué officiel de l’Aïkikaï So Hombu, Maître TAMURA développe un style de plus en plus représentatif. Il participe à la fondation de l’Union Nationale d’Aïkido (UNA) et établit en 1973 le programme des épreuves techniques et pédagogiques pour l’obtention du Brevet d’Etat de professeur d’Aïkido. Collaborant avec Hiroo MOCHIZUKI et André NOCQUET, il crée en 1975, une “Méthode Nationale d’Aïkido” adaptée aux attitudes et à la mentalité française.

En 1982, Maître TAMURA se prononce pour la séparation de la F.F.J.D.A. et la création de Fédération Française Libre d’Aïkido (F.F.L.A.). En 1985, celle-ci devient la Fédération Française d’Aïkido et de Budo (F.F.A.B.). Il est alors nommé Directeur Technique National. En 1989, il reçoit la visite du Doshu Kisshomaru UESHIBA venu le féliciter à l’occasion du 25ème anniversaire de son arrivée en Europe.

En septembre 1995, TAMURA Shihan inaugure son dojo personnel à Bras, dans le Var. L’inauguration officielle du « Shumeikan dojo » est faite dans la tradition shinto, grâce à la présence de son ami Masando SASAKI, prêtre Yamagake San’in Shinto et Shihan 8ème Dan de l’aikikai de Tokyo.

En 1999, il reçoit la médaille de chevalier dans l’ordre national du Mérite.

Pendant près de trente ans, TAMURA Shihan a dirigé régulièrement en France de nombreux stages fédéraux dans les LIGUES formant plusieurs générations d’enseignants et de techniciens de Haut Niveau, tout en s’attachant à rester proche des pratiquants de base.

Maître de renommée mondiale particulièrement apprécié, il a animé des stages aux quatre coins du monde , tout particulièrement en tant que délégué de l’Aïkikaï de Tokyo pour l’Europe, dans de nombreux pays européens : en Allemagne, en Italie, au Portugal, au Royaume Uni, en Belgique, en Suisse, en Suède, en Russie, … .

Chaque été, TAMURA Shihan a dirigé en France, trois stages internationaux d’une semaine qui réunissaient parfois plus de 500 de pratiquants – Le stage de Lesneven (en juillet), le stage de Saint Mandrier (fin juillet-début août) et celui de la Colle sur Loup (en août).

En mars 2010, il a animé son dernier stage national à Dijon. Trois semaines plus tôt il dirigeait à Lyon un stage qui réunissait une dernière fois autour de lui les techniciens nationaux et régionaux, les Présidents de ligue et les plus hautes instances de la FFAB

Maître TAMURA est décédé à Saint Maximin-la Ste-Baume le 9 juillet 2010. Il avait 77 ans.

Cette biographie est extraite du site de la fédération française d’Aïkido et de budo

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(Revue Le chant de la licorne. No 10. Été 1985)

« Connais-toi, toi-même » ; est-il quelque chose de plus simple en même temps que de plus difficile ? Ne peut-on dire, parce que l’homme ne se connaît pas lui-même, que l’humanité est corrompue et que de ce corps corrompu; s’écoule les humeurs purulentes que sont les querelles, les crises, la haine, la guerre. Le devoir le plus urgent pour l’éducation est d’inculquer aux hommes les moyens de se connaître eux-mêmes.

Je crois que l’éducation japonaise traditionnelle était orientée en ce sens. Il est peut-être bon de fouiller pour retrouver cette tradition, de la placer en pleine lumière et de la confronter à l’éducation d’aujourd’hui pour le meilleur bien possible. Se connaître soi-même, signifie que chacun des éléments qui forment la totalité connaissent leur spécificité et vivent au maximum de leur potentialité et, par là-même, fassent vivre la totalité. Ce qui veut dire que ces éléments procèdent de la totalité ; que les éléments n’ont pas de vie hors de la totalité et que la totalité n’existe pas sans les éléments (qui la constituent). Si je dis :  » L’univers était là « , c’est parce qu’une partie de l’Univers existait, et moi qui suis une partie de l’Univers, j’étais là.

Cela est en vérité le commencement.

Si voir le commencement des êtres implique un voyant et un vu, cela signifie qu’il y a deux mondes. C’est une contradiction dont il faut prendre conscience.

O’Sensei dit : « Je n’ai pas d’ennemi. Je fais ma respiration de la respiration du ciel et de la terre. La structure de l’Univers est à l’intérieur de mon corps. Quand je prends un sabre, le sabre et moi ne faisons qu’un« .

O’Sensei parle ainsi, il emploie de telles formules pour expliquer son sentiment d’unité avec l’Univers, la conscience de l’existence des structures de l’Univers présentes en lui-même. On sentait qu’il vivait cet état.

Maintenant que nous avons une idée de ce qu’est Bu, il faut savoir quelle en est la fin. Le sens général de Bu, est de développer sa propre puissance, de protéger le corps, d’abattre l’adversaire, etc. O’Sensei dit : « Construire et former des hommes véritables, authentiques, sincères, sont les fins de Bu « .

Mais qu’est-ce qu’un homme véritable, authentique, sincère ?

C’est un homme qui travaille, qui pétrit son corps, et son esprit, pour les développer, les renforcer, réaliser leur union afin d’atteindre l’Unification totale, devenir sans faille, vigilant, et éveillé. Comment obtenir tout cela ?

En gardant conscience que la vie est un moment d’exception, en abordant l’entraînement sous la forme de grandes épreuves, de moments exceptionnels, de rude ascèse ; errant sur la frontière de la vie et de la mort pour finalement se situer au-delà de la vie et de la mort. Face à la mort, quelles que soient les difficultés, il faut, comme dans le quotidien, rester tranquille, impavide, souriant. Cet Etat atteint, apparaît l’homme véritable qui a pratiqué Bu.

Devenu un homme véritable, si l’on croit avoir rejoint la fin de Bu, on se trompe, car il y a encore un au-delà. Néanmoins, il faut d’abord parvenir à l’Etat d’homme véritable, prendre conscience de la Vérité de l’Univers, pouvoir la faire apparaître et l’expérimenter. Autrement dit, pour régir l’Univers, il faut accorder sa respiration avec le souffle universel, il faut prendre en soi, dans son ventre même, la société. Puis selon les mots de O’Sensei : « Régir le monde, remettre dans la voie ce qui s’écarte de la Loi de l’Univers, propager la voie pour montrer la Vérité« .

Plus simplement, par Bu, qui est une pratique se tenant à la frontière de la vie et de la mort, on réalise l’Unité du corps et de l’esprit ; apparaît alors l’homme véritable, éclairé, impavide qui se situe désormais au-delà de la vie et de la mort, capable de se régir comme de régir le monde. Tel est le but de Bu. Si vous remplacez Bu par Aïkido, vous comprendrez alors ce qu’est l’Aïkido, et son but.

C’est ce qu’il faut savoir avant de commencer l’étude de l’Aïkido. Si vous l’ignorez, vous vous écartez de plus en plus du but fondamental au fur et à mesure que vous avancez dans votre travail. C’est une vérité que vous devez garder constamment au plus profond de votre cœur.

O’Senseï dit que la société est gouvernée par des hommes ; que l’Univers existe parce que l’homme existe ; que si vous fermez les yeux, tout disparaît, que si vous vous débarrassez de votre ego et de vos désirs, l’Univers tout entier vous appartient.

O’Senseï dit encore : « L’Aïkido est une manifestation de la Vérité« .

L’Aïkido est la voie qui rassemble les hommes, les amène à l’Union ; de même, quelle que soit l’arme qui attaque, l’Aïkido conduit à l’Union avec l’arme.

« L’Aïkido apaise la colère par le rire« .

Le véritable Aïkido ne peut être autrement.

O’Senseï se sert souvent de ce poème pour expliquer brièvement l’Aïkido :

« O ! La beauté

Des formes de cet Univers

Que le Créateur a conçu comme une seule Maison !« .

Ce qu’éprouve cet être qui devient Un avec l’Univers s’appelle Satori. C’est l’œuvre de l’Aïkido.

Il faut d’abord anéantir l’ego. Si nous restons dans la coquille, qu’est l’ego, il y a Aïté, l’autre. Quand l’ego est supprimé, si l’on fait un avec le ciel et la terre, Aïté est pris à l’intérieur ; il n’y a plus de dualité. C’est pourquoi l’unité, la paix, l’harmonie dont on parle en. Orient, sont le résultat de l’unification avec l’Univers et non pas l’unification de soi avec l’autre. C’est la même chose en Aïkido.

C’est donc dans l’Aïkido, la force de paix : c’est le Ki. O’Senseï : « Ki est la grande loi des lois de force d’unité, tout est noué par et avec le Ki« . Si on ne comprend pas le Ki, on ne comprend pas l’Aïkido.

Cependant, comprendre en Orient et en Occident n’aurait pas le même sens. Au Japon, à la place du verbe comprendre, on utilise quelquefois Satoru, avaler. Ce n’est pas comprendre intellectuellement, mlais être imprégné physiquement. Les mots et les explications sont sans effet, il faut passer par l’ascèse. Ce n’est que par l’ascèse (Gyo) que l’on peut commencer à obtenir la compréhension… Quelles que brillantes que soient les explications que l’on peut donner de l’Aïkido, cela ne correspond à rien si l’on ne pratique pas ; ce qui veut dire en réalité, que l’on ne comprend rien à l’Aïkido ; au contraire, si l’on s’exerce sans rien comprendre, cela n’est pas non plus l’Aïkido.

Au moment où vous dites que vous avez compris, il est probable que vous ne comprenez pas, si au contraire vous réalisez que vous ne comprenez rien, peut-être alors, êtes-vous sur la voie de la compréhension.

Allez-vous comprendre cette façon de s’exprimer ?

C’est le risque que j’encours en essayant d’expliquer la pensée orientale. En écrivant, un poème japonais me revient en mémoire, il éclairera peut-être ma pensée :

« Les mots s’envolent,

Mes lèvres frémissent au froid

Du vent d’automne« .

Je le livre à nos réflexions.

Quand on se connaît bien réciproquement, on complète ce qui peut manquer, et on se débarrasse de ce qui est en excès. A eux deux, l’Orient et l’Occident forment la trame et la chaîne et parce qu’ils sont deux, on peut tisser de l’Orient et de l’Occident une superbe étoffe. Cette force qui unit ces deux oppositions, O’Senseï l’appelle : Amour. L’essence de l’art martial est l’amour divin, aimer et protéger toutes créatures. Il ne faut pas penser à vaincre, votre garde est la garde (Kamae) d’Amour. L’art martial de vérité consiste à réordonner le Ki de l’Univers, à préserver la paix du monde. Il faut donner naissance, préserver, maintenir et élever toute la manifestation. C’est cela même l’Aïkido.

C’est la posture du vainqueur éternel.

La pensée occidentale, systématique, analytique est claire, facile à comprendre, mais… La pensée orientale est très vaste, globale, synthétique ; on ne sait trop par où commencer pour comprendre.

En Occident, science, religion, philosophie, sont des domaines distincts, en Orient, ils constituent un tout.

Si vous tenez absolument à donner un nom à ce tout, nous pouvons dire : méthode pratique et expérimentale de vie, art de vivre, compréhension de la vie. L’art martial est exemplaire.

Qu’est l’art martial ?

Ce n’est pas seulement contrôler l’adversaire, le convaincre ou le tuer. Tuer, ce n’est que le début de l’étude. Ensuite apparaissent les notions de défense, de santé, d’éducation spirituelle, d’art de vivre quotidiennement pour parvenir enfin, à l’homme réalisé.

Pour pratiquer l’art martial, vous étudiez la diététique, l’anatomie, la psychologie, la météorologie, l’astrologie, la géologie, la sociologie, etc… Pour le combat, ces études s’imposent, elles sont indispensables. C’est un vaste programme. Ensemble, elles forment l’art martial. Il se peut que de s’exprimer ainsi fasse dire au Occidentaux qu’ils ne comprennent pas les japonais.

Cependant tous ces phénomènes existent autour de l’homme vivant. A chaque seconde, chaque minute, ils forment la réalité, il est donc difficile de vivre dans leur ignorance. Pensez-y !

Je ne veux pas dire, évidemment, qu’il faille étudier toutes ces matières séparément, mais qu’il faut en connaître le principe.

Pour ce faire, nous avons choisi le Budo, mais nous aurions pu choisir la voie de l’art, la voie de la médecine ou toute autre voie.

Quand vous avez fait voter ce principe, il faut savoir l’appliquer à tout. Si ce principe et la science concernée concordent, alors, là est la vérité.

« N’hésitons pas à répéter que l’Aïkido est une pratique de transmutation (dont l’instrument est le corps) qui reste fondamentalement non spéculative. Cette première partie cherchait à délimiter le cadre qu’il est indispensable de donner à l’approche intellectuelle infiniment et nécessairement mêlée, pour garder son sens, à l’approche physique. Nous allons donc voir comment fonctionne le jeu réciproque de l’intellect et du physique lors de la pratique. Retrouvons l’enseignement du maître sur les notions fondamentales qui constituent les fondations sur lesquelles s’élève l’œuvre.

KOKYU RYOKU

Vous pouvez pratiquez l’Aïkido si vous pouvez soulever trois onces de son. Cela revient à dire, que l’Aïkido n’est pas un art de combat corps à corps, fondé sur l’utilisation de la force physique et musculaire.

Le travail de la technique en Aïkido, se fait en utilisant pleinement l’énergie mentale et rationnellement la force physique. D’où l’expression employée plus haut.

Si l’on utilise cette méthode, il est possible de développer une force supérieure à celle que l’on croit posséder. Lorsque nous disons que les personnes âgées, les femmes, les enfants peuvent pratiquer, cela ne signifie pas seulement qu’ils peuvent s’entraîner, mais bien qu’ils peuvent appliquer cette voie au combat, après l’avoir bien comprise.

J’ai déjà effleuré plus haut le Kokyu ; dépassons maintenant le stade d la respiration physiologique pour absorber en nous même l’énergie de l’Univers ; allons plus loin encore et fondons-nous en un seul corps avec l’Univers.

La force qui en découle est nôtre, sans être nôtre, car en réalité, c’est l’énergie de l’univers qui surgit de notre corps. Cette force accumulée dans le Seika Tanden pour emplir toutes les parties du corps, semblable à l’eau qui jaillit et jamais ne s’arrête, cette force émanant d’un corps et d’un esprit toujours calmes, sereins, détendus pour répondre à la nécessité en tout temps et dans la direction voulue, cette force s’appelle Kokyu Ryoku.

Cette force, cadeau du ciel, ne pourra s’exprimer, ni si votre nuque, vos épaules, vos bras sont inutilement contractés, ni si vous vous imaginez être fort ou au contraire incapable, ni si vous croyez que cette force ne peut exister.

Tous ces déchets, toutes ces impuretés sont autant de barrages sur le passage du Ki. C’est un peu comme un tuyau qui serait pincé, écrasé par un pied ou bouché par de la terre, dont l’eau ne pourrait s’écouler alors que l’ayant branché sur un robinet vous vous apprêtez à arroser un jardin.

O’Senseï répète souvent : « L’Aïkido est une purification du corps et de l’âme, c’est décrasser le corps et l’âme« .

Il est bien évident, que l’âme sera rayonnante, que la circulation sanguine s’améliorera de même que le mental et le physique, si l’on procède à un décrassage intérieur et extérieur. Kyokyu Ryoku doit donner vie, chez le pratiquant d’aïkido, à un geste aussi simple que lever un bras ou avancer un pied. Une technique d’aïkido, c’est un champagne sans bulle, une bière éventée.

Kokyu Ryoku compris intellectuellement est inutilisable. Il faut l’apprendre par le corps dans l’exercice de tous les jours, il ne s’assimile qu’après un travail d’empilage.

O’Senseï dit à ce sujet : « Un travail de trois jours n’est qu’un travail de trois jours, un travail d’un an n’est qu’un travail d’un an, un travail de dix ans engrange la force de dix ans« .

Sans Kokyu Ryoku la forme de la technique peut exister, mais elle n’est alors qu’une forme vide.

ATEMI

Pour beaucoup de gens aujourd’hui, le mot Atemi désigne le coup de poing du karaté, parce qu’au karaté, le but de l’entraînement est de détruire l’adversaire d’un coup de poing ou de pied. Et j’écris ce chapitre, parce que d’aucuns croient qu’il n’y a pas d’Atemi dans l’étude de l’aïkido.

Certes, dans la pratique actuelle de l’aïkido, on a supprimé l’atémi pour éliminer le risque de blesser le débutant, également pour éviter que le pratiquant privilégie l’étude de l’atémi au détriment de la technique, aussi pour empêcher des étudiants, à l’esprit mal tourné, d’en faire un mauvais usage alors qu’ils auraient progressé dans la technique. Donc ceux qui affirment qu’il n’y a pas d’atémi en aïkido, connaissent moins que rien de l’aïkido.

O’Senseï définissant l’aïkido dit : « L’aïkido est irimi et atemi ».

Toutes les techniques de l’aïkido incluent l’atémi.

Etymologiquement Atéru exprime l’idée d’estimer et d’évaluer avec précision la surface et le prix d’un champ. Par extension nous aurons : placer exactement, tomber juste à l’endroit voulu, au centre d’une cible, par exemple. A l’idée d’estimer, évaluer, s’ajoute donc la notion de succès.

Mi : le corps.

Dans l’ancien Budo, Atémi consistait à frapper les points vitaux de l’adversaire, pour provoquer une perte de connaissance ou la mort. Blesser en surface ou même briser un os n’est pas un atémi.

En Aïkido l’atémi est aussi utilisé pour dominer la volonté d’attaque, provoquer une douleur aux points vitaux, perturber la concentration de l’adversaire, stopper son intention d’action.

De ces atémis légers, on passe à l’évanouissement ou à la mort. Il est bon de les étudier en pensant à l’utilisation du couteau. Evidemment ce travail doit comprendre l’étude des points de réanimation.

Si vous étudiez les points de l’acupuncture, telle qu’elle s’est récemment développée, j’espère que vous comprendrez que les points qui peuvent apporter la guérison, peuvent aussi donner la mort. C’est un bon exemple qui montre qu’il y a en tout, Ura et Omote. Quand vous aurez atteint un niveau d’étude élevé, il sera bon que vous découvriez, en cours d’exercice, la possibilité de placer ici ou là, un atémi.

SHISEI

Shisei se traduit en français par : position, attitude, posture, pose.

Sugata (Shi) exprime la forme, la figure, la taille.

Ikioi (Sei) exprime la farce, la vigueur, la vivacité.

Shisei contient ces deux sens. Mais le sens de Shisei ne désigne pas seulement une attitude extérieure : une bonne forme, un bon style, un bon maintien, mais aussi une force intérieure visible de l’extérieur dans sa manifestation, par exemple, la vitalité chez l’enfant, apparente au travers de sa vivacité, de ses yeux vifs, de ses mouvements…

Si nous voulons atteindre ce Shisei de quoi avons-nous besoin ? D’abord de mettre en ordre le corps qui est le vase contenant le Ki. Pour ce faire étirez et gardez la colonne vertébrale droite. Si vous avez le sentiment de pousser le ciel avec la tête, la colonne vertébrale s’étire naturellement. Ne gonflez pas la poitrine dans la position du militaire au garde à vous.

Les épaules décontractées tombent en souplesse, l’anus est fermé, les reins ne sont pas cambrés, le Ki est confortablement posé dans le Seika Tanden, le corps tout entier calmement détendu.

Le grand adepte du sabre Miyamoto Musachi dit, parlant du Shisei martial : « Le visage est calme, ni tourné vers le haut, ni vers le bas, ni vers le côté, les yeux clos légèrement, sans mouvement des globes oculaires, le front sans un pli, les sourcils légèrement froncés, l’arête du nez droite, le menton n’est pas ramené en avant, la nuque droite également, les vertèbres cervicales pleines de force. Au dessous des épaules tombantes, le corps est parfaitement décontracté, la colonne vertébrale est en place, les fesses rentrées ; les jambes, des genoux jusqu’aux orteils, s’appuient fortement sur le sol, les hanches ne sont pas vrillées, le ventre est fermement arrondi ».

En Aïkido, on appelle Sankutai une telle posture souple, équilibrée, permettant de se mouvoir librement, tel un tétraèdre régulier qui en tournant devient cône.

KOKYU

Shisei est acquis. L’attitude est bonne. Le travail suivant est Kokyu.

Haku (Ko) expirer

Suu (Kyu) inspirer

Tous les êtres vivants absorbent l’oxygène, rejettent le gaz carbonique. Cette action porte le nom de Kokyu. Un bon Kokyu est lent, profond, long, fait naturellement. C’est donc une respiration abdominale.

Au début de la pratique, il est bon d’insister sur l’expiration puis de laisser l’inspiration se faire. La respiration se fait par le nez. Si le rythme respiratoire est perturbé, utiliser la bouche pour le rétablir.

L’inspiration se fait bouche fermée, les molaires légèrement serrées, la langue en contact avec le palais. Les débutants comptent mentalement pour régler l’expir et l’inspir. A l’inspiration, l’anus est fermé ; imaginer que l’air descende plus bas que le nombril.

Dans la pratique du Budo, il arrive que l’inspiration soit rapide, que l’on retienne longuement l’air dans les poumons, que l’on ait besoin de le rejeter rapidement ou au contraire lentement.

Pendant l’exercice, il faut prêter une très grande attention à la maîtrise du Kokyu. Kokyu ne consiste pas uniquement à renouveler l’air des poumons, à rejeter les impuretés. Il est nécessaire durant sa pratique d’avoir le sentiment de s’emplir à nouveau d’un Ki pur.

Le Ki, ainsi, emmagasiné, sort avec puissance quand le besoin s’en fait sentir. Ce rayonnement constant du Ki est le Shisei juste.

Dans la vie quotidienne donc, quand vous êtes debout, en marche, au travail, même quand vous dormez, exercez vous avec cœur. Si une urgence se présente, votre Kokyu, sera alors, celui de tout les jours. Mais pour atteindre cet état, le quotidien est important.

L’homme, normalement, oublie qu’il respire mais n’oublie certes jamais de respirer. De la même façon, au-delà de la conscience, il faut faire pénétrer dans le corps, acquérir un Kokyu juste, un Shisei juste.

Il faut s’entraîner sans cesse afin d’obtenir ce résultat. Le corps ayant été, de la sorte, empli d’un Ki vigoureux, quand on atteint l’unité avec la nature, l’énergie du Ki envahit le corps ; il devient possible de faire jaillir de vous-même une puissance qui dépasse l’imagination.

Cette force de la respiration (Kokyu Ryoku) qui s’exprime ainsi n’est pas vôtre, elle est la force de respiration du ciel et de la terre.

KAMAE

Dans le Budo, on dit souvent : « ce qui est important est Kamae ».

Kamae n’est pas propre au Budo, il appartient aussi à d’autres arts : fleurs, calligraphie, thé. Dans le football, la boxe, le tennis, Kamae est également important.

Ces principes exposés, il ne reste qu’à se mettre au travail. Il existe une préparation spécifique à l’Aïkido que Maître Tamura expose suivant l’enseignement qu’il reçut de Maître Ueshiba. Encore une fois, il s’agit d’exercices qui doivent être pratiqués si possible sous la direction précise d’un maître.

A) KOKORO NO JUMBI DOSA

Exercices préparatoires au mental.

  1. Chin Kon – Mitama Shizume – jambes écartées, à l’aplomb des épaules, debout, droit, les yeux entre ouverts, la respiration légère, emplir le Seika Tanden de Ki en opérant une pression lente sur le Seika Tanden qui descend lentement comme une pierre descend au fond de l’eau.

On éprouve alors, le sentiment de ne faire qu’un avec le ciel et la terre. L’Eternité passée est portée sur le dos alors que, l’Eternité future est engloutie en soi, prête à la création (potentielle).

Je suis debout, ici et maintenant.

Tel est le sentiment à développer.

A l’instant même où cette vison s’est établie, les yeux s’ouvrent.

  1. Ameno Tori Fune.

L’arche céleste rapide comme l’oiseau dans le ciel. Ce nom rappelle le mouvement de godille, cet aviron placé à l’arrière d’une embarcation japonaise, qui permet la propulsion par un mouvement en huit.

A l’origine, tête tournée vers la droite, on avançait le pied gauche en inspirant alors que les deux mains s’élevaient vers l’avant, le buste légèrement fléchi, puis on se redressait en ramenant les deux mains sur les côtés du corps.

Cet exercice est répété trois fois sur trois rythmes différents, à gauche, à droite et à gauche.

Les sons d’accompagnement — Kakae Goe — sont respectivement :

EI-HO-EI-HO : lentement,

EI-SA-EI-SA : plus vite,

EI-EI-EI-EI : rapidement.

Faire attention de bien coordonner les mouvements du corps – avant, arrière – avec les sons d’accompagnement.

Toute la force physique est rassemblée dans le Seika Tanden et le corps tout entier est plein de Ki.

On éprouve le sentiment de gagner rapidement le monde idéal de l’éternité.

  1. Furi Tama

Epaules basses, détendues, la force rassemblée dans le Tanden, l’anus fermé, la main gauche sur la droite, fermement réunies devant le Seika Tanden, vibrent aussi rapidement que possible.

Durant l’exercice, votre esprit est concentré sur un point situé entre les sourcils, légèrement à l’intérieur.

O’Senseï dit : « invoquez ceux en qui vous croyez, que ce soit le nom de votre Dieu ou de votre Mère, peu importe, vous en retirerez bénéfice ».

C’est en bref, une méthode de méditation et d’unification de l’esprit.

  1. Otake Bi

Otake bi consiste, mains à hauteur du front, doigts entrelacés, paumes et doigts vers le bas, à pousser le Kiai ei en resserrant et ramenant avec force les mains vers le bas.

O’Senseï accompagne ce mouvement de ce cri : « Ueshiba tsune mori tokotachi no mikoto ei ».

Ueshiba tsune mori est le nom qu’il portait autrefois, avant celui de Ueshiba Morihei.

Tokotachi no Mikoto est le nom d’une divinité.

Le but de Furi Tama est de s’imposer une forte concentration. Otake Bi est, d’après moi, une forme d’autosuggestion qui provoque le rassemblement subit de toutes les énergies…

Le corps et le cœur ainsi préparés, il devient possible de s’engager dans la pratique  » Martiale du Dojo « . Nous n’épiloguerons pas sur son aspect extérieur mais, pour conclure, laissons la parole à Maître Tamura qui donne la finalité.

« Shomen Uchi [1], est une attaque du tranchant de la main gauche, ou droite, à la limite du front. Pensez que le tranchant de la main est celui d’un véritable sabre ; vous ne faites qu’un avec le ciel et la terre, vous faites votre Ki du Ki du ciel et de la terre, de cette énergie rassemblée, vous faites un sabre et vous coupez pour séparer le cosmos.

Face à qui attaque de la sorte, il faut prendre le Ma-Ai exact et répondre avec le sentiment intime et profond d’englober l’adversaire, de ne faire qu’un avec lui, percevoir ses intentions et l’amener à frapper à l’endroit choisi, s’harmoniser à sa respiration, le guider par Irimi, ou en s’ouvrant par Tenkan.

Avec le cœur comme est stable la montagne, le corps souple comme est souple l’eau, vous répondrez à 1’adversaire. Par ce travail, l’attaquant et l’attaqué purifient leur corps, et leur âme et apprennent à se connaître eux-mêmes, naturellement.

Au niveau du microcosme, c’est la défense du corps, au niveau du macrocosme, c’est la défense du monde. La véritable victoire, la victoire totale ne consiste pas à détruire votre adversaire, mais à l’englober. Ce qui est facile à comprendre en fonction de ce que j’ai écrit plus haut. La véritable victoire est acquise au moment où votre adversaire vous suit avec contentement, où votre adversaire et vous même devenez Un.

Transformer une mauvaise personne en une bonne personne, transformer la souffrance en joie n’est pas un combat de destruction de l’autre, mais de destruction en soi de ce qui est mauvais. C’est tourner vers l’intérieur, l’œil qui regardait en dehors, donc revenir au centre.

Étant devenu Un avec la nature, il n’y a plus ni ennemi, ni allié, ni même d’ego. S’il n’y a plus de défaite, il n’y a plus de victoire, il ne reste que le vainqueur absolu ».

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1 Shomen Uchi est l’attaque fondamentale, à la base de l’étude.