Karl Grossman
Arthur Firstenberg : son œuvre et ses paroles doivent perdurer

Comme pour toute « addiction… y renoncer nécessite généralement de reconnaître que le dysfonctionnement et la maladie qu’elle provoque menacent la vie. Cela a fait partie du but de ce livre : documenter la maladie et la relier à ses causes. Le livre a également cherché sous la surface, en nous-mêmes et autour de nous, parmi nos sciences et institutions culturelles, des indices pour mieux comprendre notre place dans l’écologie du monde ».

Un livre à lire

Note : Dans ce qui suit, les citations du livre La Terre et moi (édition M PIETTEUR), ne viennent pas du livre traduit en français…

Arthur Firstenberg est décédé plus tôt cette année. Cependant, son œuvre et ses paroles doivent perdurer. Il est surtout connu pour ses écrits — et son activisme — sur les impacts sanitaires des radiations électromagnétiques. Et il s’est attaqué à d’autres questions essentielles.

Il est l’auteur des livres Microwaving Our Planet: The Environmental Impact of the Wireless Revolution, The Invisible Rainbow: A History of Electricity and Life et The Earth and I, (traductions françaises : L’Arc-en-ciel invisible et La terre et moi).

The Earth and I a été publié en janvier en anglais et en français en novembre.

Firstenberg, âgé de 74 ans, est mort à Santa Fe, au Nouveau-Mexique, en février.

Dans les premières pages de The Earth and I, Firstenberg écrit : « La détérioration de notre environnement devient rapidement une urgence. La pollution, la déforestation et les extinctions d’espèces s’accélèrent, et les systèmes de soutien de la vie terrestre sont en train de céder. La survie même de la vie sur terre est en question. Pourtant, cela n’est pas dû à un manque de sensibilisation ou d’éducation ni au manque d’individus s’organisant pour protéger notre monde. Les scientifiques ne manquent pas pour étudier la situation. Le flux constant de livres sur l’environnement ne cesse d’alimenter nos librairies, et les cours consacrés à l’environnement notre système scolaire et universitaire. Nous sommes tous plus ou moins conscients des problèmes et de leurs causes apparentes, et personne ne souhaite qu’ils persistent, mais non seulement notre environnement ne s’améliore pas, il se détériore plus rapidement que jamais ».

Il cite Rachel Carson, dans son livre majeur de 1962 Silent Spring (tr fr Printemps silencieux), qui exposait les dangers mortels du DDT et d’autres insecticides : « Qui peut croire qu’il soit possible de déverser un tel barrage de poisons sur la surface de la Terre sans la rendre impropre à toute vie ? »

Et il cite l’historien Henry Brooks Adams, en 1862, qu’il rappelle être le petit-fils du président américain John Quincy Adams, écrivant : « Je crois fermement que, d’ici quelques siècles à peine, la science sera la maîtresse de l’homme. Les machines qu’il aura inventées seront trop puissantes pour qu’il puisse les contrôler. Un jour, la science aura le pouvoir de décider de l’existence de l’humanité, et la race humaine se suicidera en faisant exploser le monde ».

« La difficulté, je pense », écrit Firstenberg, « n’est pas tant de trouver des alternatives que de prendre des décisions. Et si les causes immédiates de nos problèmes sont connues, leurs racines plus profondes sont obscurcies par la confusion. Il existe, par exemple, un large désaccord sur le rôle de l’économie, et une faible compréhension des causes de la surpopulation. Plus important encore, contrôlons-nous notre technologie, ou bien est-elle, comme l’a suggéré Henry Brooks Adams, en train de nous contrôler ? »

Son premier chapitre, parmi les 35 riches en informations que contient The Earth and I, retrace l’histoire, notamment celle de la « Révolution industrielle… généralement datée de l’invention de la machine à vapeur en Angleterre au début des années 1700 ». Et il poursuit : « La guerre faisait encore partie de la vie, et il en est toujours ainsi aujourd’hui, alors que nous menons nos batailles avec des navires de guerre, des sous-marins, des chars, des avions, des missiles, des bombes et des armes chimiques et biologiques. Notre technologie la plus sophistiquée n’est plus utilisée pour chasser des animaux, mais pour nous chasser les uns les autres ».

Dans le chapitre intitulé « Living on the Edge (Vivre dangereusement) », Firstenberg écrit : « Après la Seconde Guerre mondiale, il est apparu un nouveau trouble médical causé par l’empoisonnement massif de notre environnement de vie. On l’appelait “maladie environnementale”, ou “maladie du XX? siècle”… Et au XXI? siècle, la maladie est devenue une pandémie. Les toxines et les champs électromagnétiques sont devenus impossibles à éviter. Mais les gens sont tellement hypnotisés par le mode de vie tissé par ces toxines qu’ils n’en reconnaissent même pas le lien ».

« Le slogan marketing que les Américains entendaient après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’industrie chimique n’en était qu’à ses débuts, était : “Better Living Through Chemistry (Une vie meilleure grâce à la chimie)”, remarque-t-il. « Cela nous a donné des produits qui semblaient utiles, comme des insecticides, des engrais synthétiques, des antibiotiques, des détergents, des tissus synthétiques et des plastiques. L’industrie chimique est désormais adulte, devenue un tyran contrôlant chaque aspect de nos vies, et elle s’est complètement emballée. Plus de 50 millions de produits chimiques ont été créés, et plus de 350 000 de ces produits sont sur le marché. Ils sont dans votre nourriture et votre eau comme additifs intentionnels… Vos vêtements en sont imprégnés. Votre lit en est saturé… Vous nettoyez vos sols et votre four avec eux… »

« Nous jouons désormais avec notre force vitale sans respect pour la vie », dit Firstenberg. « Au siècle dernier, surtout ces dernières décennies, nous avons recouvert la terre d’innombrables champs électromagnétiques nouveaux, puissants et violents… »

Firstenberg poursuit : « Les niveaux environnementaux de radiation ionisante ont été augmentés par l’explosion de plus de 2 000 bombes atomiques [dans les essais nucléaires atmosphériques], et par les sous-produits de l’industrie nucléaire militaire et civile. Contrairement à d’autres pollutions électromagnétiques, cette radiation ne disparaîtra pas instantanément lorsqu’on coupe l’alimentation. Nous avons réussi à stériliser ou à contaminer mortellement des pans entiers de la planète… Des centrales nucléaires parsèment la surface du globe… »

« Les radiations ionisantes provoquent le cancer. Mais il en va de même pour les radiations non ionisantes, qui sont émises par chaque appareil sans fil et chaque antenne radio », écrit-il. Il parle de « nos téléphones portables, auxquels nous faisons confiance pour nous rendre plus sûrs, et autour desquels nos vies sociales et professionnelles sont désormais structurées », et comment ils « émettent un puissant rayonnement, et contrôlent, exigent et génèrent l’infrastructure qui les fait fonctionner : les tours cellulaires, les antennes et les satellites qui, avec nos téléphones, mitraillent la terre de balles de radiation, jour et nuit, année après année ».

À propos des plastiques : « Ils sont eux-mêmes des polluants, contenant des substances toxiques et cancérogènes qui en suintent continuellement. Et les microplastiques qu’ils libèrent et dans lesquels ils se décomposent se retrouvent dans notre eau, notre air, nos sols et nos corps. »

« Insecticides, herbicides, fongicides… ils n’ont qu’un seul but : tuer la vie », écrit Firstenberg. « Les biocides sont partout. Nos terres agricoles en sont saturées, et donc notre nappe phréatique, nos rivières et nos lacs en sont contaminés ».

Firstenberg propose de nombreuses actions nécessaires.

Il conclut The Earth and I en déclarant que, comme pour toute « addiction… y renoncer nécessite généralement de reconnaître que le dysfonctionnement et la maladie qu’elle provoque menacent la vie. Cela a fait partie du but de ce livre : documenter la maladie et la relier à ses causes. Le livre a également cherché sous la surface, en nous-mêmes et autour de nous, parmi nos sciences et institutions culturelles, des indices pour mieux comprendre notre place dans l’écologie du monde ».

La fondatrice de l’Environmental Health Trust, la Dr Devra Davis, a déclaré à propos de la mort de Firstenberg : « Le monde a perdu un pionnier qui laisse un héritage inestimable ».

Des hommages à Firstenberg sont venus au fil des ans du Dr William Morton de l’Oregon Health Sciences University, qui a déclaré que son « travail est absolument essentiel ».

Chellis Glendinning, Ph.D., auteure du livre When Technology Wounds, a déclaré : « Firstenberg est un pionnier au même titre que Rachel Carson ».

Teddy Goldsmith, fondateur du magazine The Ecologist, a déclaré que la « cause [de Firstenberg] est des plus importantes… Il ne faut pas abandonner ».

Gar Smith, longtemps rédacteur de Earth Island Journal, a dit : « Il est l’un de mes contributeurs les plus précieux et un héros personnel ».

En plus de ses livres, Firstenberg a écrit des articles pour The New York Times, Mother Jones, Earth Island Journal, The Ecologist, Village Voice, Utne Reader, San Francisco Chronicle, New York Daily News, entre autres publications.

En tant qu’activiste, il a fondé et présidé le Cellular Phone Task Force et a été l’administrateur de l’Appel international pour arrêter la 5G sur Terre et dans l’espace.

Né à Brooklyn, New York, de survivants de l’Holocauste, Firstenberg est diplômé Phi Beta Kappa de l’université Cornell et a fréquenté la faculté de médecine de l’Université de Californie à Irvine, mais une blessure attribuée à une surdose de rayons X a mis fin prématurément à sa carrière médicale.

Firstenberg résidait à Santa Fe, au Nouveau-Mexique, depuis 2005. Le journal Santa Fe New Mexican a rapporté que « des personnes — certaines de l’étranger — ont ajouté leurs condoléances à une nécrologie en ligne, se souvenant de lui ». Parmi les commentaires : « Quelle lumière brillante pour le monde vous fûtes ; tentant de sauver l’humanité, ainsi que la planète et toutes ses créatures ». Une autre personne a écrit : « Votre dévouement à notre bien-être à tous est infiniment apprécié. Nous honorons votre vie et votre mémoire en poursuivant votre bon travail ».

Karl Grossman est un journaliste primé, animateur de l’émission télévisée diffusée nationalement Enviro Close-Up with Karl Grossman. Auteur de sept livres, il est professeur titulaire de journalisme à la State University of New York à Old Westbury, où il enseigne chaque semestre un cours de journalisme environnemental.

Texte original publié le 29 mai 2025 : https://freepress.org/article/arthur-firstenberg-his-work-and-his-words-must-live