Kingsley L. Dennis
Au-delà du matérialisme

Traduction libre 6 avril 2024 L’être humain doit devenir ce qu’il pense être. Rudolf Steiner Nous devons nous adapter à une nouvelle perte — la disparition d’une ancienne réalité. Pourtant, nous ne devrions pas la pleurer, mais plutôt saluer la nouvelle. Il n’est pas nécessaire de souffrir dans cette réadaptation ; elle ne doit pas non plus […]

Traduction libre

6 avril 2024

L’être humain doit devenir ce qu’il pense être.

Rudolf Steiner

Nous devons nous adapter à une nouvelle perte — la disparition d’une ancienne réalité. Pourtant, nous ne devrions pas la pleurer, mais plutôt saluer la nouvelle. Il n’est pas nécessaire de souffrir dans cette réadaptation ; elle ne doit pas non plus être accablante. Pourtant, certains auront besoin d’un temps de récupération. En termes modernes, le monde est en train de subir une refonte. Du point de vue métaphysique, il s’agit d’une transfiguration. Le système nerveux humain va subir un recalibrage vibratoire, l’esprit va recâbler ses voies neuronales et une nouvelle orientation va apparaître. La lucidité finira par remplacer le brouillard. Alors que l’humanité traverse la période actuelle de transmutation, elle se trouve face à un moment et à une opportunité de « repentir ». En général, les gens reconnaissent le « repentir » d’un point de vue religieux — comme le repentir pour nos péchés — ce qui signifie une expiation ou une pénitence. Pourtant, l’étymologie originelle du mot vient du grec, de metanoiein, que nous connaissons aujourd’hui comme « metanoïa », qui signifie changer d’avis. Il vient de meta-noein, littéralement, au-delà de « nous », ou de penser au-delà. Le repentir — la métanoïa — consiste donc à changer sa façon de penser et à modifier sa conscience en adoptant des pensées qui dépassent les limites ou les schémas de pensée actuels. Dans ce contexte, je propose que nous soyons entrés dans une période importante pour le repentir — l’humanité, dans son ensemble, mais aussi à titre individuel, doit sortir de son inertie actuelle en matière de pensée consciente en modifiant la manière dont nous comprenons les choses et percevons notre réalité. Et il est crucial que nous le fassions, sinon nous découvrirons qu’une autre façon de penser nous envahira et commandera à l’humanité une direction spécifique qui ne sera pas bénéfique pour notre avenir.

Pendant bien trop longtemps, la cognition et les perceptions humaines ont été limitées à un champ d’action et à une portée très restreints. Sans exagérer, nous avons assisté à une densification et à une solidification de la pensée humaine. Elle a littéralement été arrachée aux hauteurs créatives (ce que certains appellent des « idées folles ») pour s’incruster dans le roc. C’est le roc du matérialisme. La notion de réalités métaphysiques, d’existence d’événements et de sentience au-delà du domaine physique, a été réduite au point de disparaître. Comment cela se fait-il ? Est-ce parce que l’humanité est soudainement devenue « civilisée » ? J’en doute fortement. En fait, je serais tenté de soutenir le contraire — que l’humanité est en compétition avec des forces qui agissent contre son impulsion civilisatrice avec une intention délibérée. Il existe de nombreux groupes (y compris des groupes occultes, des initiés et des cercles d’élite) qui sont désireux de répandre le matérialisme et de faire en sorte que la majorité de l’humanité ne croie qu’au matérialisme et soit entièrement sous l’influence des forces matérialistes. Comme le dit Steiner : « Ces initiés veulent s’assurer que le plus grand nombre d’âmes possible n’absorbe que des pensées matérialistes entre la naissance et la mort » [1]. Cette forme de matérialisme ne concerne pas seulement nos habitudes extérieures, nos appareils et nos modes socioculturels, mais aussi (et surtout) la négation de toutes les choses « de l’esprit ». Il s’agit d’un programme global visant à établir une réalité pour les humains qui nie l’existence de tout ce qui a trait à l’esprit, à l’âme et à la métaphysique. Il s’agit ni plus ni moins d’un emprisonnement de l’esprit dans le roc dur du matérialisme. Nous pouvons même parler d’une forme d’hypermatérialisme. Pour certaines personnes, cela peut ne pas sembler si dangereux ou important. Après tout, ces choses liées à l’esprit et à la métaphysique ne sont que des superstitions et n’ont pas leur place dans un monde moderne et technologique. Ce n’est pas le lieu des fées, des djinns, des démons ou des anges. Nous sommes dans un monde de réalité physique, de machines et d’informatique quantique. Ah, mais vous voyez, il y a là une contradiction. La science moderne, y compris la technologie, considère la maîtrise et l’application des capacités quantiques comme le Saint Graal. Pourtant, le monde quantique lui-même relève du surnaturel. C’est un domaine d’énergie et d’interrelations à travers le temps et l’espace. C’est un mélange du monde de l’esprit (ou de la conscience-énergie) dans le monde de la matière. Et puisque le monde quantique est à la base de toute manifestation physique — c’est le champ d’énergie du point zéro sous-jacent —, tout ce que nous connaissons dans notre réalité physique est entremêlé de la dimension de la conscience-esprit. En d’autres termes, tout ce qui est perceptible par les sens est mêlé à ce qui n’est pas perceptible par les sens. Le physique et le métaphysique sont des aspects de la même réalité, selon notre échelle de perception. Pourtant, en ne reconnaissant qu’un aspect de cette réalité, nous restons aveugles à l’autre. Si nous ne reconnaissons pas, et encore moins ne comprenons, le domaine métaphysique, nous ne pouvons pas comprendre ou apprécier pleinement le monde physique. Nous sommes donc très désavantagés. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que celui qui comprend comment le domaine métaphysique fonctionne et s’entremêle (et donc influence) le domaine physique aura la connaissance et le pouvoir de manipuler le monde physique à son avantage. En bloquant la conscience générale de la métaphysique en plaçant toute l’attention et la concentration sur le physique, ces aspects et influences au-delà de la portée générale de la conscience peuvent opérer discrètement et sans être détectés. C’est pourquoi les aspects qualifiés de « paranormaux », « occultes », « métaphysiques » et autres sont ridiculisés dans la culture de masse. Il s’agit d’une tactique de diversion visant à détourner l’attention de toute personne désireuse d’explorer et d’approfondir la métaphysique. De ce fait, les individus et les groupes qui connaissent le fonctionnement du domaine métaphysique peuvent continuer, sans relâche et sans être dérangés, à appliquer ces connaissances pour établir des événements dans le monde physique qui restent largement insoupçonnés. Le contrôle et l’influence qu’ils exercent sur la vie physique restent incontestables et incontestés. Rudolf Steiner l’a reconnu et en a parlé il y a plus de cent ans :

… quelque chose d’apparemment incompréhensible à l’extérieur doit effectivement apparaître incompréhensible à l’extérieur parce qu’il y a des forces spirituelles et des actes spirituels qui se jouent à la fois pour le bien et pour le mal en coulisses… dans les événements de l’histoire du monde [2].

Il est nécessaire, à ce stade de la croissance de l’humanité, de regarder au-delà du « décor de l’existence » et de développer une conscience générale non seulement d’une réalité métaphysique à côté de la réalité physique, mais aussi du fait que ces deux réalités sont entrelacées à tout moment — l’invisible, ou le perceptible par le non-sens, agissant à travers le monde physique. Il est contre-productif pour l’humanité de rester en sommeil à cet égard à ce moment précis de sa transition évolutive. Rester fidèle aux schémas de pensée et aux croyances d’une époque purement matérialiste sera préjudiciable à ses perspectives d’évolution. D’aucuns diront, bien sûr, que c’est précisément notre époque matérialiste qui conduira l’humanité vers un avenir radieux grâce aux innovations et aux solutions technologiques apportées à bon nombre de nos maux actuels. Le résultat de cette perspective, cependant, sera un avenir dans la lignée de la technocratie sociale et du transhumanisme des espèces, avec pour conséquence la dissolution de la connexion de l’individu avec la conscience spirituelle (la mort symbolique des royaumes spirituels). Le moment est venu pour l’humanité d’être guidée plus que jamais par des principes métaphysiques — ou ésotériques, transcendantaux —, faute de quoi de plus grandes concentrations de pouvoir seront entre les mains d’un nombre de plus en plus restreint de personnes qui exerceront ce contrôle sur les masses d’une manière négative. La lutte qui se joue actuellement est celle de certains groupes (et agendas) qui s’efforcent de développer un environnement culturel d’hypermatérialisme qui paralysera, ou du moins entravera, le développement perceptif de l’être humain. Tout ce qui a trait à l’« invisible » — et cela inclut la conscience — sera considéré comme une fantaisie, un non-sens et un fantasme, au point que tous les aspects liés à quelque chose d’un peu métaphysique seront rejetés d’emblée comme appartenant à une époque archaïque. Aujourd’hui encore, nous pouvons constater que les gens sont inoculés, métaphoriquement parlant, contre l’envie de percevoir des impulsions métaphysiques, ce qui leur fait perdre toute envie d’une vie spirituelle authentique ou d’un développement intérieur.

Les forces du matérialisme (que j’ai appelées précédemment forces entropiques) sont à l’œuvre dans la plupart de nos sociétés et sur la scène mondiale, et leur but est de semer la confusion dans les masses et de les amener à croire ce qu’on leur montre. Il s’agit d’une opération psychologique grandiose autant qu’occulte, car elle opère à plusieurs niveaux simultanément et seuls les éléments extérieurs sont visibles. Dans leur détermination à détourner l’humanité des vérités métaphysiques, ces forces tentent de submerger nos sens et nos émotions, et d’entraîner la collectivité dans des états de peur, d’insécurité et de dépendance. Ces états de stress alignent alors l’individu sur une fréquence inférieure qui connecte (ou entraîne) les gens à un taux vibratoire plus dense. L’enchevêtrement de ces vibrations plus denses et plus basses entraîne une diminution de la connexion avec les impulsions plus fines et métaphysiques, ce qui a pour conséquence l’érosion de la pulsion intérieure de développement. Comme je le dis ici, il est nécessaire que les êtres humains établissent une relation correcte avec la réalité spirituelle/métaphysique. Jamais auparavant cela n’a été aussi nécessaire pour nous. Nous pouvons dire que maintenant c’est aussi nécessaire que de choisir ce que nous consommons pour la santé du corps.

Nous devons être particulièrement vigilants et attentifs à la manière dont les événements se déroulent sur le plan physique — en particulier sur la scène mondiale — et prendre note des éléments qui attirent notre attention, ainsi que de la manière dont les choses nous sont révélées par les canaux traditionnels. Nous devrions être attentifs à ces impacts et nous demander pourquoi ils tentent d’influencer certaines réactions et réponses. Les pensées, les émotions et les réactions que nous produisons servent à nous façonner à leur image. Comme le rappelle la citation d’ouverture de cet essai, nous devons devenir ce que nous pensons être — et non pas devenir à l’image que les autres se font de nous. La façon dont nous pensons, et la manière dont nous transmettons ces pensées est généralement négligée et n’est pas reconnue comme ayant une grande importance. Pourtant, ce n’est pas le cas. Si nous nous rappelons — Au commencement était le Verbe. Le pouvoir du mot, et la pensée qui le sous-tend sont aujourd’hui perçus comme une chose fortuite et presque abstraite. Plutôt que d’être reconnu comme une force réelle, le pouvoir de la parole a été transformé en tweets, en émojis et en murmures abrégés sur tick-tock. Nos sociétés modernes ont réduit et corrompu le pouvoir de la pensée. L’expression humaine a été rapidement et intelligemment remplacée par des pensées et des communications abstraites et décousues, soutenues par des programmes médiatiques, des divertissements et le reste. Les masses ont été par la technologie dans des enclos dominés par de courtes vidéos, des mèmes viraux, des sketches comiques et (oui, je dois le dire) des chats mignons. C’est une fête foraine qui célèbre la mort de l’esprit et de la conscience. Pourtant, cette mort n’existe que par absence et non dans la réalité. À tout moment, l’impulsion de l’esprit-conscience se déplace dans le monde physique, inconnue et insoupçonnée de la majorité. Pourtant, le fait que nous n’en soyons pas conscients ne signifie pas qu’elle n’existe pas. Vous pouvez fermer les yeux pour occulter le soleil, mais cela ne nie en rien l’existence et l’influence du soleil. Ce qu’il faut retenir, c’est que si les gens restent inconscients de ces facteurs, ces forces ou ces impulsions restent dans l’inconscient collectif. À notre époque, il est essentiel que le plus grand nombre possible d’individus devienne sensible aux forces/énergies conscientes et métaphysiques qui se trouvent au-delà du seuil de la conscience consciente.

La prise de conscience d’événements et d’impulsions qui se situent au-delà de notre champ de perception normal nous aide à reconnaître l’action et l’influence de forces négatives ou contre-actives. Je dirais qu’à notre époque, il est de la responsabilité de l’humanité de « prendre conscience du mal en tant qu’impulsion dans l’évolution du monde » [3]. En effet, si nous sommes conscients de l’influence de ces agences d’intervention et de perturbation, nous pouvons alors commencer à les priver de leur pouvoir, tout d’abord en reconnaissant leur existence. Comme il est écrit dans l’Évangile gnostique de Philippe : « Tant que la racine de la méchanceté est cachée, elle est forte. Mais lorsqu’elle est reconnue, elle est dissoute. Lorsqu’elle est révélée, elle périt… Elle est puissante parce que nous ne l’avons pas reconnue ». La responsabilité qui nous incombe aujourd’hui est difficile, mais nécessaire : il nous appartient de reconnaître et d’affronter ces forces négatives et contre-productives et de les amener à la lumière (littéralement et métaphoriquement). Le plus grand obstacle à cela n’est autre que notre ignorance collective. Pourtant, nous devons également reconnaître que les forces métaphysiques sont toujours alignées sur nos intentions de croissance et d’avancement perceptuel. La raison même pour laquelle certains groupes assoiffés de pouvoir cherchent à provoquer autant de confusion, de distraction et de dissonance que possible dans la vie humaine est d’occulter ces impulsions métaphysiques de notre conscience et, littéralement, de nous maintenir dans l’obscurité. Ils craignent notre prise de conscience croissante — et elle se développe au sein de la population en général. Il est nécessaire que les individus s’éveillent par leur propre pression. L’heure est venue d’une reconnaissance et d’une révélation grandioses. Et ce changement de nos esprits (nos perceptions) est le grand moment de repentance — metanoïa — signifiant le changement de conscience en embrassant la conscience perceptive au-delà des limitations actuelles.

La grande défense de l’humanité ne passe pas par des moyens physiques, mais par la connaissance. Si nous connaissons ces choses, nous pouvons nous en protéger. Cependant, nous ne devons pas être paresseux dans la recherche d’une véritable connaissance de ces choses. Nous ne devons pas nous laisser décourager par des événements sous fausse bannière ou de fausses promesses. Nous ne devons pas non plus nous laisser égarer par de fausses informations et de fausses accusations. Lorsque le doigt est pointé vers l’extérieur, nous devons regarder vers l’intérieur et vers le cœur (et ignorer le scénario narré). Le véritable pouvoir que nous possédons est celui de ce que nous savons, et donc de ce que nous sommes capables de penser. Nous ferions bien de nous rappeler que nous devenons ce que nous pensons. Et nous sommes tous appelés à devenir ce que nous sommes vraiment capables de penser, de savoir et d’être.

[Cet essai est extrait du nouveau livre de l’auteur : « Is There Life on Earth: A Transmutation Octave », publié le 1er avril 2024]

Texte original : https://kingsleyldennis.substack.com/p/beyond-materialism

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1 Steiner, R. (2006) Secret Brotherhoods and the Mystery of the Human Double. Forest Row: Rudolf Steiner Press, p. 135.

2 Steiner, R. (2006) Secret Brotherhoods and the Mystery of the Human Double. Forest Row: Rudolf Steiner Press, p. 78.

3 Steiner, R. (2006) Secret Brotherhoods and the Mystery of the Human Double. Forest Row: Rudolf Steiner Press, p162