Gabriel Monod-Herzen
Auroville « la ville dont la Terre a besoin »

Il vous est certainement arrivé, au cours de votre existence, d’aspirer à vivre dans un monde meilleur… un monde où il n’y aurait aucune place pour la haine, pour l’envie, ni pour la souffrance — celle qui dégrade l’homme ; un monde où chacun aurait-la possibilité de s’épanouir, de construire l’avenir au lieu de subir le présent ; où la fraternité humaine ne serait pas un vain mot ; où les instincts combatifs et dominateurs ne seraient employés qu’à surmonter nos faiblesses et combattre notre ignorance ; où la soif de progresser aurait le pas sur la satisfaction des désirs et des passions. Un lieu, enfin, sur cette planète, où chacun aurait sa véritable place dans un bonheur non point statique, mais dynamique.

AUROVILLE « la ville dont la Terre a besoin »

(Revue Le Lotus Bleu. Janvier 1970)

Conférence faite à Paris le 9 mars 1969.

I. — POURQUOI ET COMMENT

Il vous est certainement arrivé, au cours de votre existence, d’aspirer à vivre dans un monde meilleur… un monde où il n’y aurait aucune place pour la haine, pour l’envie, ni pour la souffrance — celle qui dégrade l’homme ; un monde où chacun aurait-la possibilité de s’épanouir, de construire l’avenir au lieu de subir le présent ; où la fraternité humaine ne serait pas un vain mot ; où les instincts combatifs et dominateurs ne seraient employés qu’à surmonter nos faiblesses et combattre notre ignorance ; où la soif de progresser aurait le pas sur la satisfaction des désirs et des passions. Un lieu, enfin, sur cette planète, où chacun aurait sa véritable place dans un bonheur non point statique, mais dynamique.

Cette possibilité est en train de se concrétiser. Une ville vient de naître, une ville où tous les espoirs pour un monde meilleur sont permis. Le 28 février 1968, a été posée, à quelques kilomètres de Pondichéry, dans l’Inde du sud, la pierre de fondation d’Auroville, « la cité de l’aurore, ainsi nommée d’après Sri Aurobindo », le grand sage, penseur et poète de l’Inde.

En 1954, la Mère, fondatrice de l’Ashram de Sri Aurobindo, exprimait ainsi son désir de voir se réaliser ce qu’elle appelait « Un Rêve ».

« Il devrait y avoir quelque part sur la terre un lieu dont aucune nation n’aurait le droit de dire : « il est à moi » ; où tout homme de bonne volonté ayant une aspiration sincère pourrait vivre librement comme citoyen du monde et n’obéir qu’à une seule autorité, celle de la suprême vérité ; un lieu de paix, de concorde, d’harmonie, où tous les instincts guerriers de l’homme seraient utilisés exclusivement pour vaincre les causes de ses souffrances et de ses misères, pour surmonter ses faiblesses et ses ignorances, pour triompher de ses limitations et de ses incapacités ; un lieu où les besoins de l’esprit et le souci du progrès primeraient la satisfaction des désirs et des passions, la recherche des plaisirs et de la jouissance matérielle. Dans cet endroit, les enfants pourraient croître et se développer intégralement sans perdre le contact avec leur âme : l’instruction serait donnée, non en vue de passer des examens ou d’obtenir des certificats et des postes, mais pour enrichir les facultés existantes et en faire naître de nouvelles.

« Dans ce lieu, les titres et les situations seraient remplacés par des occasions de servir et d’organiser ; il y serait pourvu aux besoins du corps également pour tous, et la supériorité intellectuelle, morale et spirituelle se traduirait dans l’organisation générale, non par une augmentation des plaisirs et des pouvoirs de la vie, mais par un accroissement des devoirs et des responsabilités. La beauté sous toutes ses formes artistiques : peinture, sculpture, musique, littérature, serait accessible à tous également ; la faculté de participer aux joies qu’elle donne étant limitée uniquement par la capacité de chacun et non par la position sociale ou financière. Car dans ce lieu idéal, l’argent ne serait plus le souverain seigneur ; la valeur individuelle aurait une importance très supérieure à celle des richesses matérielles et de la position sociale. Le travail n’y serait pas le moyen de gagner sa vie, mais le moyen de s’exprimer et de développer ses capacités et ses possibilités, tout en rendant service à l’ensemble du groupe qui, de son côté, pourvoirait aux besoins de l’existence et au cadre d’action de chacun.

« En résumé, ce serait un endroit où les relations entre êtres humains, qui sont d’ordinaire presque exclusivement fondées sur la concurrence et la lutte, seraient remplacées par des relations d’émulation pour bien faire, de collaboration et de réelle fraternité.

« La terre n’est pas prête pour réaliser un semblable idéal, parce que l’humanité ne possède pas encore la connaissance suffisante pour le comprendre et l’adopter, ni la force consciente indispensable à son exécution ; et c’est pourquoi je l’appelle un rêve.

« Pourtant, ce rêve est en voie de devenir une réalité ; et c’est à cela que nous nous efforçons à l’Ashram de Sri Aurobindo, sur une toute petite échelle à la mesure de nos moyens réduits. La réalisation est certes loin d’être parfaite, mais elle est progressive ; et petit à petit, nous nous avançons vers notre but qui, nous l’espérons, pourra un jour être présenté au monde comme un moyen pratique et efficace de sortir du chaos actuel, pour naître à une vie nouvelle plus harmonieuse et plus vraie ».

En 1968, donc quatorze ans après cette déclaration, le rêve de la Mère prend une forme matérielle. Et tout le travail accompli intérieurement et extérieurement à l’Ashram va porter ses fruits et donner une base solide à la naissance d’Auroville.

Avant d’aborder la description du projet d’Auroville, quelques mots sur la Mère, Sri Aurobindo et son Ashram. Et tout d’abord, qu’est-ce qu’un ashram ?

Un ashram est une communauté groupée auprès d’un instructeur en vue de vivre selon un certain idéal spirituel.

Quand Sri Aurobindo, jeune et remuant nationaliste luttant pour l’indépendance de l’Inde, vient se fixer à Pondichéry, en 1910, en compagnie de quatre compagnons des jours passés, il n’a nul désir de devenir un gourou, un instructeur spirituel, et nulle intention par conséquent de former un ashram. Mais il est décidé à suivre, sans rien en négliger, la voie qu’il découvrirait comme bonne au cours de son yoga, de sa recherche spirituelle. Or, de nouveaux venus s’ajoutent aux premiers compagnons. De quatre on passe à dix, puis à vingt-cinq. Et la passion patriotique qui avait soulevé les premiers de ces hommes se transmue en un idéal de perfection vécue. Cette conversion est le moment essentiel de l’œuvre.

Sans aucun doute devons-nous cette nouvelle attitude devant la vie à ce que Sri Aurobindo, né en 1872 à Calcutta, fut envoyé en Angleterre pour son éducation à l’âge de sept ans et vécut là pendant quatorze ans. Cette éducation lui donna une vaste introduction à la culture de l’Europe ancienne et moderne dont il assimila ce que nos modes de penser et de sentir ont de plus fécond.

De ce contact prolongé avec l’Occident, il garde une compréhension profonde pour les démarches de l’esprit scientifique et pour le matérialisme lui-même, en lequel il vit une contribution importante au développement de l’humanité.

Dès son retour en Inde, il avait acquis une culture indienne très complète, fondée sur l’expérience vécue des vérités révélées par les traditions : Sri Aurobindo était alors capable d’une vue d’ensemble du problème humain. Et sa première conclusion était à la fois une constatation d’échec et l’annonce d’une grande espérance.

En effet, il constatait qu’en tous temps et en tous pays, la mise en pratique des théories sociales les mieux intentionnées, n’a jamais et nulle part conduit à des solutions durables, c’est-à-dire à une vie meilleure. Les révolutions douces ou violentes, faites au nom d’une plus grande justice, ont seulement déplacé l’injustice d’une catégorie sociale à une autre ; toutes ont eu besoin, pour s’établir et pour subsister, de la force d’une armée ou d’une police, aucune, par conséquent, ne peut se dire l’expression intégrale d’une volonté populaire, la manifestation libre d’un progrès reconnu nécessaire par tous.

Dans ces conditions, la seule vraie solution du problème social est à trouver dans l’homme lui-même : seul un homme nouveau, doué d’un mode nouveau de conscience, adoptant par conséquent une échelle de valeurs totalement différente, peut espérer la remise en ordre totale de notre système de vie. Et cela n’a été fait ni par l’Occident, malgré ses prouesses techniques, ni par l’Orient, en dépit de ses ascensions aux domaines les plus élevés de la conscience.

N’est-ce pas d’une synthèse de ces deux tendances que peut naître le nouvel homme ?

La réponse est : oui ; mais à une condition : que cette naissance soit une mutation normale, naturelle, qu’il s’agisse de l’étape prochaine — mais peut-être lointaine dans le temps — de l’évolution humaine. Pour le savoir, il faut le vivre : ce fut ce que Sri Aurobindo appelle le yoga intégral, « yoga » parce qu’il est une union avec les plus hautes possibilités de notre conscience, « intégral » parce qu’il s’adresse à l’être humain tout entier, au corps aussi bien qu’à son organisme psychologique ou à ses éléments spirituels. Et c’est parce que Sri Aurobindo a parcouru en lui-même toutes les étapes de cette évolution qu’il fut assuré d’avoir saisi le sens profond de la vie et du progrès humain.

Alors qu’à Pondichéry ce programme spirituel commençait à s’élaborer, une française, qui avait découvert pour sa part la nécessité de voir la perfection spirituelle s’exprimer dans la vie matérielle, afin de la transformer, aussi bien socialement qu’individuellement, décide d’y vivre. Elle y était déjà venue en 1914 et avait vu Sri Aurobindo ; la guerre l’avait fait repartir, et c’est après un séjour au Japon qu’elle revenait. Sous son influence, la vie du groupe s’organise, et bientôt Sri Aurobindo déclare qu’elle est spirituellement son égale et il confie ses disciples à celle qui portera désormais le beau nom de Mère : l’Ashram est constitué. Sri Aurobindo se retire alors de toute participation directe à la vie de la communauté, mais continue à suivre l’évolution spirituelle de chaque disciple et consacre de longues heures à répondre par écrit chaque jour, et souvent tard dans la nuit, à leurs questions.

Ce qui distingue l’Ashram de Sri Aurobindo de la plupart des communautés semblables, c’est que, dans les ashrams traditionnels, la simplicité des moyens, leur caractère purement indien, sont des traits voulus de chaque activité. Ici, tout au contraire, les machines sont joyeusement acceptées et chaque progrès technique est utilisé dès que cela s’avère nécessaire à l’évolution spirituelle des disciples.

C’est ainsi que, petit à petit, l’Ashram s’est doté d’ateliers de menuiserie et de charpenterie, d’un autre de mécanique, d’une forge, d’une boulangerie, d’une blanchisserie, d’une ferme et d’une imprimerie. On achète des maisons, on en construit, et, à l’heure actuelle, l’Ashram occupe un bon tiers de la ville de Pondichéry. On y trouve maintenant un théâtre, un Centre d’Education reconnu par le Gouvernement, un terrain de sports, une piscine olympique, une fabrique de papier, des dispensaires, une station d’essence, etc… Bref, l’Ashram est maintenant un petit monde d’environ 2.000 personnes qui vit centré sur son idéal, et en pleine expansion matérielle. Mais pour chacune de ces entreprises, c’est seulement quand l’homme est prêt que les moyens matériels sont réunis, au contraire de ce qui se fait dans notre monde.

Quand nous connaissons le yoga de Sri Aurobindo, son but vaste, universel, et que nous constatons les résultats obtenus dans son Ashram, tant sur le plan spirituel que matériel, il paraît logique que le cadre d’une simple communauté devienne trop étroit pour son expression et que cela aboutisse à la création d’une ville telle qu’Auroville.

Le décès de Sri Aurobindo, le 5 décembre 1950, n’a marqué aucune variation dans la marche de l’Ashram vers son but, et si grande, si parfaite est cette continuité que pour les disciples la vie de leur Maître est toujours actuelle.

Il avait confié à la Mère la tâche de donner une forme concrète à sa vision de l’avenir humain : son œuvre était bien la manifestation d’un monde nouveau, d’une humanité nouvelle, exprimant et incorporant une nouvelle conscience.

L’Ashram a prouvé par sa continuité et son expansion au cours de quarante années la valeur pratique de cet idéal pour un groupe limité: le projet d’Auroville veut l’élargir au domaine social de la vie courante. Mais cette création ne signifie pas que l’Ashram ait fini son rôle et doive se fondre dans la ville nouvelle ; comme la Mère l’a dit : « L’Ashram gardera son vrai rôle de pionnier, d’inspirateur et de guide ».

Tout cela vous semble-t-il utopique ? Le projet est-il trop ambitieux ? trop audacieux ? Je répondrai simplement qu’il a reçu l’approbation du Gouvernement indien et que l’UNESCO, en octobre 1966, l’a recommandé à l’unanimité comme étant une tentative concrète et réaliste de compréhension internationale, de paix et d’unité futures. Et cette recommandation a été renouvelée par vote unanime lors de sa quinzième Assemblée Générale en 1969.

Ainsi, comme l’espérait la Mère en son Rêve en 1954, Auroville se présente au monde « comme un moyen pratique et efficace de sortir du chaos actuel, pour naître à une vie nouvelle plus harmonieuse et plus vraie »

***

Le jour de la pose de la première pierre d’Auroville — 28 février 1968 — la charte d’Auroville a été scellée dans une urne en mosaïque de marbre après avoir été proclamée en seize langues devant les représentants de 65 nations :

CHARTE D’AUROVILLE

1 — Auroville n’appartient à personne en particulier.

Auroville appartient à toute l’humanité dans son ensemble.

Mais pour séjourner à Auroville, il faut être le serviteur volontaire de la Conscience Parfaite.

2 — Auroville sera le lieu de l’éducation perpétuelle, du progrès constant et d’une jeunesse qui ne vieillit point.

3 — Auroville veut être le pont entre le passé et l’avenir.

Profitant de toutes les découvertes extérieures et intérieures, elle veut hardiment s’élancer vers les réalisations futures.

4 — Auroville sera le lieu des recherches matérielles et spirituelles pour donner un corps vivant à une unité humaine concrète.

LA MÈRE.

II. — QUELQUES PRECISIONS

1er mars 1969

1. — Où se trouve Auroville ?

Le territoire d’Auroville est situé en Inde, dans l’État de Madras (130.000 km. carrés, 40 millions d’habitants) à $8 km. au Nord-est de la ville de Pondichéry, ancien comptoir français. Son climat est tropical. Le site est à 45 mètres au-dessus du niveau de la mer dont il est éloigné de 4 km. (côtes du Coromandel), et vers laquelle il descend en pente douce. Son aspect est celui d’une plaine très aérée, boisée par endroits, coupée de rizières et dont la terre rouge est ferrugineuse (latérite). L’eau est uniquement artésienne. Une équipe de techniciens s’est assurée que son abondance était suffisante pour tous les besoins de la première tranche prévue d’habitations.

Pour implanter les 500 hectares d’Auroville, la Sri Aurobindo Society achète les unes après les autres, les très nombreuses parcelles agraires, sous-exploitées jusqu’ici par quelque 12.000 paysans de race Tamoul. Cette population sera intégrée à Auroville si elle le désire, dans le plus grand respect de ses caractéristiques propres. Elle est actuellement concentrée dans quatre villages situés en principe à la périphérie de la future cité.

Un bureau de poste existe sur place. On peut dès maintenant adresser du courrier à Auroville, Etat de Madras (Inde).

Les liaisons se font par route, à partir de Pondichéry.

2. — Conception d’ensemble

Auroville conduira une expérience multiple : psychologique, sociale, éducationnelle, architecturale sans précédent ; une réalisation qui n’aura jamais été tentée et qui, forcément, rencontrera de multiples difficultés.

Nous voudrions faire d’Auroville une ville significative, progressive, évolutive, jamais finie. Je ne parle pas du nombre de ses habitants, puisqu’il ne doit pas dépasser 50.000 ; mais d’une évolution de son corps physique, de sa vie, de sa société, et aussi, dans le sens le plus haut et le plus créateur, de son génie. C’est pourquoi la meilleure formule urbaniste sera la plus souple. Nous retrouverons là le principe de l’avenir de l’urbanisme, qui consiste à donner à la ville ses lignes de force, ses grands axes de pénétration, la macrostructure de son visage et de son orientation intime où vient s’intégrer, comme dans un casier à bouteilles, une microstructure mobile, changeante, modifiable en fonction de la demande, des besoins de la ville, de la collectivité, des individus… Après avoir considéré Auroville dans son ensemble, il faut envisager chacun de ses aspects en fonction de la croissance de la cité. Au point de vue purement technique, jusqu’à 5.000 habitants, on peut vivre avec les moyens du bord : se brancher en eau sur les puits artésiens et en électricité sur le secteur de Neyveli. Avec 25.000 habitants, le problème de l’eau deviendra préoccupant dans un pays où l’on en est pauvre. Il faut déjà prévoir le dessalement de l’eau de mer, dans une usine qui peut très bien ne pas être définitive puisqu’au stade final il sera nécessaire d’envisager la création à Auroville d’une centrale thermonucléaire. Pour les routes, c’est la même chose : on utilisera les voies existantes jusqu’au moment où il deviendra nécessaire de créer les premiers embranchements qui desserviront les grands axes d’Auroville.

3. — Caractéristiques particulières

Auroville sera, au maximum, une ville de 50.000 habitants provenant de toutes les nations, sans distinction.

Cette limite permet dès les premières réalisations, actuellement commencées, une planification complète des travaux.

Elle sera nécessairement intégrée dans le contexte indien (infrastructure géographique, télécommunications, liaisons par air, terre, fer et mer, réglementations diverses).

Son plan prévoit une répartition des habitants et de leurs activités en quatre zones groupées autour d’un centre commun, symbole de l’unité :

Au SUD, LA ZONE RÉSIDENTIELLE

400 hectares — la plus importante — capable de loger 50.000 habitants.

A L’EST, LA ZONE CULTURELLE

50 hectares (facultés, arts, instituts de recherche, fondations scientifiques, centres de documentation, cercles d’études, Palais des Congrès, etc…).

Cette zone comporte aussi les aménagements de sports et de loisirs.

A L’OUEST, LA ZONE INTERNATIONALE

500 hectares — sorte de super-cité universitaire avec des pavillons de toutes les nations soucieuses de contribuer à cette œuvre par une ambassade culturelle, artistique et technique. Zone laboratoire et non ville musée, donc tournée vers la synthèse des cultures, lieu d’échanges pour supprimer les barrières linguistiques et nationales grâce à l’étude en commun de problèmes universels (préservation de la paix, lutte contre la misère, emplois pacifiques de l’énergie atomique et des sciences spatiales).

Au NORD, LA ZONE INDUSTRIELLE

500 hectares — groupant les activités productrices utiles à la région et à l’Inde entière.

On voit qu’Auroville est prévue pour comporter :

Les fonctions urbaines courantes.

Des activités économiques susceptibles de jouer un rôle pilote (énergie solaire, dessalement de l’eau de mer, stations modèles d’agriculture et d’élevage, développement rationnel de l’artisanat).

Des activités culturelles à rayonnement international (sciences, philosophie, arts plastiques) comprenant : un centre de recherches (sciences physiques et humaines, recherches médicales, applications pacifiques des sciences atomiques et spatiales, recherches urbanistes et sociales).

Une activité permanente d’échanges internationaux justifiant l’implantation de représentations étrangères, la ville ayant un statut juridique particulier reconnu par la Fédération Indienne.

La progression sommaire pourrait être la suivante :

1972 —  10.000   habitants

1977 —  20.000        »

1987 —  50.000        »

4. —  Qui pourra habiter Auroville ?

Tout homme et toute femme qui sentira le besoin de faire naître en lui-même cet homme nouveau, dont Sri Aurobindo a indiqué les possibilités réelles de manifestation. Ce n’est certes pas une œuvre facile et une auto-sélection sera nécessaire : la soif d’aventure, de dépaysement, la fuite devant les difficultés du monde actuel, ne sont pas des raisons suffisantes pour vivre à Auroville.

Auroville, par la nature de son idéal, et par la réponse qu’elle apporte aux besoins de notre monde en évolution, s’adresse à toute la partie de l’humanité qui aspire à une vie meilleure. Auroville est le point de rencontre du monde intérieur et du monde extérieur. En réalité les deux ne font qu’un, et Auroville veut être un exemple vivant de cette réalité, la preuve concrète que l’esprit et la matière sont un : cela ne peut se faire que si les premiers Aurovilliens sont décidés à subordonner au but commun leurs convictions personnelles, dans une abnégation totale.

Pendant la période de démarrage d’Auroville, les candidats voulant participer à l’expérience doivent accepter de vivre une période probatoire, après avoir été acceptés par la Mère. Ils devront exercer une activité proposée par eux, et seront aidés et conseillés dans leur choix par les responsables de l’organisation d’Auroville, pour que leur activité réponde aux besoins du projet. Après cette période d’essai, la Mère décidera si l’intéressé peut être définitivement accepté pour faire partie d’Auroville.

Pendant la période probatoire, dont la durée sera généralement d’un an, les candidats devront subvenir à leurs propres besoins. Ensuite, les personnes définitivement acceptées seront prises en charge par la communauté.

5. —  Le financement de l’entreprise

Ce qui vient d’être dit, met en évidence le fait que la réunion de ceux qui veulent coopérer à la création d’Auroville est, de beaucoup, la première des préoccupations de ses fondateurs. Contrairement à ce qui se produit pour toutes les entreprises, la question du financement de l’œuvre ne vient qu’en second lieu.

Ce financement pourra se faire suivant les formes habituelles : participations nationales, ou internationales, dons ou legs, souscriptions et prêts. Mais il faut préciser qu’Auroville, suivant en cela les déclarations constantes de Sri Aurobindo confirmées par la Mère, pose en principe que l’ « argent ne doit pas servir à rapporter de l’argent, l’argent doit servir à préparer la Terre à la nouvelle création ».

C’est dire clairement qu’Auroville ne sera pour personne une « affaire » et particulièrement pas une « bonne affaire ». Les capitaux qui s’y investiront rapporteront un dividende dont la valeur se mesurera non pas en monnaie, mais directement en paix sociale et internationale par la réalisation de l’unité humaine consciente et spontanée, en activité harmonieusement organisée vers ce qui est le but réel et la signification profonde de notre existence.

6. — La base culturelle

On conçoit d’après ce qui précède, que la vie à Auroville étant toute pénétrée par les exigences d’un épanouissement constamment plus complet de chaque personne, collective ou individuelle, on devra la considérer comme une éducation permanente, une auto-éducation toute faite de libre progrès. Dans ce domaine l’Ashram de Pondichéry a réalisé par son Centre d’Éducation, une expérience qui s’étend sur vingt-cinq années, ce qui permet d’esquisser les activités à Auroville dans le domaine de l’éducation avec plus de précision que dans tout autre domaine.

Tout d’abord il ne s’agira pas d’enseigner, au sens de donner à « apprendre » des connaissances conservées dans des livres ou des programmes : il faudra d’abord mettre chacun à même de prendre conscience de ce qu’il désire réellement savoir et lui fournir les moyens d’y parvenir personnellement, en passant, comme Sri Aurobindo l’a dit : « de l’examen des choses qui expliquent à l’expérience des choses qui, révèlent ».

Cela se fait à Pondichéry depuis vingt ans et les résultats, reconnus et pratiquement acceptés par le Gouvernement Indien, sont les garants de l’avenir.

7. — Ce que l’UNESCO pense d’Auroville

A la quatorzième session de sa Conférence Générale, le 28 novembre 1966, l’UNESCO exprimait « sa conviction que ce projet (d’Auroville) contribuera à promouvoir la compréhension internationale et la paix, et le recommande à l’attention de tous ceux qui s’intéressent aux idéaux de l’UNESCO ».

L’année suivante, à sa quinzième session, le ministre de l’Information du Gouvernement Indien venait en personne à Paris soutenir la résolution suivante :

La Conférence Générale,

Rappelant qu’à l’occasion de la Célébration du vingtième anniversaire de l’UNESCO, la Société Sri Aurobindo de Pondichéry (Inde) a pris des mesures tendant à la création d’une « cité culturelle » appelée « Auroville » où des personnes de nationalités différentes vivront en harmonie les unes avec les autres et se livreront notamment à des activités de caractère éducatif, scientifique et culturel, et rappelant aussi que la Conférence générale a, par sa résolution 14/C/4.36, recommandé ce projet à l’attention de tous ceux qui s’intéressent aux idéaux de l’UNESCO ;

Considérant que les Etats membres, résolus à assurer la libre poursuite de la vérité et le libre échange des idées et des connaissances, ont décidé de développer et de multiplier les relations entre les peuples ;

Considérant également que, malgré les progrès techniques qui facilitent le développement et la diffusion des connaissances et des idées, l’ignorance du mode de vie et des coutumes des peuples fait encore obstacle à l’amitié entre les nations, à la coopération pacifique et aux progrès de l’humanité ;

Prenant en considération la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Déclaration des Nations-Unies concernant la promotion parmi les jeunes des idéaux de paix, de respect mutuel et de compréhension entre les peuples et la Déclaration des principes de la coopération culturelle internationale ;

Constatant que la première pierre d’Auroville a été posée le 28 février 1968 et que la jeunesse d’un grand nombre de pays a participé à cette cérémonie solennelle, symbole du rapprochement des nations dans un esprit d’union entre tous les hommes ;

Persuadée que la création d’Auroville et les nombreux projets qui en découlent ajouteront une dimension nouvelle à l’action menée par l’UNESCO pour favoriser la coopération et la compréhension internationales et promouvoir l’appréciation des valeurs culturelles et humaines ;

Invite les Etats membres et les organisations internationales non gouvernementales à participer au développement d’Auroville, cité culturelle internationale destinée à rapprocher les valeurs de cultures et de civilisations différentes pour former un environnement harmonieux caractérisé notamment par des modes de vie intégrés répondant aux besoins physiques et spirituels de l’homme.

Prie le Directeur Général d’examiner la possibilité d’aider Auroville à atteindre ses buts et en outre de suivre les progrès du projet et de faire rapport sur ce point à la Conférence Générale lors de sa prochaine session.

Cette résolution a été votée â l’unanimité.

8. — L’association pour Auroville

Une Association pour Auroville a été créée à Paris. Elle est à la disposition de tous ceux qui s’intéressent à Auroville.

Gabriel MONOD HERZEN