Le titre est de 3e Millénaire
Question : Quelles sont les vraies causes de la mort prématurée de Mahatma Gandhi ?
Krishnamurti : Je me demande quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris la nouvelle. Comment y avez-vous répondu ? Étiez-vous frappé par cet événement en tant que perte personnelle ou en tant qu’indication de la marche actuelle du monde ? Si cela a été ressenti par identification, comme une perte personnelle, il nous faut analyser ce sentiment très soigneusement, très intelligemment, avec application ; et si cela a été vu comme une indication de la marche des événements dans la crise mondiale, cela aussi doit être suivi de près. Donc nous devons savoir comment nous abordons ce problème, si c’est en tant que perte personnelle ou en tant qu’indication de toute la catastrophe qui a lieu dans le monde. Si c’est une perte personnelle par identification, c’est très différent. Il y a chez nous tous la tendance à nous identifier à quelque chose de plus grand que nous, une nation, une personne, une idée, une image, une pensée, ou une conscience supérieure, car cela nous donne une telle satisfaction, d’être identifié à un groupe, à une nation, ou à une personne représentant la nation – Hitler ou Staline d’un côté et Gandhiji de l’autre, etc.! Il y a identification, donc, avec quelque chose de plus grand que nous ; et lorsque quoi que ce soit arrive à cette personne, ou à cette idée, ou à ce groupe ou nation, nous nous sentons atteints. Ne le sentez-vous pas, monsieur ? Le désir de vous identifier à quelque chose est évident, n’est-ce pas ? Parce que, intérieurement, l’on n’est rien, l’on est vide, creux, mesquin, en s’identifiant à un pays, à un chef à un groupe, l’on devient quelque chose, l’on est quelque chose. Dans cette identification même réside le danger ; si vous en êtes conscient vous verrez que cela conduit aux sauvageries les plus extraordinaires dans l’Histoire, dans votre vie quotidienne. Si vous vous identifiez à un pays, à une communauté, à un groupe de personnes, à une idée, à un esprit de communauté, vous êtes certainement responsable de toutes les calamités qui arrivent ; car si vous n’êtes qu’un instrument qui s’identifie à quelque cause ou à quelque personne, c’est que l’on se sert de vous, et la calamité, la crise, la catastrophe est créée par cette identification même.
Cela, c’est un côté du problème ; et la question réellement devrait être : « Quelles sont les causes que j’ai contribué à créer, de cet incident, de cette misère, de cette catastrophe ? » C’est bien là la vraie question, n’est-ce pas ? Car nous sommes individuellement responsables de tout ce qui se passe dans le monde en notre temps. Les événements mondiaux ne sont pas des incidents isolés : ils sont reliés. La cause réelle de la mort prématurée de Gandhiji, c’est vous. La cause réelle est vous. Parce que vous avez un esprit de communauté, vous encouragez l’esprit de division par la propriété, par les castes, par une idéologie, en ayant différentes religions et sectes, ainsi que des chefs. Il est évident que vous êtes responsables, n’est-ce pas ? Et cela ne sert à rien de ne pendre qu’un homme : vous avez tous contribué à cette mort. La question est : de quelle façon y avez-vous contribué ? C’est délibérément que je ne m’inclus pas dans cette question, car je n’ai pas l’esprit d’une communauté, je ne suis ni Hindou, ni Indien, je ne suis ni nationaliste, ni internationaliste. Donc je m’exclus de tout cela, non pas parce que je suis supérieur, mais parce que je ne pense pas en ces termes du tout, d’appartenance à un groupe ou à une religion, d’avoir de la propriété qui soit « mienne ». Je m’exclus délibérément, consciemment – veuillez comprendre que cela n’est point parce que je me sens supérieur aux autres. L’identification avec un groupe, avec une nation, avec une communauté, avec des propriétés mène à la misère, n’est-ce pas ? De telles identifications conduisent à des meurtres, à des désastres, à du chaos ; et vous en êtes responsables parce que vous croyez vraiment à l’Hindouisme, avec ses nombreuses et différentes facettes, qui sont toutes absurdes. Vous êtes un Hindou, un Parsi, un Bouddhiste ou un Musulman – vous savez : toute la pourriture des divisions, des isolements par identification. Et alors, puisque vous vous êtes identifiés à un groupe, vous êtes responsables, n’est-ce pas ? Vous êtes la vraie cause de cet assassinat. Je ne dramatise pas, ce serait trop absurde ; mais c’est cela le fait, n’est-ce pas ? Donc, la vraie cause est vous, non quelque cause mystérieuse, inconnue. Lorsqu’une soi-disant nation est composée de groupes séparés, chacun cherchant à acquérir du pouvoir, des positions, de l’autorité, des richesses, vous êtes forcés de produire, non pas la mort d’un homme, mais des milliers et des millions de morts – c’est inévitable.
Donc, la question fondamentale est de savoir si des êtres humains peuvent exister en isolement par identification ; et l’Histoire a montré maintes et maintes fois que c’est une destruction pour l’homme. Lorsque vous dites être un Hindou, un Musulman, un Parsi ou Dieu sait quoi encore, cela produit fatalement un conflit dans le monde. Si vous observez une soi-disant religion, une religion organisée, vous verrez qu’elle est essentiellement basée sur l’isolement, sur une séparation : le Chrétien, l’Hindou, le Musulman, le Bouddhiste ; et lorsque vous rendez un culte à une image ou à des images, lorsque vous interdisez à quelqu’un d’entrer dans vos temples (comme si la réalité résidait dans un temple !) en vérité, vous êtes le responsable du conflit et de la violence. Ne l’êtes-vous pas ? Je vous en prie, ceci n’est pas une harangue, je ne tiens pas du tout à vous convaincre ; mais il nous importe, à vous et à moi, de trouver la vérité en cette question : ceci n’est pas une harangue politique, elle n’aurait aucun sens. Pour trouver la vérité, pour voir que nous sommes responsables de ce qui arrive, nous devons penser de très près, directement. Lorsque vous avez une religion, à laquelle vous appartenez, une religion organisée, ce seul fait crée un conflit entre l’homme et l’homme ; et lorsque la croyance devient plus forte que l’affection, plus forte que l’amour, lorsque la croyance est plus importante que l’humanité et que toute notre structure est faite de croyance – croyance en Dieu ou en une idéologie, au communisme ou au nationalisme – manifestement, vous êtes la vraie cause des destructions.
Je ne sais pas si vous sentez l’extraordinaire importance de tout cela – de penser tout cela très clairement et de ne pas se cacher derrière des mots.
Ensuite, il y a le fait flagrant de la division par la propriété, par le sens d’acquisition. La propriété en soi a très peu de sens : l’on ne peut dormir que dans une chambre, dans un seul lit ; mais le désir d’une position, la soif d’acquérir, de trouver une sécurité pour vous lorsque le monde entier autour de vous est dans l’insécurité, ce sens de la propriété, ce sens de la possession est une des causes de l’effroyable misère de ce monde. Je ne vous dis pas qu’il vous faut abandonner toute propriété, mais soyons conscients de sa signification, de son sens dans l’action ; et lorsqu’on en est conscient, on abandonne avec naturel toutes ces choses. Cela n’est pas difficile de renoncer, cela n’est pas un labeur d’abandonner des possessions, lorsque l’on voit directement que les rapports que l’on a avec la propriété mènent à la misère, non pour une personne, mais pour des millions, et que l’on se bat pour des possessions.
Ce ne sont pas simplement des mots : si vous les analysez, la propriété et la croyance sont réellement les deux principales causes des conflits. La propriété comme moyen d’agrandissement personnel ; la propriété comme moyen de se prolonger soi-même d’une façon permanente confère position, pouvoir, prestige. Sans propriété vous n’êtes rien : c’est clair. Par conséquent, la propriété devient extraordinairement importante, et pour elle vous êtes prêts à tuer, à mutiler, à détruire les hommes. Il en est de même des religions organisées et des idéologies politiques qui impliquent une croyance. La croyance devient très importante, car sans croyance où êtes-vous ? Si vous ne vous donnez pas à vous-même le nom d’une communauté, un nom qui isole, où êtes-vous ? Vous êtes perdu, n’est-ce pas ? Et alors, parce que vous vous sentez en danger, vous vous identifiez à des propriétés, à des croyances, ou à des idéologies, etc., ce qui inévitablement engendre des destructions. De combien de façons différentes vous essayez de vous isoler des autres ! Cet isolement est la cause réelle des conflits et de la violence. Donc vous êtes responsables, messieurs et mesdames, avec vos beaux saris et vos jupes à la mode.
Cet événement a aussi une signification mondiale. Nous avons justifié et accepté le mal comme moyen vers le bien. La guerre est justifiée parce que nous disons qu’elle apportera la paix – ce qui est manifestement utiliser de mauvais moyens pour de bonnes fins. Mais la marche du monde est dans cette direction ; des groupes de personnes, des nations entières se préparent pour l’ultime destruction, comme s’il pouvait leur arriver d’être paisibles à la fin de tout cela. Cet événement est réellement une indication, n’est-ce pas, de la tendance qu’ont les êtres humains à sacrifier le présent pour l’avenir. Nous allons créer un monde merveilleux, mais entre temps, nous allons vous égorger ; nous allons vous liquider pour le bien de l’avenir. Vous ne comptez pas ; ce qui compte, c’est l’idée, c’est l’avenir ; quant à ce que l’on entend par là… Car, après tout, l’avenir, qu’il aille à gauche ou à droite, est aussi incertain pour moi que pour vous ; le futur est changeant, susceptible d’être modifié, et nous sommes en train de sacrifier le présent pour un avenir inconnu. Voilà bien une des plus grandes illusions, n’est-ce pas ? Mais c’est une des tendances du monde – et c’est cela qui a lieu en ce moment : nous avons un avenir idéologique pour lequel les êtres humains sont sacrifiés. Pour sauver l’homme, nous tuons l’homme. Et nous sommes pris là-dedans – vous êtes pris là-dedans. Vous voulez une sécurité future, donc vous détruisez la présente sécurité. Mais la compréhension appartient au présent, pas à l’avenir. L’entendement est maintenant, pas demain.
Or, ces deux tendances extraordinaires, qui prévalent dans le monde d’à présent ; indiquent, n’est-ce pas, un manque total d’amour. Je ne parle pas d’un amour mystérieux du Suprême ni de toutes ces balivernes, mais de l’amour ordinaire entre deux êtres humains. Vous savez, l’on remarque, lorsque l’on voyage à travers le monde, un manque total du sens de l’amour entre êtres humains. Les sensations ne manquent pas, sexuelles, intellectuelles ou provoquées, mais une réelle affection, aimer quelqu’un de tout votre être – cela n’existe pas, pour l’évidente raison que vous avez cultivé l’intellect. Vous êtes merveilleux pour passer des examens, pour tisser vos théories, pour spéculer sur les marchés, pour faire de l’argent – tout cela indique la suprématie de l’intellect. Et lorsque l’intellect devient suprême, vous allez fatalement au désastre, parce que le cœur est vide ; alors vous le remplissez de mots et des fabrications de l’intellect. C’est ce que l’on remarque d’une façon extraordinairement étendue dans le monde, à notre époque. N’êtes-vous pas remplis de théories, soit de la gauche, soit de la droite, sur comment résoudre le problème du monde ? Mais votre cœur est vide, n’est-ce pas ? Et certes, le problème est très simple, si vous le regardez vraiment. Tant que vous êtes identifiés à la propriété, au nom, à la caste, à un gouvernement particulier, à la communauté, à l’idéologie, à la croyance, vous provoquez fatalement des destructions et de la misère dans le monde. Ainsi c’est vous qui êtes la cause réelle de son assassinat ; c’est vous qui avez provoqué, ce meurtre de l’homme par l’homme. Vous acceptez le meurtre organisé à une grande échelle comme un moyen honnête pendant la guerre, mais lorsqu’il est commis sur une personne, vous êtes horrifiés. N’est-il pas vrai, monsieur, que vous en tant qu’individu avez perdu toute sensibilité, tout sens des réelles valeurs et de la portée de l’existence ? Pour comprendre cette question, nous devons nous transformer radicalement, parce que c’est cela qui est requis pour révolutionner absolument vos façons de penser, de sentir et d’agir. Vous voulez provoquer une révolution par la simple action, ce qui n’a aucun sens du tout ; car sans une révolution en vous et en vos sentiments, vous ne pouvez pas produire une révolution en action ; vous ne pouvez pas produire une révolution, si ce n’est individuellement. Et puisque vous êtes responsable, puisque vous êtes la cause de l’assassinat, afin de prévenir de nouveaux assassinats c’est vous, vous-même qui devez changer radicalement, n’est-ce pas, et ne pas parler de divinités et de théories, de karma et de réincarnation ; il vous faut être actuellement conscient de ce qui a lieu en vous-même. Et comme il est extrêmement difficile et ardu d’être lucide, vous émettez des théories, vous vous évadez par la propriété, par le nom et la famille et tout le reste des absurdités qui provoquent des destructions. Donc, puisque vous êtes responsable de cet assassinat, et des assassinats passés et à venir, d’une personne isolée ou de millions de personnes, il faut que vous changiez. Il faut que vous soyez transformé, non en commençant à une grande distance, mais en commençant tout près, en observant les façons de votre faire, de votre sentir, de votre penser, tous les jours. Il est certain que si vous êtes intéressé, si vous êtes sérieux dans votre propos, ce moyen est le seul qui puisse produire une transformation. Mais si vous êtes émotionnellement agité par les événements, si vous avez été drogué par des harangues politiques au cours d’innombrables années, naturellement vous n’y répondrez que peu. Mais, que cela vous plaise ou non, vous êtes responsable des misères extérieures parce que, à l’intérieur de vous-même vous êtes misérable, confus, dans l’angoisse et sans amour.
Question : La troisième guerre est-elle inévitable ?
Krishnamurti : L’inévitable n’existe pas, n’est-ce pas ? Un pays, étant conscient de sa propre faiblesse, de sa propre force, peut dire : « Non, nous ne nous battrons pas ! » C’est une des tendances de la gauche de pousser lorsqu’il n’y a pas beaucoup de pression et de céder lorsque la pression est trop grande ; ainsi, vous pouvez toujours vous retirer et attendre et organiser. Il n’y a rien d’inévitable en ce qui concerne la guerre, mais cela ressemble beaucoup à de l’inévitable, parce que les éléments en jeu sont si vastes. Des idéologies sont en guerre, à droite et à gauche. Il y a l’idéologie qui dit que la matière se meut toute seule et l’idéologie qui dit que la matière est mue par une idée divine qui agit sur elle. D’un côté, il y a l’idée d’un Dieu qui agit sur la matière et de l’autre l’idée que la matière elle-même est en mouvement et produit les circonstances extérieures et que, par conséquent, un contrôle rigide du milieu est important. Je ne discute pas les idéologies ni si elles sont correctes ou erronées. Nous entrerons dans cette question un autre dimanche. Alors ces deux idées sont diamétralement opposées – du moins elles s’imaginent être opposées. Et ceci soulève un problème très complexe, à savoir si la gauche n’est pas basée sur la droite, n’est pas une continuation de la droite ; si tout contraire n’est pas la continuation de son opposé. Mais lorsque deux partis puissants sont décidés à occuper une position, à exercer le pouvoir, naturellement, cela détruira l’homme, lequel est pris entre les deux ; et c’est ce qui se produit dans ce pays, dans votre propre famille. Lorsque vous dominez votre femme ou votre mari, lorsque vous êtes possessif, lorsque vous vous accrochez au pouvoir dans un petit cercle, ne contribuez-vous pas au chaos mondial ? Lorsque la croyance au nationalisme vous domine, lorsque votre pays devient supérieurement important – c’est ce qui arrive dans chaque nation – la catastrophe d’une grande destruction n’est-elle pas inévitable ? Il est évident, messieurs, que la seule existence d’une armée est une indication de guerre. C’est la fonction d’un général de préparer la guerre ; et lorsque vous avez mis au point une arme comme la bombe atomique, où irez-vous l’essayer ? Donc, encore, la guerre est directement reliée à nous. Si vous êtes un nationaliste, vous êtes en train de contribuer à la guerre. Si vous vous êtes enfermé dans des possessions, vous contribuez à la guerre. Si le nationalisme, l’esprit de communauté, si votre propre pays ou votre propre groupe devient la chose la plus importante, il est clair que vous contribuez à la guerre. Notre existence même, tous les jours, engendre la guerre, parce que nous n’avons pas de paix du tout. Il est évident que s’il doit y avoir la paix dans le monde, vous, vous-même, devez être en paix. Si je veux être en paix avec vous, je dois être adaptable, je dois vous respecter, je ne dois pas avoir un esprit de domination ; mais si ni vous ni moi ne sommes adaptables, si nous insistons pour dominer, cela produit fatalement une catastrophe.
Une dame américaine est venue me voir il y a environ deux ans, pendant la guerre. Elle me dit avoir perdu son fils en Italie et qu’elle avait un autre fils âgé de seize ans qu’elle voulait sauver ; alors nous avons discuté de la question. Je lui ai suggéré que si elle voulait sauver son fils, elle devait cesser d’être une Américaine ; elle devait cesser d’être avide, d’amasser des richesses, de rechercher le pouvoir, de dominer, et être moralement simple – non pas se borner à être simple dans ses vêtements, dans les choses extérieures, mais simple dans ses pensées et ses sentiments, et dans ses rapports avec le monde. Elle m’a répondu : « C’est trop. Vous demandez beaucoup trop. Je ne peux pas le faire, parce que les circonstances sont trop puissantes pour que je puisse les modifier. » Elle était par conséquent responsable de la destruction de son fils. Les circonstances peuvent être dominées par nous, parce que nous avons créé les circonstances. La société est le produit de nos rapports réciproques : des vôtres et des miens ensemble. Si nous changeons dans nos rapports mutuels, la société change ; mais ne s’appuyer que sur une législation, sur la force, pour la transformation de la société extérieure alors que l’on demeure corrompu intérieurement, alors que l’on continue intérieurement à rechercher le pouvoir, une position, une domination, c’est détruire l’extérieur, pour que soigneusement et scientifiquement on le bâtisse. Ce qui est intérieur prédomine toujours sur l’extérieur.
Donc, encore une fois, monsieur, que la guerre soit inévitable ou qu’elle n’ait pas lieu, cela dépend de nous, de vous et de moi. Nous pouvons changer, ne le pensez-vous pas ? Nous pouvons nous transformer – cela n’est pas difficile, si nous y appliquons nos esprits et nos cœurs. Mais nous sommes trop indolents, nous laissons cela au type d’à côté ; nous voulons un train de vie facile, des pensées que rien ne trouble, une sécurité intérieure. Et désirant une sécurité intérieure, nous la recherchons par l’entremise de choses extérieures, propriétés, croyances, temples, églises, mosquées. Lorsque vous êtes à la recherche d’une sécurité intérieure, vous engendrez l’insécurité. Par le désir même d’une sécurité psychologique, vous provoquez la destruction. Cela est bien évident ; ce fait se répète dans l’Histoire constamment. La Sécurité extérieure est essentielle : l’alimentation, l’habillement, les abris. Mais l’homme veut être en sûreté psychologiquement ; alors il utilise la nourriture, les vêtements, les logements et les idées comme des moyens pour atteindre une sécurité psychologique – et par conséquent provoque des obstructions. Ainsi, je le répète, il appartient à vous et à moi d’empêcher ce qui semble inévitable. Les guerres sont inévitables tant que des êtres humains sont individuellement en conflit les uns avec les autres, ce qui est une indication qu’ils sont en conflit à l’intérieur d’eux-mêmes. Nous voulons une transformation par la voie de la législation, par une révolution externe, par des systèmes, et pourtant nous demeurons intérieurement inchangés. Intérieurement, nous sommes troublés, nous sommes en état de confusion ; et sans établir l’ordre, la paix et le bonheur intérieurement, nous ne pouvons pas avoir de paix et de bonheur extérieurement, dans le monde.
Question : Pouvons-nous réaliser séance tenante la vérité dont vous parlez, sans aucune préparation préalable ?
Krishnamurti : Qu’entendez-vous par vérité ? Évitons d’employer des mots dont nous ne connaissons pas le sens ; mais nous pouvons employer un mot plus simple, un mot plus direct. Pouvez-vous comprendre, pouvez-vous appréhender un problème directement ? C’est cela qu’implique votre question. Pouvez-vous comprendre ce qui est immédiatement, maintenant ? Car, en comprenant ce qui est vous comprendrez la portée de la vérité ; mais dire que l’on doit comprendre la vérité, cela a très peu de sens. Donc : pouvez-vous comprendre un problème directement, pleinement, et en être libéré ? C’est cela qui est impliqué dans la question, n’est-ce pas ? Pouvez-vous comprendre une crise, une provocation immédiatement, voir son entière signification et en être libéré ? Car ce que vous comprenez ne laisse pas de marque ; donc l’entendement – ou vérité – est le libérateur. Et pouvez-vous être libéré maintenant d’un problème, d’une provocation ? La vie est – n’est-ce pas ? – une suite de provocations et de réponses ; et si votre réponse à une provocation est conditionnée, limitée, incomplète, cette provocation laisse sa marque, son résidu qui est à son tour renforcé par une nouvelle provocation. Ainsi il y a continuellement une mémoire résiduaire, des accumulations, des cicatrices ; et avec toutes ces cicatrices vous essayez d’affronter le neuf, et par conséquent vous ne rencontrez jamais le neuf. Ainsi, vous ne comprenez jamais, il n’y a jamais une libération qui affranchisse de la provocation. J’espère que je me fais comprendre clairement.
Donc, le problème, la question est : puis-je comprendre une provocation complètement, directement, percevoir toute sa portée, tout son parfum, sa profondeur, sa beauté et sa laideur et ainsi en être libre ? Monsieur, la provocation est toujours neuve, n’est-ce pas ? Le problème est toujours neuf, n’est-ce pas ? Le problème est toujours neuf : une question comme celle-ci est toujours neuve. Je ne sais pas si vous suivez cela. Un problème que vous avez eu hier, par exemple, a subi de telles modifications que lorsque vous le rencontrez aujourd’hui il est déjà neuf. Mais vous l’abordez avec le vieux, parce que vous l’abordez sans transformer, sans modifier vos propres pensées.
Laissez-moi vous l’exprimer d’une autre façon. Je vous ai rencontré hier. Entre-temps, vous avez changé. Vous avez subi une modification, mais j’ai toujours, de vous, l’image d’hier. Donc, je vous aborde aujourd’hui avec mon image de vous, et par conséquent je ne vous comprends pas – je ne comprends que l’image de vous, que j’ai acquise hier. Donc, si je veux vous comprendre, vous qui êtes modifié, changé, je dois écarter l’image d’hier, je dois en être libre. C’est-à-dire que pour comprendre une provocation, qui est toujours neuve, je dois, en l’abordant, être neuf moi aussi, il ne faut pas qu’il y ait un résidu d’hier ; donc je dois dire adieu à hier. Après tout, qu’est-ce que la vie ? C’est quelque chose de neuf tout le temps, n’est-ce pas ? C’est quelque chose qui éternellement subit des changements, créant un nouveau sentiment. Aujourd’hui n’est jamais pareil à hier, et c’est là la beauté de la vie. Donc, puis-je, pouvez-vous aborder un problème, en étant neuf ? Pourrez-vous, lorsque vous rentrerez chez vous, aborder votre femme et votre enfant d’une façon neuve, affronter la provocation, vous étant neuf ? Vous ne serez pas capable de le faire si vous êtes surchargé des souvenirs d’hier. Par conséquent, pour comprendre la vérité d’un problème, d’une relation, vous devez vous présenter à lui étant neuf ; je ne dis pas « ayant l’esprit ouvert » car ces mots n’ont pas de sens. Vous devez aller à lui sans les cicatrices des souvenirs d’hier – ce qui veut dire, à mesure que chaque provocation se produit, être conscient de toutes les réactions d’hier ; et en étant conscient du résidu d’hier, des souvenirs, vous verrez qu’ils se détachent et tombent sans lutte, et, en conséquence, votre esprit est frais.
« Pouvons-nous réaliser la vérité immédiatement, sans préparation ?» Je dis oui – et ce n’est pas par fantaisie, ou à cause d’une illusion que je pourrais avoir : essayez-le, psychologiquement, et vous verrez. Prenez n’importe quelle provocation, n’importe quel petit incident – n’attendez pas une grande crise – et voyez comment vous y répondez. Soyez-en conscient, conscient de vos réactions, de vos intentions, de vos attitudes et vous les comprendrez, vous comprendrez votre arrière-plan. Je vous assure que vous pouvez le faire immédiatement si vous y appliquez toute votre attention. C’est-à-dire que si vous cherchez à comprendre le sens plein de votre arrière-plan, il révèle sa portée ; et alors vous découvrez d’un trait la vérité, la compréhension du problème. La compréhension ne peut surgir que dans le maintenant, dans le présent, qui est toujours intemporel. Bien que cela puisse se produire demain, c’est toujours le maintenant ; et remettre à demain, se préparer à recevoir ce qui est demain, c’est s’interdire de comprendre ce qui est maintenant. Vous pouvez certainement comprendre directement ce qui est maintenant, non ? Alors pour comprendre ce qui est, il est nécessaire que vous ne soyez ni dérangé ni distrait : vous devez y mettre votre esprit et votre cœur. Cela doit constituer votre seul intérêt à ce moment-là, complètement. Alors ce qui est vous donne sa pleine profondeur, sa pleine signification ; et il en résulte que vous êtes affranchi de ce problème.
Monsieur, si vous voulez connaître la vérité, la portée, le sens psychologique de la propriété, si vous voulez réellement la comprendre directement, maintenant, comment l’abordez-vous ? D’abord, vous devez sentir une parenté avec ce problème ; vous ne devez pas en avoir peur ; il ne doit y avoir aucune croyance, aucune réponse entre vous-même et le problème. Ce n’est que lorsque vous êtes directement en relation avec le problème que vous trouverez la réponse. Mais si vous introduisez une réponse, si vous jugez, si vous avez un manque d’inclination, c’est que vous remettez à plus tard, que vous vous préparerez à comprendre demain ce qui est toujours là, et par conséquent, vous ne comprendrez jamais. Percevoir la vérité ne comporte aucune préparation ; une préparation implique du temps et le temps n’est pas un instrument qui permette de comprendre la vérité. Le temps est continuité et la vérité est intemporelle, elle est non continue. La compréhension est non continue, elle est, de moment en moment, elle n’a pas de résidu.
Je crains de vous avoir rendu tout cela très difficile, n’est-ce pas vrai ? C’est facile, simple à comprendre, si vous voulez en faire l’expérience ; mais si vous partez dans un rêve, dans une méditation sur ce sujet, cela devient très difficile. Il est certain que lorsqu’il n’y a pas de barrière entre vous et moi, je vous comprends. Si je suis ouvert à vous, je vous comprends directement – et être ouvert n’est pas une affaire de temps. Le temps me rendra-t-il ouvert ? Est-ce qu’une préparation, un système, une discipline, m’ouvriront à vous ? Non, monsieur. Ce qui me rendra ouvert à vous ce sera mon intention d’être ouvert. Je veux être ouvert parce que je n’ai rien à cacher, je n’ai pas peur ; donc je suis ouvert, donc il y a communion instantanée, il y a vérité. Pour recevoir la vérité, pour connaître sa beauté, pour connaître sa joie, il faut une réceptivité instantanée, sans les nuages des théories, des peurs et des réponses.
Question : Est-ce que Gandhiji continue à exister aujourd’hui ?
Krishnamurti : Voulez-vous réellement le savoir ? Oui ? Qu’est-ce qui est impliqué dans cette question ? C’est que si lui continue à vivre, alors vous aussi continuerez à vivre ; ainsi vous voulez savoir la vérité en ce qui concerne la continuité. Si je meurs, continuerai-je ? Serai-je un être ou serai-je détruit complètement ? Or, messieurs, la plupart d’entre vous croient probablement à la réincarnation, à la continuité. Par conséquent, votre croyance vous empêche de trouver la vérité au sujet de cette question. Me comprenez-vous ? Voilà une provocation !… Nous allons mettre en pratique ce que j’ai dit en réponse à la question précédente. Nous allons faire cette expérience, trouver la vérité sur cette question – directement, pas demain. Pour comprendre directement, il vous faut mettre de côté votre croyance en la réincarnation, n’est-ce pas ? Vous, vous ne savez pas. Cela n’est qu’une croyance. Même si vous pensez avoir la preuve d’une continuité, c’est encore dans le champ de la pensée. L’esprit peut s’illusionner et fabriquer tout ce qu’il désire. Donc, nous voulons trouver la vérité de cette provocation, et pour trouver sa vérité, nous devons aller à elle en étant neufs, avec un esprit neuf ; car, pour comprendre maintenant, pas demain, un esprit neuf, un esprit frais est nécessaire.
Or, en vue de trouver la vérité, je dois découvrir ce qui empêche l’esprit d’être frais. Je ne suis pas en train de vous répondre que Gandhiji vit ou ne vit pas – nous arriverons à cela plus tard. Mais pour comprendre, il faut une fraîcheur. Donc je m’en vais voir si mon esprit est couvert de nuages. Comme je suis plein d’angoisse, plein d’espoirs, rempli du désir de continuité, je suis visiblement couvert de nuages ; donc je ne peux pas comprendre la nouvelle provocation : « Y a-t-il continuité ? » Pour la comprendre maintenant, immédiatement, je dois comprendre les différents barrages qui empêchent mon esprit d’être frais, neuf, de telle sorte qu’il reçoive le neuf. Tout cela vous intéresse-t-il, messieurs, ou n êtes-vous qu’en train d’écouter ? Pour le moment, oubliez que vous ne faites qu’écouter, et expérimentez avec moi à mesure que j’avance. Je suis en train de penser tout haut, avec vous, à ce problème. C’est votre problème aussi bien que le mien – je ne fais que lui donner une expression. C’est votre problème, donc suivez-le, expérimentez-le pas à pas.
Qu’est-ce que c’est, ce que nous appelons continuité ? Qu’est-ce qui continue ? C’est une de ces deux choses : ou bien c’est une entité spirituelle, par conséquent au-delà du temps, ou bien c’est simplement de la mémoire, qui se donne une continuité au moyen des résidus de l’expérience. Suivez-vous ? Me suis-je rendu clair ? Si je suis une entité spirituelle, c’est que je suis intemporel et, par conséquent, il n’y a pas de continuité. Car ce qui est spiritualité, vérité, divin est au-delà du temps ; donc ce n’est pas la continuité que nous connaissons en tant que demain et le futur. Suivez-vous ? Si ce que je suis est une entité spirituelle, c’est forcément sans continuité, cela ne peut pas progresser, cela ne peut pas grandir, cela ne peut pas devenir ; mais en fait, ce que je suis pense que cela doit devenir, en somme je pense en termes de devenir. Donc je ne suis pas une entité spirituelle. Parce que, si je suis une entité spirituelle, je ne suis pas en devenir ; alors la mort et la vie sont une unité, alors il y a l’intemporel, il y a l’éternité.
Mais vous pensez en termes de devenir, par conséquent vous êtes pris dans le temps. Ne vous endormez pas sur cela – nous expérimentons ensemble.
Donc, si vous êtes une entité spirituelle, vous n’avez pas à vous tracasser à son sujet, vous n’avez pas besoin de chercher à savoir s’il y a continuité ou non. C’est fini – il y a immortalité. Mais vous n’êtes pas cela ; vous avez peur, et c’est pour cela que vous voulez savoir s’il y a continuité. Alors voici que vous ne restez qu’avec une seule chose, qui est la mémoire. Suivez-vous, messieurs ? Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux. Si vous êtes une entité spirituelle, la mort, la continuité, le temps ne sont pas votre affaire ; car ce qui est spirituel est éternel, intemporel. Mais vous n’êtes pas dans cet état d’être. Vous êtes dans un état de devenir, dans un état de continuité, voulant savoir s’il y a continuité ou non. Cette question même indique que vous n’êtes pas dans l’autre état d’être – nous pouvons donc le laisser tranquille. Donc, qu’est-ce que c’est qui continue ? Qu’est-ce que c’est qui continue dans votre vie quotidienne ? Évidemment pas l’entité spirituelle. C’est votre mémoire identifiée avec la propriété, le nom, les relations et les idées, n’est-ce pas ? Si vous n’aviez pas de mémoire, la propriété n’aurait pas de sens. Si vous n’aviez pas le souvenir d’hier, la propriété n’aurait absolument aucun sens, ni les relations, ni les idées. Vous êtes à la recherche d’une continuité et vous l’établissez au moyen de la propriété, de la famille, d’idées, tout cela étant le « je » et vous voulez savoir si le « je » continue. Or, lorsque vous parlez du « je », qu’est-ce que c’est ? C’est le nom, des qualités, des idées, votre compte en banque, votre position, votre caractère, les représentations de votre esprit ; et tout cela est de la mémoire, n’est-ce pas ? Monsieur, je n’insiste pas pour que vous acceptiez quoi que ce soit. Je constate ce qui, en fait, est, je ne m’occupe ni de théories ni de spéculations. Nous expérimentons afin de voir si nous pouvons trouver la vérité de cette question et être libérés du problème de la continuité.
Donc, qu’est-ce qui cause la continuité ? Évidemment la mémoire. Comment la mémoire naît-elle ? Très simplement : il y a perception, contact, sensation, désir, identification. Je perçois une auto, il y a perception d’une auto ; ensuite il y a contact, puis sensation, puis le désir de posséder, ensuite elle est « mienne ». Ainsi le « je » est le résidu de la mémoire ; il a beau se diviser en soi supérieur et moi inférieur, il est toujours dans le champ de la mémoire – ce qui est une évidence, que vous l’acceptiez ou non. Lorsque vous pensez à Dieu, c’est encore dans le champ de la mémoire. Lorsque vous parlez du soi supérieur, lorsque vous parlez de Brahman, c’est encore dans le champ de la mémoire ; et la mémoire est incomplète compréhension. N’avez-vous pas remarqué que lorsque vous comprenez une chose, elle ne laisse aucune cicatrice de mémoire ? Voilà pourquoi l’amour n’est pas mémoire. L’amour est un état d’être, ce n’est pas une continuité. Cela ne devient continuité que lorsqu’il n’y a pas d’amour. Ainsi, il n’y a pas de continuité s’il n’y a pas de mémoire. En d’autres termes, la pensée identifiée doit continuer, mais s’il n’y a pas d’identification, il n’y a pas de continuité. La mémoire est le fondement même de l’identification. Par la continuité, y a-t-il jamais un renouveau ? Comprenez-vous ? Le « je » continue, de souvenir en souvenir – le souvenir de mes réussites, de mes facultés, de mes propriétés, de ma famille, de mes représentations, de mes pensées, et ainsi de suite. Tout cela est le « je », le soi, qu’on l’appelle supérieur ou inférieur. C’est cela, le « je ». Or, cette continuité engendrera-t-elle jamais un renouveau, une nouvelle naissance, une fraîcheur, un être neuf ? La continuité engendrera-t-elle la compréhension de la vérité ? Certainement pas. Ce qui continue n’a pas de renouveau, n’a pas de fraîcheur, n’est jamais neuf, parce que cela ne fait que prolonger en une forme modifiée ce qui était hier. C’est de la mémoire et la mémoire n’est pas un processus de renouvellement. Il n’y a pas de renouvellement par la mémoire, par la continuité – il n’y a de renouvellement que lorsqu’il y a un terme, il n’y a de fraîcheur que lorsqu’il y a une mort, lorsque l’idée cesse. Alors, chaque jour, il y a un renouveau. Lorsque « je » cesse d’être, chaque jour, chaque minute, il y a un renouveau. Où il y a continuité il n’y a pas de renouveau ; et c’est la continuité dont nous sommes tous avides. Cette question de savoir si Gandhiji continue, veut dire en réalité : « Est-ce que je continue ? » Je, identifié avec lui. Vous continuerez sans aucun doute tant qu’il y aura identification, parce que la mémoire continue ; mais en cela, il n’y a pas de renouveau. La mémoire est faite de temps et le temps n’est pas la porte de la réalité ; au moyen du temps, vous ne pouvez jamais parvenir à l’intemporel. Par conséquent, il faut qu’il y ait une fin, ce qui veut dire qu’en vue de trouver le réel il faut qu’il y ait mort chaque minute, mort à vos possessions, à votre situation, pas à l’amour. Manifestement, il y a continuité lorsque la pensée est identifiée. Mais la continuité ne peut jamais mener au réel, parce que la continuité n’est pas autre chose que de la pensée identifiée en tant que « je », qui est mémoire ; et il y a renouveau, nouvelle naissance, fraîcheur, il y a du neuf et un état d’être intemporel, seulement lorsqu’il y a une mort, une fin, de moment en moment. La vérité, la réalité, Dieu, ou ce que vous voulez, n’entre pas en existence par le processus du temps. Cela ne se met à vivre que lorsque le temps, lorsque la mémoire cesse. Lorsque vous, en tant que mémoire, êtes absent, lorsque vous, en tant que mémoire, ne fonctionnez plus, lorsque cette activité en tant que « je » cesse, alors il y a une fin. En cette fin est un renouveau ; et en ce renouveau est la réalité.
Bombay, le 1er février 1948