(Revue Énergie Vitale. No 8. Novembre-Décembre 1981)
« L’humanité possède en soi assez d’énergie morale
pour refaire un monde nouveau ».
Edgar Quinet
Il existe deux formes de dégradation de l’énergie humaine : la fatigue et le surmenage provoqués en grande partie par le stress.
Toute activité, qu’elle soit physique ou mentale, toute pulsion émotionnelle, tout stress est accompagné d’une dépense d’énergie.
A notre époque la vie exige de l’homme un maximum de tension et de maîtrise de soi dans son activité quotidienne ; il en résulte facilement un état de crispation qui peut perturber jusqu’aux fonctions apparemment les plus automatiques comme la respiration, la digestion, etc… et a fortiori les activités psychiques les plus élevées.
Combien de nerveux, de gens stressés, s’usent, accordent trop d’énergie, trop de réflexion à des tâches que d’autres accomplissent sans y penser. Ils oublient que l’efficacité se mesure non pas à la fatigue ressentie mais bien à l’absence de fatigue.
Le Stress fait partie de la vie et il faut l’accepter. Sans lui, il n’y aurait pas de réaction défensive de notre part, de signal d’alarme, nous n’accomplirions pas grand chose et nous pourrions dangereusement dépasser nos limites…
Mais l’exposition répétée à un stress excessif déclenche un processus de détérioration qui se manifeste sous plusieurs aspects. Il y a d’abord la prédisposition chronique à la maladie et en particulier aux maladies psychosomatiques et l’anxiété, la frustration, la dépression, etc… L’activité quotidienne est souvent grandement affectée, tout particulièrement la clarté d’esprit et la capacité de décision.
Le stress est donc intimement lié à la vie, qu’il soit favorable ou défavorable. On ne peut l’éviter totalement mais il est cependant possible d’apprendre à le contrôler et à s’y adapter.
Scientifiquement conçues, les méthodes sophroniques aident à supprimer certaines tensions dangereuses occasionnées par la suractivité, à s’adapter au milieu, aux stress, à soi-même dans une acceptation de soi-même et de ses limites personnelles; elles permettent d’équilibrer les trop grandes dépenses d’énergie par des exercices de récupération salutaire. Elles permettent un minimum de dépense pour un maximum de rendement.
QU’EST-CE QUE LA SOPHROLOGIE ?
C’est la possibilité de découvrir et d’utiliser toutes nos capacités en État Modifié de Conscience (E.M.C.) grâce à des techniques d’entraînement de la concentration.
Qu’est-ce qu’un État Modifié de Conscience (E .M .C .) ?
Nous vivons tous, tous les jours au moins deux fois par jour en E.M.C. :
• le soir en nous endormant; période très courte, chez la plupart imperceptible, mais que certains poètes ou scientifiques connaissent bien; n’avons-nous jamais entendu parler de ces poètes qui se relèvent pour écrire les vers qui arrivent pêle-mêle à ce moment privilégié, du mathématicien qui, trouve la solution à son problème en dormant ?
• le matin en nous réveillant; cette période est beaucoup plus longue ; nous sommes encore avec nos rêves que nous avons du mal à quitter, nous ne sommes pas encore réveillés mais nous entendons tous les bruits de la maison, nous préparons notre programme de la journée… Cependant nous ne dormons plus. Que l’on crie « au feu » dans la pièce voisine et nous sommes immédiatement debout.
Cet état privilégié où le cerveau est conscient et hypervigilant, qui n’est pas un état de sommeil, et pas l’état d’éveil est dit État Modifié de Conscience (voir schéma). Moment très privilégié où notre cerveau, le plus merveilleux ordinateur qui soit, peut recevoir nos messages pour les convertir en actes automatiques lors de notre comportement de tous les jours ; moment très privilégié où notre cerveau devient une éponge et absorbe les suggestions que nous pourrons lui donner afin de les réaliser; moment très privilégié que les techniques sophroniques permettent de retrouver à chaque fois que besoin s’en fait sentir.
Nous voyons l’éventail d’indications que peut avoir la Sophrologie ! Devenons plus pratiques.
De quelles sources d’énergie disposons-nous ?
L’énergie alimentaire :
C’est la transformation des aliments en calories énergétiques dans notre métabolisme. La notion d’énergie est en effet associée à la notion de calories. Et pourtant il n’est pas rare de voir des personnes bien nourries, trop bien nourries quelquefois, toujours lasses ! (Une parenthèse pour signaler que boulimie et obésité sont une des indications médicales de la sophrologie).
L’air:
C’est la source d’énergie physique et mentale qui permet une bonne oxygénation de tous les tissus y compris des cellules nerveuses.
Par la sophrologie nous pouvons prendre conscience de notre respiration et la contrôler; d’ailleurs la concentration sur la respiration est aussi un moyen d’induction sophronique.
Mais nous ne sommes ni des robots perfectionnés ni de purs esprits. Esprit et matière sont en symbiose. La matière de nos pensées est énergie car elle peut se transformer en actes. L’attention, la concentration est une forme d’énergie.
Alors en dehors d’apports énergétiques matériels que nous offre la nature?
L’énergie sensorielle :
La concentration sensorielle peut jouer un grand rôle dans la recherche de l’équilibre personnel. Elle constitue une source d’énergie des plus naturelles.
Les techniques sophroniques permettent de s’exercer à cette pratique de récupération et de régénération rapide du corps par les sensations conscientes (Voir en complément : La méthode du Dr Alexander Lowen).
L’énergie sexuelle :
La sexualité, puissance créatrice.
Le travail :
C’est un exercice physique et mental sans lequel nous tomberions malades et dépéririons; il est essentiel au développement de la personnalité. Encore faut-il aimer ce que l’on fait; le travail est intimement lié à l’accomplissement personnel.
L’amour :
L’amour est une source d’énergie universelle. Teilhard de Chardin parle de l’amour comme de la plus formidable et plus mystérieuse des énergies cosmiques.
La pensée positive :
Nous nous chargeons par le contact de forces positives et de messages positifs. Les sentiments négatifs comme la colère, la jalousie, l’amertume sont des facteurs d’usure nerveuse. Les forces utilisée à les ressasser peuvent toujours trouver un meilleur usage.
La sophrologie renforce les « forces positives de la personnalité ».
Le repos :
« L’art de se reposer fait partie de l’art de travailler » (Marcel Pagnol).
Qu’il s’agisse des mécanismes naturels de régénération comme le sommeil et le rêve ou de repos au cours du travail, comme la relaxation, le corps reconstitue automatiquement les ressources de l’organisme.
Le cœur, les poumons, les muscles, doivent fonctionner selon un cycle où alternent repos et travail. Il en est de même pour le système nerveux qui se remet du stress accumulé par le travail et les événements de la vie.
La physiologie distingue deux sortes de repos :
1. Repos passif : le sommeil
Le sommeil est une nécessité physiologique, dormir est indispensable et, selon les individus, suivant une donnée moyenne de 7 h à 9 h par nuit.
Mais nous pouvons avoir notre temps de sommeil et ne pas disposer de l’énergie nécessaire à nos activités journalières, à ce dépassement de nous-même, à cette capacité à toujours nous découvrir.
Chez les personnes qui ont perdu ce sommeil la sophrologie est plus efficace et moins nocive que les somnifères.
Au contraire, pour des personnes « suractives » qui ont peu de temps pour dormir c’est une méthode de récupération exceptionnelle qui donne à « l’homme d’affaire » les moyens d’être toujours en forme et de pouvoir redémarrer une « journée » à 14 h !
2. Le repos actif :
Le repos n’est donc pas essentiellement le sommeil, mais une déconnexion au milieu de l’activité, une récupération de l’énergie dans l’action. En effet l’une des formes les plus efficaces pour se reposer, ménager l’énergie et prolonger l’effort demeure 1a détente.
Plusieurs méthodes s’offrent à nous : relaxation, hypnose, training autogène, « Jacobson », imagerie mentale, méditation, biofeedback, bioénergie, etc. La sophrologie regroupe toutes ces notions.
LA SOPHROLOGIE :
– une philosophie
– une science
– une technique et un art
– une thérapeutique
Une thérapeutique
Chapitre très important que ce soit en médecine psychosomatique ou en médecine psychique. Le sujet est tellement vaste, que plusieurs ouvrages lui ont été consacrés.
Mais nous voulons faire ici une démonstration d’utilisation de la sophrologie chez les sujets bien portants, Mr. Et Mme Tout le Monde dans leur vie de tous les jours, nous n’aborderons donc pas le sujet des thérapies.
Il nous faut savoir, comme l’écrit le Dr William Stewart, médecin-chef du service d’hygiène publique des États-Unis, « que l’individu bien portant ne se contente pas simplement de ne pas être malade. Il est vigoureux, conscient de ses forces et désireux d’en faire usage ». Là est le but de la sophrologie.
La santé pourrait être définie comme l’aptitude optimum de chaque individu à mener une vie heureuse et productive.
Ce dernier aspect de la productivité est trop souvent oublié quand on parle de santé. Voilà pourquoi est relié au concept de la santé, celui de l’énergie humaine qui en est la manifestation essentielle. La santé : c’est l’énergie.
Une science
La sophrologie a pour but d’étudier les modifications et phénomènes de la conscience humaine obtenus au moyen de procédés psychologiques, physiques et chimiques.
La sophrologie étant un savoir (et non un pouvoir) a donc fait école. Que ce savoir soit expérimental ou analytique, il s’agit donc bien d’une science comportementale née au sein de la médecine psychosomatique.
Alfonso Caycedo exprime une vision « plus large » de ce qu’est la sophrologie. « C’est une école médicale caractérisée par trois objectifs fondamentaux :
– l’étude scientifique de la conscience humaine ;
– la pratique d’une philosophie active et d’une discipline essentielle ;
– l’application d’une thérapeutique et d’une méthode d’entraînement de la personnalité.
Une technique et un art
La sophrologie est une dynamique mentale, une méthode de « gymnastique » de l’esprit appliquée à la concentration.
Selon Caycedo, les techniques sophrologiques se divisent en techniques sophro-thérapiques dont les deux méthodes fondamentales sont :
• La sophro-acceptation progressive, adaptable à chaque cas particulier.
• La sophro-correction en série, adaptable à chaque circonstance et à chaque individu, qui apporte à la sophronisation des possibilités considérables d’adaptation aux différentes spécialités ».
La sophrologie est donc une technique mais une technique aux multiples aspects suivant les auteurs.
En résumé, ces techniques mettent les patients en état de déconnection, dans une E.M.C. plus ou moins profond.
Ces techniques utilisent en induction des méthodes de concentration, sensitives, visuelles, tactiles, auditives…
Tous les procédés utilisent le même principe de base consistant à détourner l’attention du sujet puis, une fois le résultat obtenu, à lui donner des suggestions très simples.
Nous n’allons pas ici rentrer dans les détails de techniques, mais il faut insister sur le fait que la voix (Terpnos Logos) du praticien sophrologue qui pourrait parler de n’importe quoi en n’importe quelle langue, le ronron, la modulation, le rythme de sa voix, accompagnés d’une attitude concentrative, sont suffisants pour plonger son patient dans des états les plus profonds.
Le Terpnos Logos
En effet le sophrologue utilise pour sophroniser son élève ou son patient un mode verbal particulier, caractérisé par un ton persuasif, harmonieux, monocorde que Caycedo appelle le Terpnos Logos. Le Terpnos Logos permet au sophrologue d’aider le sujet à passer du niveau de veille ou de vigilance au niveau sophroliminal, zone particulièrement sensible, l’E.M.C., au bord du sommeil, et qui se caractérise par une grande disponibilité tant physique que psychique.
Schéma de 8 points de la technique
1. L’anamnèse (entretien)
2. Tests de suggestibilité
3. Induction
4. Transe légère
5. Approfondissement de la transe
6. Suggestions post-hypnotiques Signe Signal
7. Reprise
8. Vécu
L’art complète évidemment la technique et signe les nuances des différentes techniques et surtout des différents praticiens.
Comme pour la réalisation d’un tableau : si on donne à plusieurs artistes la même toile, les mêmes tubes de couleurs, les mêmes pinceaux et le même sujet, il est évident pour tout le monde qu’il sera obtenu autant d’interprétations et de tableaux différents qu’il y aura de peintres.
Cet art est fondé sur l’alliance sophronique. Le sophrologue qui est un guide, un ami et son patient créent ensemble ce que Caycedo a appelé : « La plus grande expression de l’art: l’harmonie ».
Une philosophie
L’origine étymologique du mot « sophrologie » est grecque : « Sôs » signifiait pour les Grecs de l’Antiquité « harmonie, équilibre » ; « phrên » voulait dire « âme, conscience » et «logos», « étude, traité ». La sophrologie est donc étymologiquement l’étude de l’harmonie et de la conscience.
La sophrologie peut être une philosophie dans le fait qu’elle intervient :
• dans les relations interhumaines ;
• dans les relations médecin-malade
• dans un équilibre et une harmonie personnelle.
La sophrologie est une philosophie car le contexte même dans lequel elle évolue impose de préciser le problème des relations interhumaines qui ne pourront se concevoir en dehors de toute notion de sociologie et philosophie de l’homme.
Le débat pourrait être ouvert largement sur les notions de Personnalité, Personne, Personnage ; Agressivité, Combativité ; Suggestion, Suggestibilité, Crédulité ; Imaginaire, Imaginal, etc…
« Elle a, comme le soulignent Chercheve et Béranger, ce souci majeur des relations interhumaines dans la poursuite de cet équilibre avec le désir de supprimer tout ce qui peut le perturber et avec la volonté très ferme de développer tout ce qui facilite ou le renforce ».
Certains « hypnotiseurs » ne souhaitent qu’être tenus pour des techniciens. Guyonneau nous explique : « La science et la philosophie font mauvais ménage. Si nous ne réussissons à passer que pour des techniciens, nous nous rendons plus crédibles aux yeux du corps médical. Philo et magie nous ont perdus aux yeux des hommes de sciences véritables. Soyons donc uniquement des techniciens ».
Peut-être est là toute la différence entre « l’hypnose » et la « sophrologie » ?
Bien sûr, par cette méthode nous permettant de nous libérer de la tension psychophysique permanente à laquelle nous sommes soumis; nous permettant par une révélation, un vécu, une initiation et un grand travail, une connaissance approfondie de soi et par là une meilleure compréhension des autres, notre personnalité s’équilibre, se révèle.
Pour l’élève comme pour le sophrologue les avantages de la sophrologie sont :
– un accroissement des capacités vitales et un des moyens les plus efficaces de développer l’énergie intérieure,
– une réduction des déficiences,
– une autocritique et un contrôle de soi, grâce au regard intérieur,
– de nouveaux potentiels d’énergie créatrice, de mémorisation, de récupération, de défatigabilité, de concentration, de confiance et d’affirmation de soi.
Tout ce qui a été écrit ici est vrai mais la sophrologie est une initiation et il faut la vivre pour réellement la sentir, la comprendre et en bénéficier.
EXEMPLE EXTRAIT D’UNE SÉANCE DE MISE EN FORME
… Vous gardez les yeux fermés, vous laissez la détente s’installer…
Vous êtes installé pour une séance de relaxation très profonde, très agréable pour vous-même…
… Pendant que le calme descend lentement, doucement en vous, vous vous dites : « Je suis calme et détendu(e), calme, calme ».
Déjà ce calme vous envahit, lentement, lentement, envahit votre corps, votre esprit, la détente gagne tous vos muscles…
Pour percevoir cette détente, vous vous concentrez sur tous les points d’appui de votre corps sur le relax… vous sentez cette détente irradier.
A chaque expiration, vous envoyez l’air dans votre bras droit, votre bras droit, cet air parcourt votre bras jusqu’au bout des doigts, cet air détend chaque fibre, chaque cellule, assouplit les muscles…
A chaque expiration, vous descendez des niveaux de plus en plus profonds de votre conscience…
Cet air qui circule emporte avec lui toutes les toxines, toutes les tensions, toute la fatigue, vous apporte un bien-être merveilleux…
Vous êtes toute respiration… concentré sur votre respiration… Votre corps lourd en contact avec la terre, plus lourd… s’enfonce dans le sol pour un meilleur contact…
Vous sentez l’énergie de la terre monter en vous, glisser en vous, … vous envahir graduellement…
… Plus vous sentez cette énergie vous envahir…
… Cette énergie puissante, l’énergie de la terre, l’énergie puissante et calme… Cette énergie, vous la sentez circuler en vous…
Bibliographie
Alexis Carrel — L ‘homme cet inconnu
A. Caycedo — L’aventure de la Sophrologie
R. Durand de Bousingen — La relaxation
Chr. H. Godefroy — La Dynamique mentale
Cl. Haumont — Relaxation et Sophrologie
Dr G.R. Rager — Hypnose, Sophrologie et Médecine
J E. Schultz — Le Training Autogène
Hans Selye — Stress sans détresse
J P. Simard — Comment déborder d’énergie