Krishnamurti
Créativité et Science

Les êtres humains, depuis les derniers cinq mille ans ou plus, se sont tués les uns et les autres au nom de Dieu, au nom de la paix, au nom de leur propre contrée tribale particulière. Maintenant dans la présente civilisation, nous sommes assemblés ici où nous produisons ces armes énormes et destructrices comme un résultat de la science qui est connaissance. Ainsi, quelle place a la connaissance, la science dans la création? La création a été l’un des problèmes les plus complexes. Diverses religions disent que Dieu est la source de la création mais chaque contrée tribale a son expression particulière et ses propres dieux tribaux qui sont nommés « nationalisme ». Tout ceci a été le résultat de la pensée et la pensée peut-elle jamais être créative dans le sens le plus profond?

Krishnamurti à Los Alamos en 1984

Traduction littérale par le COMITE BELGE KRISHNAMURTI

En mars 1984 Krishnamurti était invité par le Dr. M.R. Raju afin de prendre part à un symposium au Centre du Laboratoire National de Recherches à Los Alamos, Nouveau Mexique, sur le sujet: « CRÉATIVITÉ EN SCIENCE ». Le 20 mars il donna une conférence sur ce sujet et le jour suivant il répondit aux questions.

Lors Alamos est une cité gouvernementale de structures utilitaires perchées au sommet d’un plateau de 7000 pieds d’altitude situé à 45 miles au Nord Ouest de Santa-Fé, Nouveau Mexique. Des buissons de sauge, du chamisa et plusieurs variétés de pins recouvrent la région environnante. La vue d’ici s’étend sur 60 miles ou plus à travers les vastes espaces du haut désert, les contrées traditionnelles des Indiens jusqu’aux pics escarpés des montagnes « Sangre de Cristo ».

Lorsque le Dr. Robert J. Oppenheimer, le grand physicien et savant sanscritiste découvrit ce site, il était intact à part une petite école privée pour garçons et quelques établissements anciens d’Indiens.

Il a été sélectionné pour être le Centre des Recherches Atomiques Américaines tôt après l’entrée des États-Unis dans la seconde guerre mondiale.

Aujourd’hui, quelque 40 ans plus tard, il a grandi depuis le petit village de ses débuts, en une cité de plus de vingt mille habitants.

Le centre des activités est actuellement plus étendu que la recherche atomique mais est encore d’une nature hautement secrète.

KRISHNAMURTI: Si je puis dire ainsi, ceci n’est pas une conférence. Ceci est une conversation entre vous et l’orateur. Le sujet est, je crois, « Créativité en science ».

La science signifie généralement connaissance accumulée, ainsi quelle relation la créativité a-t-elle avec la connaissance?

Qu’est ce que la connaissance? Elle est acquise à travers des milliers d’années d’expériences et stockée dans le cerveau comme mémoire. Et, de cette mémoire la pensée s’élève.

Ainsi, la pensée est toujours limitée, que ce soit maintenant ou dans l’avenir, et où il y a limitation il y a conflit.

Quelle place la créativité a-t-elle par rapport à la science?

Y a-t-il une relation? S’il vous plait, nous pensons ensemble. Nous questionnons la source profonde du processus accumulatif de la connaissance. Nous avons donné une importance énorme à la connaissance depuis les temps les plus anciens. Longtemps avant l’éclosion de la civilisation chrétienne un respect extrême existait pour la connaissance. Et la connaissance ainsi que nous le disions précédemment, est toujours limitée parce qu’elle est basée sur l’expérience et « est pensée ».

La pensée a créé les choses les plus extraordinaires et les plus merveilleuses dans le monde, tous les grands monuments depuis les temps anciens, le grand art, la vaste technologie des jours présents, la médecine, la chirurgie, les communications, les ordinateurs, les voyages sur la Lune et la bombe atomique.

La pensée a créé Dieu, elle a aussi créé les guerres.

Les êtres humains, depuis les derniers cinq mille ans ou plus, se sont tués les uns et les autres au nom de Dieu, au nom de la paix, au nom de leur propre contrée tribale particulière. Maintenant dans la présente civilisation, nous sommes assemblés ici où nous produisons ces armes énormes et destructrices comme un résultat de la science qui est connaissance. Ainsi, quelle place a la connaissance, la science dans la création?

La création a été l’un des problèmes les plus complexes.

Diverses religions disent que Dieu est la source de la création mais chaque contrée tribale a son expression particulière et ses propres dieux tribaux qui sont nommés « nationalisme ».

Tout ceci a été le résultat de la pensée et la pensée peut-elle jamais être créative dans le sens le plus profond?

Qu’est ce que la création ? La création doit-elle être toujours exprimée, manifestée ? Ce qui est manifesté doit être limité. Nous sommes le résultat de siècles d’efforts, de conflits de luttes, de souffrances, de tristesses. Nos cerveaux ont une capacité infinie mais ils ont été conditionnés non seulement religieusement mais nationalement.

Nous avons divisé le monde géographiquement, religieusement, culturellement et nous avons aussi divisé les êtres humains — le caucasien, les noirs et les bruns. Et ainsi, la pensée a engendré un extrême conflit entre les êtres humains, pas seulement entre les individus mais aussi collectivement. Cela est un fait.

Nous avons souffert par les guerres et toutes formes de maladie. La science a été capable d’aider et de guérir certaines mais la science a aussi produit les instruments de guerre les plus destructeurs de telle façon que maintenant vous pouvez détruire votre monde entier au nom d’idéaux, d’idéologies et de la glorification tribale qu’est le nationalisme.

En considération de tout cela, que sommes nous après quarante cinq mille ans comme « homo sapiens » ? Que sommes-nous ?

Que sommes nous devenus ? La plupart des êtres sont terriblement confus, incertains, quoiqu’ils peuvent ne pas l’admettre ne recherchant pas seulement la sécurité physique mais intérieurement la sécurité psychologique à la fois dans leurs relations et concernant l’avenir.

Nos cerveaux sont spécialisés et conditionnés par la connaissance et ainsi nos activités sont conditionnées, limitées.

Partout où il y a limitation il doit y avoir conflit.

Lorsque vous divisez le monde en Américains, en Asiatiques, en Européens, le Juif et l’Arabe, il doit y avoir conflit. Non seulement les guerres mais conflit entre les individus, entre homme et femme.

Considérant tout ceci, quelle place a la créativité ? La connaissance ne peut jamais âtre créative quoique la connaissance puisse apporter un monde physique meilleur. Nous donnons une telle importance extraordinaire à la connaissance, qui est l’intellect, regardant l’intellect comme ayant une importance vitale mais l’intellect est aussi limité.

Nous ne regardons jamais la vie de façon holistique, comme un tout mais plutôt comme un scientiste, un médecin, un psychiatre ou comme d’autres spécialistes le font.

Nous sommes en premier lieu des âtres humains, comme âtres humains que sommes-nous? Que sommes-nous devenus millénaires après millénaires? Sommes-nous civilisés? Je sais que vous êtes une société très riche — vous avez de nombreuses autos, une merveilleuse contrée, de belles routes et ainsi de suite — mais en tant qu’êtres humains que sommes-nous? Comme êtres humains capables de créativité, pas seulement comme des hommes de science mais aussi dans notre vie quotidienne ; car après tout, c’est cela qui est important.

Nous avons oublié l’art de vivre, non comme scientifiques mais comme êtres humains. Nous sommes perpétuellement en conflit et le conflit, la lutte, la peine, l’anxiété, l’incertitude peuvent-ils être créatifs? Ou, la créativité est-elle quelque chose d’entièrement différent?

Pouvons-nous comme êtres humains regarder le monde comme nous l’avons façonné? Je voudrais savoir si nous nous sommes jamais demandés si nous sommes vraiment des individus?

Notre conscience est faite de nos réactions, de nos croyances, de nos fois, de tous les préjugés que nous avons, la multiplication d’opinions, les craintes, l’insécurité, la peine, le plaisir et toutes les souffrances que les êtres humains ont porté depuis des milliers d’années…. tout cela est notre conscience. Notre conscience est ce que nous sommes. Et dans cette confusion, cette contradiction, peut-il exister de la créativité?

Nous partageons la conscience de toute l’humanité, car nos souffrances, nos plaisirs, nos croyances, conclusions, opinions et tous les dogmes religieux et croyances sont partagés par tous les êtres humains de cette Terre. Donc nous posons la question: si, psychologiquement nous sommes des individus ? Vous pouvez être physiquement différent, vous pouvez être grand, vous pouvez être petit, mais comme êtres humains, dans notre conscience, sommes-nous différents du reste de l’humanité? Nous ne mettons jamais tout ceci en question.

Nous allons au long des jours de nos vies, acceptant, imitant nous conformant — ensuite nous nous rebellons. Nous nous rebellons extérieurement.

Des milliers de révolutions ont pris place. Mais intérieurement nous restons plus ou moins comme nous avons été pendant des milliers d’années. Donc, prenant tout ceci en considération, pas intellectuellement mais comme un tout, sommes-nous créatifs? Ou, ainsi que nous le disions, la créativité est-elle quelque chose d’entièrement différent? Vous pouvez inventer, découvrir, explorer, briser l’atome… et ainsi de suite. Tout cela est l’activité de la pensée, rusée, capable, trompeuse, créant des illusions et rendant un culte à ces illusions. Après tout, toutes les religions sont basées sur cela.

La pensée a créé Dieu (l’orateur n’est pas un athée) ; la pensée a créé des idéologies, la pensée a créé des guerres, assassiné des millions de personnes au nom de Dieu. La pensée a créé toutes les choses dans les églises, dans les temples, dans les mosquées et elle a aussi créé nos relations. Mais encore, comme nous le disions, la pensée est limitée parce qu’elle est basée sur la connaissance et la connaissance est le résultat d’une vaste expérience, ainsi la pensée ne peut jamais être créative parce que ce qu’elle peut manifester doit être limité et où il y a limitation il doit y avoir conflit. Et le conflit ne peut jamais, sous quelle circonstance que ce soit apporter la créativité.

Ainsi si, la pensée n’est pas le « terrain » de la création… qu’est ce que la création ? Quand prend-t-elle place? Certainement la création prend place seulement lorsque la pensée est silencieuse.

Vous pouvez désapprouver totalement ceci… j’espère que vous le faites. Je suis certain que vous le faites, parce que, pour la plupart d’entre vous, la pensée est extraordinairement importante — ce qui signifie l’intellect — qui n’est seulement qu’une partie de l’être humain.

C’est pourquoi l’orateur dit que la créativité ne peut jamais se produire là où il y a activité de la pensée.

La question alors surgit: la pensée peut-elle être immobile? La pensée peut-elle être tranquille, mise de coté pour un instant? Alors on se demande ce qui peut aider la pensée à être mise de coté ? C’est encore la pensée.

J’espère que vous suivez tout ceci ? C’est un processus très complexe.

Plusieurs méthodes ont été essayées pour calmer la pensée : les drogues, les tranquillisant et toutes les formes de méditation — la méditation Zen, la tibétaine, l’indienne, la bouddhiste et celles de tous les derniers Gurus avec leur non sens.

La pensée a sa place mais psychologiquement, intérieurement, le calme, le silence peut-il exister? L’amour est ce silence, l’amour a cette qualité de grande force et de calme énergie.

Ainsi nous demandons maintenant si l’amour est le seul facteur de créativité? Non l’amour qui a été réduit au plaisir, au sexe.

Si l’on comprend et perçoit une fois que la pensée ne peut jamais, sous quelle  circonstance que ce soit être créative parce que la pensée est limitée (de cela il n’y a pas de doute), alors nous pouvons commencer à nous enquérir.

Qu’est ce que l’amour ? Qu’est ce que la compassion ? Est-ce le désir, est-ce le plaisir, est-ce créer des images — images de votre femme, de votre mari, images d’idéologies?

Pour trouver, pour découvrir cette chose extraordinaire, l’amour, on doit avoir une compréhension très claire de notre vie quotidienne qui nous montrera que psychologiquement, intérieurement nous n’avons pas de liberté. Nous parlons sur la liberté, spécialement dans ce pays où vous avez vos experts qui vous disent quoi faire —comment élever un enfant, comment avoir le sexe, comment s’embellir, quelle sorte d’exercice prendre — les spécialistes en religion, en science et ainsi de suite. Et ceci vous appelez la liberté.

Sans liberté il n’y a pas d’amour. Mais nous ne sommes pas libres. Nous sommes anxieux, nous sommes effrayés par la mort, effrayés pour l’avenir. Nous avons porté ce fardeau de la crainte depuis des milliers d’années (nous parlons de la peur psychologique d’ abord).

Un tel cerveau, qui est conditionné comme un « ordinateur » où il y a une grande activité de la pensée, avec sa propre intelligence particulière — un tel cerveau peut-il être créatif ?

Dans la négative, comment alors la créativité peut-elle prendre place? Cette question a été posée dans le monde entier et beaucoup de réponses ont été données mais nous disons que la création est seulement possible lorsqu’il y a amour.

Et aussi nous demandons qu’est ce que l’amour?

L’amour n’est pas le désir, l’amour n’est pas le plaisir, l’amour n’est pas un « divertissement religieux”. La complexité du désir, la complexité de la tristesse et la chose énorme que nous appelions la mort font toutes partie de votre vie quotidienne. S’il y a amour nous ne tuerons jamais un autre être humain. Jamais!

Avons-nous aimé lorsque ce monde entier amasse des armements, chaque pays souhaitant les derniers instruments de destruction, produisant ses propres instruments mortels parmi ce chaos ?

D’une part vous produisez les instruments de guerre les plus destructeurs, d’autre part, vous parlez d’amour, de paix, de l’esprit de création et ainsi de suite.

Nous vivons dans un état de contradiction, et où il y a contradiction, il doit y avoir conflit et, par conséquent, il ne peut jamais exister de création.

Ce n’est seulement que lorsque le cerveau est absolument silencieux, non éternellement agité, non questionnant, non explorant, non cherchant mais calme, tranquille, qu’il peut y avoir création.

Et pour comprendre cette tranquillité nous devons comprendre ce qu’est la méditation.

La méditation n’est pas la méditation consciente. Ce que nous avons appris est la méditation consciente, délibérée, s’asseyant les jambes croisées ou étendu ou répétant certaines phrases, ce qui est un effort délibéré, conscient pour méditer.

L’orateur dit qu’une telle méditation est un non-sens. Cela fait partie du désir. Pour explorer cela, nous n’avons pas le temps. Ce sujet requiert une perception extraordinaire, sans le mot, sans l’image.

La science est le mouvement de la connaissance accumulant de plus en plus. Le « plus » est la mesure et la pensée peut être mesurée parce que la pensée est un processus matériel.

La pensée a sa propre vision intérieure limitée, sa propre création limitée mais ceci engendre le conflit. Nous parlons d’une perception holistique dans laquelle l’égo, le « moi”, la personnalité n’entrent pas du tout.

Alors seulement il y a cette chose appelée ‘créativité ». C’est cela.

***

Parmi les quinze questions écrites qui lui étaient remises le 21 mars Krishnamurti répondit seulement à la première et la dernière.

« Qu’est ce que la méditation et comment est-elle reliée à la créativité ? et « Si vous étiez le directeur de ce Laboratoire avec la responsabilité pour la défense du pays et connaissant la façon dont sont les choses, comment dirigeriez vous les activités du Laboratoire et la recherche? « 

Il répondit à la première question pendant plus d’une heure et demi. Sa réponse à la seconde question est donnée ci-dessous.

KRISHNAMURTI : Grace à Dieu je ne le suis pas. Mais si je  le suis… pourrais-je poser cette question? Cette question est-elle la question correcte ?

QUESTION: Monsieur, c’est une question essayant de trouver une connexion entre vos théories — vos croyances sur l’humanité — et ce que nous essayons tous de faire et le problème pratique de chaque jour que nous avons.

KRISHNAMURTI : Oui, Monsieur. Les problèmes de chaque jour — gagner un moyen d’existence, le sexe, avoir des enfants ou ne pas avoir des enfants, la vocation, qui maintenant devient de l’imitation, les problèmes quotidiens des querelles, les désagréments, la peine, les blessures, la souffrance… vous voyez, notre existence quotidienne et nos cerveaux sont entraînés depuis l’enfance à résoudre des problèmes et l’orateur dit que chercher une solution empêche la compréhension d’un problème. Nos cerveaux sont entraînés à résoudre. J’ai un problème avec ma femme,  quelle est la solution ? Le divorce ou aller chez un avocat ou l’ajustement ou l’évasion, toutes ces sortes de matières. Mais le problème est quoi ? Mes affirmations, mes souhaits, mon accomplissement — et les siens. Comprenons cela, discutons le, finissons en. Si je cherche une solution, je  ne pénètre jamais dans la question. La cause du problème peut âtre éliminée, non à travers une solution mais à travers la compréhension du problème lui-même.

Désolé… la question est  » Si je suis Directeur » …

Monsieur, la réponse est que c’est une fausse question parce que ceci aurait dû âtre rectifié au commencement de l’histoire humaine, pas maintenant. Au début du meurtre de l’homme, un être humain tuant un autre être humain au nom de la religion, au nom du pays, au nom de Dieu, au nom de la couronne et de la loi, mon pays en tant qu’opposé à votre pays, mon idéologie comme opposée à votre idéologie. Je suis marxiste (je ne le suis pas), ou Léniniste, et un autre est chrétien, catholique et ainsi nous sommes en guerre les uns avec les autres .C’est le moment de poser cette question, non à la fin de tout ceci, que vais-je faire ?

Nous avons abouti à ceci, nous avons divisé le monde. Vous êtes un chrétien, je suis noir, vous êtes blanc, vous êtes un caucasien et je suis un chinois, quelle que soit la bêtise de cette chose. Nous sommes divisés, nous nous sommes combattus depuis le début des temps. La civilisation occidentale a tué plus de gens que n’importe quelle autre civilisation. C’est un fait.

Je ne suis pas pour ou contre. Monsieur, un groupe de personnes comme vous, à Los Alamos – vous avez donné votre temps pour la destruction et aussi pour la construction. Vous avez fait une grande part de bienfaits et d’un autre coté vous détruisez tous les titres humains sur terre parce que vous avez reconnu ”mon » pays, « mes » responsabilités, « ma » défense. Et les Russes disent exactement la même chose de l’autre coté. L’Inde est dans une immense pauvreté, dit la même chose. Elle construit des armes.

Ainsi quelle est la réponse à tout ceci?

Si j’ai un groupe qui dit, oubliez tout nationalisme, toutes les religions, laissez nous en tant qu’humains résoudre ce problème, comment vivre ensemble sans destruction, si nous donnions le temps à cela comme un groupe de personnes entièrement consacrées qui se sont rassemblées à Los Alamos dans un seul but et sont concernées par toutes les choses dont nous avons parlé, alors peut-être quelque chose de nouveau peut prendre place.

Monsieur, nous n’avons jamais affronté la mort. Oppenheimer disait, en sanscrit  » Je suis devenu la mort ». Vous connaissez cela très bien. Et nous ne comprenons pas la mort non plus — (ce que nous n’allons pas examiner maintenant).

Mais nous sommes devenus des destructeurs et nous aidons aussi des êtres humains en ultime temps. Correct, Monsieur ?

Je ne vous demande pas de faire quoique ce soit. Je ne suis pas un propagandiste mais le monde est comme ceci maintenant.

Personne ne pense à cela. Personne n’a une vision globale — une perception globale pour toute l’humanité — non mon pays, pour l’amour de Dieu!

Si vous étiez allés autour du monde comme l’orateur le fait, vous pleureriez pour le reste de votre vie. Le pacifisme est une réaction contre le militarisme, c’est tout. L’orateur n’est pas un pacifiste. A la place, regardons la cause de tout ceci, le commencement de tout ceci. Si la cause est là — si nous cherchons ensemble la cause, alors la chose est résolue. Mais chacun a ses opinions, ses guides historiques. Ainsi, Monsieur, c’est cela.

QUESTION: Monsieur, si je puis le dire ainsi, je pense que vous nous avez convaincus.

KRISHNAMURTI : Je ne convaincs rien

QUESTION : Il se peut que je n’utilise pas le mot adéquat. Je pense que vous avez vu par le silence de l’auditoire que nous semblons avoir assez d’énergie pour comprendre et apprécier le problème.

KRISHNAMURTI : Non, Monsieur, ne dites pas cela.

QUESTION: Ce que je veux dire est, que lorsque nous essayons vraiment de comprendre ceci et faisons quelque chose dans cette direction, d’une manière ou l’autre, nous semblons manquer de l’énergie nécessaire. Comme résultat, nous sommes encore incapables de faire autant de progrès que nous le souhaitons.

Je voudrais entendre quelques commentaires de votre part.

Qu’est ce qui nous retient réellement? Nous savons le voir et nous voyons la maison en feu, mais encore, nous sommes incapables de faire quoi que ce soit afin d’arrêter le feu.

KRISHNAMURTI: Nous croyons que la maison est en feu extérieurement. Elle est en feu ici. Nous avons à mettre notre maison en ordre premièrement, Monsieur.

J’ai été appelé un jour par une famille que j’avais connue pendant quelque temps. Leur fils vint me voir et dit  » Mon père est mourant. Voulez-vous, s’il vous plait venir le voir ?

Et vous savez, cela arrive dans toutes les familles — le père est mourant et ils l’entourent tous en priant.

Je demandai au père de les faire sortir et ils quittèrent tous. Il ferma la porte à clef. Il dit :  » Je suis mourant. Maladie incurable. Et j’ai  peur ».

Je m’assis donc près de lui et tins sa main et il dit que c’était la première fois que quelqu’un tenait sa main.

Et je disais — l’orateur lui disait — mourrons ensemble. Ce qui signifie quoi ? Il abandonnait toute sa famille — il avait une jolie maison, un homme très riche — et je disais « vous abandonnez tout cela, c’est cela dont vous avez peur et aussi vous avez peur de l’inconnu. Et vous êtes attaché.

Quand il y a attachement il y a crainte et ainsi de suite.

Nous parlions doucement ensemble. Et je dis « s’Il y a n’importe quelle espèce d’attachement, je vais mourir avec vous. Vous êtes libre de l’attachement ».

Ainsi la mort a une signification extraordinaire dans la vie. Vivre avec la mort, non séparé, mourir là, vivre ici – mais ensemble.