le Dr Paul Chauchard
De l'animal à l'homme

Dès le départ, avant même le système nerveux, la sensibilité et la réactivité du vivant sont source de psychisme individualisé, donc de conscience, une bioconscience inconsciente au plein sens humain qu’on peut qualifier de préconscience et de préspiritualité. Tout ce qui s’épanouira au plan supérieur chez l’homme a une base biologique et existe en germe dès le niveau le plus élémentaire du vivant en dehors de tout anthropomorphisme. Et ce niveau élémentaire se retrouve chez l’homme où il est la base élémentaire et inconsciente de sa conscience.

(Revue Renaitre 2000. No 36. Janvier-Février 1984)

Condensé, par le Dr Paul Chauchard, de son exposé présenté au 2e Congrès « Paranormal et Psychologie Avancée », le 5 novembre 1983.

L’homme orgueilleusement enfermé dans son évidente supériorité psychique réfléchie, conceptuelle et spirituelle tient à se séparer des animaux. Tout au plus, ne pouvant le nier, il accepte une parenté de corps, mais se réserve l’apanage d’une âme spécifique source de sa supériorité. Ceci n’est pas le seul fait des spiritualistes, mais aussi de scientifiques insistant sur le fait culturel qu’ils opposent au naturel. Des neurophysiologistes mettent dans le cerveau lui-même une différence entre un héritage animal de cerveau primitif et le néocortex ordinateur source du langage et des idées de l’homme. Fleuron de l’évolution biologique, montée vers un plus grand cerveau, l’homme apparaît à Monod, de par sa différence de nature qui le sépare de l’animal, comme une vraie monstruosité. Inversement la science a souvent l’animal allant avec Descartes jusqu’à n’y voir qu’une machine pour le plus grand scandale de La Fontaine et des amis des bêtes exagérant en sens inverse.

Heureusement les recherches les plus récentes rétablissent la vérité : l’homme en tant qu’homme est de par son cerveau l’animal le plus perfectionné. En fait l’animal n’existe pas, mais seulement la série animale, montée d’organisation et de psychisme de l’unicellulaire à l’homme. Dès le départ, avant même le système nerveux, la sensibilité et la réactivité du vivant sont source de psychisme individualisé, donc de conscience, une bioconscience inconsciente au plein sens humain qu’on peut qualifier de préconscience et de préspiritualité. Tout ce qui s’épanouira au plan supérieur chez l’homme a une base biologique et existe en germe dès le niveau le plus élémentaire du vivant en dehors de tout anthropomorphisme. Et ce niveau élémentaire se retrouve chez l’homme où il est la base élémentaire et inconsciente de sa conscience.

Animal perfectionné ? Regarder l’humanité actuelle nous ferait plutôt dire animal raté, névrosé, psychotique, réussissant à déséquilibrer les animaux eux-mêmes. L’agressivité animale intraspécifique est sage et limitée, l’agressivité humaine est folle. Mais il ne faut pas ici tomber dans l’erreur d’opposer un animal bien fait et un homme mal fait. Le progrès de cerveau met la supériorité humaine dans une infériorité, la réduction des instincts en pulsions et besoins que l’homme apprend à satisfaire suivant des usages qui peuvent être mauvais. C’est tout le drame de sa liberté qui exigerait le libre choix de conduites libératrices, non en référence à une morale idéologique, mais en conformité aux lois cérébrales, aux déterminismes cérébraux de notre liberté-libération.

L’animal est esclave de la bonne morale de son cerveau, l’homme qui en a le pouvoir la refuse, précisément parce qu’il se veut différent de l’animal. Heureusement la nouvelle neurophysiologie de la conscience étudiant l’homme dans sa supériorité comme un animal nous met sur la voie du vrai bien et du vrai mal. Elle commence à se développer en neuropédagogie avec toutes les techniques de contrôle de soi par l’optimum de vigilance, du calme relaxé, techniques d’hypnosophrologie, de suggestopédie qui apprennent à être homme dans la fidélité à notre vocation génétique et à la montée de conscience animale.

Comme l’avait si bien reconnu ce précurseur le Dr Vittoz, l’homme n’est pas fait pour s’enfermer dans les idées folles d’une fausse imagination défoulant ou refoulant l’affectivité, mais pour développer sa calme vigilance joyeuse dans présence à la réceptivité sensorielle sensible ou mentale (bonne imagination). Le langage de son cerveau gauche, cette spécialisation propre à l’homme, ne doit pas l’enfermer dans l’idéologie verbaliste, mais le rendre plus présent au monde, à lui-même et aux autres. Nous venons, grâce à Sperry, de redécouvrir le cerveau droit, psychisme et conscience de type animal promus au niveau humain, et sur lequel il faut rebrancher le cerveau gauche névrosé, en faisant la synthèse de la réflexion et de l’intuition, mettant la musique dans la parole, réconciliant le rationnel et le mystique, faisant de l’amour lucide, du cœur conscient, le sommet de l’humain fidèle à la montée de l’amour-relation dans la série animale.

C’est redécouvrir la sagesse naturelle du féminin, supérieur dans la bonne utilisation du cerveau quand il n’est pas la proie des préjugés masculins, c’est redécouvrir le niveau de la conscience prénatale (l’aube des sens), le niveau de conscience de certains comateux, la primauté de la relation affective, la nécessité de réunir théologie et mystique.

Faire cette société d’épanouissement humain par l’amour, que le biologiste mystique Teilhard de Chardin appelait la « noosphère », société normale humaine qui exige un gros effort de lucidité ce n’est pas seulement le salut de l’humanité où chacun s’épanouit dans ses différences qui sont ses richesses, c’est aussi la fidélité au long calvaire animal du chemin de croix de l’évolution en marche vers l’homme, c’est le devoir d’aller dans le sens de l’histoire.

Dr Paul CHAUCHARD