(Revue Le Lotus Bleu. No 1. Janvier 1989)
La connaissance de soi à laquelle peut aspirer l’homme raisonnable, s’il ignore les enseignements de la Théosophie sur la nature humaine et sur l’Univers, est celle qui lui assurera le succès dans ses entreprises, et le bonheur dans ses relations personnelles et sa vie intérieure : connaissance de son corps nécessaire à préserver la santé et la robustesse de celui-ci, connaissance de ses réactions émotionnelles et des lois qui les régissent, afin d’établir la paix et l’harmonie dans son âme, connaissance des mécanismes de sa pensée et de ses capacités et aspirations intellectuelles, pour penser avec efficacité et choisir une activité susceptible d’être menée bien et de lui procurer une réelle satisfaction. Tout ceci est une connaissance de soi utile dans la vie tournée vers l’extérieur, qui est celle de l’homme vivant essentiellement la vie active de ce monde, dans ce que le mystique hindou appelle « le chemin de l’aller ». Le chemin de l’aller est la première phase de l’évolution de l’âme humaine, où le développement de ses facultés est sollicité par l’attrait du monde extérieur.
Quand la recherche de la connaissance de soi ne vise plus à s’assurer personnellement le succès et le bonheur mais à parfaire chaque corps comme instrument consacré au service de l’humanité et à l’accomplissement du plan divin, l’homme entre dans la phase plus avancée de l’évolution de l’âme. Il découvre petit à petit qu’il n’est ni son corps physique, ni ses émotions, ni ses pensées, mais un Etre conscient utilisant tout ceci – et que cet Etre n’est pas un Etre séparé, mais un rayon de l’unique conscience universelle : cette conscience universelle elle-même, en action.
Il cultive d’abord le détachement des possessions, matérielles ou autres, des plaisirs du corps, et aussi des joies émotionnelles ou intellectuelles personnelles. Il acquiert la certitude que, selon les paroles du Christ, la vie est plus que la nourriture et que le vêtement ; et que le corps lui-même est un instrument pour le service – instrument essentiellement renouvelable, selon les lois de la réincarnation – et qui doit, quand il le faut, être joyeusement sacrifié à l’accomplissement du service, dans l’oubli de soi pour le bien de tous.
Par la pratique de l’austérité, qui est renoncement aux satisfactions personnelles, par l’étude de la nature humaine et la consécration au plan divin, au bien universel, se développe la perception de l’unité du Soi de tous les êtres, et de l’identité du soi individuel avec le Soi universel.
Dans ce cheminement, le moi personnel est reconnu comme illusoire, tandis que le moi universel devient le seul « moi » de l’individu. C’est le « chemin du retour », où les énergies de l’âme ne sont plus sollicitées par les objets extérieurs, mais se tournent vers l’intérieur, vers la découverte de la source même de la vie, de l’essence qui est le cœur de notre être et de tous les êtres.
« Le principe qui donne la vie habite en nous et hors de nous ; il est immortel et éternellement bienfaisant ; il ne peut être ni vu, ni entendu, ni senti, mais il peut être perçu par celui qui désire la perception. » Nous lisons ceci dans « La Lumière sur le Sentier », un minuscule traité de la vie spirituelle, que nous ont légué les Maîtres de la Sagesse.
La véritable connaissance de soi est la perception en soi-même de ce Principe de Vie, et la reconnaissance de ce qu’il est l’essence même de notre être. Cette découverte est le but de la quête du mystique, la suprême réalisation du yogi.
Alors viennent la félicité, la paix, la toute-puissance de la divine présence, l’omniscience potentielle, se révélant toujours plus effectivement à travers les véhicules de conscience et d’action, sur les différents plans de matière de notre système solaire.
La Théosophie nous enseigne qu’il existe une correspondance entre la constitution de l’homme et celle de l’univers : que notre corps physique et chacun de nos corps subtils possèdent des centres répondant électivement à chacun des sept aspects de la vie dans l’univers et nous mettant en rapport avec eux. Ces aspects sont les sept rayons, les sept expressions de la vie universelle, ou de la conscience divine manifestée. Ils sont régis par sept grands êtres cosmiques qui sont chacun une manifestation de l’unique vie divine, chacun l’une des grandes puissances dont l’action coordonnée édifie et entretient l’univers. On les appelle les Logoi Cosmiques, le mot Logos, ou Verbe, signifiant expression, parole agissante de Dieu. Chacun des centres appelés chakras dans nos corps subtils peut capter les énergies émises par l’un des sept aspects de la vie, selon l’un des sept rayons.
Chacun des sept grands titres cosmiques se reflète au niveau de notre système solaire dans la vie de la chaîne planétaire qu’il régit, chaine comprenant une planète physique et six planètes subtiles (peut-être dans certaines phases trois globes physiques et quatre globes subtils). Seuls les globes ou planètes physiques sont connus des profanes.
Les représentants des sept grandes puissances cosmiques au niveau des chaînes planétaires sont des êtres sublimes appelés les Logoi Planétaires. Nous les reconnaissons dans plusieurs Dieux de l’Antiquité.
Subordonnés à la grande conscience dont notre Système Solaire tout entier exprime la vie, et qu’on appelle le Logos Solaire, les Logoi Planétaires sont les puissances maîtresses à l’œuvre dans le Système Solaire. La Bible les appelle « les sept Esprits devant le trône de Dieu ». Leur rayonnement se propage à travers l’espace et communique leur énergie à tout ce qu’il atteint. Sur les plans les plus subtils, les limitations spatiales n’existent pas et leur puissance est omniprésente. Ils régissent toutes les manifestations de la vie, chacun selon sa note particulière, par leur pensée, leur volonté, leur amour, qui sont des expressions différenciées de la pensée, de la volonté et de l’amour divins. A la vie de chaque plan sur notre globe préside l’un d’entre eux.
Les religions antiques connaissaient ces grands êtres. Les temples consacrés aux divinités planétaires étaient des centres de leur influence, où la conscience humaine pouvait entrer en contact direct avec eux. Chacun de ces êtres étant la manifestation de la conscience divine universelle dans l’un de ses rayons, le contact avec chacun d’entre eux est un contact avec le Divin, avec Dieu, par l’intermédiaire de l’une de ses manifestations, de l’une de ses incarnations particulières.
Chacun des Logoi Planétaires est à la tête de toute une hiérarchie d’Etres sur notre globe, hiérarchie de ceux qu’on nomme dieux, dévas, anges et archangel, et qui sont les puissances œuvrant dans la nature sur tous les plans.
Pour l’homme de l’Antiquité qui connaissait l’existence des Logoi Planétaires, la vie mystique pouvait viser à entrer en contact avec l’une de ces grandioses manifestations de Dieu. Le contact avec l’un ou l’autre d’entre eux était une voie de communication avec le Divin suprême, un contact auquel aspirait le mystique. Selon son tempérament personnel, un homme entrait plus aisément en contact avec le Divin à travers l’un ou l’autre de ses sept aspects.
Connaître l’univers et les Dieux, c’est connaître l’Univers non seulement dans ses formes, mais aussi dans les puissances qui président à sa vie.
Comment la connaissance de l’univers et des Dieux peut-elle découler de la connaissance de soi ?
Si chacun des Dieux représente un aspect de la vie Divine, et si je suis l’unique vie Divine, le Soi universel, chacun des Dieux est un aspect, une manifestation de moi-même. Ainsi, me connaissant moi-même, je connaitrai les Dieux, les puissances à l’œuvre dans le Système Solaire, comme aussi cet Univers, corps de la vie divine.
Tout d’abord quand est obtenue la connaissance parfaite, et donc la maitrise, de nos divers corps, denses et subtils, l’entrée en fonction des centres vitaux de ces différents corps nous met en relation avec les aspects de la vie auxquels président les différents Dieux : chaque chakra des corps subtils nous ouvre à l’influence de l’un d’eux.
Ensuite, de l’expérience mystique vient la connaissance du fait que nous ne sommes pas nos corps, mais l’unique conscience universelle qui les anime. Nous connaître nous-mêmes, c’est avoir pris conscience de notre identité avec le Soi de L’univers. Parce qu’il est l’être même, l’être en soi, tout puissant et omniscient, réaliser que nous sommes le Soi universel c’est partager son omniscience : donc connaître L’univers, – et partager sa puissance : donc connaître les Dieux, qui sont les aspects de cette puissance à l’œuvre.
L’on ne peut toutefois s’empêcher de penser que des restrictions s’imposent à ces affirmations : chaque individu, c’est-à-dire chaque centre de manifestation de la conscience universelle ne peut connaître de l’univers que ce à quoi ses corps les plus subtils, selon leur structuration, sont capables de répondre et chaque individu ne peut exercer de la puissance universelle que ce qui peut s’en manifester par l’intermédiaire de ses corps. Pour l’être humain parfait dans notre système solaire, connaissance et puissance pourraient se limiter au périmètre du système solaire, et ne pas s’étendre à la totalité de L’univers.
C’est à partir du moment où toutes les forces de L’individu sont mises au service du monde, dans l’oubli de soi, qu’avec l’aide de ceux qui sont nos frères ainés, êtres humains devenus parfaits que la Théosophie appelle les Maitres de Sagesse et de Compassion, l’homme d’idéal devenu leur disciple développe la capacité de percevoir et d’agir sur les plans subtils de notre globe. Il obtient progressivement, grâce à l’éveil des sens internes, que sont les perceptions sensorielles sur les plans subtils, une connaissance de plus en plus poussée de la structure et du fonctionnement du corps physique et de chacun des corps subtils, et des lois qui les régissent.
Au cours de cette évolution psychique et spirituelle apparaissent la mémoire des vies antérieures et la connaissance du karma accumulé non encore épuisé qui détermine les limitations des possibilités actuelles d’épanouissement et d’action.
Avec la connaissance croissante des plans subtils et des véhicules que l’âme possède pour s’y exprimer, les capacités de service augmentent en progression transcendante. En même temps la découverte progressive de L’univers, le contact croissant avec les hiérarchies des Dieux, sont un enchantement toujours renouvelé. La vie ne cesse de révéler des mystères plus grandioses et plus profonds, jusqu’à ce que le secret final de l’identité avec le Divin, la conscience universelle, soit pénétré.
Chacun de nous est un être immortel : car chacun est l’être en soi, l’être immortel, la conscience universelle, se manifestant à travers une forme éphémère, périssable. Notre erreur est de nous identifier à cette forme, qui n’est qu’un instrument momentané, améliorable de vie en vie, destiné à être remplacé par un instrument plus efficace, qui nous offrira de plus riches possibilités d’expression.
Nous connaître vraiment, c’est connaître à fond tous nos instruments, du plus dense au plus subtil, et savoir que nous ne sommes aucun d’eux, aucun des états de conscience éprouvés à travers eux, mais que nous sommes la vie, la conscience, l’être immortel et infini, qui s’exprime à travers ce merveilleux univers.
Dr. H. van der HECHT
Société Théosophique en Belgique