Han Ryner : l’Homme par Hem DAY
(Revue Spiritualité. No 6. 15 Mai 1945)
Je le savais assez souffrant… Au début de décembre 1937, il s’excusait dans une lettre de son long retard apporté à me répondre en s’exprimant ainsi : « Paresse chez moi signifie toujours mauvais état de santé. Depuis trois mois, ce sont surtout mes yeux qui me gênent. »
Han Ryner n’est plus. Une brève information de presse, six lignes à peine quelques mots hâtivement lancés à la Radio entre deux communiqués mensongers ; c’est ainsi que nous apprîmes que celui qui pour nous était la sagesse vivante même, était décédé en son modeste appartement sur les bords de la Seine, au 38, Quai des Célestins, à Paris.
Il m’avait trop appris à garder devant la mort cette sérénité magnifique qui animait toute la vie de sa pensée pour qu’une douleur angoissant vînt me tenailler à l’annonce de sa fin.
Laissons là nos douleurs intérieures pour courir vers d’autres impérieux désirs qui nous sollicitent, ceux qui nous conseillent de mieux le faire connaître, de mieux le faire aimer par tous ceux qui ne l’ayant point approché, l’ayant à peine lu ou entendu, éprouveront cet irrésistible besoin de mieux le connaître afin de s’abreuver aux sources d’inspiration pleines d’un riche enseignement qu’il nous a offert dans une vie généreuse, toute de bonté, d’amour qu’agrémentait une rare sagesse.
Si je l’avais, en une dédicace publique, salué comme mon père spirituel, c’est qu’à maintes reprises, au cours de ma vie, son œuvre m’avait a « aidé pour le débrouillement de l’original chaos intérieur ». A ce sujet, dans une préface qu’il écrivait pour mon Érasme, Han Ryner, mettant cependant les choses, au point, disait :
« Qu’un naïf dogmatique n’aille pas s’imaginer que nous sommes d’accord en tout. Nous sommes d’accord, au contraire, que père et fils doivent avoir chacun sa vie, sa pensée, son caractère indépendants ; que répéter est une vertu de perroquet, non de l’homme ; qu’imiter quelqu’un est aussi injurieux pour l’aîné ridiculement affublé du titre de « maître », que pour le cadet humilié du titre de « disciple ». Nous nous aimons dans nos libres différences. Nous nous aimons d’être deux sincérités et de réaliser chacun, sans se préoccuper de l’autre, plus que des autres, son harmonie. »
De parents catalans, des environs de Perpignan et non fils d’un père norvégien et d’une mère espagnole comme le veut, on ne sait trop pourquoi, la légende entretenue par son pseudonyme, peut-être, Han Ryner ; Ner Jacques, Elie, Henri, Ambroise est né à Nemours en Algérie le 7 décembre 1861.
Son père était employé des postes à Millas, sa mère originaire de Thuir.
Le petit Ner, a un mois à peine, quand sa mère est envoyée en France, à Montluçon (Allier). Sa famille y habitera jusqu’en 1865, ensuite successivement, il se voit transplanté avec les siens à Tarbes (Hautes Pyrénées) jusqu’en 1870, puis à Rognac (Bouches du Rhône), sur les bords de cet étang de Berr que plus tard il dépeignit si passionnément dans ce roman : « La Fille manquée ».
« Reber est une sorte d’oasis perdus dans un désert. Un canal et la petite rivière d’Arc lui apportent de l’eau, permettent à la vallée une grossière beauté verte et grasse, saine et banale. Mais des collines l’enserrent, sèches, rocheuses, exquises d’élégance maigre. Elles s’élèvent par gradins successifs, offrent, à des hauteurs diverses, de petit plateaux sur lesquels on se retourne pour un spectacle chaque fois plus vaste. Il donne, le spectacle de plus en plus généreux, une partie de l’étang ; puis l’étang tout entier et ses admirables courbes ; puis, au delà même de l’étang, l’infini de « la grande mer ». Plus on s’éloigne du petit coin fertile, plus on sent la beauté noble des grands espaces sans détail, plus l’esprit s’accorde au rythme des chênes nains qui moutonnent sur l’étendue des rocs dans la lumière blanche, s’accorde au rythme des vagues qui font de la mer sans bornes une harmonie dans le soleil. »
Enfin, Henri Ner, va en classe, à sept kilomètres de chez lui. Il lit sur la route les petits livres de la « Bibliothèque Nationale », à vingt-cinq centimes, qui ont fait, me disait-il lui-même, en partie son éducation. Pour se les procurer, notre jeune écolier économise un sou sur les dix centimes qu’il reçoit de son père pour le déjeuner de midi.
A quelque temps de là, Henri Ner commence ses études latines à Forcalquier, collège dirigé par l’abbé Saurin, et me raconta sa fille, bien que en arrivant, il ne sache pas un mot de latin « à la fin de l’année, il est classé 1er, au bout de deux ans il en remonte à son maître, qui, à vrai dire, n’était pas un latiniste ».
Henri Ner travaille avec ardeur, il obtient son baccalauréat et est dispensé ainsi d’être soldat. Il termine ensuite ses études au Lycée d’Aix-en-Provence, est reçu boursier à la Faculté de cette même ville.
En 1882, Henri Ner, est nommé Professeur de seconde à Draguignan, puis successivement son humeur inquiète le conduit à Sisteron, à Bray, à Bourgoin, dans le département de l’Isère, pour enfin échouer à Nogent-le-Rotrou.
Mais entretemps, Henri Ner s’est fait recaler à la licence de philosophie. Il nous a conté la chose dans son livre « Chair vaincue » non sans quelque talent. Cependant l’année suivante, pour avoir répondu à la même question dans un esprit semblable, il est reçu et félicité par l’examinateur qui était autre.
Mais, nous dit Banville d’Hostel : « Avant qu’il fut question de « Chair Vaincue », Ryner, qui n’était alors que Henri Ner, commençait d’écrire des romans empreints d’une observation aigüe et d’un jugement droit ; tels furent : « Pauvre Petit Orgueilleux » et « Printemps: fané », restés inédits. Mais il n’écrivait pas que des romans. Sous, le pseudonyme de Louis Aloisius, il donnait au « Radical des Alpes » une série de boutades anticléricales, qui n’annonçaient pas encore Psychodore. Il se plut même à intriguer les Aixois en signant, dans les journaux de l’endroit, des articles très informés du nom gracieux de Louise Carlau, ce qui est assez piquant lorsqu’il s’agit du futur pamphlétaire du « Massacre des Amazones ».
Il signera entretemps d’autres articles sous les pseudonymes de certains des personnages de ses romans futurs, tels : Leo Charade, Jean Sahac ou Pierre Dapré que nous retrouverons dans son « Crime d’Obéir ».
C’est vers cette époque que dans un village proche de Sisteron, le choléra se déclara. Henri Ner s’y rendit pour suppléer à la désertion des notables qui avaient préféré déguerpir. On demandait des volontaires à Amergues, Henri Ner décide un officier de santé à l’accompagner et avec deux autres amis s’en allèrent soigner les malades, enterrer les victimes, désinfecter les habitations.
Mais voici la chose racontée : « Mais il fallait des aliments, Han Ryner se rend à Sisteron et à Digne, et, après avoir fait quelques reproches légitimes au sous-préfet et au préfet, obtient finalement une charrette de denrées qu’il amène à Amergues.
L’épidémie est vite en décroissance dans le petit village, mais elle sévit avec fureur à Sisteron, Han Ryner revient alors dans cette ville et fonde un Comité de secours qui bientôt a raison du fléau.
A la rentrée des classes — car cette épidémie s’était déclarée pendant les vacances — Han Ryner fut interpellé par le principal du collège qui lui reprocha d’avoir agi de sa propre initiative, sans demander l’avis de l’Administration.
Mais le Recteur d’Académie, lui, plus intelligent, fit décorer Han Ryner des palmes académiques ! Ce fut sa seule décoration. »
Henri Ner gagna donc les palmes académiques, mais fut préservé du choléra et reçut même une lettre d’éloges signée d’un « ministre décédé » peu de temps avant la naissance de l’épidémie.
En 1889, sous son nom Henri Ner, parait « Chair Vaincue » que préface Jean Aicard qui déjà a entrevu en l’auteur un « inquiétant retourneur de mots et d’idées ».
« L’autorité de la morale, écrit Jean. Aicard, était hier encore dans la sanction objective : en Dieu. Elle n’est plus que dans la conscience. La conscience se suffit-elle ?
Question effrayante ! … ce je ne sais quel charme intérieur, quel plaisir secret, contentement harmonieux, d’avoir agi en conformité avec la direction des lois de l’univers, est-il, pour tous les hommes, un attrait suffisant vers le bien ? et que fera l’homme libre dans ces cas où la loi sociale contrarie la loi purement vitale, naturelle ? Nous voici au nœud de la question, mon cher ami, — et c’est ici que je proclame volontiers, au point de vue social, c’est-à-dire du développement des civilisations, la supériorité d’une morale usuelle, d’une discipline, — en dehors de laquelle l’homme qui médite, soit insuffisance, soit surabondance d’idées, n’est, en effet, qu’un animal dépravé !
Que de temps perdu, pour un consciencieux, à chercher sa voie, à peser ses scrupules, à s’interroger…
… Je crois à la justice de la conscience… pour ceux qui ont une conscience !… Et voilà un cercle vicieux.
Dieu, cette figure fausse d’une vérité absolue, c’était une conscience pour tous ! L’Idée de Dieu donnait une conscience à ceux qui n’en avaient pas, concrétait l’idée de conscience pour le regard des moins subtils. En Dieu, la conscience du monde est atteinte… Aussi la mort de Dieu est-elle l’événement le plus formidable de notre âge.
…Votre héros conclut deux vérités « impossible et nécessaire » et c’est lui qui a fait ma préface, — car se placer hardiment en face de l’Antinomie universelle, du Fait et de l’Aspiration, c’est affirmer l’inconnaissable, c’est-à-dire l’inconnu plus grand que l’incapacité de connaître, — c’est se réserver pour les dieux. Sans la mort, et vouloir L’action dans la vie… »
L’année 1895 l’amène à Paris, il est nommé professeur adjoint au Lycée Louis le Grand puis au Lycée Charlemagne.
Avec joie, Henri Nec verra cependant approcher sa retraite afin de pouvoir travailler, car si déjà il nous a donné « Chair Vaincue », « Chant du Divorce », « Ce qui meurt », « La Folie de Misère », qui caractérise si on peut dire sa première étape, presque entièrement ignorée de beaucoup même parmi ceux qui l’ont étudié, déjà on sent naître l’Han Ryner futur. Il parlera de tout cela comme de « rognures ».
Au début de ma découverte avec sa pensée, comme je lui écrivais afin de m’informer de l’homme et de son œuvre écrite jusqu’à cette date, il me répondait aimablement son embarras pour donner suite à ma lettre, vu que toute son œuvre antérieure à 1903 était épuisé, introuvable, puis me parlant de sa vie il m’apprenait :
« Quant à ma vie rien qui vaille la peine d’être conté. Et ce qui serait le moins éloigné d’offrir un vague intérêt serait si long à dire : petites persécutions ridicules dans l’Université parce que j’écrivais des choses peu universitaires, longue conspiration du silence dans toute la presse. »
Terminant sa lettre en me remerciant d’avance pour tout ce que je proposais de faire en faveur de son œuvre qu’il croyait peut-être utile à quelques-uns, il concluait : « L’histoire d’un écrivain, c’est son œuvre. Et qu’elle ait été plus ou moins contrariée par les circonstances, qu’importe ? S’il y a quelques fleurs, on les respire ; quelques fruits, on s’en nourrit ; il n’y a pas grand intérêt à savoir si l’arbre a subit plus ou moins de vent et si des maladroits ou des malintentionnés ont cassé quelques-unes de ses branches. Le résultat compte seul. »
Hem DAY
HAN RYNER Son Œuvre par Hem Day
(Revue Spiritualité. No 7 & 8. 15 Juin- 15 Juillet 1945)
Han Ryner lui-même a classé son œuvre d’artiste, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas exposition directe de sa pensée, en trois grandes divisions.
1° Exposé historique :
Le Fils du Silence.
Le Cinquième Évangile.
2° Exposé symbolique :
Les Voyages de Psychodore.
Les Paraboles cyniques.
3° Exposé romanesque :
Le Crime d’obéir.
Le Sphinx rouge.
Les Pacifiques.
L’exposition directe de sa pensée, Han Ryner l’a synthétisée dans : Le Petit Manuel Individualiste, le Subjectivisme, L’Individualisme dans l’Antiquité.
Certes, les quelques ouvrages cités dans les grandes divisions que je viens d’esquisser ne forment pas l’œuvre écrite et publiée de Han Ryner, mais quelques exemples cueillis dans l’énorme production du maître.
Dans chacun de ses livres, Han Ryner s’efforce à la richesse qui dit toute sa pensée — tout ce que j’ai pu saisir l’époque où j’écris le livre — et à l’unité qui groupe tout le détail autour d’un problème essentiel.
Les Voyages de Psychodore et Les Paraboles cyniques sont pour beaucoup avec l’Homme fourmi, les chefs-d’œuvre de Han Ryner. Dans les deux premiers, il a exposé merveilleusement en symboles profonds et lumineux toute sa philosophie. Ce sont ces deux livres d’ailleurs qui l’ont fait élire prince des conteurs philosophiques.
Faisant suite à son premier roman Chair vaincue, Han Ryner publie : Ce qui meure, d’où plus tard les Humbles, de Maurice Wullens, en donnera quelques fragments dans Le Livre de Pierre, qu’illustrera de bois merveilleux Gabriel Belot, en collaboration avec Alphonse Daudet Vie d’enfant, ensuite L’Humeur inquiète, la Folie de misère, le Soupçon, la Fille manquée.
Le Crime d’obéir, cet éloquent plaidoyer où Han Ryner essaye de dire un héros au caractère désintéressé antipathique à la foule de son temps et de son pays même, est le roman dans lequel l’objection de conscience est développée et affirmée admirablement, mais le Crime d’obéir est en plus une mordante satyre des mœurs littéraires de l’époque. Han Ryner examine dans le Crime d’obéir le problème de la violence et il reviendra à la charge dans deux autres ouvrages qu’il publiera plus tard : Le Sphinx Rouge et Les Pacifiques. Dans les deux premiers, Han Ryner étudie le problème de la violence pour un ou quelques individus, dans le dernier, il examine la question pour tout un peuple.
Tandis que Maurice Maeterlinck faisait paraître la Vie des Abeilles, Han Ryner nous offrait l’Homme Fourmi : « un prétexte à blâmer nos orgueils, à nous qui, par les sens, sommes inférieurs à tant d’animaux, à nous qui souvent croyons tout savoir et dont l’intelligence très probablement doit errer magnifiquement parmi une foule d’erreurs insoupçonnées ».
Venons-en au Père Diogène, longue satyre sociale, écrite avec une verve bien Rynérienne et qui pourrait être une sorte d’autobiographie fantaisiste d’une humoristique philosophie. Le Nouveau Diogène de Han Ryner, professeur de philosophie cynique qui essaye de vivre la vie de son ancêtre quelque vingt siècles après, peut apparaître aux lecteurs comme un fou inoffensif ou un simple toqué. Vous y trouverez peut-être un précurseur et vous aurez raison.
Coup sur coup paraîtront : l’Autodidacte, l’Aventurier d’amour, l’Amour plural, Prenez-moi tous, la Soutane et le Veston.
Pour ses exposés symboliques, Han Ryner s’est inspiré de fictions d’histoire et de légende: Les Voyages de Psychodore, les Chrétiens et les Philosophes, le Cinquième Évangile, le Fils du Silence, Les Paraboles Cyniques, la Tour des Peuples, les Apparitions d’Ahasvérus, les Véritables Entretiens de Socrate ; autant d’œuvres qui témoignent une riche érudition et qui laissent au maître écrivain cette liberté entière et si personnelle d’interpréter l’histoire de la pensée humaine avec grandeur et noblesse.
Mais Han Ryner ne s’est point arrêté en si bon chemin. Son imagination sans cesse renouvelée par un labeur constant autant que persévérant, nous a donné dans ce domaine de la fiction de l’histoire et de la légende d’autres ouvrages où sa pensée toujours ravissante nous promenait vers d’autres cimes : L’Ingénieux Hidalgo Miguel Cervantes, La Vie Éternelle, Les Surhommes, Songes perdus, Crépuscules, Dans le Mortier, Chère Pucelle de France, Bouche d’Or, Patron des Pacifistes, Les Orgies sur la Montagne.
Quoi qu’il ait peu écrit pour le théâtre, Han Ryner a cependant trouvé là un précieux instrument pour communiquer au monde ses rêves et sa pensée, qu’il nous offrit dans : Jusqu’à l’Âme, Les Esclaves, Vive le Roi, Le Manœuvre ; les Cahiers de l’Aristocratie ont publié après sa mort La Beauté qui est une légende dramatique.
A côté des essais déjà cités en parlant de l’exposition directe de sa pensée et auxquels on peut rattacher : La Paix pour la Vie, où Han Ryner oppose à la formule Darwinienne de la Lutte pour la Vie, la nécessité de l’entraide fraternelle, s’ajoutent Le Drame d’être Deux, Controverse avec Mme Aurel dans lequel il est parlé amour ou amitié, La Sagesse qui rit, œuvre qu’on peut qualifier de majeure puisqu’il y travaillait depuis plus de vingt ans, les Synthèses Suprêmes, ébauche de ses rêveries familières et de sa métaphysique pluraliste.
Ce grand poète ne nous a donné qu’un recueil de poèmes : Les Chants du Divorce publiés en 1892. Il ne faut point trop les invoquer puisque l’auteur lui-même n’aime guère qu’on en parle. Sans doute, mais toute l’œuvre de Han Ryner n’est-elle pas un long poème à l’adresse de la vie noble et belle où la sagesse du philosophe chante l’amour des hommes et de l’humanité toute entière.
A tout cela Han Ryner ajoute un ample labeur de critique et de conférencier. Dans deux ouvrages : Le Massacre des Amazones, et Prostitués, il a dénoncé les imposteurs et les bas bleus en remettant en place les valeurs littéraires galvaudées, oubliées ou trahies par les valets du porte-plume au service des puissances qui façonnent l’opinion et la pensée des mondes. Nombre de ses conférences ont été publiées : Jules Renard, Claude Tillier, Ibsen, ainsi que ses controverses avec l’Abbé Violet, P.-L. Couchoud ; Dieu existe-t-il ? La Vérité sur Jésus, et si nous y joignons Contre les Dogmes, Petite Causerie sur la Sagesse, André Ibels, Banville d’Hostel, nous aurons épuisé l’énumération de son œuvre écrite laquelle je ne puis mieux faire que de vous conseiller de la lire afin de vous réaliser davantage chaque jour pour la joie de vous-même et de ceux qui vous entourent.
Hem DAY
Pour d’autres infos et textes de et sur Han Ryner voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Han_Ryner, http://hanryner.over-blog.fr/ & http://www.scribd.com/Archives%20Han%20Ryner
Sur Hem Day voir http://www.avoixautre.be/spip.php?article2164 & http://recollectionbooks.com/bleed/Encyclopedia/DayHem.htm
Mémoire – Hem Day, pacifiste libertaire [Emprunté à http://www.avoixautre.be/spip.php?article2164]
Figure importante de son temps, Hem Day marqua durablement non seulement la pensée libertaire belge mais également la pensée pacifiste. Ce non-violent convaincu défendit l’objection de conscience et s’opposa à la guerre révolutionnaire de l’Espagne de 1936.
Né le 31 mai 1902 à Houdeng-Goegnies, petite localité du Hainaut belge et mort le 14 août 1969 à Evere, dans l’agglomération bruxelloise. Le premier acte contestataire de Marcel Dieu fut de se proclamer végétarien pendant son enfance alors que son père était boucher. Très jeune encore, il a adhéré aux « Disciples de Voltaire » et ensuite à « La Libre Pensée ». À 17 ans, il aurait commencé une correspondance suivie avec Han Ryner. Ayant répudié la religion et refusant de croire en Dieu, il était fort embêté de se présenter sous son nom Marcel Dieu. Voilà pourquoi il prit un pseudonyme, les initiales de son nom, M.D., qu’il écrivit « Hem Day ». (On peut ainsi noter qu’il partagea les 31 dernières années de sa vie avec sa femme Arlette Dieu qui était surnommée par beaucoup « Madame Hem Day ».)
En 1926, il participe à la création du Comité de Défense Internationale Anarchiste (CDIA). En 1927, sous son impulsion le CDIA rédigea une pétition et organisa une manifestation en faveur de Sacco et Vanzetti, d’Ascasso, Durutti et Jover. En 1928, il devient secrétaire-trésorier du CDIA et c’est principalement à partir de cette date qu’il commença sa lutte pacifiste radicale. En 1933, le ministre belge de la Défense Nationale déposa un projet de loi interdisant toute propagande pacifiste. Sans attendre, Hem Day renvoya son livret militaire en compagnie de son ami Léo Campion, secrétaire de la section belge des Résistants à la Guerre. Ils furent dès lors sommés de rejoindre leur unité. Ils refusèrent, furent arrêtés et condamnés à plus de dix-huit mois de prison. Ils entamèrent alors une grève de la faim qui aboutit à leur libération et conduit à l’abandon du projet. Cette affaire aux nombreux côtés humoristiques est relatée en détail dans la brochure « Autour d’un procès ». Léo Campion – Hem Day (Éd. Pensée et Action, Paris-Bruxelles, 1968).
En 1937, quoique refusant de participer à toute guerre entre nations, Hem Day ne rejetait pas encore la guerre civile révolutionnaire sur le plan du principe et il passa plusieurs mois en Espagne afin de participer à la révolution sociale. Mais il en revint convaincu de l’inutilité de la violence dans la révolution et opta résolument pour la non-violence. Peu après son retour d’Espagne, il fit des conférences contre le danger du nazisme, ce qui lui valut d’être expulsé de France le 19 juillet 1937.
Hem Day se rattache au courant individualiste de l’anarchisme. Cependant un bon nombre d’organisations et de mouvements l’ont compté parmi ses membres. Il fut entre autre secrétaire du Comité International des Résistants à la Guerre, membre de la Commission Belge de Bibliographie, franc-maçon de l’Atelier « Vérité » (il appartenait à l’obédience mixte du Droit Humain).
Après avoir été brièvement expert-comptable, il fit amitié avec les livres, d’abord comme vendeur, puis comme libraire indépendant dans la boutique dans la galerie Hirsch de Bruxelles (disparue aujourd’hui) qu’il occupa de 1942 jusque peu avant sa mort. Dès 1929, il se fit éditeur : « Vie et Action » était une de ses tribunes qui devint plus tard « Pensée et Action ». Tout d’abord, journal à la parution irrégulière avant la deuxième guerre mondiale, au moment de la guerre d’Espagne « Pensée et Action » devint une revue qui s’est ensuite transformée en « Cahiers » après la seconde guerre mondiale. Mais si sa revue était sa tribune, sa librairie « Aux Joies de l’Esprit » était son bureau. Dans sa boutique se rencontraient des compagnons de tous les pays du monde des antifascistes italiens des années 30, des exilés espagnols, des déserteurs français et allemands fuyant les prisons militaires en 39, des juifs et des Allemands antinazis au plus fort de la répression, ainsi que plus tard des insoumis des guerres d’Indochine et d’Algérie.
Sa plume a produit une impressionnante quantité d’articles et de livres militants, dont il a eu l’amabilité de dresser une liste (afin de préserver ses successeurs de ce travail « pour tout dire fastidieux » selon ses propres mots) dans l’ouvrage collectif « Bibliographie de Hem Day » (Éd. Pensée et Action, Paris-Bruxelles, 1964). Le fil conducteur de son œuvre écrite fut le même que celui de son action : le pacifisme. Néanmoins il traita de sujets très divers qui vont de la libre pensée à d’innombrables biographies et bibliographies d’anarchistes en passant par l’œuvre de Rabelais.
[Xavier Bekaert]
Bibliographie
– Jean-Pierre Jacquinot, présentation de : « Anarchie et non-violence. Hem Day – Pierre Ramus », supplément au n°77 du Libertaire
– Compte-rendu de l’hommage du 30 novembre 1969 au Mundaneum de Bruxelles : Hommage à Hem Day, Éd. Pensée et Action, Paris-Bruxelles, 1970
Jean De Meur, L’anarchisme en Belgique, Éd. Pierre De Meyère, 1970