Robert Linssen
Importance du dépassement de l’ego

Au seuil du troisième millénaire, le développement soudain de l’intérêt que suscitent les enseignements spirituels non dualistes est un événement important pour l’évolution de l’humanité. Les doctrines essentielles insistent sur le caractère illusoire et conflictuel de l’égo. Elles étaient restées dans l’ombre en occident mais les révolutions bouleversantes de la physique, en moins d’un siècle, ont révélé une complémentarité étonnante existant entre les sagesses antiques et la nouvelle vision du monde de la science moderne.

(Revue Être Libre, Numéro 336, Octobre 1996 – Février 1997)
Au seuil du troisième millénaire, le développement soudain de l’intérêt que suscitent les enseignements spirituels non dualistes est un événement important pour l’évolution de l’humanité.

Les doctrines essentielles insistent sur le caractère illusoire et conflictuel de l’égo. Elles étaient restées dans l’ombre en occident mais les révolutions bouleversantes de la physique, en moins d’un siècle, ont révélé une complémentarité étonnante existant entre les sagesses antiques et la nouvelle vision du monde de la science moderne.

L’évidence du rôle destructeur de l’abus du mental et de l’égo est plus que jamais visible dans les violences déchirant le monde actuel. Une véritable maladie mentale rend les hommes incapables de relations harmonieuses entre eux. Dans leur aveuglement ils oublient qu’ils sont enfants d’une « Conscience-amour » unique. Les rencontres entre croates ou bosniaques avec un serbe ou celles du « hutu » et d’un « tutsi » rwandais se résument en un affrontement d’étiquettes mentales adverses entraînant une destruction mutuelle dans une atmosphère de haine, de cruautés, de violences incroyables. En 1995, cinq cent mille rwandais ont été tués ou blessés dans un climat de violences incroyables.

Des cruautés ont eu lieu au cours de toute l’histoire durant des milliers d’années. Mais dès la fin du vingtième siècle, le contenu de la seule réponse adéquate et efficiente est à la portée d’un nombre croissant de chercheurs. Ceux-ci prennent conscience du rôle destructeur du mental et du développement de l’ego par la gravité des conséquences qui en résultent dans tous les domaines.

Il importe de signaler l’ampleur du rayonnement des enseignements de Ramana Maharshi (1879-1950), de Maharaj Nisargadatta (1897-1981), de Ramesh Balsekar (encore vivant), de Poonjaji, de Robert Powell (encore vivant), de Sri Atmananda, de J. Krishnamurti (1895-1986). Cette liste est brève, faute de place. Signalons cependant que d’autres enseignants remarquables se sont éveillés à leur contact.

Quoique les « Eveillés » n’accordent que peut d’importance aux informations relatives à leur situation dans le temps nous donnons dans ce qui suit quelques détails.

« Le navanath Sampradaja »

Un petit groupe de chercheurs d’origine indienne connu sous le nom de « navanath Sampradaja » était récemment dirigé par un maître appelé Maharaj Siddharameshwar. Celui-ci a été le maître de Nisargadatta Maharaj et de Ranjit Maharaj.
Ces derniers, enseignent que la perception intuitive est supramentale et se réalise non par le cerveau mais par le cœur. Elle résulte de la dissolution de l’égo sous l’action de l’intelligence de l’amour généralement ignorée.
Nisargadatta Maharaj pose aux chercheurs qui l’écoutent des questions dont les réponses mettent en évidence le fait que nos parents nous ont créés de façon rarement consciente et délibérée et que nous n’avons pas choisi de naître.
« Ce que nous croyons être, n’est qu’un objet manifesté, temporel, fini et perceptible aux sens; alors que ce que nous sommes réellement et que nous avons toujours été et serons toujours, sans nom ni forme, est l’Absolu non-manifesté, l’Etre intemporel, hors espace, non perceptible par les sens. »

Maharaj Nisargadatta insiste sur le caractère illusoire de l’ego en mettant en évidence le fait que nous ne sommes que des objets manifestés, évanescents, n’ayant aucune existence indépendante, entièrement soumis au milieu. Les êtres humains qui sont prisonniers de l’attachement ne sont que les ombres d’une réalité fondamentale. Ils luttent pour « devenir » la plénitude du Réel suprême qu’ils sont déjà, à leur insu.

Maharaj Nisargadatta ajoute: « Personne ne naît, personne ne meurt. Le « monde-rêve » de la manifestation est quelque chose dont nous n’avons qu’à être le témoin. »
La tâche incombant au chercheur est le développement d’une qualité d’attention transpénétrant les couches de mémoires résiduelles du passé afin de permettre que la vision de la « Conscience-amour » se révèle à lui dans le silence du présent.
Ainsi que l’exprime Ramesh Balsekar (p.231): « L’éveil ne se réalise que lorsque la « Conscience-amour » se libère de ses identifications et cesse de « conceptualiser ». Seule cette dissolution des barreaux de la prison, des limitations laisse la  » Conscience amour  » dans son universalité infinie et non-identifiée. Lorsque l’esprit est purifié de toute conceptualisation il retrouve la plénitude de sa totalité. Il fonctionne dans la douceur naturelle de son flux sans confusion ni doute. Des vagues peuvent apparaître et disparaître à la surface de l’océan, des mots peuvent surgir et s’évanouir à la surface de la « Conscience-amour » infinie, mais tandis que les ignorants sont noyés par les apparences, les « Jnanis » sont toujours conscient de la possible équanimité de la substance profonde sous-jacente. »
« Dès l’Eveil, la personne découvre qu’elle est « Conscience-amour » infinie qui contient en elle-même tout ce qui se produit en tous temps. Elle est universelle et intemporelle pour l’Eveillé, le corps est source de délices et de joies. » (p.231)
Une inspiration spirituelle identique, quant au fond, mais quelque peu différente dans la forme nous la retrouvons dans l’enseignement du maître indien Sri Atmananda également connu sous le nom de Krishna Menon. Il fut le maître de notre ami et collaborateur, le docteur Roger Godel qui en évoque les entretiens dans un livre intitulé « Socrate et le Sage indien ».
Sri Atmananda, dans son étude intitulée « Atma Darshan » commente les œuvres d’un célèbre disciple de Sankarâchârya nommé Sureshwaracharja exposant les versets essentiels de l’Advaita Vedanta. Ceux-ci mettent en évidence le caractère illusoire et non existant des mémoires et de l’ego lorsqu’ils sont vus de la nouménalité fondamentale. C’est en fait la position de Sri Nisargadatta, de Ramesh Balsekar. Cette position est en fait celle de Ramana Maharshi mais ce dernier consent à répondre aux questions posées par les débutants encore noyés par leur identification aux aspects extérieurs, surfaciels et illusoires.

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Nous trouvons le fidèle écho de l’Advaita dans les cinq versets suivants.
1)  Les êtres humains (Jivas), telles les vagues dans la mer, surgissent, s’élèvent et tombent, s’entrechoquant entre elles et meurent.
2)  Luttant contre le rivage, les vagues se répètent fatiguées et retombent, en cherchant le repos et la paix. D’une façon semblable les êtres humains (Jivas) cherchent le suprême, de diverses façons.
3)  Les vagues ont leur naissance, leur vie et leur mort dans la mer elle-même, les êtres humains dans le Seigneur.
4)  Les vagues ne sont que de l’eau. Ainsi est la mer. De façon semblable, les êtres humains ne sont rien d’autre qu’Etre suprême, conscience infinie et béatitude (Sat, Chit et Ananda).
5)  Lorsque les vagues réalisent que la mer est leur essence commune, toute lutte cesse.

*  *  *

Les publications, les conférences et cours nombreux du maître indien H W L Poonja reflètent une inspiration spirituelle identique, quant au fond essentiel mais légèrement différente quant à la forme.
Nous en trouvons un exemple qui mérite d’être signalé. Il est publie dans un livre récent de Sri H W L Poonja intitulé « The Truth is » en Californie aux éditions « Yudhishtara » P.O. BOX 310. Huntington Beach C.A.92640 U.S.A. (p.4).
« Mon cher ami, la conscience pure inconditionnée est bonheur véritable, la quiétude intemporelle est maintenant. Le vrai « BONHEUR » n’est pas une « expérience » de l’égo. Il est votre nature réelle, sans égo. Ainsi vous n’avez rien à faire pour le vivre. »
Les extraits suivants reflètent une inspiration spirituelle identique à celle de Ramesh Balsekar, Shri Nisargadatta ou Bhagavan Maharshi.
« La « Conscience-amour » est la Mère originelle. Si vous connaissez cela, elle prendra soin de vous et vous donnera Bonheur, Paix et Immortalité. »
« Cette Mère, nous ne la connaissons pas et ceci nous plonge dans la confusion. »
« Cet « Inconnu » est votre nature réelle ! Retournez-y ! Parce que le connu ne vous apportera pas la paix suprême ni le suprême amour. »

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« La béatitude est éternelle. La béatitude n’est pas une « expérience », Elle est votre nature véritable. » « Ceci est le cœur du Sage. Cette bénédiction a toujours été recherchée par chacun. Vous êtes dans le cœur de tous les êtres, ceci est la Vérité. Votre visage resplendit ! »

« Il y a une lucidité qui est consciente d’objets tels que les fleurs. La lucidité véritable est consciente de la conscience dans laquelle les choses apparaissent et disparaissent. Elle n’est jamais perturbée. »

« Il y a une lucidité au-delà de la conscience des objets et des événements. Vous êtes cette lucidité en laquelle la conscience des objets existe. »

« Cette lucidité n’a pas de nom et lorsque vous essayez de lui donner un nom, les difficultés commencent. Vous êtes sans nom et sans forme, vous ne pouvez pas « voir » quoique ce soit. »
« Sachez que vous êtes sans nom ni forme. La pure « Conscience-amour vous attira en arrière mais ceci ne signifie pas que « vous » allez j pénétrer. »

« Lorsque vous y entrez, c’est votre égo qui y pénètre mais lorsqu’Elle vous pousse, elle fait un choix afin d’être votre demeure. Ceci se produit spontanément et nul ne peut en connaître la raison. Très rares sont ceux qui sont choisis par la « Conscience-amour ». Dès qu’un être humain y a pénétré ses voyages ont pris fin. »