D’abord, le chercheur oriente sa quête dans le monde formel des pensées, des perceptions et des affects. Il pense pouvoir trouver la vérité comme on cherche un trésor, et se met dans les conditions requises par l’explorateur spirituel espérant découvrir le meilleur enseignement, la perception extraordinaire ou l’émotion extatique qui lui apporteront la réponse tant attendue.
Ensuite, ce même chercheur comprend que la vérité n’est contenue dans aucun texte spirituel, philosophique, idéologique, scientifique, religieux ; dans aucune perception dépendante du mental ; et dans aucune émotion ordinaire ou extraordinaire. En fait, dès l’instant où nous identifions la vérité à une production mentale nous créons une limitation formelle censée décrire ou représenter l’Inconnu. Les écrits en eux-mêmes sont vains si le sens qu’ils évoquent dans nos esprits n’implique pas une intuition métaphysique.
Quelquefois, le chercheur de vérité, s’il persévère dans son exploration de l’inconnu, finit par entrevoir et développer le médium qui indiquera comment regarder, comment avoir le discernement qui déterminera en dernière analyse l’attention silencieuse. Ce est propre à chaque chercheur, comme une passerelle qui permet un passage vers une autre rive mais qui n’est pas l’autre rive ; comme un doigt pointé vers la Lune mais qui n’est pas la Lune ; comme un lien conceptuel qui évoque la totalité mais qui n’est pas la totalité. La pensée réflexive dont l’être humain est doté, par la pratique du discernement philosophique, peut concevoir avec justesse le ‘‘domaine’’ de l’ultime Réalité, mais concevoir n’est pas percevoir.
Par rapport à la recherche de la vérité, le médium est provisoirement utile pour autant qu’il procède d’une perspective non-duelle pointant vers l’Un immuable. Toute autre perspective risque de conduire à une impasse où règne la confusion de la pensée dualiste.
Nous pourrions résumer en mettant en avant l’antériorité chronologique de la conscience naïve imprégnée d’un matérialisme banal. Les pensées, les affects et les émotions sont identifiés à un sujet distinct des autres et du monde dans un univers matériel. C’est un moi se constituant en se distinguant du monde extérieur. Ensuite, la conscience naïve peut devenir philosophique et entrevoir que nous ne voyons pas le monde (dont nous sommes) en soi mais, plus exactement, nous voyons une représentation du monde et de nous-mêmes. Enfin, par la pratique assidue du discernement philosophique il est possible de penser avec justesse à propos de l’ultime Réalité, car ces pensées expriment relativement le fonctionnement spontané de la Totalité ; et il est possible d’avoir l’idée intuitive qu’à travers notre histoire personnelle (pensées, affections, actes), c’est la liberté absolue de la Conscience-Présence qui se manifeste provisoirement. Les enseignements initiatiques ne sont jamais représentatifs de la vérité, au mieux ils sont des indicateurs formels pouvant éveiller, à l’occasion, l’intuition de la Conscience absolue.