(Sélections du personnel de la Krishnamurti Foundation)
Dans nombre de ses causeries, et en particulier dans ses discussions avec les étudiants et les jeunes, Krishnamurti a mentionné le yoga. Il ne préconisait aucun système ou école de yoga en particulier et mettait en garde contre le risque d’en faire une religion ou un système d’illumination. Il rejetait les aspects philosophiques et spirituels du yoga, soulignant plutôt les aspects moraux et l’importance d’un « bon corps » qui est sensible et « intelligemment indépendant ».
Voici quelques exemples de ses discussions sur le yoga, le pranayama, la sensibilité, l’intelligence et la santé.
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Vidéo : Est-il vrai que le yoga permet d’éveiller une énergie plus profonde, appelée Kundalini ?
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Comment le yoga est né
Le yoga est à la mode aujourd’hui. Le yoga, tel qu’il a été traduit, signifie joindre, associer deux choses séparées. Je suis sûr qu’à l’origine cela avait un tout autre sens. Le yoga signifiait probablement l’harmonie, et non la réunion de deux choses, l’âme et le corps. Le yoga a été introduit dans le monde occidental pour rendre les gens en bonne santé, heureux, jeunes et pour leur permettre de trouver Dieu. À l’origine, d’après ce qu’on m’a dit, il existait une certaine feuille dans l’Himalaya que très peu de gens mâchaient et cela gardait leur cerveau et leur esprit extrêmement alertes. Et comme la vigne ou le buisson ont disparu, ils ont dû inventer un système appelé yoga qui maintenait toutes les glandes en parfaite santé, fonctionnant efficacement. C’est ainsi qu’est né le yoga, les exercices. Il comprend également un mode de vie moral, qui ne se limite pas à la pratique de quelques petits exercices stupides. Krishnamurti à Brockwood 1972, entretien 4
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Le yoga, c’est voir la vie entière comme un mouvement unitaire
Krishnamurti : Le mot yoga signifie « mettre sous le joug » (ou aussi joindre), mais c’est une mauvaise traduction, car elle implique la dualité. Yoga signifie perception unitive, voir l’ensemble de la vie comme un tout. La voir dans sa totalité, c’est agir de manière totale. Voir la vie entière comme un mouvement unitaire, c’est cela le yoga, pas se tenir sur la tête et tout le reste. Comme les êtres humains ne voient pas la vie entière comme un mouvement unitaire, se tenir sur la tête et respirer correctement peut aider, du moins on l’espère, à voir la vie comme un tout.
Q : Mais cela vous aiderait-il vraiment ?
K : Attendez. Commencez par en saisir le vrai sens : non pas joindre deux choses, l’âme et le corps — c’est absurde — mais observer, percevoir la vie comme un tout, comme un mouvement unitaire total. C’est parce que vous la voyez comme un mouvement total que vous agissez de manière non fragmentaire. C’est pourquoi votre relation est totale. Non pas ma femme, mon mari, ma famille, mes enfants et tout le reste, mais complète, en tant qu’être humain à part entière.
Comment cela peut-il se produire ? C’est pourquoi ils disent que vous devez respirer correctement, etc., et peut-être que cela vous y mènera. Et puis nous nous retrouvons pris dans les asanas. Vous faites des exercices et oubliez l’essentiel, devenant paresseux, égocentrique. Je ne dis pas qu’il ne faut pas se tenir sur la tête. Je le fais. Mais cela ne mène pas à l’autre. Ainsi, lorsque vous comprenez l’importance d’une vie non fragmentée, vous ne vous laisserez pas piéger par les asanas. Vous les ferez, mais vous ne serez pas pris par elles. Parce qu’en soi, en faisant des asanas, on peut être terriblement égoïste, égocentrique et paresseux. Krishnamurti à Brockwood Park 1971, discussion avec les étudiants et le personnel
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Le corps a besoin d’être sensible pour avoir un cerveau très clair
On peut voir par soi-même combien il est important d’avoir un organisme physique intelligemment indépendant, non bousculé ou dirigé par la pensée, par le désir, par diverses pressions et tensions, de sorte que le corps, l’organisme ne soit plus contrôlé, façonné par la pensée dans sa recherche du plaisir et l’évitement de la douleur ou de la peur, et qu’il possède cette qualité d’une grande sensibilité et d’une grande intelligence. C’est donc une partie de cela, l’immobilité complète du corps, intelligent, non discipliné en fonction des diverses exigences psychologiques, des diverses pressions, de sorte qu’il devienne hautement alerte, sensible, et possède ainsi sa propre intelligence. Est-ce possible dans le monde où nous vivons, où l’on fume, boit, tue des animaux pour se nourrir, et ainsi de suite ? Est-il possible pour un corps d’être aussi parfaitement discipliné ? Et cette discipline n’est pas imposée par la pensée, mais par sa propre intelligence.
Le corps devient hautement alerte, sensible, et possède donc sa propre intelligence.
Cela n’est possible que si l’on suit une alimentation appropriée. Mais il ne faut pas faire de l’alimentation une religion, c’est-à-dire en étant végétarien, ne pas en faire quelque chose d’extraordinairement sacré. Et avec cette qualité de sensibilité et d’intelligence, l’exercice physique est nécessaire. Suis-je en train d’imposer une discipline ? Non, je ne le pense pas. C’est pourquoi on dit qu’il faut faire du yoga — mais encore une fois il ne faut pas en faire une religion — alors seulement on sera très intelligent, hautement moral et spirituel. Hitler était végétarien, Mussolini aussi, et il y a beaucoup de yogis qui se mettent en colère à la moindre provocation et sont pleins de vanité. Mais on peut voir que l’exercice est nécessaire — marcher, nager ou pratiquer le yoga.
Le yoga signifie harmonie, habileté, non seulement dans l’action, mais aussi intérieurement.
On m’a dit que le mot yoga signifie harmonie, habileté, non seulement dans l’action, mais aussi intérieurement, avoir une grande habileté dans toute action, c’est-à-dire dans toute relation. Et en pratiquant les exercices de yoga, il est également nécessaire de découvrir et d’apprendre, peut-être, comment respirer correctement, ce qu’on appelle pranayama, afin d’avoir plus d’oxygène dans le sang. L’orateur pratique le yoga et le pranayama tous les jours. Ce n’est pas une religion, mais d’un simple exercice visant à maintenir le corps en bonne santé, vigoureux et vital. Lorsque le corps, les perceptions sensorielles sont extraordinairement alertes, sensibles, clairs, ce qui ne peut évidemment exister que si le corps ne mange pas excessivement, ne boit pas — vous savez toutes ces choses, qui sont évidentes — alors le corps, l’organisme, est extraordinairement vivant, sensible, conscient, vigilant, et nous pouvons alors chercher comment l’esprit, le cerveau, peuvent également être vitaux, vivants, hautement sensibles. Et cette sensibilité même, qui est intelligence, engendre cette qualité de silence dans laquelle seule l’observation est possible. Krishnamurti à Saanen 1969, Entretien 6
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Un organisme intelligemment indépendant
Le yoga, une série d’exercices et de respirations, a été inventé il y a plusieurs milliers d’années en Inde. Le yoga vise à maintenir les glandes, les nerfs et l’ensemble du système en très bon état de fonctionnement, sans médicaments, et à le maintenir hautement sensible. Et le corps a besoin d’être sensible, sinon on ne peut pas avoir un cerveau très clair. Si vous vous gavez de vin, de viande et de tout le reste, comment votre cerveau peut-il fonctionner clairement ? Fumer et se droguer deviennent alors des satisfactions immédiates et superficielles sans aucune compréhension de ce qui est au-delà. Le yoga n’est pas quelque chose de mystérieux. Il faut le pratiquer pour que le corps reste souple. Le cerveau doit recevoir tout le sang dont il a besoin, et donc une bonne respiration. Si je peux être un peu personnel, je le pratique tous les jours pendant deux heures, régulièrement. Non pas la régularité d’une machine. Il faut avoir un très bon corps, sain, équilibré, et donc un cerveau capable de penser rationnellement, sainement, objectivement, sans partialité, donc efficacement, et un cerveau absolument silencieux ; pas un cerveau rendu silencieux mécaniquement. Vous pouvez voir la vérité de cela, le simple fait logique, qu’il faut avoir un corps sain, sensible et alerte, un cerveau qui fonctionne très clairement, sans émotivité, et pour un tel cerveau d’être absolument silencieux. Krishnamurti à Saanen 1970, Entretien 7
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Vidéo : Le yoga, ce n’est pas seulement avoir un beau corps
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L’habileté dans l’action implique l’absence d’effort
Question : Si vous faites du yoga tous les jours pendant deux heures, n’est-ce pas une forme de discipline ?
Krishnamurti : Le corps vous dit quand il est fatigué, il vous dit de ne pas le faire ce matin-là. Lorsque nous avons abusé du corps, en le poussant à faire toutes sortes de choses, en détruisant sa propre intelligence, par une nourriture particulière que nous aimons, en fumant, en buvant et tout le reste, le corps devient insensible. La pensée se dit alors : « Je dois le conduire, je dois le forcer ». Cette façon de conduire le corps, de le forcer, de l’obliger devient une discipline, alors que le yoga signifie l’habileté dans l’action, sans aucun effort. L’habileté dans l’action implique l’absence d’effort. Si une forme quelconque d’effort est impliquée lorsque vous faites les exercices, ce n’est pas du yoga. Par conséquent, vous le faites facilement, et leur régularité dépend de la sensibilité du corps. Ce n’est pas une régularité mécanique. Tout cela exige beaucoup d’intelligence, non seulement l’intelligence du corps, mais aussi celle de l’esprit et du cerveau. Lorsqu’il y a intelligence, elle réagit, vous dit quoi faire ou ne pas faire. Krishnamurti à Saanen 1970, Entretien 7
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Si vous forcez le corps, ce n’est pas du yoga
Je ne veux me contrôler à aucun niveau, ni physiquement, ni émotionnellement, ni psychologiquement, ni intellectuellement. C’est une chose dangereuse que je dis, à moins que vous ne la compreniez très bien. Lorsqu’il y a contrôle, il y a division, et donc effort et déformation. Je dois donc découvrir comment vivre sans contrôle, sans la dualité du contrôleur et de la chose à contrôler.
M. Krishnamacharya et Desikachar disent que si vous faites du yoga, vous ne devez faire aucun effort, ne pas forcer le corps. Si vous forcez le corps, ce n’est pas du yoga, donc faire quelque chose sans effort. Se tenir droit sans plier les genoux, toucher le sol peut prendre une semaine ou plus, mais ne faites pas d’effort. Dès que vous faites un effort, vous forcez les muscles, qui deviennent donc tendus, déformés. Alors que vous dites : « Très bien, je vais faire cela très lentement, prendre le temps, y prêter attention ». Faites-le très doucement.
Si vous faites du yoga, vous ne devez faire aucun effort.
Je veux vivre une vie sans aucun contrôle. Que toute la vie soit sans contrôle, mais pourtant hautement disciplinée. Pour moi, toute forme de contrôle implique un effort. C’est ce qu’il faut comprendre avant de comprendre la méditation. L’effort : Je dois me lever, je suis paresseux, je dois forcer mon corps, je dois aller marcher, c’est bon pour moi, je dois le pousser, je ne dois pas être en colère — tous ses « je dois » et « il faudrait » impliquent le contrôle. Le contrôle implique la suppression, la conformité à un modèle, qu’il s’agisse du modèle social ou d’un modèle que vous avez développé vous-même.
La liberté implique la liberté, pas la liberté par rapport à quelque chose. Vivre une vie totalement libre signifie ne pas avoir de contrôle. Pouvez-vous vivre une vie quotidienne sans aucun contrôle, tout en étant ponctuel aux repas, en vous levant à la bonne heure pour faire de l’exercice, étudier ou quoi que ce soit d’autre, sans le moindre effort ? L’effort implique la dualité, la contradiction, le vouloir, le ne pas vouloir, et donc la déformation. L’esprit qui vit sans effort est donc un esprit qui n’a aucune déformation. À moins de comprendre très clairement ce que signifie faire un effort, ce qu’implique l’effort, la méditation devient un processus de contrôle et de direction. Ce n’est pas du tout de la méditation. Krishnamurti à Brockwood Park 1970, discussion avec les étudiants et le personnel
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Un esprit peut-il être tranquille par un système, par un acte de volonté ?
On ne peut percevoir totalement, complètement que lorsque l’esprit est totalement calme. Ainsi, les professionnels, les enseignants, les gourous disent qu’il faut s’asseoir dans une certaine posture, contrôler ses pensées, respirer correctement, etc. Il y a donc contradiction parce que vous êtes en conflit, parce que vous ne savez pas comment contrôler, comment respirer. Que propose la méditation selon ces personnes ? L’illumination ? Peut-on être illuminé si l’on n’a pas vécu correctement ? Peut-on être éveillé en faisant quelques exercices, en écoutant un gourou, en pratiquant un système, alors que l’esprit est mesquin, petit, insignifiant ? Un esprit peut-il être tranquille par un système, par un acte de volonté ? La volonté est une forme de résistance et la résistance est source de conflit. L’esprit peut-il donc être totalement libre de toute volonté et pourtant fonctionner efficacement dans ce monde ? Krishnamurti à Amsterdam 1971, Entretien 4
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Asseyez-vous tranquillement
Asseyez-vous tranquillement. Absolument tranquille, sans un seul mouvement. Vos mains, vos yeux, tout est complètement silencieux. Que se passe-t-il ?
En arrivant dans la pièce, vous avez observé le ciel, les fleurs, la beauté de la terre, les arbres, les oiseaux, les écureuils, vous avez observé tout ce qui vous entoure. Lorsque vous avez observé tout ce qui vous entoure, vous n’avez plus besoin de regarder dehors ; vous avez fini de regarder très attentivement tout ce qui vous entoure en entrant.
Ensuite, vous restez assis, absolument tranquille, sans faire le moindre mouvement. Vous recueillez alors la tranquillité sans aucune contrainte. Soyez tranquille. Puis, lorsque vous partez, emportez ce calme avec vous. Que vous soyez en train d’enseigner ou d’apprendre, ce calme continue tout le temps. Krishnamurti à Brockwood Park 1971, discussion avec les étudiants et le personnel
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Vidéo : Le yoga est devenu un business
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Le Yoga moderne
Le véritable yoga, appelé Raja Yoga, le roi des yogas, consiste à mener une vie hautement morale. Il ne s’agit pas de moralité en fonction des circonstances ou de la culture, mais d’une véritable activité éthique dans la vie : ne pas blesser, ne pas boire, ne pas se droguer, dormir et manger suffisamment, penser clairement et agir moralement, faire ce qui est juste. Ils n’ont jamais mentionné l’exercice, d’après ce que j’ai compris après avoir parlé avec un grand nombre d’érudits. Ils disent qu’il faut faire de l’exercice normalement, marcher, nager, tout cela, mais ils mettaient l’accent sur une vie très morale, un esprit actif.
Vous pouvez faire des exercices de yoga toute votre vie sans jamais éveiller une perception spirituelle.
Le yoga moderne — je ne sais pas pourquoi on l’appelle yoga, on devrait plutôt parler d’exercice, mais cela ne vous intéresserait pas ! Vous pouvez pratiquer le yoga, les exercices de différentes sortes. L’orateur en pratique certains depuis des années. Mais vous pouvez faire ce genre d’exercices de yoga toute votre vie, sans jamais éveiller une perception spirituelle, et l’éveil d’une énergie supérieure ne se produira pas. En Orient, ils ont un mot pour cela, kundalini. J’ai discuté très sérieusement avec eux et ce dont ils parlent, c’est d’une certaine forme d’énergie accrue pour faire plus de mal. En mangeant la bonne nourriture, en se contrôlant, en respirant correctement, etc. Cela vous donne un sentiment de supériorité, que vous êtes illuminée, etc. Mais lorsque le moi n’est pas, il y a une tout autre sorte d’énergie qui maintient l’esprit frais, jeune, vivant. Cela n’est possible que lorsqu’il n’y a absolument aucun sens du moi, parce que le moi, le « je », le centre, est en conflit constant, désirant, ne désirant pas, créant des dualités, des désirs opposés, cette lutte constante qui se déroule. Tant que cette lutte se poursuit, il y a un gaspillage d’énergie. Lorsque cette lutte n’a pas lieu, une énergie totalement différente se met en place. Krishnamurti à Brockwood Park 1979, Q&A 1
Texte original : https://kfoundation.org/krishnamurti-yoga/