(Revue Être. No 3. 3e année. 1975)
L’Absolu ne pourra jamais être révélé par aucune formule verbale.
Toutes les langues sont des formules verbales, tout langage est ‘relatif » à l’‘Absolu’, et il n’y a aucun ‘Absolu’ à être révélé, ses contreparties relatives — étant la négation mutuelle de Tel — sont ce que, et tout ce que, le concept de l’‘Absolu’ pourrait être.
Si nous faisons un concept de l’‘Absolu’, nous sommes de ce fait asservis à ce concept.
‘Libération’ est le résultat de la négation de la relativité, et la négation de la ‘relativité’ doit par conséquent nier l’Absolu comme étant quoi que ce soit d’autre que sa contrepartie relative.
La ‘négation’, comme un concept positif, doit être niée aussi, ce qui est le ‘double-négatif’‘ du grand Shen-Hui.
Seulement ‘la négation absolue de la relativité conceptuelle’ et ‘la négation absolue de l’Absolu conceptuel’ en nous libérant de tout le résidu de subjectivité relative, pourraient, elles seules, impliquer la ‘libération’ complète.
Ainsi donc, la libération du concept de la Relativité ne peut pas suffire, et la seule libération du concept de l’‘Absolu’ peut restaurer la conscience de sa propre Subjectivité immaculée.
Note : ‘La Subjectivité’ n’est-elle pas aussi un concept ? Bien sûr, elle en est un ! Mais tout verbiage est tel, donc tout au plus une indication. La Libération s’est constituée par le rejet absolu des deux concepts, celui de la ‘Relativité’ et celui de l’‘Absolu’ parce que, quoiqu’ils ne puissent pas être différents Absolument, relativement ils sont des contreparties, et il faut que tous deux soient rejetés pour que rien de conceptuel ne puisse rester. Seul un rejet total pourrait constituer la libération qui implique nécessairement l’absence absolue d’‘identité relative’ — ce qui donne le sens absolu du concept de la ‘libération’ elle-même.
L’illusion séquentielle
Il n’y a jamais eu aucun ‘passé’.
Il n’y aura jamais aucun ‘futur’.
Le ‘présent’ n’est que présence.
‘La durée’ est l’illusion suprême.
Celle-là est éprouvée comme ‘vivant’, parce que l’‘épreuve’ est subie comme une ‘séquence’, comme l’aspect séquentiel de la durée.
Incroyable ? Bien sûr ! Nous sommes ainsi conditionnés.
Mais il nous suffit seulement de comprendre qu’il n’y a rien d’autre que ‘présence’, laquelle ne requiert pas de dimension temporelle, mais connaît seulement le ‘fait d’Être‘.
La ‘dimension intemporelle’ n’est pas ‘externe’.
Elle n’est ni verticale ni horizontale : non-objective, elle pourrait être appelée ‘implosive’, mais seule ‘l’intemporalité’ la révèle.
Nous sommes tous ‘intemporels’— sans l’avoir même imaginé en rêve. Si ‘temps’ est servitude, ‘Intemporalité’ est libération.
Si ‘le temps’ est un concept objectivé ‘Intemporalité’ est révélée comme Sujet.
NB. : Ce qui est éprouvé comme ‘vivant’ est onirique, aussi vif que les autres rêves.
Les Sages le savaient mais ils ne l’ont pas directement enseigné. S’ils étaient intemporels, ne le serions-nous pas aussi ?