(Revue Le chant de la Licorne. No 21. 1988)
Dans la floraison actuelle des thérapies alternatives, naturelles, holistiques, la phytothérapie est certainement une des plus connues. Ici, maintes écoles présentent des approches différentes dont les justifications ne sont pas toujours bien établies. La valorisation des travaux de chercheurs de haut niveau devient d’une urgente nécessité pour permettre à ces techniques d’atteindre l’audience qu’elles méritent légitimement.
Dans le cadre de la phytothérapie, deux grandes voies s’offrent au praticien et à l’utilisateur pour bénéficier pleinement de ses possibilités, la voie traditionnelle et tout particulièrement alchimique, et la voie scientifique. La première demande un investissement personnel dont trop peu, malheureusement, sont capables à l’époque actuelle ; la seconde quant à elle offre bien peu d’applications pratiques dans la mesure où recherches et découvertes ont lieu dans le cadre d’équipes et d’instituts jaloux de leurs travaux.
Une nouvelle voie s’ouvre aujourd’hui par la synthèse entre la démarche scientifique et les conceptions traditionnelles de l’équilibre de l’univers.
QUELQUES REPÈRES HISTORIQUES
De tous temps, l’homme a naturellement cherché et trouvé des remèdes à ses souffrances dans le monde environnant et particulièrement dans les plantes. Les multiples parfums exhalés par les fleurs, offraient et offrent encore une occasion de percevoir ce que peut être l’harmonie spontanée de la vie…
Issues des plantes, les huiles essentielles sont employées à des fins diverses depuis plusieurs millénaires.
En Égypte, plus de quatre mille ans avant notre ère, leur usage atteint un développement important. Elles étaient utilisées à cette époque pour soigner les malades, mais aussi lors de pratiques magiques. Et l’embaumement, consistant en une imprégnation complète des tissus du défunt avec un mélange d’huiles aromatiques, mettait à profit leurs vertus, à de nombreux égards protectrices.
Les Hébreux, pour leur part, les employaient surtout lors des offices religieux. On peut lire à ce sujet dans la Bible le passage suivant : « Élohim dit à Moïse : trouves des parfums nobles, 500 sicles de Myrrhe pure, 250 sicles de Cannelle et autant de Calamus, 500 sicles de Casse et un setier d’huile d’olive ; tu en feras un saint chrême, un mélange odorant, comme le ferait un parfumeur… »
Mais ils en connaissaient également les vertus médicinales et ils leur arrivaient souvent de s’oindre le corps entier avec des mélanges tant pour se soigner que pour élever leur âme.
En Inde, les parfums étaient et sont encore en usage lors des cérémonies religieuses mais aussi pour harmoniser le corps et l’esprit. Le premier livre sacré du continent indien, le Rig-Véda, indique de nombreuses formules de bains et de massages dans lesquels entrent souvent des huiles essentielles de plantes.
Quant aux Grecs, ils faisaient une très large consommation de substances odorantes naturelles et plusieurs ouvrages furent écrits pour vanter leurs propriétés et indiquer les meilleurs régions de production. Théophraste va même jusqu’à donner les parfums convenant à chaque partie du corps de la femme pour magnifier sa beauté.
L’importante utilisation d’épices et d’extraits aromatiques que fit l’Occident dès le Moyen-Age est sans doute en grande partie due aux croisades qui permirent de rapporter l’art de la distillation. En effet, les disciples de Mohamed (et surtout les Soufis) excellaient dans les techniques alchimiques dont est certainement issue la distillation. C’est d’ailleurs chez les médecins alchimistes du Moyen-Age européen, véritables ferments de la recherche tous azimuts, que l’on trouve les meilleures études sur les huiles essentielles.
Sous Louis XIV, on emploie les huiles essentielles très couramment pour se parfumer, ce qui offrait un moyen pratique pour masquer les odeurs naturelles. C’est également à cette époque que se développe la fabrication d’eaux florales dont certaines sont encore commercialisées de nos jours.
A la fin du seizième et au début du dix-septième siècle, on se sert habituellement d’une centaine d’huiles essentielles avec des indications précises puisées dans l’héritage des anciens, enrichies des découvertes des médecins de tradition.
Basée sur les connaissances analogiques traditionnelles et l’intuition propre aux vrais chercheurs, l’aromathérapie des temps anciens était d’une extraordinaire efficacité ; de nombreux textes en font foi.
L’avènement de la civilisation industrielle entraîna un oubli des thérapeutiques naturelles au profit de techniques demandant moins d’efforts et considérées « plus efficaces » car basées sur des connaissances dites « scientifiques ». C’était l’époque où l’homme prétendait se libérer de la nature et lui faire « rendre raison ».
Mais, heureusement, toute erreur un jour prend fm et le début du vingtième siècle voit renaître les recherches sur l’utilisation thérapeutique des huiles essentielles.
En 1931 R.M. Gattefossé, véritable codificateur de l’aromathérapie, publie son ouvrage dans lequel il décrit ses expériences et ses résultats. Il fut le premier à donner des indications précises pour des pathologies diverses. C’est grâce à lui que l’on connaît les propriétés antitoxique, antiseptique, antivirale, tonifiante, stimulante ou calmante et toujours purifiante, des arômes naturels. Il prophétise à cette époque, que l’avenir ne peut manquer de réserver un rôle de premier plan à cette médecine naturelle.
De nombreux travaux ont été publiés à la suite de ce grand chercheur et nous ne pouvons passer sous silence l’œuvre de Jean Valnet, qui expérimenta la « puissance curative » des huiles essentielles à une période où la médecine chimique passait encore pour infaillible. Par la publication de son ouvrage « Aromathérapie » il est sans doute à l’origine de la nouvelle vague d’intérêt pour la phytothérapie dans le grand public.
LA MÉDECINE ESSENTIELLE
La caractéristique fondamentale des approches traditionnelles est, sans nul doute, la notion d’énergétique humaine. L’orientation des sciences matérialistes a modelé l’esprit de l’homme jusqu’à lui faire perdre la capacité de sentir cette énergie en lui et dans l’univers. Une vision impartiale permet de découvrir là l’origine fondamentale du mal-être actuel. La nouvelle émergence des approches traditionnelles répond au besoin constamment exprimé, sous de multiples formes, de retrouver l’unité qui est la santé.
L’unité n’a jamais été mieux décrite, mis à part le silence, qu’avec le : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, pour réaliser le miracle d’ une seule chose. » Et nous touchons là à la connaissance en spirale… Le long d’un chemin cohérent (c’est à dire un vrai chemin) tout est bon qui favorise l’épanouissement de l’être. Encore faut-il que ce « tout » soit vivant, relié. Rappelons ici la signification étymologique et à dessein choisie par son « fondateur », Hahnemann, du mot allopathie : médecine différente de… (et non contraire à… comme il est souvent compris).
L’allopathie est donc l’ensemble des pratiques médicales désunies, désunifiantes. Or, une des étymologies du terme médecine est médium, ce qui est entre les deux et qui réunit ! Ainsi donc, et pour revenir à notre propos, l’utilisation Intelligente des huiles essentielles, quelle qu’en soit la justification globale pour l’utilisateur, est une source de bénéfices au plan vibratoire, ne serait-ce qu’en mettant en contact l’énergétique personnelle avec une énergie « autre ». Peut avoir lieu, au pire, une remise en cause plus ou moins profonde des structures ayant éloigné de la vie.
En fait, un retour à la pleine conscience est nécessaire. Conscience qui est quintessence de l’homme. Mais nul ne peut l’exiger d’autrui ; alors, en attendant qu’une telle révolution veuille se répandre, des moyens habiles sont nécessaires pour garder ou retrouver l’équilibre indispensable. Et dans un monde pétri de « sciences exactes » nul ne peut plus ignorer totalement le culte de la rationalité et c’est même un devoir que de tout faire pour démontrer qu’elles sont une partie, une facette du corpus des « Arts Libres ».
RÉUNIR SCIENCE ET TRADITION
Face à l’univoque recherche des « preuves » matérielles, quantitatives, mathématiques, de la science moderne, le cheminant d’aujourd’hui se trouve désarmé. La voie traditionnelle se perpétue heureusement, mais tous n’ont pas la chance de la rencontrer et c’est au gré de la « Roue de fortune » que beaucoup voyagent dans le dédale du monde moderne. La plupart malheureusement s’y perdent et sombrent dans une dégénérescence personnelle qu’ils infligent à une société devenue inhumaine ; d’autres, moins nombreux, sombrent aussi, mais dans une réussite qui fait d’eux des pourvoyeurs de nouveaux phantasmes dictateurs.
En cohérence, un des paradigmes les plus prisés en médecine, plus ou moins consciemment, est certainement celui qui verrait s’unir dans un tout harmonieux les connaissances traditionnelles et les découvertes scientifiques modernes. Ici, beaucoup d’appelés et peu d’élus.
En aromathérapie, un chercheur, trop peu connu, propose un enseignement d’une grande rigueur débouchant sur une approche traditionnelle. Depuis près de quinze années Pierre Franchomme étudie et suscite des recherches en aromathérapie. Et les travaux dont il est l’auteur donnent à espérer voir un jour se réunir science et tradition.
Sur le plan scientifique tout d’abord, il enseigne une évidence, de celles que personne ne voit ! Les huiles essentielles ne sont pas des corps simples, mais bien des assemblages de molécules diverses ayant chacune leurs propriétés particulières. Ce premier pas pourrait paraître bien anodin ; il n’en est rien ; sa non-connaissance, ou son non-emploi, est à l’origine d’une extraordinaire confusion dans les esprits. Ouvrez tour à tour plusieurs ouvrages de phytothérapie, vous constaterez qu’en définitive les plantes ou leurs huiles essentielles sont susceptibles de traiter presque tous les maux. L’origine de cette aberration est à chercher dans la nomenclature de leurs emplois empiriques. En effet, il faut savoir, par exemple, qu’il existe plusieurs centaines d’espèces d’Eucalyptus, portant toutes le nom « Eucalyptus », mais dont les différentes huiles essentielles présentent des compositions extrêmement diverses et dont les propriétés sont plus ou moins éloignées les unes des autres, voire parfois opposées. Utiliser par exemple une huile essentielle d’Eucalyptus, pour traiter un état infectieux bronchique, ne sera cohérent que dans la mesure où cette espèce contient en majorité des alcools aux propriétés anti-infectieuses, soit l’Eucalyptus radiata ou globulus, entre autres. Dans le cas où serait utilisé l’Eucalyptus citriodora par exemple (dont la composition est très différente), aucune amélioration notable ou suffisamment rapide ne pourrait être attendue.
Un autre apport de Pierre Franchomme est la notion de « chémotypes » ou races chimiques. Concernant l’espèce « Thym vulgaire » il existe un certain nombre de races chimiques ; le Thym, quelque soit son biotope (milieu naturel), a les mêmes feuilles, les mêmes fleurs, les mêmes grains de pollen, mais il synthétise des composants différents ; tout ce passe donc comme s’il s’agissait de plantes différentes. Par exemple, le Thym à thymol est très anti-infectieux mais dermo-caustique et hépato-toxique en emploi au long cours, alors que le Thym vulgaire à thujanol est également anti-infectieux mais non agressif et stimulant des cellules hépatiques.
Cette non-connaissance ou cet oubli semi-volontaire des espèces et des chémotypes a d’ailleurs été à l’origine d’accidents sérieux ayant entraîné une limitation de la liberté de vente des huiles essentielles[1].
Ces travaux sur l’aromathérapie offrent, indirectement, un avantage de plus, la nécessité d’utiliser des huiles essentielles et non des essences qui, même déclarées « naturelles » ne sont que recompositions ou parfois même purs assemblages artificiels (à concurrence de 30 pour cent de leur composition). Ces dernières sont souvent agressives pour la peau, capable par ailleurs de supporter des doses très importantes d’huiles essentielles d’origine réellement naturelle. Nonobstant les assertions de quelques-uns selon lesquelles les produits de synthèse auraient les mêmes vertus que les substances naturelles chimiquement identiques, la nouvelle aromathérapie permet de faire à cette croyance le sort qu’elle mérite. En effet, l’utilisation d’une essence chimique ne donne jamais dans des cas similaires les mêmes résultats qu’une huile essentielle.
En ce qui concerne le mode d’action des huiles essentielles, les ouvrages actuellement disponibles font état le plus souvent d’hypothèses. Hormis une première approche sérieuse de Gattefossé, aucun concept unificateur n’avait été exprimé avant les travaux de Pierre Franchomme. Et, c’est à ce niveau de son travail que nous trouvons le lien avec la tradition. Les huiles essentielles agissent selon lui, et il l’affirme sur la base de travaux de laboratoire très élaborés, par leur charge négative ou positive. Ainsi, par l’étude des « puissances énergétiques » des huiles essentielles, a pu être élaboré un diagramme (appelé référentiel) sur lequel sont situées tant les perturbations physiologiques que l’énergétique des huiles essentielles. Ainsi par exemple, les états inflammatoires correspondent à une situation énergétique positive ; or, les découvertes sur l’énergétique des huiles essentielles reconnues anti-inflammatoires (par la tradition ou l’usage médical clinique) fait apparaître leur aspect négatif donc négativant…
Sur cette base, des travaux de recherche médicale pure pouvaient être entrepris. Ils le furent et se poursuivent encore aujourd’hui. L’application de ces nouveaux concepts, tant en clientèle par des médecins et praticiens de thérapies naturelles, qu’en milieu hospitalier, a permis d’apporter des solutions efficaces à des problèmes réputés difficiles comme les chlamidioses, la grippe, les papillo-maviroses, etc.
Aux médecins, à qui il dispense un enseignement depuis plusieurs années, Pierre Franchomme, donne les bases d’une pratique pragmatique et précise de l’aromathérapie. Les très nombreux dossiers cliniques élaborés par ses collaborateurs permettent de conclure à la véracité de son approche et à l’efficacité thérapeutique de sa méthode. L’aromathérapie rénovée donne, enfin, un outil d’une surprenante efficacité dans nombre de pathologies d’actualité.
Mais, au-delà des utilisations strictement médicales, c’est à une véritable intelligence de la vie végétale et de son utilisation au service du bien-être et de l’évolution personnelle que nous convie l’œuvre de Pierre Franchomme.
QUELQUES RÈGLES D’UTILISATION
Un des freins fondamentaux à la généralisation de la pratique des thérapies naturelles est certainement le trop grand nombre d’à-peu-près caractérisant leur application. Des travaux comme ceux de Pierre Franchomme constituent un exemple à suivre.
Pour une bonne utilisation des huiles essentielles de plantes et surtout éviter tout risque obligatoirement lié aux thérapies actives, un certain nombre de règles simples doivent être impérativement suivies :
1/ N’utiliser que des huiles essentielles naturelles et non des « essences », même dites « naturelles » dans la composition desquelles entrent une part plus ou moins importante de substances de synthèse ou d’hémi-synthèse.
2/ Éviter de prendre des huiles essentielles par voie buccale sans avis médical autorisé.
3/ Dans tous les cas, préférer de prime abord la voie cutanée ; en effet, les huiles essentielles sont presque totalement et très rapidement absorbées par la peau (elle sert de filtre préalable) et pénètrent ainsi dans le milieu intérieur. Chez les nourrissons, appliquer les huiles essentielles sur la plante des pieds, région la moins dangereuse, tout en restant néanmoins très prudent en ce qui concerne les dosages et le choix des huiles.
4/ Ne jamais donner d’huiles essentielles contenant des phénols (dermo-caustiques) et des cétones (neurotoxiques) à des enfants et a fortiori à des nourrissons.
5/ Ne jamais appliquer d’huiles essentielles sur les régions sensibles (muqueuses, conjonctive, conduit auditif) sauf lorsqu’elles sont intégrées à des préparations adéquates.
6/ Chez la femme enceinte, les huiles essentielles ne seront utilisées que sur avis médical.
7/ Utiliser des doses suffisantes en dessous desquelles les bénéfices sont incertains.
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1 A titre d’exemple citons l’essence de Sauge ; vendue sans autre appellation, elle a pu provoquer des crises d’épilepsie dont certaines sont mêmes allées jusqu’au coma. En effet, il existe deux espèces de Sauge, la Sauge sclarée et la Sauge officinale, la seconde étant particulièrement neurotoxique, surtout par voie buccale, alors que la première ne l’est pas. Une spécification de l’espèce aurait permis d’éviter de tels accidents. Un second exemple permettra de mieux comprendre encore l’intérêt de la connaissance et de la divulgation de la notion d’espèces et de chémotypes en aromathérapie. L’Hysope officinale qui peut contenir soit de la thujone très neurotoxique ou bien un oxyde équivalent à l’eucalyptol non neurotoxique mais possèdent pourtant une action anti-virale très marquée.