Dagpo Rimpoché
La réincarnation selon le bouddhisme tibétain

Tout d’abord il faut savoir qu’il y a deux sortes de réincarnations possibles, deux catégories principales : 1° La réincarnation des Aryas ; 2° La réincarnation des individus ordinaires. Qu’est-ce qu’un Arya ? C’est un être qui est complètement affranchi des lois du Karma. Il n’est plus obligé de reprendre naissance dans le Samsara ou cycle des Existences sous l’influence du karma et des passions sans liberté aucune. L’Arya lui, a acquis une certaine liberté par rapport au cycle des existences. Dans le deuxième cas, les individus n’ont pas cette liberté et doivent reprendre naissance sans liberté de choix possible. Ils doivent naître et mourir sans pouvoir agir sur leur propre sort qu’ils ont à subir.

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Le titre est de 3e Millénaire

(Revue Panharmonie. No 185. Janvier 1981)

Compte rendu de la rencontre du 5.11.1980

Les entretiens que Dagpo Rimpoché (*) veut bien nous consacrer, auront trait, dit-il, non à la science qui en Occident est très développée, mais à la culture et à la civilisation tibétaines si intéressantes et si importantes. Rimpoché ne pourra traiter ce sujet en entier. Très modestement il nous précise que ses connaissances sont similaires à une goutte d’eau par rapport à l’océan énorme que représentent cette civilisation et cette culture. Mais il se fera un plaisir de nous expliquer tout ce qu’il connaît.

Nos races et coutumes étant très différentes il est d’autant plus important de nous rencontrer, d’avoir des échanges culturels, de façon à ce que nous puissions mieux nous situer, et mieux appréhender la façon de penser des hommes. Car la culture et la civilisation sont généralement le reflet ou le témoin des différentes façons de penser d’une région donnée et il est très important et utile de les comprendre. Pourquoi ? Pour vivre, dans un but de paix, plus en harmonie les uns avec les autres.

Il faut bien se rendre compte que tous les êtres sans exception, humains, animaux, tous absolument, recherchent le bonheur et désirent éviter la souffrance. De vivre en harmonie et en paix nous aidera à atteindre ce but plus rapidement. Et c’est précisément dans ce but que Rimpoché va nous parler de la culture tibétaine.

Il y a certes beaucoup de choses à expliquer. Ce soir. Rimpoché va nous parler de la façon de reconnaître les Réincarnations. Le fait de reconnaître les Réincarnations est une des particularités du Tibet. Car, si beaucoup de peuples admettent l’idée de la réincarnation, les Tibétains seuls recherchent celles de tels ou tels personnages.

Tout d’abord il faut savoir qu’il y a deux sortes de réincarnations possibles, deux catégories principales :

1° La réincarnation des Aryas ;

2° La réincarnation des individus ordinaires.

Qu’est-ce qu’un Arya ? C’est un être qui est complètement affranchi des lois du Karma. Il n’est plus obligé de reprendre naissance dans le Samsara ou cycle des Existences sous l’influence du karma et des passions sans liberté aucune. L’Arya lui, a acquis une certaine liberté par rapport au cycle des existences.

Dans le deuxième cas, les individus n’ont pas cette liberté et doivent reprendre naissance sans liberté de choix possible. Ils doivent naître et mourir sans pouvoir agir sur leur propre sort qu’ils ont à subir.

En ce qui concerne la réincarnation en tant qu’Arya, il y a quatre divisions à établir. Il serait trop fastidieux de nous les expliquer en détail, Rimpoché va donc nous parler des deux principales : Il y a des Aryas qui sont Bouddha et les Aryas qui ne sont pas encore Bouddha. Pour les premiers il n’y a pas de division, mais pour les deuxièmes on en établit trois :

1° Les SRAVAKAS ou Auditeurs ;

2° Les PRATYEKA BOUDDHAS ou Bouddhas solitaires ;

3° Les BODHISATTVAS, parmi lesquels certains sont déjà Aryas.

On fait deux distinctions en ce qui concerne la réincarnation des non-Aryas :

1° Les individus ordinaires qui sont déjà engagés sur la Voie ;

2° Les individus ordinaires qui ne sont pas encore engagés sur la Voie.

Pour les premiers il y a encore trois divisions :

1° Les SRAVAKAS ou Auditeurs ;

2° Les PRATYEKA BOUDDHAS ou Bouddhas Solitaires ;

3° Les BODHISATTVAS.

Voici quelques précisions sur la manière dont tous ces êtres se réincarnent :

Les Aryas n’étant plus sous l’influence du karma et sous l’emprise des passions, ils sont entièrement libres de reprendre naissance ou non. Néanmoins s’ils voient une nécessité ou une utilité quelconque pour aider les autres, ils peuvent alors librement décider de prendre les naissances qui leur semblent nécessaires selon le but qu’ils se proposent. Ils peuvent choisir le pays, la situation sociale, quels parents seront les leurs. Par contre, les individus ordinaires n’ont jamais cette liberté, mais ils peuvent plus ou moins orienter favorablement leur prochaine naissance par les actes qu’ils accomplissent dans cette vie.

La coutume au Tibet de rechercher la réincarnation de certains personnages est apparue au XIIe siècle. Il est arrivé qu’un grand Maître soit décédé et que ses disciples aient voulu retrouver sa réincarnation. Dès ce moment l’habitude est née de faire ces mêmes recherches pour d’autres Maîtres.

Question : Est-ce qu’on recherche systématiquement la réincarnation de tous les grands Maîtres ?

Réponse : Non pas obligatoirement et systématiquement. En général lorsque les ouvrages occidentaux abordent ce sujet, bien des choses décrites ne sont pas toujours exactes. La recherche de la réincarnation de certains Maîtres et non de tous, vient principalement du désir du Maître lui-même. Certains disent à leurs disciples au moment où ils vont quitter ce monde qu’ils ne reviendront plus, qu’ils ne reprendront plus naissance et qu’il est donc inutile de rechercher leur réincarnation. Mais si, avant de quitter son corps, un Maître ne notifie pas expressément de ne pas le rechercher, les recherches s’organisent sous la direction de ses disciples, du Monastère, auquel il appartient ou de ses proches. On ne recherche pas seulement les réincarnations de certains grands Maîtres, mais aussi, en général, celle de toute personne ayant fait preuve de hautes qualités, qui ont atteint de hautes connaissances et réalisations spirituelles. Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’un Moine, cela se fait aussi pour un laïque.

Que signifie le nom « Lama » ? Les significations données par les Occidentaux sont souvent erronées. En Inde, dès qu’un Indien voit un Tibétain, il l’appelle « Lama ». Or, il n’en est rien. Le premier sens du terme « Lama » est le même que celui de « Guru ». Mais par la suite, au Tibet même, Lama a pris un sens légèrement plus large que « Guru », c’est-à-dire que tous ceux que l’on va appeler Lama chez les Tibétains ne sont pas forcément des Gurus. En général, quand quelqu’un atteint de très hautes connaissances et de hautes réalisations spirituelles et si d’autres personnes viennent étudier auprès de lui, il pourra aussi être appelé « Lama ». Et, au Tibet, lorsque de très jeunes enfants sont reconnus comme étant la réincarnation d’un grand Maître, ils sont appelés « Lama ». A ce moment là on ne peut encore savoir exactement s’ils présentent bien et possèdent toutes les qualités et caractéristiques d’un Guru.

Certains Lamas sont Moines ; certains sont Laïcs.

Rimpoché va nous expliquer maintenant la façon dont on peut reconnaître la REINCARNATION, mais auparavant il demande s’il y a des questions à poser sur ces différents sujets.

Question : Pouvez-vous détailler un peu plus ces trois voies ?

Réponse : Conformément à la manière de voir bouddhiste, les SRAVAKAS ou Auditeurs et les PRATYEKAS ou Bouddhas solitaires recherchent la libération des souffrances du Cycle des Existences (Samsara), mais uniquement pour leur propre compte. Les Individus qui sont des BODHISATTVAS commencent par la même démarche. Ils veulent aussi se libérer du Cycle des Existences, mais ils poussent leur réflexion beaucoup plus loin. Ils pensent que les autres êtres sont exactement dans la même situation et s’ils veulent obtenir la libération c’est aussi pour pouvoir aider efficacement les autres êtres à l’atteindre à leur tour.

Rimpoché demande si les questions qu’il expose sont claires pour nous. Sinon, il sera très content d’éclaircir les points qui sont sujets de doute et d’y répondre. Ce qu’il désire c’est de nous exposer la civilisation tibétaine. Quelqu’un dit : « C’est clair ! » et Rimpoché, en français, répond : « Très bien ! ».

Il y a plusieurs possibilités d’effectuer ces recherches. Parfois un grand Maître, avant de disparaître, laisse des indications très précises. Il indique que dans sa vie prochaine, il reviendra dans telle région, qu’il aura tels ou tels parents, ce qui, bien entendu, ne veut pas dire qu’il donnera leurs noms. Il est alors facile à retrouver. Il va décrire la maison les environs.

Il y a d’autres indications possibles, par exemple avant de quitter cette vie, les grands Maîtres rencontrent leurs futurs parents et leur disent qu’ils vont les revoir prochainement. Ils peuvent leur offrir KATHAS ou cadeaux et leur demander de leur accorder le gîte et le logement. Évidemment les « futurs parents » ne comprennent pas tout de suite, ils pensent qu’ils les reverront dans deux ou trois jours. Mais dès qu’ils apprennent que le Maître qui les a visités est mort, ils se souviennent de ses paroles et les recherches pourront être menées à bien.

D’autres Maîtres ne laissent pas d’indications précises, il est alors beaucoup plus difficile de les retrouver. On peut lire de nombreux exemples dans les biographies des grands Maîtres. Ainsi, S.S. le XIIe Dalaï Lama s’était rendu dans la province de l’Amdo (Tibet de l’Est). Il y avait rencontré ses futurs parents et il leur avait offert des cadeaux, un rosaire et une paire de chaussures. Dans les cas les plus difficiles, les anciens disciples du Maître ou les gens de son entourage vont enquêter dans les contrées avoisinantes et examiner tous les enfants nés à partir d’une certaine date. Ils demandent discrètement s’il y a eu des signes et manifestations particulières lorsque l’enfant est né. Il peut en effet y avoir des signes qui permettent de voir qu’un être particulier est né. Par exemple si un enfant est né en hiver — il est évident qu’en hiver il n’y a pas de plantes qui sont en fleurs — lorsqu’il y a une naissance particulière des fleurs peuvent éclore même en hiver.

Quelques signes peuvent permettre de reconnaître une incarnation exceptionnelle, par exemple un arc-en-ciel s’étendant du Monastère, lieu de la résidence habituelle du Maître, jusqu’à la maison où est né l’enfant présumé être sa réincarnation. Il peut y avoir d’autres signes encore : les Maîtres ont à leur disposition, des chevaux dans les écuries du Monastère ou de leur résidence. Certaines fois, lorsqu’un Maître reprend naissance, les chevaux s’échappent pour se rendre là où le Maître vient de renaître. De même les rêves des parents de ces enfants sont parfois très significatifs et peuvent annoncer la naissance d’une réincarnation. Tous ces renseignements vont être soigneusement récoltés.

On trouve parfois deux ou trois enfants qui semblent pouvoir répondre aux critères exigés. A ce moment là on les réunit. Lorsque les enfants sont plus grands et en âge de parler, il arrive qu’ils disent ne pas vouloir rester avec leurs parents et que leur vraie maison est ailleurs. Certains décident de leur vraie demeure, d’autres décrivent les vêtements qu’ils portaient. On va donc rassembler ces quelques enfants qui, pour diverses raisons, ont été sélectionnés. Les enquêteurs les mettent en présence d’objets ayant appartenu au Maître décédé, en présentant aussi d’autres objets identiques, mais qui cette fois ne lui ont pas appartenu. Les objets placés devant les enfants, on demande à ceux-ci de reconnaître ceux qui étaient les leurs. Et si l’un des enfants parvient à reconnaître parmi tous les objets, les vrais, ceux qu’il possédait, il sera désigné comme étant la réincarnation. Mais cette épreuve ne sera pas faite une seule fois, on la répétera plusieurs fois. Il faut qu’après de très nombreuses fois l’enfant ne se soit jamais trompé, afin d’établir de façon irréfutable qu’il est bien, sans erreur possible, la réincarnation recherchée.

Une autre manière de retrouver le Maître est de s’adresser à d’autres Maîtres ayant atteint de hautes réalisations spirituelles. Ils peuvent être capables d’indiquer où le Maître défunt a repris naissance.

Lorsqu’en tibétain on parle de TULKUS, il s’agit d’enfants reconnus comme étant la réincarnation de personnes dont Rimpoché vient de parler. Ces personnes ne sont pas uniquement des Lamas, elles sont Lamas et Tulkus, c’est-à-dire des réincarnations reconnues.

Si on a procédé aux recherches avec toutes les précautions dont a parlé Rimpoché, il ne peut y avoir d’erreur. Mais même dans ce cas il ne faut pas croire que la nouvelle incarnation fasse exactement et fidèlement la même chose que son prédécesseur. Certains Tulkus feront mieux, certains feront moins bien. Cependant il peut se faire que l’on se trompe dans sa recherche. Comment les erreurs peuvent-elles se produire ? Elles peuvent se produire si les examens requis ne sont pas faits soigneusement, si les questions posées ne sont pas assez précises et si on s’adresse à des gens peu dignes de foi. Que se passe-t-il dans ce cas ?

Il y a eu un grand Maître qui a eu un disciple très développé, ayant beaucoup de connaissances. Il peut arriver que le disciple fasse le vœu de revenir et de remplacer son Maître. Et alors il se peut qu’en cherchant la réincarnation du Maître, on trouve celle du disciple. Le Maître et le disciple savent, eux ce qu’il en est, mais les autres ne peuvent pas vraiment savoir si c’est le Maître ou le disciple qui a été retrouvé. Mais en général, ceux qui sont revenus de cette façon bien spéciale, l’ont fait après avoir pris une décision très forte pour un but particulier et le résultat alors est toujours favorable.

Une autre confusion sur la personne est encore possible. Il s’agit de deux Maîtres très proches, très amis et qui, pour s’amuser en quelque sorte, disent que dans l’autre vie ils vont échanger leurs places et revenir l’un à la place de l’autre. Ceci est également arrivé. Mais, de toute manière, ce n’est pas très important, car le travail et l’œuvre qu’ils vont accomplir sont toujours profitables. Ils ne feront pas n’importe quoi pour autant.

Un autre cas… moins favorable peut se produire lors de la réincarnation d’un individu ordinaire, mais jamais pour un Arya. Si un Maître vit avec un individu ordinaire, un parent ou en tout cas quelqu’un qui lui est très proche, s’ils travaillent et accomplissent quelque chose ensemble, il y a un « karma commun ». Et la personne de son proche entourage aura accumulé le karma qui lui permet de profiter des possessions et des biens du Maître qui ne peut reprendre sa vie comme il le veut et ce sera l’autre qu’on va retrouver comme réincarnation. Dans ce cas, le résultat est incertain, il peut être plus ou moins bon.

Il existe un cas encore moins favorable : certaines personnes sont dotées d’un très mauvais esprit. Elles formulent des souhaits très forts afin de reprendre naissance dans le but de nuire aux autres êtres autant qu’il sera possible. Elles accumulent suffisamment de force pour pouvoir naître à la place d’une autre personne et on les prendra pour quelqu’un d’autre. Il est certain qu’une telle personne, avec un tel pouvoir qui a pu obtenir une situation et le rang de Lama, va avoir une influence très vaste et pourra par ses pensées néfastes être très nuisible et faire du mal. Heureusement c’est un cas assez rare.

Par contre, en ce qui concerne les quatorze réincarnations successives du Dalaï Lama (**), il est sûr que les unes n’ont pas fait d’actes aussi brillants que d’autres. Mais quelle que fut l’œuvre accomplie par eux, ils n’ont jamais été des êtres ordinaires. Ils ont tous fait des actes extraordinaires qui prouvent qu’il n’y a jamais eu d’erreur dans leur choix.

Il en est de même non seulement pour le Dalaï Lama, mais aussi pour de très nombreux autres Lamas, il est sûr et certain que, pour eux, il n’y avait pas la plus petite erreur.

C’est là, dit Rimpoché, une très brève explication de la façon dont on peut reconnaître les réincarnations. Avez-vous des questions à poser ?

Question : Cette difficulté dans la recherche, a-t-elle un sens ou est-ce sans intérêt ?

Réponse : La plus ou moins grande difficulté dans la recherche peut avoir une signification. Si de bonnes relations existent entre Maître et disciples, la recherche se fait plus facilement. Tandis que quand elles sont moins bonnes, moins étroites, c’est plus difficile. Le Maître ne se réincarnera que s’il estime, s’il voit qu’il y a une certaine utilité à cela. S’il ne peut pas accomplir sa tâche, il ne reviendra pas. On le cherchera encore et encore, mais les recherches seront infructueuses.

En général, pour faire quoi que ce soit, par exemple pour réaliser un certain travail, il y a des moments opportuns, des périodes plus ou moins favorables. De même pour qu’un Maître se décide à revenir, il faut qu’il voit premièrement si les conditions sont favorables et propices aux buts qu’il se propose, deuxièmement, si les êtres qui sont dans son entourage ont les dispositions requises pour le comprendre. Par exemple il y a eu le Bouddha et plusieurs siècles après sa disparition est apparu NAGARJUNA. C’était un très grand Pandit indien qui avait des qualités exceptionnelles et très particulières. Dans le Mahayana il est considéré comme le second Bouddha.

Au cours de sa vie indienne, Nagarjuna a pu accomplir une œuvre absolument remarquable. Par la suite il s’est incarné au Tibet vers le XIIe siècle. Il devint alors grand Lama tibétain. Mais bien que ce Lama ait été la réincarnation de Nagarjuna, il n’a pu faire même la moitié de l’œuvre accomplie lors de son incarnation de Pandit indien. Pourquoi, puisqu’il s’agissait de la même personne ? Parce que le moment où il pouvait accomplir efficacement son travail était passé. Les conditions favorables n’étaient pas réunies.

Question : Quel avantage y a-t-il à rechercher et à reconnaître les réincarnations d’un Lama ?

Réponse : En général un grand Maître est très renommé. Si sa réputation est excellente il a la confiance de ses disciples qui vont s’en remettre à lui. Et si, par la suite, on recherche la réincarnation de ce Maître, il y a comme un acquis et de ce fait il pourra travailler plus rapidement et plus efficacement.

Dagpo Rimpoché ajoute en français : « Je pense ».

Question : Les incarnations des êtres ordinaires, comment se font-elles dans telle ou telle famille ?

Réponse : En ce qui concerne la réincarnation des êtres ordinaires, on va procéder de la même façon. Des signes particuliers vont également les faire connaître. En ce qui concerne leur famille nouvelle, on peut également s’adresser à un Lama qui soit capable de préciser où il a pris naissance.

Question : Mais pour des êtres aussi ordinaires que nous ?

Réponse : C’est un vaste sujet. On ne peut l’expliquer maintenant. Rimpoché le fera la prochaine fois. Il expliquera la façon de reprendre naissance, quelle est la cause de la naissance.

Question : En ce qui concerne la réincarnation d’un Lama, si celui-ci avant de quitter la terre, décrit la maison, l’endroit où il va renaître, mais sans nommer ses futurs parents, pourquoi, s’il les connaît, ne pas le dire aussi tout simplement ?

Réponse : Rimpoché n’en connaît pas la raison exacte. Il est de coutume de ne pas dire les choses clairement. Si le Maître donnait des indications très précises cela faciliterait le travail, mais la tradition n’est pas ainsi. Néanmoins cela peut arriver si un Maître a un disciple qu’il apprécie tout particulièrement et qu’il désire choisir pour père dans la vie future (ou comme parent). Il le lui fera alors savoir — sous le sceau du secret — et il naîtra dans sa maison le moment venu. Il pourra alors préciser qu’à telle ou telle époque de sa vie future il faudra lui faire étudier telle ou telle chose, etc…

Question : Sait-on comment cela se passe sous forme de rêve ?

Réponse : Plusieurs cas sont possibles. Cela peut apparaître clairement dans les rêves. Il existe aussi un lac au, Tibet où on peut nettement voir la chose. Par exemple lors de la recherche du XIVe Dalaï Lama, le lieu de sa naissance a été vu par certains Lamas dans le lac. Les personnes qui recherchaient son incarnation s’étaient rendues sur les bords du lac. Elles ont fait de très nombreuses prières et procédé à certains rites spéciaux. Puis est apparue dans le lac la première lettre du pays dans lequel S.S. avait repris naissance. Le lac était rempli de ces lettres. Ils y ont également vu le toit de la maison. Ils n’ont pas compris immédiatement, car il n’y avait que l’initiale du pays qui apparaissait dans le lac. Mais quand ils ont commencé les recherches et qu’ils ont trouvé un pays dont le nom commençait par l’initiale en question et qu’ils ont vu le toit de la maison, ils ont parfaitement compris.

Il y a encore une autre méthode possible. Il faut tout d’abord procéder à des rites très particuliers, puis ensuite on peut voir des images dans un miroir. Certaines personnes, avant de regarder le miroir, procèdent à ces rites par des prières et des méditations. Certaines personnes ont la capacité de voir dans le miroir, alors que d’autres ne voient strictement rien. Il faut donc dès lors se mettre en quête de personnes capables de voir ces images. Il y a de très nombreux exemples cités à ce sujet.

Question : Le rite exécuté sur les bords du lac est-il un rite régulier ou n’ayant; pour seul but que la recherche du XIVe Dalaï Lama ?

Réponse : En général ce rite peut se faire n’importe quand. Il n’a pas de but particulier. Mais pour l’événement qui nous préoccupe, il était fait dans un but très précis, rechercher la réincarnation du XIVe Dalaï Lama. C’est aussi très clairement exposé dans beaucoup de textes tibétains qui, malheureusement, ne sont pas traduits.

Question : Avec l’entrée de la Chine au Tibet, beaucoup de choses ne vont-elles pas changer ? Les recherches continuent-elles en Europe ?

Réponse : Il est certain qu’on ne pourra plus procéder à tout cela au Tibet même, car il n’y a plus de liberté pour agir ainsi. Mais ces recherches peuvent continuer dans n’importe quel pays : en Occident, en Inde. En Inde également on recherche actuellement la réincarnation de certains Maîtres.

Question : Quand la recherche des réincarnations a été introduite, cela a dû modifier la tradition. Comment était-ce avant, qu’est-ce que c’est devenu, en quoi a-t-elle évoluée ?

Réponse : La différence entre le fait de rechercher ou de ne pas rechercher les réincarnations peut être la suivante : La recherche est bénéfique, car les enfants reconnus, ont comme une certaine responsabilité vis-à-vis des autres. Ils vont peut-être consacrer plus d’efforts, plus d’énergie à leur travail, à leurs études. Les gens chargés de leur éducation vont y mettre davantage de soins et se montrer encore plus attentifs. La formation va être plus rapide, plus efficace. C’est de ce point de vue que cela peut être considéré comme plus bénéfique.

C’est sans doute parce qu’on les avait reconnus comme des incarnations dans leur jeune âge que certains ont poussé leurs études très loin et sont ainsi devenus des érudits remarquables. C’est peut-être aussi pour cela qu’ils ont atteint des réalisations spirituelles très élevées. De plus ayant été reconnus comme réincarnations, ils ont considéré qu’il était de leur responsabilité d’enseigner les autres. Ils avaient plus de force, plus de poids vis-à-vis des autres, car ils étaient respectés a priori, étant des « réincarnations recherchées ».

Rimpoché vient de nous donner sa façon de penser. En général dans les textes on ne trouve rien à ce sujet (***).

(*) Rimpoché veut dire « Très précieux », car il prononce les mêmes paroles que le Bouddha Sakyamuni.

(**) Dalai Lama : La plus haute incarnation du Tibet, chef spirituel et temporel, donc le chef de toutes les Écoles bouddhistes tibétaines et Roi du Tibet (en exil en Inde depuis 1959).

(***) Rimpoché s’exprime en tibétain quoiqu’il possède parfaitement la langue française. Nous remercions Mlle Marie-Stella Boussemart pour sa traduction claire et précise et remercions également Nadia Proisy qui a pris toute la séance en sténographie et qui nous en a donné une fidèle transcription.

***

Le vénérable Dagpo Rimpoché, Losang Djampèl Djampa Gyamthso est né au Tibet en 1932. Reconnu, dès l’âge de cinq ans, par Sa Sainteté le XIIIe Dalaï Lama comme la réincarnation du grand Maître Djampèl Lhundroup (son prédécesseur), il reçoit la plus pure éducation monastique dans son monastère de Bamtcheu.

Il étudie ensuite la philosophie bouddhiste successivement à Dagpo Tratsang et à Drépoung Gomang sous la direction de Maîtres prestigieux dont Sa Sainteté le XIV° Dalaï Lama et les deux Tuteurs.

En 1960, en Inde, sollicité par des tibétologues français, Rimpoché accepte de se rendre à Paris pour collaborer à des recherches à l’École Pratique de Hautes Etudes.

Il enseigne ensuite à l’Inalco pendant près de trente ans. En 1978 sous l’insistance de ses Maîtres et les requêtes de ses étudiants, il accepte de donner des enseignements et fonde son Centre Guepel, dans la région parisienne.

A la requête de bordelais, il se rend pour la première fois à Bordeaux en 1983 pour y dispenser des enseignements. Il fondera ensuite et placera sous son autorité spirituelle l’institut bouddhiste tibétain Kadam Tcheu Ling de Bordeaux.

Le vénérable Dagpo Rimpoché ne cesse depuis de transmettre les trésors de sa tradition spirituelle dont il est le détenteur, dans l’espoir que les autres êtres puissent en recueillir les bienfaits. Il donne des conférences et des enseignements dans le monde entier.

Ses centres bouddhistes sont situés en Europe, au Tibet, en Malaisie, en Inde.

Il réside à l’Institut Ganden Ling première congrégation bouddhiste d’obédience guélougpa à Veneux les Sablons (près de Fontainebleau)

Site : http://gandenling.free.fr et www.gandenling.org

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