Lettre science culture n° 32. Février 1988
Contribution à une approche théorique et opérationnelle du réel complexe
Aujourd’hui se dessine de façon grandissante la problématique de la « réalité » et de ses formes de représentation, et avec elle la recherche d’une méthode de pensée et d’approche de la complexité. Dans cet ordre d’idée la Sémantique Générale, une discipline encore assez peu connue en France, mérite une attention particulière.
La Sémantique Générale (abréviation : SG), créée en 1933 aux États-Unis par Alfred Korzybski, traite de la façon dont les êtres humains trouvent des sens, ou significations, dans le monde. A ce titre, elle considère les pensées et représentations verbales et non-verbales, les perceptions, les sentiments, les connaissances, etc., comme des réactions neuro-linguistiques et neuro-sémantiques globales et indissociables.
La Sémantique Générale, qui constitue une théorie générale de l’évaluation, a également une vocation d’ordre pratique : fournir à l’individu des moyens de produire des réactions neuro-sémantiques plus adaptées à la réalité.
Citons ici Gaston Bachelard : « Nous devons comprendre que la possession d’une forme de connaissance est automatiquement une réforme de l’esprit. Il faut donc diriger nos recherches du côté d’une nouvelle pédagogie. Dans cette voie qui nous tente personnellement depuis plusieurs années, nous allons prendre pour guide les travaux si importants et si peu connus en France de l’école non-aristotélicienne fondée en Amérique par Korzybski. Les conditions psychologiques et même physiologiques d’une logique non-aristotélicienne ont été résolument envisagées dans le grand travail du Comte Alfred Korzybski Science and Sanity, an introduction to Non-Aristotelian Systems and General Semantics (New York, 1933). Cette œuvre de près de 800 pages… envisage la réforme, dans le sens non-aristotélicien, de multiples sciences. Elle propose cette réforme comme un plan de santé, comme une éducation de la vigueur, comme l’intégration de la pensée active dans le progrès de la vie » [1].
• Vers une logique non aristotélicienne
La Sémantique Générale a été qualifiée par Korzybski de système non-aristotélicien au sens où elle inclut et dépasse la logique aristotélicienne fondée sur les principes d’identité, de contradiction et du tiers-exclu. Cette logique aristotélicienne, véhiculée par nos langages, découpe, simplifie et fige le « Réel ». La Sémantique Générale propose au contraire d’assumer les (fausses) contradictions, de raisonner en termes de degrés, et de considérer le « Réel » de façon non-élémentaliste, c’est-à-dire comme un continuum dont nous faisons partie et à partir duquel nous isolons artificiellement certaines « caractéristiques » afin de penser et d’agir.
• « Réalité» et niveaux d’abstraction
Pour développer le multi-concept de « réalité », il nous faut au préalable, sur la base de la physique, de la biologie, des neuro-sciences, etc., considérer l’individu en tant qu’organisme-psycho-biologique-comme-un-tout-dans-son-environnement. L’individu, par l’intermédiaire de ses sens, va prendre connaissance de son environnement et construire [2] sa représentation du « Réel », c’est-à-dire sa « réalité ». Cette « réalité » personnelle est construite dynamiquement par son système nerveux. Elle résulte conjointement d’une expérience perceptuelle directe, et d’une expérience indirecte : la vision du monde que va lui inculquer son environnement socio-culturel, notamment par le langage. Chaque individu doit avoir conscience non seulement que sa « réalité » n’est pas la « réalité extérieure », physis dont il fait partie, mais que cette « réalité extérieure » telle qu’il l’évoque est elle-même une construction de son cerveau, et que croire pouvoir sortir de cette « réalité-construction-de-mon-cerveau », ou « neuro-réalité », est une illusion et une erreur. C’est dans le cadre de cette neuro-réalité comme système ouvert que la connaissance individuelle évolue.
Dans un but pratique d’évaluations plus adéquates, la SG suggère de considérer « la » « réalité » sous l’angle de niveaux d’abstraction . Elle distingue trois principaux niveaux concernant le « Réel » et sa façon de l’appréhender :
– le monde des événements ou « Réel approché », que les sciences dures expriment en termes de champ quantique, onde-corpuscule, matière-espace-temps, interactions organisatrices, etc. ;
– le monde empirique, à savoir la réalité telle qu’elle apparaît à un individu particulier par l’intermédiaire de ses sens ; cette réalité constitue une abstraction par rapport à la « richesse » et la « complexité » du monde des événements (qui ne possède en soi aucun de ces qualificatifs) ;
– le domaine symbolique (langages verbal, mathématique, etc.) qui phylogénétiquement et historiquement est apparu plus tard, et qui rend compte en partie du monde empirique et même permet d’inférer à propos du monde des événements. Le degré d’abstraction du domaine symbolique s’élève bien au-dessus du monde empirique, et a fortiori du monde des événements.
En ce qui concerne les représentations humaines tant non-symboliques que symboliques, elles se déploient elles-mêmes à différents niveaux d’abstraction. Ainsi, la perception d’un objet peut être plus ou moins riche selon ce qu’un individu voit, sent, entend… ; le langage, de son côté, permet de considérer des classes d’objets de plus en plus abstraites ; sa capacité d’abstraction permet même de projeter sur le « monde des événements » certaines « caractéristiques » parmi les plus abstraites (« temps », « onde », « champ quantique »…). Ainsi apparaît la circularité de la connaissance humaine…
monde des événements → monde empirique → représentations symboliques
↑ ← ← ← ← ← ← ← ← ← ← ← ← ← ← ← ← ↓
de laquelle « il ressort qu’une incertitude demeurera quoi qu’il arrive sur la nature même de la réalité, qui perd tout fondement ontologique premier » [3]. Cependant la Sémantique Générale, loin de tomber dans le solipsisme, propose au contraire des moyens pour produire des représentations/abstractions plus adéquates.
• Les prémisses de la Sémantique Générale
La Sémantique Générale énonce trois postulats empiriques, présentés sous forme d’une analogie :
1- Une carte n’est pas le territoire qu’elle représente.
2- Une carte ne représente pas tout le territoire.
3- Une carte peut (et doit) être auto-réflexive, c’est-à-dire qu’une carte peut (et doit) porter en elle-même au moins une représentation d’elle-même, une carte de la carte.
Ces prémisses ont en fait une portée insoupçonnée. Cette image de la carte et du territoire peut s’appliquer notamment, et schématiquement présenté :
– au mot et à la chose (le mot n’est pas la chose qu’il désigne ; le mot ne représente pas tout ce qu’il désigne ; avec le langage on peut et doit parler à propos du langage ; etc.) ;
– à l’observateur-concepteur par rapport à la « réalité extérieure » (ce que je perçois-reçois n’est pas la « réalité extérieure » dont je postule l’existence, mais le produit de mon « système nerveux » ; ma réalité, ou neuro-réalité idiosyncrasique, ne constitue qu’une représentation partielle de la « réalité extérieure » ; je dois m’observer et me concevoir en tant qu’observateur-concepteur ; etc.) ;
– aux « sciences » par rapport au « Réel » (les « sciences » ne sont pas l’identique du « Réel » ; les « sciences » ne traduisent qu’un aspect très partiel du « Réel » ; les sciences elles-mêmes doivent constituer un objet d’investigation scientifique ; etc.).
L’assimilation de ces prémisses à différents niveaux d’abstraction et de vécu évite d’identifier /confondre la carte et/avec le territoire, et permet de rappeler l’existence de la carte en tant que telle. Elle induit également une conscience d’abstraire générale, c’est-à-dire la conscience que dans toute pensée ou représentation nous faisons abstraction de caractéristiques existant au niveau du territoire et dont certaines pourraient s’avérer avoir de l’importance pour nous. Cette intégration des prémisses permet ainsi d’éviter bien des erreurs d’évaluation dans les réflexions abstraites comme dans la vie courante, telles que : réagir à un symbole comme si c’était la chose elle-même, prendre la partie pour le tout, ignorer le coefficient personnel présent dans toute observation, etc. Pour assimiler ces prémisses en profondeur, il s’agit concrètement d’effectuer une prise de conscience dans l’ici-maintenant.
• La Sémantique Générale et le langage verbal
La structure et l’utilisation actuelles de nos langages courants limitent notre façon de penser et notre vision du monde : les mots tendent à enfermer, à figer le « réel » dans des catégories ; le verbe être pousse à identifier (=) un élément d’un ensemble à cet ensemble, ou un sous-ensemble à l’ensemble tout entier ; la capacité d’évocation par le langage permet même de créer des cartes verbales dont la majeure partie – voire la totalité – des « caractéristiques » ne correspondent à aucune réalité (ex. : mythologies, spéculations philosophiques…). « Le langage est également une propriété redoutable du fait qu’il ne peut être en relation biunivoque avec l’objet et surtout le concept. Or, nous avons tendance à nous comporter comme si cette relation biunivoque existait réellement (…) Korzybski a eu raison de rappeler que le mot chien ne mord pas et que la carte n’est pas le territoire (…) Le langage commun a tendance à nous focaliser d’abord sur l’objet que l’on prend pour la réalité, puis sur le mot qui se chosifie ». [4]
Pour une utilisation du langage plus factuelle et plus adéquate, la Sémantique Générale préconise notamment :
– d’indexer dans l’’ espace’ et dans le ‘temps’, en fonction du contexte, d’utiliser les apostrophes (‘ ’) pour ne pas oublier que l’on isole artificiellement une partie du tout ; d’utiliser les guillemets («») pour souligner ce que l’expression entre guillemets a de relatif, d’incertain, de flou, etc. ; l’usage du mot etc., pour indiquer que l’on ne peut pas tout dire sur un sujet ; l’usage du trait d’union, qui fait apparaître des ‘liaisons’ entre ‘éléments’ tout en gardant les distinctions entre ceux-ci et qui peut rendre compte de totalités organisées (ex. : l’être vivant comme être auto-éco-ré-organisateur, etc.) ; de remplacer des expressions absolutistes et exclusives par des expressions plus nuancées, relatives et non exclusives (à un certain degré, souvent, et/ou, semble, comparativement à…) ; d’ajouter des expressions incluant l’observateur (à mon avis, de ce que je sais de…).
La pratique de la Sémantique Générale à des niveaux non verbaux
La plupart d’entre nous sous-estiment la dimension non verbale de leurs pensées et représentations. C’est le cas notamment pour les représentations visuelles, plus souples que le langage verbal et permettant une pensée à la fois plus réaliste (la carte visuelle, modelable dynamiquement, s’ajuste mieux au territoire du réel perçu) et plus créative.
La SG insiste sur l’utilité de visualiser pour comprendre, et sur l’importance de l’intuition et du ressenti comme guides heuristiques. Elle propose des exercices d’entraînement non verbaux. Un des exercices de base consiste simplement à percevoir concrètement (regarder un arbre, se sentir marcher, etc.), c’est-à-dire voir, sentir, goûter, etc., sans associer automatiquement mots ou phrases ; cela est d’autant plus utile chez les « intellectuels » que cela d’une part les repose des niveaux abstraits auxquels ils naviguent la plupart du temps, et d’autre part leur offre une « matière première », un « aliment », un support pour la dimension non-verbale de leurs réflexions même les plus abstraites.
La réaction différée
Changer une habitude, chacun de nous l’a vécu, paraît souvent difficile. Nos automatismes de pensée, notamment, parfois ancrés en nous depuis notre tendre enfance, ont une force d’inertie telle que leur modification à l’âge adulte isemle bien délicate. Comment alors intégrer de nouvelles habitudes de pensée ?
Un des moyens que propose la SG consiste, dans une situation donnée, à différer sa réaction, c’est-à-dire marquer un temps avant de répondre. Par ce procédé simple, des réactions conditionnelles et/ou passionnelles et/ou pulsionnelles qui se manifestent habituellement sont ici relativisées et intégrées à la conscience. Dans le même temps, une sémantique générale opérationnelle peut être mise en œuvre : distinguer les mots de ce qu’ils évoquent, distinguer nos perceptions de nos inférences, visualiser le niveau d’abstraction auquel on se place, ne pas réagir à une situation présente comme à une situation passée qu’elle évoque, avoir conscience d’abstraire, prendre le temps de construire une formulation verbale plus adéquate de ce que l’on veut exprimer, etc.
Problématique de la connaissance
En tenant compte des différents aspects qui viennent d’être évoqués, il convient de situer la Sémantique Générale par rapport à la problématique de la connaisse.
Différents éléments sont ici examinés séquentiellement.
En utilisant la métaphore de la carte et du territoire, précisons tout d’abord quels rapports peuvent exister entre une carte/connaissance et le territoire qu’elle représente. La correspondance que nous devons chercher est celle de la similitude de leur structure, sans faire abstraction pour cela de leurs différences respectives (les concepts plus récents d’organisation et de système complexe, qui viennent compléter et approfondir la notion de structure, seront considérés utilement). La structure de la carte/connaissance doit par conséquent se rapprocher suffisamment de celle du territoire. Ceci est valable sur les plans individuel, collectif, voire « extra-humain » (écrits, modélisation sur ordinateur…). Cependant, la SG considère l’individu comme l’entité connaissante de base « autonome » et incontournable (Que signifieraient en effet des « livres » si aucun être humain intelligent n’était là pour les lire ?). Dans cet ordre d’idée, la Sémantique Générale s’occupe principalement de l’efficience au niveau de l’individu, et contrairement à bien d’autres disciplines, elle ne sépare pas la connaissance du connaisseur. Ce qui suit concerne donc avant tout la cognition/connaissance d’un individu.
La cognition consiste à acquérir des « informations » et à les organiser en « connaissances » dont la structure soit suffisamment proche de celle révélée les faits.
Aujourd’hui, la majeure partie de nos connaissances sont de nature inférentielle. Aussi devons-nous vérifier leurs sources et les considérer en tant que connaissances-hypothèses auxquelles nous accordons un certain crédit. Peut-être serait-il utile d’associer des degrés de probabilité ou de corroboration à nos différentes connaissances-hypothèses.
Pour être organisée efficacement, la connaissance peut se développer et se structurer à différents niveaux d’abstraction, des niveaux les plus concrets, y compris de l’expérience vécue, aux niveaux les plus abstraits et « holistiques ». On peut parler, pour l’individu, de structuration neuro-conceptuelle verticale et horizontale à différents niveaux d’abstraction. Il s’agira toutefois de trouver des niveaux de représentation/abstraction optima, suffisamment détaillés et structurés pour ne pas être simplistes et caricaturaux, mais suffisamment « simples » et clairs pour être compréhensibles et utilisables.
Pour ne pas être auto-suffisante, toute connaissance devrait être accompagnée de la conscience d’abstraire.
Dans le cadre de la connaissance en général, un des développements importants apparaît être celui de la connaissance de la connaissance. La Sémantique Générale, qui traite de la connaissance des significations et des significations des significations, se situe au cœur de cette démarche cognitive.
• Implications de la Sémantique Générale
La SG, telle que je l’ai présentée ici en quelques lignes, pourra sembler pour certains trop « simple » et évidente. On pourra arguer par exemple que la SG, estimée trop « opérationnelle » par rapport à une recherche de méthode de complexité, constitue à cet égard une simplification et une cristallisation. [5] Je répondrai à cela que d’une part pour rester cohérente avec elle-même, la SG ne peut pas se considérer comme figée et suffisante (La SG est auto-réflexive : la 2ème prémisse appliquée à la SG elle-même fait apparaître que la SG ne prétend pas tout résoudre), que d’autre part, loin d’être dépassée, elle ne cesse d’être confirmée implicitement ou explicitement par les avancées les plus récentes (sciences cognitives, intelligence artificielle et logiques non-standard, neurosciences, psychologie humaniste, etc.), et enfin qu’une approche plus opérationnelle, si elle n’est pas suffisante au regard de théories de la complexité, me paraît pour le moins nécessaire.
Cette relative « simplicité » opératoire de la SG constitue d’ailleurs, à mon sens, sa force : suffisamment aisée à utiliser, elle permet une intégration progressive d’une pensée non réductrice, non simplifiante et non disjonctive. « La Sémantique Générale n’est pas une ‘philosophie’, une ‘psychologie’ ou une ‘logique’ dans le sens ordinaire. C’est une nouvelle discipline extensionnelle qui nous explique et nous enseigne comment utiliser plus efficacement notre système nerveux (…) Prises séparément, les questions en jeu ne sont pas tout à fait nouvelles ; ce qui est nouveau, c ’est leur formulation méthodologique en tant que système qui est pratique, enseignable et si élémentaire qu’il peut être appliqué même par des enfants ». [6]
La Sémantique Générale constitue, paradoxalement, une procédure d’une « simplicité complexifiante ». Par sa logique aristotélicienne, elle introduit tout naturellement à une pensée systémique-complexe, qu’elle approfondit en même temps. Mais ceci ne concerne pas seulement la « science » : des pensées plus appropriées peuvent et doivent infuser dans d’autres domaines de notre vie. Je citerai, ici, Edgar Morin : « Peut-on aussi facilement disjoindre sa science de sa vie ? (…) Peut-on se satisfaire de passer du « sérieux » scientifique à des rationalisations philosophiques misérables, puis à de l’hystérie politique, et de là à une vie privée pulsionnelle ? » [7] Dans cette optique, la Sémantique Générale, sans être une panacée, a là aussi son rôle à jouer.
Chritian Dziedzic
Pour en savoir plus :
– Alfred Korzybski, Science and Sanity, an introduction to Non-Aritotelian Systems and General Semantics, 1933, 4ème éd. 1958, The International Non-Aristotelian Library Publishing Company : 800 pages. L’ouvrage de base de la Sémantique Générale.
– Michel Saucet, La Sémantique Générale aujourd’hui, 1983, Ed. Retz, coll. « La Psychologie Dynamique » : 180 pages. Ouvrage de vulgarisation.
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1 Gaston Bachelard, La philosophie du non, PUF, 1940, 9e éd., 1983, pp. 126-127.
2 Lire l’ouvrage sur le « constructivisme », L’invention de la réalité (éd Seuil 1988), sous la direction de Paul Watzlawick, avec des contributions de Ernst von Glasersfeld, Heinz von Foester, Rupert Riedl, David L Rosenhan, Rolf Breuer, John Elster, Gabriel Stolzenberg, Francisco J. Varela.
3 Edgar Morin, La méthodeI, 1977, Seuil, coll. Points, p. 18.
4 Henri Laborit, L’agressivité détournée, 1970, UGE, coll. 10/18, p. 26.
5 Au sujet d’une méthode de complexité qui court elle-même le risque d’être simplifiée, voir par ex. Edgar Morin, « Théorie et méthode » dans Science avec conscience, Fayard, 1982.
6 Alfred Korzybski, Science and Sanity, Introduction à la 2e édition, 1941.
7 Edgar Morin, La méthode, op. cit., p. 15.