Traduction libre
« La connaissance est acquise lorsque nous parvenons à faire entrer une nouvelle expérience dans le système de concepts fondé sur nos anciennes expériences. La compréhension vient lorsque nous nous libérons de l’ancien et rendons ainsi possible un contact direct et sans intermédiaire, instant après instant, avec le nouveau, le mystère de notre existence ».
« La compréhension n’est pas conceptuelle, et ne peut donc pas être transmise. C’est une expérience immédiate, et on ne peut que parler de l’expérience immédiate (de manière très inadéquate), jamais la partager. Personne ne peut réellement ressentir la douleur ou le chagrin d’un autre, l’amour, la joie ou la faim d’un autre. De même, personne ne peut faire l’expérience de la compréhension d’un autre sur un événement ou une situation donnée… Nous devons toujours nous rappeler que connaître la compréhension n’est pas la même chose que la compréhension, qui est la matière première de cette connaissance. Elle est aussi différente de la compréhension que l’ordonnance du médecin pour la pénicilline est différente de la pénicilline.
La compréhension n’est pas héritée et ne s’acquiert pas laborieusement. C’est une chose qui, lorsque les circonstances sont favorables, nous vient, pour ainsi dire, d’elle-même. Nous sommes tous des connaisseurs, tout le temps ; ce n’est qu’occasionnellement et malgré nous que nous comprenons le mystère de la réalité donnée ».
« Cette découverte peut sembler au début plutôt humiliante et même déprimante. Mais si je les accepte de tout cœur, les faits deviennent une source de paix, une raison de sérénité et de gaieté ».
« Dans mon ignorance, je suis sûr que je suis éternellement moi. Cette conviction est enracinée dans une mémoire chargée d’émotions. Ce n’est que lorsque, selon les mots de saint Jean de la Croix, la mémoire a été vidée, que je peux échapper au solide sentiment de ma séparation et me préparer ainsi à la compréhension, instant après instant, de la réalité à tous ses niveaux. Mais la mémoire ne peut être vidée par un acte de volonté, par une discipline systématique ou par la concentration — même par la concentration sur l’idée de vide. Elle ne peut être vidée que par une conscience totale. Ainsi, si je suis conscient de mes distractions — qui sont pour la plupart des souvenirs chargés émotionnellement ou des fantasmes basés sur ces souvenirs — le tourbillon mental s’arrêtera automatiquement et la mémoire sera vidée, au moins pendant un moment ou deux. Là encore, si je prends totalement conscience de mon désir, de mon ressentiment, de mon manque de charité, ces sentiments seront remplacés, pendant le temps de ma prise de conscience, par une réaction plus adéquate face aux événements qui se déroulent autour de moi. Ma prise de conscience, bien sûr, ne doit pas être contaminée par l’approbation ou la condamnation. Les jugements de valeur sont des réactions conditionnées et verbalisées à des réactions primaires. La conscience totale est une réaction primaire, sans choix, impartiale, à la situation présente dans son ensemble ».
« Le sens commun n’est pas fondé sur la conscience totale ; c’est un produit de la convention, ou de la mémoire organisée à partir des paroles d’autres personnes, des expériences personnelles limitées par la passion et les jugements de valeur, des notions sanctifiées et de l’intérêt personnel mis à nu. La conscience totale ouvre la voie à la compréhension, et lorsqu’une situation donnée est comprise, la nature de toute réalité est rendue manifeste, et les énoncés absurdes des mystiques sont vus comme vrais, ou du moins aussi vrais qu’il est possible pour une expression verbale de l’être ineffable. Un en tout et tout en Un ; samsara et nirvana sont identiques ; la multiplicité est l’unité, et l’unité n’est pas tant une que non-deux ; toutes les choses sont vides, et pourtant toutes les choses sont le Dharma — Corps du Bouddha — et ainsi de suite. Dans la mesure où la connaissance conceptuelle est concernée, de telles phrases sont totalement dénuées de sens. Ce n’est que lorsqu’il y a compréhension qu’elles ont un sens. Car lorsqu’il y a compréhension, il y a fusion expérimentale de la Fin et des Moyens, de la Sagesse, qui est la réalisation intemporelle de Cela (Suchness), et de la Compassion qui est la Sagesse en action »,
« De tous les mots usés, tachés, écornés de notre vocabulaire, le mot “amour” est certainement le plus crasseux, le plus malodorant, le plus gluant. Braillé par des millions de chaires, chantonné lascivement par des centaines de millions de haut-parleurs, il est devenu un outrage au bon goût et aux bons sentiments, une obscénité que l’on hésite à prononcer. Et pourtant, il faut le prononcer, car, après tout, l’Amour est le dernier mot »