L’au-delà est en nous par le Docteur Eugène Osty et présentation par Maurice Gouineau

La relation entre sujet et personne-objectif, ci-dessus brièvement énoncée, impose cette conséquence. Cette conséquence en entraîne une autre et c’est celle-là qui donne vue sur un étrange horizon : si les sujets puisent en nous la notion de notre devenir, c’est que notre esprit sait le rôle que nous jouons dans le drame de la vie, cependant que notre intelligence d’ordinaire usage, notre raison, l’ignore totalement et n’en prend conscience que sensation par sensation, action après action.

(Revue Psi International. No 4. Mars-Avril 1978)

Note : les dates sont relatives à la date de parution de cet article en 1978

L’opposition — déclarée ou occulte — à la parapsychologie ne désarme pas. Maré des apports pleins de promesses, malgré des expériences positives sévèrement contrôlées, les savants officiels — à de très rares exceptions près — ne veulent ni voir, ni entendre !

En revenant cinquante ans en arrière, on s’aperçoit que des phénomènes paranormaux indiscutables — en radiesthésie par exemple — ont eu beau se produire et se reproduire des milliers de fois, ils n’ont rencontré qu’indigence et, parfois, mépris.

Eh bien, après un demi-siècle, aucun mouvement important ne s’est amorcé ! Ce qui n’empêche pas que dans de nombreux pays, la justice, la police, l’armée, les géologues, les hygiénistes, les industriels, les agriculteurs font appel, en cachette si possible, aux clairvoyants. Il y a là autant d’hypocrisie que d’aberration.

Dans notre article, nous allons voir ce qu’était la radiesthésie, il y a un demi-siècle. Nous allons relire les déclarations d’un savant : Armand Viré ; d’un religieux l’Abbé Mermet ; d’un horticulteur : Joseph Treyre [1], celui-ci longuement étudié par le Docteur Osty, Directeur de l’Institut Métapsychique International.

A l’époque, les laboratoires officiels sont demeurés clos. Cinquante ans après, ils ne se sont même pas entrouverts ! Cette situation pourrait entraîner le découragement.

Que personne — aux sommets nationaux ou internationaux — n’ait voulu se pencher sur ces dossiers ; que parmi les officiels, aucun physiologiste ou psychologue ou physicien n’ait cru devoir leur accorder quelques instants d’attention, cela est inacceptable ! Nous ne l’acceptons pas… unbearable, comme le diraient nos amis… around the world.

Les leçons du passé

Le Docteur Eugène Osty affirmait, il y a 40 ans : « Je suis certain que la préconnaissance du devenir individuel existe. »

A égale distance de la fin du premier conflit mondial et du début de la drôle de guerre se place — il y a cinquante ans environ — un sommet : celui de la radiesthésie. La presse et la radio faisaient une place de plus en plus importante aux sourciers groupés en une Société des Amis de la Radiesthésie, présidée par le vicomte Henry de France, de réputation internationale.

J’étais alors rédacteur en chef de la revue : « Je sais tout » et mon conseiller scientifique, le professeur d’Arsonval, membre de l’Académie de Médecine et de l’Académie des Sciences, m’avait vivement incité à entreprendre une campagne pour vulgariser ces pratiques « paranormales ».

Ce qui fut fait. Dans les nombreux articles publiés il y a un demi-siècle, nous avons sélectionné quelques passages caractéristiques. Les voici.

Écoutons d’abord Armand Viré, docteur ès sciences et directeur de laboratoire au Muséum National d’Histoire Naturelle. Il raconte comment il entra dans la « sourcellerie » alors qu’il assistait en curieux à des expériences de baguettisants.

« Entre badauds, nous causâmes. Quelqu’un m’ayant demandé de faire voir comment les sourciers tenaient leurs baguettes, j’en coupai une dans une haie et fis la démonstration. Par plaisanterie, je fis mine de chercher des sources.

« Jusqu’ici, en effet, l’idée ne m’avait jamais effleuré l’esprit que je pusse moi-même effectuer la moindre expérience dans cet ordre de faits.

« Tout-à-coup, en causant de choses quelconques, j’éprouve une sensation bizarre, et je vois l’extrémité de la baguette baisser lentement vers le sol. Je continue à avancer et fais tous mes efforts, par une torsion en sens contraire des poignets, pour arrêter sa marche. Bien en vain, car la baguette, sur ces entrefaites, se met à la position verticale. Plus étonné encore que les témoins, je recommençai l’expérience cinq ou six fois dans des sens différents, et toujours avec le même résultat. Les sondages montrèrent quelques jours plus tard qu’un gros filet d’eau passait effectivement à cet endroit.

« Au moment de la révélation, je faisais, m’a-t-on dit, « une drôle, de figure… » Mettez-vous à ma place ! La surprise de constater que j’étais moi-même sourcier, la joie de pouvoir poursuivre directement des expériences sur ce sujet mystérieux, le désir d’approfondir de nouveaux problèmes scientifiques, tout cela, luttant avec un dernier et involontaire sursaut de scepticisme, me transportait dans un monde nouveau et me faisait éprouver des sentiments confus et contradictoires.

« Aussi, bien convaincu désormais qu’il existait vraiment un « phénomène des sourciers », j’exécutai et fis exécuter par quelques personnes un certain nombre d’expériences ».

« Tout le monde n’est pas apte, et nous pouvons déjà discerner deux grandes catégories d’individus, que nous appellerons les positifs et les négatifs.

« Les négatifs seront ceux qui, quelles que soient les techniques employées jusqu’ici, ne peuvent reproduire les phénomènes que nous allons étudier. Aucune réaction ne paraît se produire chez eux. Par contre, ils sont doués de la singulière propriété d’arrêter par leur contact, parfois même à distance, toute manifestation des phénomènes chez les positifs.

« Qu’un positif soit occupé à faire tourner un pendule ou une baguette, si un négatif vient à lui donner la main, à lui mettre la main sur l’épaule ou à le toucher de quelque manière que ce soit, immédiatement le phénomène s’arrête chez le positif.

« Deux positifs, dix, vingt positifs forment-ils la chaîne, le phénomène se manifeste toujours chez le premier et même s’amplifie. Un négatif vient-il à toucher l’extrémité la plus éloignée de la chaîne, tout phénomène cesse à l’autre bout.

« Tout ceci est connu depuis longtemps, et les anciens sourciers le traduisaient par les expressions imagées de « bonnes mains, mauvaises mains, mains heureuses, mains malheureuses. »

« Les positifs paraissent être beaucoup plus nombreux que les négatifs. Dans un groupe pris au hasard, on constate souvent une proportion de sept ou huit positifs contre deux ou trois négatifs. Il semblerait toutefois, d’après des expériences récentes, que la négativité ne soit pas un vice absolument rédhibitoire.

« D’après Henry de France, l’abbé Mermet [2], mon collaborateur Léon, etc., les négatifs, par un entraînement spécial ou la correction artificielle de certaines de leurs propriétés physiologiques, pourraient réussir à faire tourner correctement la baguette. Mais jusqu’à nouvel ordre, on peut penser qu’ils ne peuvent faire que de très médiocres sourciers.

« Il est d’ailleurs, dans tout cela, des degrés et le pouvoir d’opposition des négatifs va croissant ou s’atténue selon les individus.

« Les positifs présentent également toute une gamme. Les uns — c’est le plus grand nombre,— n’accusent pas, au moins ordinairement, des perceptions conscientes. Ils voient s’agiter dans leurs mains l’instrument dont nous parlerons tout à l’heure. Ils en étudient les mouvements, qui sont relativement variés et qui diffèrent quelque peu selon les individus. Ils peuvent, par une longue observation, en tirer des conclusions. D’autres encore, assez nombreux, éprouvent une sensation légère ou forte, qu’ils comparent à celle que leur procure un courant électrique qui leur traverserait les bras.

« Pour ma part, je ne ressens habituellement aucune sensation. Mais il est des cas où cependant il s’en produit, lorsque je traverse de grandes masses ou de gros filons de substances minérales, et l’intérêt du fait est que ces sensations ne me sont pas uniquement personnelles.

« Dans les prospections industrielles importantes que nous avons effectuées, tant en France qu’en Espagne, nous avons pris l’habitude, M. Léon Biderman et moi, d’opérer en commun pour pouvoir nous contrôler mutuellement et réduire ainsi dans de grandes proportions les chances d’erreur. Notre chauffeur, M. Richard, également sensible et que nous avons entraîné, opère avec nous.

« Or, tous les trois, lorsque nous pénétrons sur un important gisement de cuivre, nous avons instantanément l’impression d’un goût âcre dans la bouche : le tabac nous devient insupportable et nous faisons, instinctivement et ensemble, le mouvement de jeter notre cigarette. Contrôle fait, nous constatons que nous sommes bien sur un gisement de cuivre.

« Le pétrole nous procure une sensation d’euphorie, de bien-être généralisé.

« Le minerai de tungstène ou wolfram amplifie et régularise les mouvements respiratoires et les forces vitales.

« Quant au sel, ayant travaillé quelques heures sur un gisement de sel gemme aux environs de Lons le-Saunier, j’éprouvais pendant plusieurs jours ensuite, dans la bouche une sensation, saline tellement prononcée que tous les aliments et les vins me devenaient désagréables. Dans ce dernier cas, cette impression me fut toute personnelle, et ni Biderman ni Richard ne ressentirent rien de semblable.

« Il est des sourciers — et le cas est déjà plus rare — qui accusent des sensations de chaud et de froid, parfois généralisées dans tout le corps, mais le plus souvent localisées dans une seule région.

« Autre phénomène, chez quelques baguettisants : outre les réactions générales qu’ils peuvent présenter avec les instruments, il se produit chez eux une sorte d’hallucination visuelle : ils croient voir l’eau circuler dans le sol.

« J’en pus observer un cas. Un de mes employés des grottes de Lacave, Marcellin Prodel, est très sensible à la baguette. Nous suivions un jour à travers les Causses le trajet d’un ruisseau souterrain. « Oh ! dit-il tout-à-coup, voyez comme la rivière va tourner à angle droit

— Mais  Marcellin, je  ne vois rien du tout

— Mais si ! tenez au pied de ce rocher, regardez comme elle tourne.

« Je ne vis rien, mais mon pendule confirma la chose. Tout le reste de la journée, il m’annonça, vingt ou trente mètres d’avance, les méandres de la rivière, qui coulait sous nos pieds à une profondeur moyenne de 120 à 150 mètres à travers les calcaires compacts du Bajocien.

« Il est enfin un cas extrême où la présence de l’eau souterraine produit sur le sujet de véritables convulsions, quand il se trouve au-dessus d’elle. Le cas du sourcier contemporain Lagneau est caractéristique à cet égard. D’autres avant lui ont présenté les mêmes phénomènes : contracture, impression de serrement et d’oppression dans la région du diaphragme, un tremblement, un refroidissement général. »

•••

A côté des « pendulisants » prospectant sur le terrain, comme Armand Viré, existaient, il y a cinquante ans, d’autres médiums tels l’Abbé Mermet, le plus renommé des sourciers opérant à distance. Il s’agissait de retrouver des disparus : fugues, suicides ou meurtres. Succès officiellement contrôlés et incontestables, d’autant plus impressionnants qu’ils étaient obtenus sur plans et cartes sans que l’abbé Mermet ait à se déplacer. Succès non exceptionnel puisque l’abbé avait découvert huit noyés au cours des six mois précédents !

Un des meilleurs vulgarisateurs scientifiques de l’époque, mon ami et collaborateur Marcel Béreux, ancien élève de l’École Polytechnique se rendit en Suisse, à la cure où séjournait l’abbé, qui lui confia ses dossiers. Nous en avons extrait la curieuse déclaration ci-dessous :

 « En octobre 1933, à Montbovon (Fribourg, Suisse), un jeune homme de dix-huit ans avait disparu, au retour d’une fête de village, sans que de nombreux groupes d’hommes cherchant de toutes parts, pendant neuf jours, aient trouvé trace de son passage…

« A bout d’espoir, sa sœur vint me voir avec une carte de la région, une photographie du disparu et une cravate portée par lui. Séance tenante, je donne à cette personne les renseignements suivants :

« D’abord la photo me fournit le chiffre mort… votre frère n’est plus en vie… Il a suivi tel chemin, et s’est arrêté à tel endroit… A cet endroit, je  sens votre frère, taille 1,55 m, porté à l’état mort, sur les épaules d’un autre homme, dont la taille semble être 1,70 m. Votre frère semble avoir reçu des coups dans le dos, en face du cœur ; de là, il est jeté dans le précipice qui borde la route… Il doit être à tel endroit, dans le torrent de l’Hongrin, à un point dont les parois sont très resserrées, et où il y a 4 mètres de hauteur d’eau.

«—  Le vol a-t-il été le mobile du crime ?

«— C’est possible, car vous me dites que votre frère portait de l’argent sur lui, et je ne sens ni or, ni argent sur le cadavre.

« Telles furent mes données, fournies sur les radiations laissées sur la carte de la région que le frère avait parcourue.

« Or, voici le résultat : la famille a cru devoir remplir un devoir de reconnaissance en m’envoyant l’attestation qui suit :

« Je soussigné, fais les déclarations suivantes : Dans le cure de Jussy, au vu d’une simple carte (échelle : 1/25 000) dans la vallée de l’Hongrin, sans que je lui aie rien dit, il m’a indiqué : a) le chemin qu’a suivi mon pauvre frère en rentrant de Montbovon ; b) l’endroit où il s’est arrêté, deux choses que j’ai pu contrôler et que j’ai trouvées exactes.

« C’est M. L’abbé Mermet qui, le premier, a eu l’idée de l’assassinat, me disant qu’il le retrouverait porté sur les épaules d’un homme mesurant environ 1,70 m alors que mon frère, lui, mesurait 1,55 m, chose reconnue exacte quant à la taille de mon frère.

« Il m’a indiqué l’endroit à peu près précis où il se trouvait, endroit où personne n’avait eu d’abord l’idée d’aller le chercher, soit dans la rivière de l’Hongrin, dans un gouffre de plus de 4 mètres de profondeur.

« M. Pflug, greffier du tribunal, a reconnu que M. l’abbé Mermet avait dit juste, en déclarant que la victime n’avait pas sur elle de valeur en or ou en argent. En effet, quelques jours après la découverte du corps, on a retrouvé bien plus loin, sur les flots de la Sarine, son porte-monnaie vide.

« L’autopsie médicale, faite le lendemain de la découverte, a démontré, en effet, que mon jeune frère avait été assailli à coups de couteau, puis porté ensuite dans la rivière. »

•••

Mais les plus remarquables expériences vinrent d’un paisible horticulteur, Joseph Treyve, providence des « asséchés » de sa région, le Bourbonnais. Le docteur Osty, directeur de l’Institut Métapsychique International, disait de lui qu’il était un « superpendulisant ».

Marcel Béreux, poursuivant la campagne de « Je sais tout », l’alla voir dans sa maison champêtre entourée d’un immense parc où fleurissaient des lotus et des orchidées.

C’est le « superpendulisant » qui parle d’abondance tandis que notre envoyé spécial contrôle les archives correspondantes.

Voici l’histoire d’une bague retrouvée entre Nantes et Nevers, séparées par 450 kilomètre de distance. Cela se passait un jour de Noël. Mme G… arrive à mon bureau, tout ennuyée de la perte de son alliance qu’elle portait à son départ de Nantes et qu’elle avait perdue au cour de son voyage en auto. Une carte Michelin du trajet m’est apportée. Je situe le point de chute non loin de Vierzon, à proximité d’un passage niveau près de T… Mme G… me dit : « Ni mon mari ni moi ne nous rappelons nous être arrêté là ». Je lui répondis : « Quand vous rentrerez en auto à Nantes vous essayerez de vous rappeler si vous n’avez stoppé à cet endroit précis ; descendez alors et reconstituez la scène. Puis, vous, Madame, qui êtes un peu sensible au pendule, vous essayerez avec la montre de votre mari et sa chaîne d’obtenir une précision ». Le lendemain de Noël, M. et Mme G… repartent pour Nantes. Arrivés à ce passage à niveau, M. G… se souvient très bien s’être arrêté là, ayant une automobile devant la sienne et dit à Mme G… : « A cet endroit, vous avez fait un large mouvement comme pour pousser la portière, c’est alors que votre bague a pu glisser de votre doigt ». Sur une feuille de papier j’avais fait un petit croquis et indiqué que le bijou était tombé entre la route et l’accotement. Tous deux reviennent à cet endroit, reconstituent la scène, plaçant leur auto comme elle l’était le jour de la perte, cherchent mais ne trouvent rien. Mme G… prend la montre de son mari ; celle-ci oscille dans une direction. M. G… fait quelques pas à reculons, regarde à terre, se baisse et dit : « La voilà ! »

On peut percevoir les radiations à de très grandes distances.

Un de mes amis, qui exploite des forêts au Gabon, vint un jour me trouver et me dit : « Il serait intéressant qu’à l’aide de votre pendule vous me disiez de quel côté de la forêt je dois diriger mes recherches pour trouver les arbres les plus gros et les plus sains ; il faudrait en second lieu que vous m’indiquiez à quel endroit de la mer je puis aborder pour éviter les rochers ; enfin, je voudrais savoir s’il n’y a pas de cimetières d’éléphants dans cette contrée. »

J’indiquai alors une direction à mon ami : il y a trouvé des arbres splendides. Je lui ai dit : « Il faut aborder à tel point » et il a trouvé une espèce de chenal naturel où ses bateaux ont pu venir à un kilomètre plus près de la rive. Enfin, j’ai reçu un jour deux splendides défenses d’éléphants, qui pesaient 8 kilos chacune et mesuraient 1,30 m. Il avait découvert un cimetière d’éléphants au point précis que je lui avais indiqué. De Moulins au Gabon, il y a quelques kilomètres !…

Encore un cas où le pendule peut rendre service : un grand coutelier de Thiers m’a demandé de lui indiquer où pouvait être le défaut d’une de ses machines ; ni le constructeur, ni le monteur, ni lui-même n’arrivaient à trouver une cause à la détérioration de toutes les lames aiguisées avec cette machine.

Je fis faire un plan succinct de la machine et je dis : « C’est à tel endroit qu’est le défaut. Il vient de ce que l’arrivée d’eau ne se produit pas uniformément sur vos meules. Faites-moi un dessin de telle partie de votre machine à une plus grande échelle. » Je continuai mes recherches et déterminai que le défaut était de l’ordre du dixième de millimètre. Je leur prescrivis de refaire toute une partie (que j’indiquai) de la meule et de changer le tuyau d’arrivée d’eau. Ils l’ont fait et m’ont écrit :

« Nous, soussignés… certifions que M. Treyve, de Moulins, par ses travaux radiesthésiques, nous a permis de découvrir et de réparer un grave défaut sur une machine à émoudre dans nos ateliers. M. Treyve nous a non seulement indiqué la nature du défaut, mais a en outre donné toutes les cotes exactes pour la rectification des pièces. »

•••

Un homme était perdu à X…, on disait que le malheureux avait été assassiné. Je me trouvais dans une petite localité bourbonnaise proche, chez un ami adjoint au maire de ce pays, lorsque les gendarmes arrivent pour déclarer que cet homme avait disparu depuis deux jours et qu’on n’en avait aucune nouvelle. « Monsieur Treyve, aidez-nous, avec votre pendule me dit mon ami. » Je répondis, après avoir interrogé le pendule : « Cet homme est en bonne santé, mais, encore sous le coup de la boisson, il gît au bord d’un ravin, à l’ombre. » Et j’indiquai, d’après la carte, un endroit où les gendarmes allèrent explorer. Je quittai le pays. Peu après mon départ, le maire m’écrivit :

« J’ai le plaisir de vous annoncer que l’homme en question est retrouvé en bonne santé au point indiqué. » Le pauvre homme cuvait son vin !

Monsieur Joseph Treyve aurait pu continuer pendant des jours et des jours à égrener son palmarès. Marcel Béreux l’interrompt pour lui demander comment il explique ses pouvoirs.

« Je me crée une sorte de convention établie par mon cerveau et extériorisée par le pendule ; j’interprète tous les mouvements de celui-ci et j’accumule les détails précis qui abondent dans mes consultations. Je pense que tous les corps quels qu’ils soient émettent des radiations que le cerveau du pendulisant capte et que le pendule révèle ».

Mais le docteur Osty, Président de l’Institut Métapsychique International n’était pas de cet avis : « Il ne s’agit pas du tout, rétorque-t-il, d’un simple automatisme physique. C’est l’intelligence qui entre en jeu, une intelligence subconsciente, qui connaît la réalité par d’autres moyens que les sens et la raison, sans obstacles d’espace et de temps. Le pendule n’est qu’un accessoire. Monsieur Treyve pourrait, tout aussi bien, le remplacer par l’écriture ou la parole impulsive, peut-être par des visions ou des sensations diverses. »

Et Marcel Béreux — en prudent polytechnicien — concluait ainsi ses enquêtes vieilles de 40 et même 50 ans :

« Nous pensons qu’il existe certains êtres exceptionnels dont l’étude permettra peut-être d’avancer dans une voie mystérieuse encore mais passionnante et capable de mener l’homme vers de meilleurs destins. »

M. G.

ET VOICI MAINTENANT

LA MAGNIFIQUE « LEÇON » DONNÉE PAR LE

DOCTEUR EUGÈNE OSTY

IL Y A PLUS DE 40 ANS !

La faculté de connaissance supranormale à haut degré est rare, mais elle existe. Elle existe si bien que depuis les 25 années que je l’étudie, il ne m’est pas un instant arrivé de manquer de sujets et que depuis dix ans j’ai fait assister des milliers de personnes à des séances pleinement démonstratives à l’Institut Métapsychique.

La veille du jour où j’écris ces lignes, Mlle Jeanne Laplace, devant 70 personnes et pendant deux heures, a défini le cours général de la vie (avec nombreuses indications très précises sur des événements caractéristiques) de 8 personnes, inconnues d’elles et qui lui furent imposées par tirage au sort. Ce fut, ainsi que tant d’autres fois, une brillante et émouvante séance. Comme après toutes les manifestations de ce genre — lesquelles ne donnent d’ailleurs qu’une idée amoindrie du pouvoir de tels sujets, en raison du travail en assistance nombreuse —, bien des assistants et particulièrement ceux qui furent objets de clairvoyance émirent, en se retirant, des propos revenant à ceci : « Quelle merveilleuse et incomparable faculté ! Et pourtant la plupart des gens ne veulent même pas en entendre parler ! ».

Huit jours auparavant, même brillante démonstration était faite par un autre remarquable clairvoyant, M. Pascal Forthuny [3]. Et il en est ainsi, je le répète, depuis une dizaine d’années, cependant que tant de personnalités ont été par ailleurs mises par moi en condition de procéder à des séances privées.

Si ces sujets sont relativement peu nombreux, leur production est, par contre abondante. Le radium était rare dans les premières années qu’il fut connu, cela n’empêchait pas les quelques physiciens qui en possédaient d’en étudier les propriétés en des conditions pour eux aussi fécondes que si le radium avait été en toutes mains. Il en est de même pour la faculté de connaissance supranormale. Pour qui dispose de sujets, l’expérimentation est de tout instant.

Toute personne vraiment curieuse de cette faculté arrive toujours à trouver un sujet capable de la convaincre, par faits précis, que la connaissance extra-sensorielle existe. Étant donné que cette étrange et si instructive faculté révèle en l’homme des qualités de l’esprit qui ne peuvent pas, de toute évidence, être attribuées au cerveau, c’est un motif de fort et durable étonnement que de voir les philosophes, les psychologues, les biologistes et autres sondeurs du réel, se tenir systématiquement à l’écart de faits qui leur apprendraient le plus sur ce qu’ils cherchent : l’explication de la vie.

Notre époque donne ce bizarre spectacle d’accélérer au plus fort la science de la matière et, dans le même temps, de se refuser à s’intéresser à la branche la plus féconde de la science de l’esprit.

Tel est le comportement des Universités à l’égard des phénomènes culminants de la vie desquels je vais parler, que s’occuper de l’exploration scientifique des pouvoirs surnormaux de l’esprit, semble une action blâmable, une rébellion contre l’enseigné, sinon une déficience mentale. Ce ridicule ne saurait désormais longtemps durer, puisque de tous côtés des groupes scientifiques s’adonnent à l’étude « interdite » et que la nature ne cessera jamais de proposer à la curiosité des hommes ses plus significatives manifestations.

Dans la diversité des faits produits par la clairvoyance, je ne prendrai que quelques-uns, vérifiables dans l’expérience par toute personne et qui suffiront à faire comprendre au lecteur comment, à leur lumière, la question mémoire dépasse l’individu et semble se confondre avec la mémoire du monde.

Quand on met un sujet dit clairvoyant (capable de faire fonctionner sa faculté spéciale en cette condition) au milieu d’un groupe d’observateurs, une sorte de faits qu’il produit en grande abondance c’est le rappel d’événements passés. Et il y réussit d’autant mieux et de façon plus impressionnante que les personnes auxquelles il s’adresse ne pensent pas au moment même à ces événements. Tantôt il s’agit de faits récents, tantôt d’anciens, tantôt d’importants, tantôt d’infimes.

•••

Dans ces séances en assistance nombreuse à l’Institut Métapsychique, M. Pascal Forthuny excelle à cette « pêche » des souvenirs chez autrui. Souvent, ses indications concernent un événement vécu et connu dans son ensemble par l’intéressé, lequel n’a aucune difficulté à se le remémorer. Mais il arrive que c’est du véritablement « oublié » que M. Forthuny fait revivre et ce n’est qu’après une succession d’indications que la personne finit par se rappeler soudain de quoi il s’agit ; il y faut parfois des noms de lieux, de gens.

Quelquefois ce que dit le sujet d’un événement vécu, n’est ou n’a été que partiellement connu de l’intéressé : « Il y a une partie vraie, dit celui-ci. J’ai de bonnes raisons de croire le reste faux. » Et quelques semaines après l’intéressé vient dire qu’après enquête rendue possible par les dires du sujet, il s’est rendu compte, à son grand étonnement, que M. Forthuny avait saisi la vérité complète de l’événement.

Mêmes conclusions ont lieu d’autres fois à propos d’événements (je parle d’événements de vie, petits ou grands) que M. Forthuny a signalés dans leur entier, alors que la personne à laquelle il s’adressait n’avait pu en connaître qu’une partie et n’avait même pas pu faire une supposition sur le reste ignoré.

Si bien que dans ce genre d’expériences les choses se passent comme si tantôt le sujet saisissait un souvenir chez un assistant et tantôt le saisissait à une source qui le détient dans sa totale conformité au réel, alors que la personne, objet de clairvoyance est — pour une partie de l’événement évoqué — dans l’erreur ou en complète ignorance.

Voici donc que de tels faits élargissent déjà fortement le problème de la mémoire, puisqu’ils nous incitent à supposer soit que tout être humain sait cryptiquement sur sa vie écoulée ce dont ses sens ne l’ont jamais informé, soit que l’histoire réelle des vies individuelles existe en dehors des individus.

Ces mêmes suppositions s’imposent, plus nettement encore, quand les sujets, au lieu d’évoquer le passé, préannoncent le devenir des individus (je ne parle pas de l’avenir en général). Elles s’imposent et, on va le voir, l’observation et l’expérience confirment d’une façon inattendue l’une d’elles, tout en ne détruisant pas l’autre.

Je sais que si la connaissance extra-sensorielle est a priori niée par bien des gens, la pré-connaissance des devenirs individuels est a priori niée par beaucoup plus de gens. C’est inéluctable, car un tel phénomène trouble bien des préjugés et bien des croyances et les cerveaux ne lui trouvent aucune place dans « l’emmagasiné ».

Plus de deux mille séances consacrées à l’étude, donc à la constatation de ce phénomène, me contraignent à tenir pour inconsistante l’opinion commune. Je suis certain que la pré-connaissance du devenir individuel existe. Ce que je vais dire est une des conséquences de ce que l’étude m’a appris.

La pré-connaissance des devenirs individuels existe, on peut la provoquer à volonté, mais il ne faut pas croire qu’elle soit à l’abri de l’erreur et qu’elle joue à l’égard de n’importe qui. En vérité elle est le produit du sujet (lequel semble illusoirement en être le seul auteur) et de la personne en cause. Et suivant la qualité respective de ces deux facteurs humains, le phénomène de pré-connaissance s’accomplit correctement ou avec pollution d’erreurs, ou ne s’accomplit pas.

Un clairvoyant, disons-nous, n’est pas capable de prémonitions pour chacun. Toute personne n’est pas susceptible de faire révéler quelque chose de son avenir par un clairvoyant. Mais tel individu qui semble « stérilisant » pour tel sujet, peut ne pas l’être pour un autre. On peut dire toutefois qu’il est des personnes « favorisantes » pour la plupart des sujets et d’autres « stérilisantes » également pour la plupart, sinon pour tous. Et cela indépendamment du fait de « croire » ou d’être « sceptique ».

Pourquoi en est-il ainsi ?… Certainement une physique subtile, encore inconnue, sous-tend ces phénomènes. Nous en sommes seulement à l’époque du constat de ses effets.

Mais si nous ne savons rien du fond du phénomène, l’étude des rôles respectifs du clairvoyant et de la personne objet de présages m’a appris ceci, qui est d’une très grande importance : c’est chez la personne objet de sa clairvoyance que le sujet puise, sans qu’il s’en doute, ses informations sur l’avenir.

La relation entre sujet et personne-objectif, ci-dessus brièvement énoncée, impose cette conséquence. Cette conséquence en entraîne une autre et c’est celle-là qui donne vue sur un étrange horizon : si les sujets puisent en nous la notion de notre devenir, c’est que notre esprit sait le rôle que nous jouons dans le drame de la vie, cependant que notre intelligence d’ordinaire usage, notre raison, l’ignore totalement et n’en prend conscience que sensation par sensation, action après action.

Quand la connaissance supranormale sera devenue une branche de la science enseignée et que ce que je viens d’écrire aura été vérifié et accepté, quelque chose sera changé dans les conceptions de l’Homme sur son être, sur la vie et sur sa propre vie.

Particulièrement la question mémoire aura pris un aspect qu’on ne lui soupçonne pas aujourd’hui. Car il deviendra avéré que cryptiquement l’être humain a la notion de ce qu’il a vécu et de ce qu’il doit vivre et que le cerveau qui, laborieusement, évoque le vécu, n’évoque jamais chez la plupart des hommes le « à vivre » ; seules quelques personnes douées de clairvoyance font cette évocation pour autrui et avec les aléas ci-dessus signalés. Spontanément toutefois le phénomène s’accomplit quand, chez quelqu’un, un rêve, une vision prémonitoire, un pressentiment annoncent un événement inattendu, lequel est dramatique le plus souvent.

Pour un clairvoyant opérant à l’égard de quelqu’un, passé et avenir sont de même saisie. L’expérience montre que c’est dans ce quelqu’un que le sujet puise ses informations et en conséquence que nous avons en nous, sans nous en douter, connaissance du rôle déjà joué et de ce qui reste à jouer. Entre ce que nous nommons mémoire et ce que nous ne soupçonnons même pas de savoir sur notre devenir, le clairvoyant ne fait aucune différence.

•••

Le problème de la mémoire a un autre aussi inintelligible aspect, quand il arrive à certains clairvoyants de prendre, en certaines expériences, connaissance de choses inaccessibles aux sens et que nul être humain vivant ne connaît.

Dans son prochain numéro, la Revue Métapsychique publiera un fait récent de cette sorte. Une boîte soigneusement scellée avait été préparée par une personnalité polonaise en vue d’en faire dire le contenu par le clairvoyant prodigieux qu’est l’ingénieur Ossowiecki. Or, il est arrivé qu’avant l’expérience le préparateur de la boîte est mort. Il était seul à savoir le contenu. Sa mort transformait donc l’expérience en ceci : qu’Ossowiecki avait à révéler par ses moyens psychiques exceptionnels quelque chose qui ne pouvait vraisemblablement pas être pris dans une mémoire humaine de vivant. Une séance eut lieu devant un groupe de notabilités varsoviennes. Ce fut pour M. Ossowiecki un succès éclatant, tant furent exactes les indications qu’il donna et inattendus les objets qu’on trouva à l’ouverture de la boîte…

Un fait de cette sorte, dès qu’il est accepté, provoque immédiatement chez la plupart des gens deux suppositions explicatives.

« Il y a eu perception visuelle anormale, disent certains, parce que les yeux d’un clairvoyant sont sensibles à des rayons qui n’impressionnent pas les sens du commun des hommes. » Explication inconsistante. M. Ossowiecki ne regarde généralement pas les boîtes dont il doit dire le contenu, il les tient en mains derrière son dos et il attend que vienne la vision hallucinatoire de la scène de la préparation de la boîte. Dès que cette vision surgit, il la décrit et énumère alors ce qui est renfermé.

« C’est l’âme survivante du mort qui est source d’information, disent d’autres, comme elle l’est, en d’autres cas, quand il s’agit de vivants. » Raisonnement logique, mais qui ne tient pas compte du processus ci-dessus de prise de conscience par Ossowiecki et qui ne tient pas compte, surtout, qu’un sujet de la classe de ce clairvoyant se montre révélateur de la vie des choses existantes ou détruites aussi bien que des vies individuelles en cours ou éteintes.

Lorsque, en effet, on met en mains d’un sujet de ce genre un objet et qu’on lui demande de décrire « l’ambiance-choses » dont il a fait partie, ce dont il reste, ou non, des documents permettant un ultérieur contrôle, le sujet parvient quelquefois à décrire ce milieu inanimé, même s’il n’existe plus, comme il fait des scènes humaines.

On ne peut plus dire, en certains cas bien caractérisés de cette sorte, que c’est dans une mémoire de vivant ou dans celle supposée d’un mort que le sujet a trouvé la notion des indications qu’il donne. Si cela peut se soutenir en bonne logique dans certains faits, cela n’est plus possible dans d’autres.

En de tels cas, où est et de quelle nature est cette mémoire qui garde fidèlement enregistrée l’histoire de l’inanimé et de l’animé ?…

Nulle réponse n’est encore à donner. Mais gardons-nous de croire qu’il n’y en aura jamais. Elle découlera peut-être de la solution de ce problème qui, tôt ou tard, nous sera révélé :  pourquoi la faculté de connaissance supranormale n’est-elle pas une propriété commune à tous les hommes ?

L’étude des sujets clairvoyants a appris que s’ils se montrent aptes à prendre connaissance du réel en des conditions où la raison aidée des sens reste ininformée, c’est parce qu’ils savent d’instinct se mettre dans l’état psycho-physiologique favorable et nécessaire à ce mode extrasensoriel de la connaissance. Cela, bien entendu, n’est pas une explication, ce n’est qu’une simple constatation, mais constante.

On a appelé transe cet état (transire : passer d’un état à un autre) : mot prudent parce qu’il étiquette sans prétendre expliquer. Suivant les clairvoyants, cet état est visible ou inapparent. On peut espérer que, quand on aura découvert en quoi il consiste, on saura soit le perfectionner chez ceux qui l’ont à petit degré, soit le provoquer chez beaucoup d’êtres, ce dont il découlerait une abondance, une diversité considérable de la production des faits et, du même coup, un impétueux mouvement d’étude. C’en serait fini des indifférents, des négateurs systématiques, des hostiles, des entraveurs du travail d’autrui. L’humanité pratiquement intéressée comprendrait que c’est dans cette direction qu’est sa seule chance d’être fixée sur le sort ultérieur des individus.

Si nous ne savons pas encore par quel processus psychologique les sujets, qui ne le savent pas mieux que nous, réalisent l’état de transe, nous savons ce que détermine psychologiquement cet état. Son principal effet est de révéler chez « l’entransé » un plan de l’esprit doué de propriétés de connaître le réel, tout autres que celles des zones mentales objets de la psychologie classique. La raison devient passive, elle attend que l’information surgisse des profondeurs de l’esprit.

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Un autre effet de la transe est que la pensée intérieure qui exprime la connaissance venue par voies extrasensorielles est le plus souvent, sinon toujours, hallucinatoire : les sujets voient, entendent, parlent impulsivement, etc. Et — fait intéressant qui nous ramène aux débuts de cet exposé — ils témoignent, dans cet état de transe, d’une mémoire intégrale. Ils n’y oublient rien de ce qui est venu à leur esprit dans les états similaires antérieurs ; certains mêmes semblent pouvoir s’y souvenir de tout ce qu’ils ont vécu. Parmi les sujets clairvoyants que j’ai longuement étudiés, deux m’ont particulièrement instruit à cet égard. Que l’on en juge.

L’un d’eux, Mlle de Berly, avait l’état de transe si facile qu’il faisait partie de sa vie mentale courante. Chez elle, la perception, le raisonnement, la connaissance extra-sensorielle étaient si étroitement mêlés qu’il était impossible, dans la conversation, de démêler la part de chacun de ces facteurs.

Conversant avec un inconnu qu’on venait de lui présenter, elle semblait tout aussitôt échanger avec lui des souvenirs communs ; elle parlait des lieux qu’il habitait, des choses et des gens avec lesquels il vivait ou avait vécu, comme si elle avait fait elle-même partie du même milieu et cela avec, parfois, de si précis détails que l’interlocuteur déclarait à tout instant, étonné, que c’était vrai et qu’il l’avait oublié.

Mlle de Berly n’oubliait rien de ces conversations avec tous ceux qui l’approchaient car, en ce cas, le travail de son esprit n’était que pour une petite part celui du plan d’activité dont nous avons la direction. Il lui advenait de cela une impérieuse nécessité de s’isoler des gens et de vivre quasi cloîtrée. L’ordinaire fréquence des contacts avec autrui l’eut tôt épuisée.

M. de Fleurière avait une mémoire de transe — sa transe était inapparente — de même infaillibilité. En voici un exemple. Un jour je lui amenai pour buts de clairvoyance, une dame de lui totalement inconnue et dont la vie sortait du commun. Il donna sur sa personnalité et sur les événements cardinaux de sa vie des indications nombreuses et précises. Ce fut un impressionnant succès. Ma secrétaire, comme à l’habitude, écrivit exactement les paroles du sujet.

Quelques jours après, étant à nouveau chez M. de Fleurière, je lui demandai s’il lui était possible de redire mot à mot ses paroles d’une séance antérieure. « C’est très facile », me répondit-il. Je le priai alors de refaire textuellement la séance concernant la dame que je lui avais amenée. Il prit un temps pour se mettre en l’état dans lequel sa faculté de clairvoyance entre en jeu, puis il parla, cependant que j’écrivais ce qu’il disait. A remarquer qu’entre le jour de la séance et celui de sa reproduction, M. de Fleurière avait fait des dizaines de séances sur d’autres personnes. Quand, rentré chez moi, je comparais le deuxième texte au premier, je le trouvai exactement semblable. Mêmes mots et dans la même rigoureuse succession, sans aucune omission, sans aucun ajout, sans la moindre modification.

Les clairvoyants n’ont pas, dans l’ordinaire pratique de leur vie, cette mémoire de rappel impeccable. Ils ne la trouvent que dans l’état hypnoïde dit de transe. Or, cet état est le même qui met chez eux en jeu le plan de l’esprit par lequel ils prennent connaissance de la réalité dans le temps et l’espace, en des conditions où leurs sens et leur raison restent inactifs et seraient d’ailleurs ininformés.

Comme, de toute évidence, cette faculté de connaissance extra-sensorielle n’est pas une possibilité du cerveau, lequel ne saurait rien percevoir d’un lointain passé et du futur, on peut supposer que la mémoire d’enregistrement total est un attribut de ce même plan de l’esprit qui, chez les clairvoyants, communique avec ce qui « sait » la vie et, peut-être, en fait partie ; plan de l’esprit qui, chez chacun de nous, connaît notre rôle dans toute la vérité de l’accompli et dans ce qui reste à en jouer.

C’est cette partie vraisemblablement fondamentale de notre être, cachée derrière l’exercice « cérébralisé » et semblant transcender la matière, que Maeterlinck appelait l’hôte inconnu. Et c’est en conséquence d’une profonde compréhension de cela que l’écrivain Jules Bois se plaisait à dire : l’au-delà est en nous.

Eugène OSTY


[1] Joseph Treyre connut la célébrité entre les deux guerres. Ce clairvoyant se servait d’un pendule de son invention ; la boule était suspendue à la barre horizontale d’une sorte de trapèze et il suffisait à Joseph Treyre de mettre un doigt sur la barre pour susciter des mouvements significatifs de la boule. Le Docteur Osty estimait que ce clairvoyant aurait pu se passer de cet intermédiaire.

[2] L’abbé Mermet, encore un clairvoyant utilisant la baguette ou le pendule pour susciter la mise en œuvre de certaines facultés paranormales. L’abbé Mermet opérait à distance. Il a découvert des dizaines de personnes disparues. Sa réputation eut été universelle si les moyens actuels de diffusion — par radio et télévision notamment — avaient existé.

[3] C’est la mort de son fils qui déclencha des Phénomènes paranormaux chez Pascal Forthuny, journaliste, peintre, romancier  et poète. Il fut, entre les deux guerres, un des principaux sujets d’expérience de l’Institut Métapsychique International. Il était aussi le premier au monde à réaliser l’expérience de la « chaise vide » consistant à décrire, à l’avance, les traits — caractériels ou autres — du futur occupant d’une chaise tirée au sort parmi les autres chaises de la salle de conférence.