Critique de l’église Catholique du début du 20e siècle parfois dépassée… 3M
(Revue Être Libre. No 1. Janvier 1936)
Il y a des lois biologiques universelles auxquelles aucun être individuel ou collectif, aucun organisme, ne peuvent se soustraire sous peine de destruction plus ou moins rapide. Le catholicisme a violé ces lois éternelles, et, en faisant ainsi, il s’est condamné lui-même irrémédiablement.
Le rôle important joué par le catholicisme depuis près de deux mille ans rend extrêmement intéressante l’étude des causes de son affaiblissement actuel, prélude d’un écroulement définitif, que ne dissimuleront pas longtemps des apparences qui peuvent être comparées à une légère couche de chaux sur un mur profondément lézardé.
Nous allons donc examiner impartialement les causes profondes qui conduisent inéluctablement le catholicisme à sa disparition.
Ces causes, diverses dans leurs formes et dans leurs manifestations, ont cependant une seule commune origine : l’erreur.
Il est malheureusement trop aisé d’aveugler les individus, et de leur faire accepter comme vrai ce qui est faux. Mais la Vérité seule est éternelle et inaltérable ; tout ce qui est en opposition avec elle est voué à la défaite et à l’oubli.
Tous les temples obscurs, bâtis sur le sable mouvant de l’erreur et du mensonge, s’écrouleront les uns après les autres. Seuls subsisteront les lumineux édifices construits sur le dur et indestructible rocher de la vérité.
La première vérité humaine, c’est la vie ; car en réalité nous ne connaissons et nous ne possédons pas autre chose.
Or, le catholicisme s’appuie, non sur la vie, mais sur la mort.
L’enfant qui vient au monde est baptisé immédiatement en vue des derniers moments de sa vie.
Le catholicisme ne considère la vie, que comme une longue préparation à la mort, ses textes en font largement foi. Aussi recommande-t-il à ses fidèles le détachement, non seulement, des biens temporels, mais le renoncement même aux plus pures, aux plus naturelles, aux plus nobles joies que la vie comporte.
Il est fort regrettable, pour la bonne réputation du catholicisme, que cette thèse soit si favorable à ses intérêts moraux et matériels. Mais, en allant même jusqu’à supposer qu’il soutienne cette théorie de bonne foi, il n’en reste pas moins vrai qu’elle est antinaturelle et contraire à la vérité.
N’est-ce pas le Formateur de l’homme, que le catholicisme réclame comme son Dieu, qui a mis au cœur de l’homme l’amour de la vie terrestre et la possibilité de ressentir toute l’allégresse et la grandeur qu’elle renferme? N’est-ce pas aux heures où nous nous ouvrons à l’Intelligence et à l’Amour que nous prenons conscience de l’infinie grandeur universelle? Dans les moments de pur enthousiasme, où nous vivons pleinement, nous nous sentons vraiment sur le chemin de la Vie Éternelle.
Il n’y a pas d’autre moyen de préparer l’avenir que de s’attacher entièrement au présent et de réaliser de notre mieux les plus hautes possibilités de l’heure qui passe. Il n’y a pas d’autre moyen de préparer la vie éternelle que de réaliser les plus grandioses possibilités de la vie terrestre.
Tout homme a été formé pour vivre et non pas pour mourir.
Tout son espoir, pour le présent comme pour l’éternité, réside dans la plénitude de la vie équilibrée et harmonieuse, dans la plénitude de la tendresse mutuelle, dans la plénitude de l’exercice de ses droits et de ses devoirs librement reconnus et acceptés.
Le catholicisme, par un effort incessant et subtil, poursuivi pendant des siècles et des siècles, a remplacé l’amour de la Vie par le culte de la mort.
Par de terribles menaces ou par de vaines promesses, il a conduit les hommes à renoncer à leur droit à la Vie, au bonheur et à l’espoir. Mais plus profonde est l’erreur, plus éclatante est la victoire de la Vérité.
Assurément, l’humanité retrouvera l’amour de la Vie un instant enseveli sous le voile de la mort que le catholicisme a toujours maintenu entre les hommes et le soleil de la joie.
Déjà de nombreux symptômes annoncent que cette joyeuse lumière de l’espérance se lève sur l’humanité. Partout les hommes luttent, non pour leur droit à la vie céleste, mais pour leur droit à la vie terrestre.
La résignation, qui est une des premières vertus du fidèle catholique, apparaît dans toute son horreur et dans son indignité. Tant qu’il lui en reste la moindre possibilité, l’homme a le droit et le devoir de lutter contre tout ce qui le fait souffrir ou l’opprime…
Depuis deux mille ans, le catholicisme a maintenu sur les épaules humaines le fardeau écrasant et humiliant de la résignation. Il connaît la valeur de cette arme puissante qui lui échappe et il tremble qu’elle ne lui soit bientôt et définitivement arrachée.
Il est une autre arme dont le catholicisme redoute par dessus tout la perte, c’est l’ignorance. Il sait qu’il n’a pas de plus terrible adversaire que l’Intelligence et la connaissance ; et tous les moyens lui sont bons pour leur faire obstacle.
D’après lui, n’est-ce pas pour avoir voulu manger du fruit de l’arbre de la connaissance que le premier homme et la première femme ont été maudits et chassés du paradis terrestre ?
A l’exemple de ce dieu, toujours et toujours, au cours des âges, l’église a poursuivi et persécuté ceux qui favorisaient par l’exemple ou par la parole la libre recherche intellectuelle et l’acquisition de la connaissance.
C’est que le catholicisme ne peut pas vivre, ne fût-ce qu’un instant, dans la claire lumière de l’intelligence.
La plus grande partie de ses affirmations et de sa doctrine ne peut résister à l’examen de la logique ni de la raison.
C’est pourquoi ses disciples doivent courber la tête sous le joug implacable de la foi et de la croyance, sans pouvoir oser même aspirer à la liberté intellectuelle qui fait la valeur de la vie.
Pour atteindre son but, l’église catholique n’a reculé devant aucun moyen. Elle a cherché à détruire, et elle a souvent détruit, les registres, les manuscrits et les bibliothèques les plus précieux, ou à s’en emparer par la force ou par la ruse. La bibliothèque du Vatican renferme encore, et combien cachés, quelques restes de ces vols.
Puis les textes authentiques ont été déformés, falsifiés, par exemple dans les forteresses-couvents du moyen-âge, en vue du soutien de la puissance intellectuelle et morale du catholicisme. Certes ces textes mutilés renferment cependant encore de réelles beautés. Ils manifestent parfois encore la grandeur de leur origine; aussi la suprême habileté du catholicisme a été justement d’utiliser à son profit le prestige des textes authentiques, tout en les modifiant de façon à servir ses propres desseins. Suprême habileté ; et aussi suprême tromperie! que des membres de l’église elle-même, comme Loisy, ont découverte et dénoncée courageusement.
Il faut un réel courage pour dévoiler les mensonges du catholicisme. Car ses représentants n’ont jamais hésité et ils n’hésitent pas encore à exercer les pires persécutions et les pires représailles contre ceux qui les gênent. L’assassinat même lui paraît un procédé convenable pour le service de son dieu. L’histoire en relate de nombreux exemples ; mais combien plus nombreux les coups portés dans l’ombre, directement ou non, par les mains de l’église ! Combien de crimes, combien de pogroms, combien de massacres ont été couverts de sa bannière I
Les deux mille ans du règne du catholicisme ont laissé de nombreuses empreintes rouges sur les sables du temps. Pour le sang ainsi versé, il n’y a aucune rémission. Aucune confession, aucune absolution, ni terrestre, ni céleste, ne peuvent sauver le catholicisme ni ses exécutants du poids de leurs crimes et de leur implacable cruauté.
Non content d’assouvir ses haines, d’attaquer ou de se venger lâchement, non content de maudire et de punir, le catholicisme a fait aussi de son dieu un dieu de menaces, de vengeance et de haine. Suprême et inconcevable sacrilège ! Comment ce dieu, si puissant que « rien n’arrive dans le monde sans son ordre ou sa volonté » a-t-il pu condamner ses formations à une vie de douleur et de souffrances, à l’ignorance et à la mort ? Quel néfaste narcotique a pu obscurcir assez l’intelligence et l’âme des hommes pour qu’ils aient pu admettre que Dieu, Dieu lui-même, ait prononcé (?) des paroles telles que celles-ci : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, car la terre ne produira pour toi que des épines et des ronces… Tu enfanteras dans la douleur… etc., etc. »
Comment des pères et des mères, qui donneraient leur vie pour le bonheur de leurs enfants, peuvent-ils entendre de pareilles horreurs sans défendre leur Dieu insulté ?
Et ce n’est pas tout.
En présence de la réalisation de ces condamnations effroyables, en présence de la faiblesse humaine, au spectacle des épreuves et des souffrances de ceux qu’il a mis sur terre, et qui sont son œuvre, ce dieu demeure impitoyable. Il est inaccessible à la compassion. Plus encore, les punitions terrestres lui paraissent insuffisantes : il lui faut une punition ÉTERNELLE : « Allez, maudits, au feu éternel ». Des souffrances sans fin, une agonie sans limite, voilà donc la suprême manifestation de cette toute-puissance divine ! Voilà ce qu’attend ceux qui parfois se heurtent aux obstacles mis sur leur route par ce dieu lui-même, puisque chaque jour des millions de ses fidèles lui répètent inlassablement « ne nous induisez pas dans la tentation ».
Et la vengeance divine n’est pas encore assouvie : l’enfant de homme naît inexorablement coupable, en état de péché, maudit lui-même et criminel. Ainsi ce dieu apparaît comme un juge et comme un bourreau, que rien ne peut émouvoir excepté la plus stérile adoration et la crainte la plus servile.
Il ne faut pas voir dans ces affirmations odieuses du catholicisme, qui ne recule devant aucun blasphème, l’effet d’une intelligence morbide ou d’une imagination malade. Non; il faut y voir une audace inouïe au service de puissances qui ne considèrent que la réussite de leur plan et le triomphe de leurs intérêts.
Et cela est tellement vrai que, à côté de la crainte de l’enfer, elles ont inventé la rémission des péchés par les membres du clergé. Ici la supercherie est claire : après avoir littéralement affolé les soi-disant pécheurs et on serait affolé à moins l’église leur offre une porte de salut : la confession, l’absolution et la pénitence, d’autant plus commodes qu’elles peuvent se répéter indéfiniment.
« Hors de l’église point de; salut », paroles cyniques qui révèlent trop bien leur but intéressé ! Cette promesse d’absolution à l’infini, qui parfois s’achète avec de l’argent, est contraire à toute morale. Elle est génératrice de vice et d’injustice ; elle encourage la lâcheté et elle conduit directement à de nouvelles fautes.
Il n’y a pas de véritable pardon possible sans réparation ni effort réel et efficace en vue d’une action meilleure. Quelle dérisoire moquerie que ce pardon des torts faits à autrui par un tiers qui n’en a pas souffert. Pardon facile, en vérité !
Et par quelles pitoyables mains s’exerce ce grand pouvoir ? Ces pauvres enfants conduits à la prêtrise par des parents soucieux d’assurer à leurs enfants une situation facile, ou par quelque curé ambitieux ou trop zélé, ne sont que bien rarement doués de facultés transcendantes. Sujets eux-mêmes à l’erreur, à la défaite morale et au mensonge que leur impose une règle impraticable, qu’ils n’auraient jamais acceptée librement et en connaissance de cause, ils n’apparaissent pas comme de réels rédempteurs ou purificateurs.
S’il lui était si facile, par le seul intermédiaire de ses prêtres, d’accorder aux hommes repentants la rédemption répétée de leurs péchés, pourquoi donc le dieu du catholicisme a-t-il, pour la soi-disant rédemption des hommes, laissé mourir sur un gibet son propre fils, dieu-incarné, qui le suppliait de le sauver et de lui épargner l’horreur de la crucifixion?
Il n’y a dans le catholicisme ni justice, ni charité, ni intellectualité, ni logique, mais il y a une grande suite dans les idées. Car le but poursuivi depuis des siècles et des siècles n’a jamais varié : le catholicisme veut à tout prix asservir les mentalités et les âmes, comme il veut s’assurer les richesses matérielles.
Pour cela aussi tous les moyens lui sont bons. Combien pleine de sens est la parole de Goethe, dans Faust : « Il n’y a que l’église qui puisse digérer le bien mal acquis ».
Si grand et si réel que soit le pouvoir de la richesse, il ne suffira pas à sauver l’église catholique de la destruction à laquelle la condamnent à la fois la doctrine même du catholicisme et la façon d’agir de ses représentants. La politique et la religion se sont toujours prêté un mutuel appui ; elles ont plus ou moins ouvertement marché la main dans la main ; mais l’heure a sonné où les hommes les condamnent l’une et l’autre et luttent pour secouer leur double joug.
Les nefs les plus imposantes menacent de s’écrouler ; le navire fait eau de toutes parts : la Vérité est en marche et nous assistons à un grand réveil de l’Intelligence. Certes, le duel monstre à tête d’hydre de la politique et de la religion se débat, dans un dernier sursaut, avec l’énergie du désespoir.
Mais déjà il est trop tard : aucun pouvoir, terrestre ou autre, ne peut arrêter la marée de l’évolution qui monte irrésistiblement. Quoi qu’il imagine, quoi qu’il fasse, le catholicisme est perdu, parce que nulle puissance au monde ne peut protéger une individualité contre elle-même.
Quand la lumière est partout victorieuse, il n’y a aucune place pour les serviteurs de l’obscurité et de l’ignorance.
De plus en plus, les hommes sentiront et comprendront que, selon l’ancienne parole : « Nos vies plutôt que nos cantiques évoquent les Dieux que nous servons ». Ils sauront que le seul Temple digne de la Divinité c’est notre être intérieur au service de la Vérité et de la Justice et que notre idéal le plus haut et le plus pur est notre Dieu lui-même.
Dr de Rofia, Directeur de la Revue Cosmique